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EN COURS DE REFORMATAGE

En attendant Barack…

1er novembre.
Déjà deux mois et je cherche toujours l’étincelle, le sursaut de créativité, la nouvelle forme, l’événement.
Deux mois et j’aspire à être bousculé, étonné.
Deux mois et j’attends de vous faire partager une émotion, mon engagement pour les artistes.
Deux mois et tout me paraît uniformisé, anesthésié.
Les théâtres et les Scènes Nationales dans la région PACA me semblent ne plus rien avoir à proposer. Les ?uvres assurent la billetterie et rassurent en provoquant le consensus mou. Où est donc passée la prise de risque, la prise de position assumée ? Jamais une rentrée théâtrale ne m’est apparue aussi triste, sentiment accentué par la désertion de la danse de la majorité des programmations.
Alors, je me suis accroché. Au Festival marseillais ACTORAL d’Hubert Colas, l’un des rares metteurs en scène et directeur à assumer quelques prises de risques. J’ai suivi le début des « Rencontres à l’échelle » pour me rassurer qu’il se tramait quelque chose. J’ai fait le voyage jusqu’à Paris pour goûter au théâtre japonais et désirer que le projet de Pascal Rambert pour le Théâtre2Genevilliers puisse un jour s’exporter ici. J’ai rêvé de Marseille, capitale européenne de la culture en …2013
Mais au final, l’ennui. Même mon activité de blogueur m’apparaît bien fade si je la compare à 2007. Je feuillette les programmations et l’envie ne vient pas. Il n’y a pas de projet. Dans un contexte de crise, l’absence de créativité des programmateurs est encore plus visible. Les structures se rassurent comme elles peuvent alors qu’elles se sentent menacées par un pouvoir méprisant. Quant aux spectateurs, nous sommes toujours peu sollicités, sauf quand la menace arrive pour signer des pétitions et alimenter le système en confortant des directeurs « aux pleins pouvoirs ».
Je m’accroche tout en fixant un agenda culturel décidément bien vide. J’écris pour poser un ressenti, tenter de le mettre à distance pour réanimer ma créativité et celle de mes lecteurs , décidément bien silencieux depuis deux mois aussi…

Pascal Bély – www.festivalier.net

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EN COURS DE REFORMATAGE

A « TRAMA» musique low-cost contre théâtre de bonne compagnie.

Avec les low cost, les festivals européens se font plus proches tandis que d’autres, en France, nous éloignent, faute de se renouveler et de jouer leur rôle de défricheurs. Cette année, le jeune festival portugais « Trama » de Porto surprend, avec toutefois moins de force qu’auparavant. En effet, si l’édition 2007 avait réussi le subtil maillage entre danse, performance et musique, 2008 a cloisonné ces disciplines. Les concerts de « Shit and Shine », de Philipp Quehenberger et de Ben Frost ont franchement déçu comme si la performance consistait à pousser le son jusqu’aux limites du supportable. Une musique moderne à bout de souffle, dépassée, repliée pour mélomanes autistes. Nous aurions supporté plus d’audace. Il ne fallait pas compter sur un duo californien (Lucky Dragons) pour relever le défi sauf à accepter d’être plongé dans un mouvement hippie sauce « Nature et Découvertes » ! Il nous aura fallu quitter le festival pour apaiser nos sens : l’Orchestre National de Porto jouait à 18h du Wagner dans la magnifique Casa de Musica !
La surprise musicale nous est venue d’Italie, plus précisément de Sicile avec Ernesto Tomasini, accompagné du bassiste Fabrizio Palumbo. Avec sa voix de chanteur d’opéra, ou de rocker ténébreux, c’est une atmosphère tout à la fois lourde (poids des traditions siciliennes ?) et libérée qui nous est restituée. On s’immisce d’autant plus dans cet univers musical que le charisme du chanteur impressionne, droit dans ses bottes et fragile sous une jupe qu’il retourne sur ses épaules, la transformant ainsi en costume militaire ! À écouter un jour en France…

Côté performances, outre le beau défilé de Blanche-Neige orchestré par Catherine Baÿ, Rebekah Rousi a connu des hauts et des bas avec sa lecture marathon d’un Powerpoint. Appréciée au KunstenFestivalDesArts à Bruxelles en mai dernier, elle a dû affronter le premier jour l’amphithéâtre de l’École des Beaux Arts. Ce changement de décor l’a propulsé comme actrice, masquant la performance sous des effets de scène un peu vains. Le lendemain, elle se montra plus à l’aise dans une salle de cours classique, mais face à un public très clairsemé.

