Catégories
EN COURS DE REFORMATAGE

Philippe Saire, distrait chorégraphe.

 

Une fois de plus, le divertissement se mue en danse. Après les foireuses Hivernales d'Avignon sur le rire en février dernier, le choc salutaire de Maguy Marin à Montpellier Danse en 2006, j'ai l'impression d'un déjà vu avec Philippe Saire, chorégraphe Suisse invité au Pavillon Noir d'Aix en Provence pour « Est-ce que je peux me permettre d'attirer votre attention sur la brièveté de la vie ? ». Deux jours après, les images sur se spectacle se téléscopent sans qu'un sens émerge, me plongeant dans un flou bien peu créatif. Pourtant, son intention mérite le respect en ces temps où le divertissement envahit la sphère médiatique, politique, voire intellectuelle. En effet, Philippe Saire souhaite « décortiquer les mécanismes de notre soif de distraction, moteur fascinant de nos vies et besoin universel ».
home-creation2006.JPEG Tout débute joliment : une femme en robe rouge de gala, nous offre une émouvante mise à nu (symbolique) où la danse est en empathie avec le public. Ainsi, le divertissement se veut complexe, au croisement du lâcher ? prise et de l'émotion. Suivent alors plusieurs séquences qui rappellent ce qui pouvait nous émerveiller et nous effrayer enfant (le noir, le blanc, les déambulations du corps pour apparaître et disparaître,?). Au cours des quinze premières minutes, je me sens en apesanteur, comme si les mécanismes décrits par Philippe Saire donnaient une vision poétique et apaisée, à l'image d'un divertissement intelligent sur le divertissement. Mais progressivement, je retombe à la triste réalité des mécanismes répétitifs de la caricature au détriment de la beauté du geste. Philippe Saire se repose sur les règles du divertissement pensant qu'elles font sens rien qu'en les utilisant. Les postures clownesques, les numéros opposant les hommes et les femmes, les rictus et mouvements binaires se succèdent loin d'un début qui positionnait l'émotion et la réflexion au c?ur de son intention. Le spectateur n'a plus qu'à se laisser porter, comme un paresseux qui applaudit à chaque fin de tableau (signe qu'il colle au propos).
À défaut de nous décrire les ressorts du divertissement, Philippe Saire les joue, les répète, les montre à voir, mais semble incapable d'aller plus loin. Au final, le public applaudit chaleureusement un beau divertissement. À première vue, c'est réussi. À la question posée par le spectacle, mon attention est déjà partie ailleurs.

Pascal Bély
www.festivalier.net

 

 

?????? « Est-ce que je peux me permettre d'attirer votre attention sur la brièveté de la vie ? » de Philippe Saire a été joué le 26 avril 2007 au Pavillon Noir d’Aix en Provence.

 

Catégories
EN COURS DE REFORMATAGE

À saisir, duplex dans un Pavillon Noir.

Avec « Duplex » de Josette Baiz, le Pavillon Noir d'Aix en Provence est cohérent avec l'ensemble de sa programmation, plus proche d'une compilation d'?uvres assez mineures que de prises de risques assumées. Dédié « lieu de la danse», ce Pavillon navigue à vue sans ambition artistique. Une partie du public continue d'applaudir bruyamment comme s'il récompensait une prestation de la « Star Academy », alors qu'une autre salue, sans enthousiasme débordant. Paradoxalement, Aix en Provence semble devenir une ville fermée à une danse plus exigeante, rarement ouverte vers l'Europe (pour cela, il faut se rendre à Marseille, Martigues ou Cavaillon) et surtout privilégiant les ?uvres ou les auteurs reconnus médiatiquement. « Duplex », c'est neuf danseurs isolés dans un lieu clos et blanc au c?ur de ce Pavillon Noir, lieu retranché à quelques semaines de la fin de sa saison. Si le thème est ambitieux, le résultat est prétentieux. À aucun moment, Josette Baïz ne donne une puissance à sa chorégraphie, s'enfermant dans une mise en espace répétitive. Les danseurs se fracassent sur les murs comme s'ils ne pouvaient jamais aller au bout de leur propos. Alors, on gesticule beaucoup, on habite la danse de cris, de mots censés accentuer l'enfermement (en allemand, des envies de nourriture en français impossible à satisfaire). Ce « loft story » dansé fait mal à voir pour ces artistes qui méritent sûrement mieux. Ils sont réduits à mimer les pulsions au détriment de mouvements porteurs d'intelligence collective.