« Jerk », mise en scène par Gisèle Vienne à partir d’une nouvelle de Dennis Cooper a séduit le public portugais et d’une façon générale l’ensemble de la critique européenne. Dont acte. Je me suis ennuyé. Joué en anglais (le français a perdu de sa superbe au Portugal !), je suis passé à côté malgré tout le talent du marionnettiste Jonathan Capdevielle. L’univers de Gisèle Vienne (celui des marionnettes), de la pédophilie, de la violence des textes de Cooper ne me touche pas. Comme en 2005 lors du Festival d’Avignon, je ne me reconnais pas dans ce théâtre qui dicte ce que l’on doit introspecter de ses fantasmes. J’ai un problème avec Gisèle Vienne…

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=0jylzf-tPis&w=425&h=344]

Après Sofia Fitas découverte l’an dernier à Marseille, une autre chorégraphe portugaise surprend.
Tânia Carvaho
promet si l’on en juge par ces trois moments dansés (« Movimentos diferentes, para pessoas diferentes : ?1 Ricardo, ?2 Ramiro, ?3 Bruna »). Trois solos d’une puissance étonnante où le corps fragilisé, tordu, spasmodique dégage la force du modèle face au peintre. Une danse performative, perforante. A suivre en 2009 lors du Festival Uzès Danse.
Porto est en passe de devenir une ligne régulière
.

Pascal Bély – www.festivalier.net

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“Trama” sur Le Tadorne:

Pendant “TRAMA”, Porto, ville assiégée.
A Porto, le festival « Trama » laisse des traces.


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Pendant “TRAMA”, Porto, ville assiégée.

Comment s’imprégner d’une ville? Suffit-il d’en visiter les principaux monuments au risque de n’y rencontrer que ses semblables ? Et si un festival était le voyage permettant l’immersion dans le réel tout en élargissant les frontières ? À Porto, le festival TRAMA (des « Arts Performants ») autorise ce tourisme de l’imaginaire, d’autant plus qu’il investit des lieux improbables. Catherine Baÿ, chorégraphe française, a créé l’événement au cours des trois journées de festivités.
Imaginez seize Blanche – Neige, recrutées à Porto, mitraillettes à la main, qui arpentent les sites symboliques de la ville à pas cadencés, où le bruit des robes jaunes en plastique amplifie l’écho des bottes, de sinistre mémoire. En prenant d’assaut, un samedi matin, le « Mercado de Bolha?o » (magnifique marché traditionnel menacé de destruction pour y implanter un centre commercial), elles quadrillent cet ensemble fragile pour mieux le protéger. Les personnes âgées sont sidérées, apeurées, alors que les plus jeunes mitraillent ces insoumises de leur appareil numérique, arme médiatique par excellence. Tout est danse dans les mouvements de ces femmes, nourris de leur ressenti du contexte et de leur écoute mutuelle pour créer des formes apaisantes et poétiques. Alors qu’elles se dirigent vers la gare, elles s’emparent d’une esplanade désertée. A Porto, elles sont toutes des places de pouvoir, dans une ville où policiers et agents de sécurité envahissent les rues et le métro. Elles font donc la guerre au sentiment sécuritaire en réinvestissant l’imaginaire. C’est presque gagné alors que les habitants commencent à sourire, à jouer avec elles, à se moquer de leurs postures guerrières. On se ressent protégé, enseveli par leur poésie. Mais Catherine Baÿ ne recule devant rien : en fin d’après-midi, elle fait ouvrir les coffres forts (vides !) d’une ancienne banque (transformée en centre culturel !) pour y cacher trois Blanche – Neige, une à terre (le mythe est-il mort ?) pendant que l’autre plie des (faux ?) papiers et qu’une troisième surveille. À l’heure où la crise financière vide les caisses, un nouveau totalitarisme diffuse la peur, empêchant toute rébellion, aidé par des figures mythiques recyclées en doctrine. Effrayant.

Le lendemain, les étudiants de la ville de Porto envahissent places et trottoirs pour leur fête annuelle. Les aînés sont habillés de noir avec une cape alors que les plus jeunes sont affublés de canettes de soda des pieds à la tête. Tandis que les premiers surveillent, les autres confectionnent leur déguisement (métaphore de l’esclavage moderne ?). La forme hiérarchisée du rassemblement, le contraste entre l’uniforme du chef et le ridicule du jeune étudiant de base, effraient. On aurait aimé voir surgir nos Blanche – Neige pour qu’elles transforment ces rituels en chaîne humaine autour du « Mercado de Bolha?o » afin de revendiquer son classement comme patrimoine mondial de l’humanité.

Pascal Bély – www.festivalier.net


?????? Project Blanche – Neige”  de Catherine Baÿ a été joué le 26 octobre 2008 à Porto dans le cadre du Festival “TRAMA”.
Un extrait vidéo lors du Festival Arborescence d’Aix en Provence en 2005..


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“Trama” sur Le Tadorne:
« Trama » entre recyclage et découverte.
A Porto, le festival « Trama » laisse des traces.

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THEATRE MODERNE

« Les Bancs Publics », le labo libéré.

Nous sommes quelques-uns à attendre ; certains fument sur le trottoir tandis que d’autres se restaurent. Tout le monde semble se connaître jusqu’à former un archipel d’acteurs culturels ! Nous sommes réunis le temps d’une soirée pour ces «Rencontres à l’échelle» où l’on expérimente ce que l’on pourrait bien retrouver sur nos scènes dans quelques années. L’endroit, « Les bancs publics » paraît fait de bric et de broc, à l’équilibre précaire. Ce lieu est en soi un décor de théâtre où se jouent des oeuvres entrées par effraction dans un paysage culturel pour le moins déstabilisé.
Elle, c’est Emy Chauveau. Pas plus haute que trois barreaux d’échelle, elle a tout l’air d’une grande. Avec un magnétophone à cassettes tout pourri, un bureau récupéré dans une administration décadente, un micro, des feuilles écrites et quelques livres, elle nous livre sa « Lecture activée ». Sa table est sa surface de récupération, de réparation: là des sons (cut-up sur K7, voix et radio), ici des fragments des « Cahiers » de Vaslav Nijinski ou ses propres carnets. Car Emy Chauveau est une belle plume sonore et écrite. Elle mixe le sens, les émotions, ses enchantements et pas mal de désillusions. Elle provoque, se perd parfois quand elle pousse la performance jusqu’à se disqualifier. Mais qu’importe : on se laisse emporter par une vague de mots sonore qui n’est pas sans rappeler nos déconstructions par chaos créatif, par gros temps amoureux. Emy Chauveau est un bateau ivre sur la mer calme de nos certitudes.
Lui, c’est Nicolas Ferrier. Ici, c’est une « performance conférencée » ! Retenez cette appellation, elle pourrait bien envahir nos universités et nos théâtres dans quelque temps. À ceux qui se demandent comment réunir artistes et chercheurs, Guillaume Quiquerez, l’auteur de cette idée originale, a créé cet espace stimulant. On oubliera vite le titre (« Nous sommes de toute manière toujours déjà trop vieux – non, ce n’est pas tout à fait ça- ») pour se concentrer sur cet étudiant qui soutient par anticipation sa thèse sur les situationnistes et le théâtre. Trente minutes d’un éloge du savoir, dynamique, engagée, engageante, où la vidéo, les déplacements calculés de notre homme, confère à cette antithèse les propriétés d’une pédagogie ingénieuse. Ici, on apprend à partir de son ressenti ; les mots de Nicolas Ferrier se relient à notre expérience de spectateur ; la vidéo nous met dans la posture de nous observer au théâtre, devant la télévision, au cinéma, en méta vision. La pensée de Guy Debord trouve ici un espace « théâtral » finalement éloigné de la société du spectacle qu’il dénonçait. On quitte la salle heureux d’être en définitive un spectateur post-moderne.
Elles, c’est Anaïs Durin et Olivia Sabran de la Cie 21.29.7. « Essai de rêves avec chiens » est l’une des propositions les plus stimulantes qu’il m’ait été donné de voir cette année. Plus de quarante-cinq minutes d’une plongée dans un enfer anthropophagique ! À notre arrivée (décidément, il se passe toujours quelque chose alors que les spectateurs s’installent), deux femmes, à peine éclairées par une lampe, petrissent la pâte. Un four chauffe déjà à nos pieds pour qu’à l’issue de la représentation, la multiplication des petits pains se substitue aux applaudissements de rigueur ! Maternantes et endiablantes au départ, elles posent sur leur visage cette pâte, peau, masque. Vieilles femmes, elles finiront chiens par la grâce d’un intervalle où entre scène de théâtre et espace vidéo, elles nous font cauchemarder sur la perte d’identité. La mise en scène d’Anaïs Pélaquier est un bijou d’ingéniosité pour nous aider à ressentir avec précision, le processus complexe d’un cauchemar éveillé.
Cette année, ces « Rencontres à l’échelle » dégagent l’horizon pendant que le sol craquelle. A suivre jusqu’au 25 octobre à Marseille.