À l'issue d'une heure bruyante sans émotion, le Pavillon retrouve sa noirceur et je repars libre de cet enfermement de pacotille.

Pascal Bély
www.festivalier.net

Catégories
PAS CONTENT

Pour la France de Madame Ségolène Royal.

Willem nous a proposé hier dans le Journal Libération la vision d'électeurs de gauche sur le pays de Ségolène Royal. Beau pays?Ce sera ma France.

Ce sera ma France, dirigée par une femme, portée par une vision ouverte sur l'Europe.

Ce sera ma France, redevenue ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être : un pays qui replace l'humain au c?ur de tout.

Ce sera ma France dirigée par une femme issue du désir des Français et non crée par l'appareil d'un parti verrouillé par une approche masculine du pouvoir.

Ce sera ma France, métissée, reliée, où l'enfant fera l'objet de toutes les attentions et tous les projets éducatifs transversaux.

Ce sera ma France, pays des créateurs de toutes sortes où le Web 2.0 est le support de nouveaux liens sociaux.

Ce sera ma France, celle qui protège, sécurise, ouvre les possibles.

Ce sera ma France, celle qui met en réseau les expériences innovantes en Europe.

Ce sera ma France, celle des femmes, accompagnées par des hommes ouverts à la complexité.

Ce sera ma France, dansante, à l'image du pays d'Anne Teresa De Keersmaeker.

Ce sera ma France celle où les artistes sont les éclaireurs de notre terre patrie.

Catégories
EN COURS DE REFORMATAGE

Le Théâtre du Merlan manque d’Oxygene.

En quittant le Port Autonome de Marseille, je me doute bien que mon blog m'aiderait à structurer ma pensée. Il est 22h et je ne ressens rien, pas d'affect, juste une douce confusion qui semble ne pas perturber l'agencement de mes neurones. Le Théâtre du Merlan de Marseille vagabonde toujours, de lieu en lieu, dans l'attente de la réouverture de sa salle rénovée. Il a choisi le décor improbable du Port pour installer la petite troupe de Galin Stoev, metteur en scène de la compagnie Fraction, basée à Bruxelles. « Oxygene », texte du russe Ivan Viripaev, est jouée dans une gare d'embarquement avec pour paysage, les grues, la mer, les mouettes.

 

Emitoufflée dans la couverture, j'assiste intéressé à cette mise en scène pour le moins décomplexée. La pièce évoque ce que sont devenus les dix commandements de Moïse à l'heure du terrorisme mondial, de la globalisation et du vide affectif que vivent des millions de couples. De l'infiniment global à l'infiniment petit, la pièce fait des allers ? retours incessants qu'un duo d'acteurs (prénommés Sacha et Sacha) animent, accompagnés d'un DJ collé à son iMac, et d'un troisième, assis au fond de la scène, à la fois bruiteur et perturbateur. Pendant plus d'une heure, les mots s'accélèrent pour se perdre et se télescoper. Je cède à plusieurs reprises et seul Antoine Oppenheim me relie au texte. Il est charismatique lorsqu'il épouse les mots avec son corps, et vous fixe d'un regard appuyé pour ne pas vous lâcher. La scène où, allongé à terre, il évoque son impuissance sexuelle avec Sacha, est éblouissante, touchante d'humilité. C'est d'ailleurs l'un des rares moments où nous prenons un peu d'oxygène. En effet, cette mise en scène s'articule au rythme donné par la forme (debout, micros à la main, fond sonore déstructuré) au détriment de la musique des mots. Je m'interroge sur ce choix alors que ces deux acteurs sont si beaux, comme s'il fallait masquer l'impuissance (sic) de Galin Stoev a créer son art transdisciplinaire à l'image de la danse, qu'il ne fait qu'effleurer. Au final, la prouesse des comédiens empêche d'apprivoiser le texte d'Ivan Viripaev et j'ai la « douce » sensation d'être définitivement lâché lors du dernier tableau. A vouloir coller à la modernité, Galin Stoev en a oublié l'essentiel : notre cerveau est humain, pas encore i-podisé.

Pascal Bély
www.festivalier.net

 

Revenir au sommaire Consulter la rubrique théâtre


 

 

Catégories
EN COURS DE REFORMATAGE

Lljir Sélimoski, théâtralement modifié.