Pascal Bély
www.festivalier.net
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EN COURS DE REFORMATAGE

La critique fait la couverture des Rencontres à l’Echelle.

Il y a des soirées qui font basculer, qui ouvrent l’espace là où tout semblait verrouillé. Il y a des acteurs culturels qui décident de se positionner autrement en temps de crise ,en proposant d’autres formes, non par facilité, mais pour éveiller notre créativité. Ce soir, à Marseille, dans le cadre des « Rencontres à l’échelle » organisée par les Bancs Publics, il s’est passé un événement à la marge, mais qui pourrait bousculer bien des équilibres précaires.

En entrant, le danseur et chorégraphe Haïm Adri est déjà sur scène. Habillé de blanc, il porte un masque d’une mélancolie contagieuse, entre figure mythologique et celle de nos angoisses contemporaines. Il danse sur sa couverture alors que résonnent derrière lui les sons et les images d’un monde en ébullition où l’on passe sans le voir, où l’on s’arrête pour évoquer questionnements et souffrances. Autant de paroles résonantes. Sa danse est son territoire ; sa couverture, le prolongement du corps, d’un au-delà. Entre lui et moi, il y a la distance : lui à terre, moi sur le banc. Le « je » est un « autre » : peut-il se jouer ? Puis-je rester de là où je suis ? Alors qu’il se lève pour faire danser sa couverture, je m’approche, je m’accroche. Voilà les marionnettes de l’enfance puis la danse des désirs d’un imaginaire possible. Les mouvements évoquent notre lien entre lui et nous, entre attraction et peur. Haïm Adri n’est plus très loin, car nous communiquons, loin d’une communion judéo-chrétienne (après tout, la référence au sans domicile fixe m’a effleuré dans un contexte anxiogène de crise). Il faut toute la force de la poésie pour entrer en résonance avec cette homme qui, dépossédé de ses habits blancs, endosse les nôtres, veste et pantalon trempés. Pendant que les gouttes tombent, je lâche. Essoré.
C’est alors qu’elle arrive, maladroite, timide, provocante. Haïm Adri enlève le masque pour l’introduire. Marie Mai Corbel, auteur et journaliste de la revue Mouvement, nous propose une « performance critique ». Elle parle tout bas, presque sur le registre de la confidence. Je ressens la tension monter dans la salle. Quelle est donc cette intrusion alors que nous n’avons pas eu le temps de nous extraire de l’?uvre ? Elle évoque notre positionnement de spectateur (que venons-nous chercher ici ?). En utilisant la métaphore, elle réduit la distance entre la profession critique (si décriée par ces temps où il s’agit de ne pas se « prendre la tête ») et nous. Elle met des mots sur le processus qui vient de se jouer précédemment avec Haïm Adri. Elle expose son regard, sort de sa revue, ose affronter un public, sur scène, sur le territoire de l’artiste. Elle réussit à s’immiscer dans cet interstice entre le danseur et nous, où elle relie le contexte géopolitique, l’artiste et la possible résonance du spectateur. La démonstration est magnifique, percutante, sidérante, suffisamment interpellante pour nous donner de la compétence. Cela ne dure que quinze minutes. Un temps volé au zapping. On aurait juste aimé réagir, loin d’un débat, pour poser un ressenti, quelque part. J’ai le blog, mais les autres ? Je les imagine écrire ici, sur Le Tadorne, et faire leur performance de blogueurs!