Il me faut fuir les propos nauséabonds d'un candidat à l'élection présidentielle. À chaque phrase sur la génétique ou sur l'identité nationale, il salit les consciences, piétine l'intelligence et fait de son inculture une vérité qu'il assène, signe de son impuissance à comprendre la complexité. Il me faut m'évader, juste une heure. Ce soir, le Théâtre des Salins de Martigues sera mon refuge. À peine entré, la directrice du théâtre (Anette Breuil) s'avance vers moi pour me parler de la production qu'elle présente. Elle me raconte la genèse de la pièce. C'est une belle histoire : ses mots, ses gestes, le ton de sa voix traduisent un engagement d'une femme de culture, courageuse, à l'écoute du monde et des artistes. Notre dialogue est un pied de nez à la société prônée par Sarkozy. Ce soir, le Théâtre des Salins est mon théâtre. Notre France.

 

Pendant deux ans, Lljir Sélimoski, « né au bout des pistes d'Orly », a partagé devant les passants, à la gare d'Uzès, dans les rues de Paris, le texte de Bernard ? Marie Koltès, « La nuit juste avant les forêts ». Ce texte évoque un homme qui parle de son univers de banlieue et de sa quête d'amour. Pour passer de la rue à la scène du Théâtre des Salins, Lljir a rencontré le regard bienveillant de Jean-Louis Trintignant le recommandant auprès d'Annette Breuil qui lui choisit la metteuse en scène Catherine Marnas. A eux quatre, ils formèrent une jolie chaîne qui permit pendant deux années de métamorphoser Lljir en comédien. Habité par le texte de Koltès, il devra dorénavant faire de la scène son décor imaginaire. Au final, le résultat est prodigieux  

Il est là, face à nous, marchant sur l'eau (magnifique décor). Nous voilà plongés au sous-sol de ce théâtre pour nous immerger dans le texte de Koltès, pour approcher la métamorphose de Lljir (l'un est dans l'autre et inversement). Ce double regard est tout de même exceptionnel au théâtre, où l'auteur transforme la vie de l'acteur ! Quelle belle métaphore de ce que la culture peut faire. C'est ainsi que j'écoute le destin de Lljir pour ressentir la puissance de Koltès. De le voir faire ses ronds dans l'eau, de l'entendre décliner ce texte, alors que la vidéo projette notre environnement urbain et nos silhouettes (de spectateurs ?), tout semble fait pour que nous approchions Lljir, là ou la rue nous l'éloigne. Catherine Marnas lui donne de la voix, guide son corps au gré des rencontres. Elle l'habite d'amour quand il n'y croit plus ; elle l'ouvre lorsque les murs l'enferment. Elle réussit à ne jamais nous distancer de son histoire comme si elle hésitait à le conduire comme un comédien. C'est alors que la fragilité de la mise en scène est une force et fait de « La nuit juste avant les forêts » un manifeste d'humanité.
Votons!


Pascal Bély
www.festivalier.net

 


Vous avez vu ce spectacle? Nous vous invitons à participer au palmarès du blog Scènes 2.0 en votant ici!


?????? “La nuit juste avant les forêts” de Bernard-Marie Koltès a été joué le 10,11 et 12 avril 2007 au Théâtre des Salins de Martigues.

Revenir au sommaire Consulter la rubrique théâtre


 

 

Catégories
EN COURS DE REFORMATAGE

La Saison 2006 – 2007 du Tadorne.

 

Pour lire les critiques, cliquez sur le nom de la pièce.

??????

Guerre et paix Théâtre de la Criée.
Concert de Dominique A Théâtre des Salins.
“Gente di plastica” – Pipo Delbono – Théâtre des Salins.
Picket klunchun and myself – Jérôme Bel Théâtre des Salins.
“Walsa – Entrelacs” Héla Fattoumi et Eric Lamoureux” – Théâtre d’Arles.
“La cantatrice chauve” – Jean-Luc Lagarce – Théâtre d’Arles.
“Empty Moves” Angelin Preljocaj – Pavillon Noir.
Epilogos, confessions sans importance. Brigitte Seth et Roser Monttlo Guberna, Festival Faits d’Hiver.
IndigoPaco Decina-Festival Faits d’Hiver.
SWAN LAC – Andy de Groat – Festival des Hivernales.
Steve Reich Evening – Anne Teresa De Keersmaeker – Scène Nationale de Cavaillon.
May B Maguy Marin – “Danse en Mai ” – La Penne sur Huveaune.
And Then – Eszter Salamon – KunstenFestivalDesArts – Bruxelles.
Five days in march – Toshidi Okada / chelfitsch – KunstenFestivalDesArts – Bruxelles.