Artistes, critique et spectateurs ont trouvé ce soir l’espace qui nous manque tant. Celui où le territoire de l’imaginaire, la recherche d’un sens global, la résonance peuvent s’articuler, loin des cases où chacun finit par s’enfermer pour tirer la couverture à soi.
Le masque d’Haïm Adri n’a pas fini de nous hanter.

Pascal Bély

www.festivalier.net

Ps : à lire le regard de Guy Degeorges sur la création d’Haïm Adri.

?????? ” Quelle est l’utilité d’une couverture” d’Haïm Adri, incluant la perfomance critique de Marie Mai Corbel. 

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EN COURS DE REFORMATAGE

Rencontrer Oriza Hirata.

C’est un choc. Une pièce que vous gardez là. Quelques jours après, je la vois encore ; j’en ressens le mouvement. Seule la rencontre peut chambouler à ce point. La musicalité des mots japonais résonne toujours et mon imaginaire continue de divaguer dans cette mise en espace exceptionnelle. « Tokyo Notes » d’Oriza Hirata restera l’un des événements du Festival d’Automne de Paris.
C’est un dimanche doux et gris. J’aurais pu aller au musée, mais c’est au Théâtre2Gennevilliers qu’a lieu la rencontre. Il faut monter au premier étage. « Tokyo Notes » prend ses quartiers dans une salle de lecture aménagée pour la circonstance. La jauge est petite face à une distribution exceptionnelle : pas moins de vingt comédiens qui vont défiler de gauche à droite, de haut en bas, avec l’ascenseur sur le coté, balcon et escaliers latéraux au premier étage. Le décor plus réel que nature renforce la dynamique qui sied aux rencontres d’un jour, à celle des retrouvailles, à ce moment si particulier où toute une vie bascule. Seuls quatre bancs font office de mobilier avec une poubelle en acier où l’on jette son gobelet de café, comme un rituel, pour signifier au spectateur que l’on change de tableau !
Nous sommes dans le hall d’un musée de Tokyo qui organise une rétrospective Vermeer. Une famille s’y donne rendez-vous à l’initiative de la s?ur aînée. Un couple s’y sépare, le temps d’une visite. Deux amies étudiantes déambulent pour y retrouver leur ancien professeur. Une jeune héritière rencontre le personnel du musée avec son avocat pour préparer une donation. Les personnages défilent, se croisent, s’entrecroisent, s’entrechoquent. Leurs liens, déjà fragiles, entrent en résonance avec le rapport que chacun entretient avec l’art, rendant poreuse la frontière entre les tableaux de Vermeer et le jeu des acteurs. L’art autorise toutes les reliances au moment où chacun cherche un lien pour faire face à l’absence, à ses difficultés de communication.
Ensemble, ils forment la toile de l’artiste, la toile du cinéaste, la dramaturgie de la rencontre, celle où les arts se croisent pour créer une maïeutique envoûtante. Le théâtre se fait toile et Hirata est le peintre de nos angoisses familiales, de nos remords passés, de nos désirs enfouis. Comme un miroir dans le miroir, la mise en espace de «Tokyo Notes» m’engloutit dans un intervalle où je tisse les interrelations entre les personnages et les lieux (où le musée japonais se fond dans le théâtre dirigé par le metteur en scène Pascal Rambert, métaphore d’une ouverture du théâtre français vers le monde, à partir d’un lien transversal, dans un contexte de restriction budgétaire).
L’exceptionnel dernier tableau où les deux s?urs, yeux dans les yeux, tombent le masque, finit par me projeter dans le hall des théâtres où je pourrais créer ma toile, du blog vers vous.