??????

Concert de Jean-Louis Murat – Espace Julien – Marseille.
Long life” – Nouveau Théâtre de Riga- Théâtre des Salins.
“Le revizor” – Nicolas Gogol – Théâtre des Salins.
La nuit juste avant les forêts – Catherine Marnas- Théâtre des Salins.
Richard Siegal- Pavillon Noir.
“Hamlet”Hubert Colas – Théâtre de la Criée.
Belladonne– Evénement chorégraphique – Théâtre du Merlan. Marseille.
Le spectacle dont vous êtes le héros Pierre – Johan Suc et Magali Pobel,Festival Faits d’Hiver.
Regarde maman, je danse – Frank Van Laecke..Théâtre d’Arles.
“Petit psaume du matin” – Joseph Nadj -Théâtre d’Arles.
Danse de Pièze – Hélà Fattoumi et Eric Lamoureux – Théâtre d’Arles.
IT’S ONLY A REHEARSAL Ina Christel Johannessen – Festival des Hivernales.

??????

« Santa Sofia, el solo d'una ignorant » de Sofia Asencio! Festival Dansem.
“Le pur Hasard” – Nazera Belaza – Festival Dansem.
«Poussée» de Nejib Ben Khalfallah- Festival Dansem
Bien des choses” – François Morel et Olivier Saladin – Théâtre des Salins.
“Held” – Australian Danse Theatre – Théâtre des Salins.
Tonight! Josette Baïz – Festival Faits d’Hiver.
Je ne suis pas un artiste.Geisha Fontaine / Pierre Cottreau, Festival Faits d’Hiver.
Taxidermie – Compagnie “Projet in situ” – Théâtre du Merlan.
Oxygene Autonome de Marseille / Théâtre Le Merlan,
My dinner with André – TG Stan – Théâtre d’Arles
A quoi tu penses? .Dominique Boivin – Festival des Hivernales.
IN THE WIND OF TIME Isabella Soupard – Festival des Hivernales.
REPRODUCTION INTERDITE – Bruno Pradet – Festival des Hivernales.
Pas de deux – Rita Cioffi – Montpellier Danse.
The N.Y.C. Players – Richard Maxwell – KunstenFestivalDesArts – Bruxelles.
Telling Stories – Mpumelelo Paul Grootboom –
KunstenFestivalDesArts – Bruxelles.
Annonciation” – Angelin Preljocaj – Pavillon Noir – Aix en Provence.



???
???

La favola Esplosa de Giorgio Rossi – Théâtre d’Arles.
Manu Katche’s Neighourhood Théâtre du Jeu de Paume.
Des gens qui dansent – Jean – Christophe Gallotta – Pavillon Noir.
Centaures” – Angelin Preljocaj – Pavillon Noir – Aix en Provence.
Electre – Philippe Calvario – Théâtre de Chateauvallon.
Holeulone – – Karine Ponties- Festival des Hivernales.
The ice – Alvis Hermanis / New Riga Theatre – KunstenFestivalDesArts – Bruxelles.

??????

U.I.A.R – Andréa Sitter – Festival des Hivernales.
WHAT YOU WANT ? Thomas Lerbrun – Festival des Hivernales.
Tragedy ou la nécessité des clowns dans l’humanité – Cartoon Sardines Théâtre – Théâtre du Gymnase.
Philippe Saire (création 2006) – Pavillon Noir.

??????

Christian Ubl – Pavillon Noir.
“Noces” – Angelin Preljocaj – Pavillon Noir.
Eldorado (Sonntags Abschied)” – Angelin Preljocaj – Pavillon Noir – Aix en Provence.
Et maintenant il colle son oreille au sol – Thierry Baë – Pavillon Noir.
L’histoire des enfants des voisins d’à côté – Pascal Montrouge – Pavillon Noir.
“Duplex” – Josette Baïz – Pavillon Noir.

“La peau dure” – Compagnie Fraction -Théâtre des Salins.
Matri(k)/s – Abou Lagraa – Théâtre des Salins.
Konnectings Souls – Franck II Louise – Scène Nationale de Cavaillon.
« La surface de divagation » de Montaine
Chevalier et d'Elodie Moirenc. Festival Dansem.

FLUX2 Jean Gaudin – Festival des Hivernales.
“I want to go home”-Guiherme Botelho Festival des Hivernales.
DEROLES Denis Palssard – Festival des Hivernales.
SUPER ! Maria Clara Villa – Lobos Festival des Hivernales.
Miossec en concert – Espace Julien – Marseille.

Bach – Maria Munoz- Théâtre d’Arles.
K.O.D – Isabella Soupart – KunstenFestivalDesArts – Bruxelles


Les Théâtres du Jeu de Paume et du Gymnase casent le public.
Le Pavillon Noir à Aix en Provence et le Théâtre d’Arles ouvrent les territoires du Tadorne.
Les festivals feront-ils le printemps 2007 du bloggeur?


Pascal Bély
www.festivalier.net

Catégories
EN COURS DE REFORMATAGE

Anne Teresa de Keersmaeker, belle de nuit.

La Scène Nationale de Cavaillon accueille la dernière création d'Anne Teresa de Keersmaeker, « Steve Reich Evening ». Ce musicien m'est totalement inconnu et pourtant, il est l'un des pionniers de la musique minimaliste et répétitive. Une fois de plus, la danse m'ouvre un nouveau territoire pour m'enrichir de sensations qui forgent pas à pas ma culture transversale.
Tout commence étrangement. Deux micros pendent du plafond pour frôler deux enceintes posées au sol, dans un mouvement de balancier qui va durer dix minutes.
A chaque extrémité de la scène, deux danseurs assis fixent ces allers ? retours mécaniques. Mes yeux suivent les micros, se détachent et je plonge dans une confusion où je ne maîtrise plus mes sens. Hypnotisé, cette séquence me prépare à accueillir avec ouverture quatre autres tableaux. Fatigué, j'entre pour ne plus en sortir.
C'est ainsi qu'Anne Teresa de Keersmaeker nous propose une des danses les plus articulées à un univers musical. Tout est une invitation à circuler, à s'arrêter, pour mettre le temps en sourdine, à l'arrêt comme autant de secondes volées à la vitesse de nos sociétés modernes. L'espace scénique est délimité en plusieurs bandes, telles des notes de solfèges accrochées aux lignes d'une partition. Il est parfois circulaire pour se laisser envahir par un groupe de femmes ; à d'autres moments, il cherche ses limites à l'image de ce petit groupe d'hommes à l’affût de nouvelles articulations. L'espace est profondément relationnel où le spectateur est inclus, où il peut entrer et sortir à sa guise. C'est une sensation très étrange de ressentir de son fauteuil une telle proximité avec les danseurs. Mais ce n'est pas tout. Anne Teresa de Keersmaeker nous offre un mur où se projettent les corps animés des danseurs montés sur des ressorts mécaniques comme les petites poupées de notre enfance. A d'autres moments, le mur prend les couleurs d'une friche industrielle (déjà remarquées dans sa création « Un soir, un jour »), soulignant l'atmosphère enfermante et pourtant si ouverte de l'?uvre de Steve Reich. Le mur devient alors une fresque où les corps et la musique ne font qu'un. Sublime.
Et puis il y a ces moments de forte intensité où Anne Teresa de Keermaeker s'appuie sur la musique de Steven Reich pour mécaniser les silhouettes féminines, accentuer leurs gestes répétitifs. Mais c'est sa danse qui leur procure la rage pour s'en émanciper. Progressivement la scène est le théâtre d'un monde ouvert, où les femmes guident les hommes vers le chaos pour les arracher à leur rationalité. Ces mouvements deviennent alors cinématographiques et je me sens emporté par la fluidité des rapports humains, par la puissance de leurs intelligences. Tout prend sens : Anne Teresa Anne Teresa de Keersmaeker nous émancipe en nous donnant les clefs pour entendre la musique déconstruite de Steven Reich et pour voir autrement nos sociétés globalisées, porteuses d'ouvertures et animées par des forces créatives.
En quittant le Théâtre, habité par l'énergie de cette ?uvre, j'ai fais un rêve?

Pascal Bély
www.festivalier.net


?????? “Steve Reich Evening” d’Anne Teresa de Keersmaeker a été joué le 31 mars 2007 à la Scène Nationale de Cavaillon.

NB: En juillet 2005, jécrivais mon premier article de danse sur ce blog. C’était pour Anne Teresa de Keersmaeker.

En ce 4 avril 2007, j’écris mon 100ème article de danse. Il est pour elle. La magie des chiffres.