Pascal Bély – www.festivalier.net

?????? “Tokyo Notes” de Oriza Hirata  est joué du 10 au 19 octobre 2008  au Théâtre2Genevilliers dans le cadre du Festival d’Automne de Paris.

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Le Festival d’Automne sur le Tadorne:
Au Festival d’Automne, Jennifer Lacey et ses assistantes familiales.

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Au Festival d’Automne, les assistantes familiales de Jennifer Lacey.

En période chaotique, un festival  permet de se rapprocher pour échanger sur le sens, la forme, le propos d’une ?uvre et échapper au « réductionnisme » ambiant, à la peur de l’autre (ne parle-t-on pas de crise de confiance des marchés ?). Réunis à Paris, nous sommes cinq à faire le choix de nous rendre au Centre Georges Pompidou dans le cadre du Festival d’Automne de Paris pour « Les assistantes » de la chorégraphe Jennifer Lacey et de la scénographe et plasticienne Nadia Lauro. Dans la salle, nous nous séparons. Parents d’un côté, frère et s?ur trois rangs plus haut. Forme classique verticale…
Neuf femmes dansent, chantent, écrivent, coupent et découpent du papier, avec un bonnet sur la tête, habillées de robes à carreaux avec petit tablier sur le côté, devant ou derrière. C’est selon la nature de la tache. La scène est en aluminium, éclairée de projecteurs grossissants échappés d’un blog opératoire. À moins que l’on ne soit au sauna, lieu communautaire, interdit aux hommes, mais ouvert à tous les corps. Il est fort possible qu’elles émergent des entrailles, des tuyaux du Centre Georges Pompidou. Quatre-vingt-dix minutes où j’ai tout lâché d’une semaine de crise globale, où un modèle semble s’effondrer sous le poids de la spéculation et du mensonge. Ici, « Les assistantes » inventent la société postmoderne, vue du côté de la danse. C’est réjouissant, car jamais enfermant. Elles préviennent dès le départ : « vous pouvez partir mais ce n’est pas mieux ailleurs ». Bien joué !
A les voir déambuler ainsi sur la scène, on devine facilement leur improductivité. Lorsqu’elles s’inscrivent dans la société industrialisée, c’est sur le côté, pour découper du papier. On les croirait au musée du « travailler plus pour gagner plus ». Elles n’ont pas d’objectifs si ce n’est de créer le mouvement circulaire du lien et puiser dans leur unique ressource : leur créativité. Elles deviennent alors ces exploratrices dont nous aurions tant besoin aujourd’hui : elles expérimentent, se plantent, se rattrapent, s’isolent, jouent le collectif. Elles dansent et se mettent en mouvement dans un dedans dehors impressionnant. Là où nos sociétés rigidifient pour maîtriser, elles lâchent prise pour fluidifier. Avec elles, savoir n’est pas primordial. Elles s’essayent à des disciplines : nous sommes bien loin de la toute-puissance des experts. Leurs instruments de musique sont si petits qu’elles ne peuvent pas créer une symphonie, juste une mélodie cool pour calmer nos angoisses face à l’imprédictibilité de ce Nouveau Monde. La danse individuelle et collective permet la transition entre les séquences : elle est passerelle. Cela en est donc fini de l’appellation « danse contemporaine » !
Avec « Les assistantes », construire du lien social est une performance, qui nous englobe dans un rapport donnant – donnant, où le pouvoir s’inscrit dans le jeu. C’est l’utopie d’une société différente. Je me sens prêt à m’y inclure, avec elles comme éclaireuses.
A la sortie, notre groupe se forme pour se réformer. Des liens se créent, d’autres se renforcent. Nous goûtons, le temps d’une soirée, à notre famille recomposée.
Le délicieux goût des autres.

Pascal Bély
www.festivalier.net

Ps : à lire le magnifique article, si apaisant de « l’assistant » Guy Degeorges.

Photo par Laurent Philippe, avec l’aimable autorisation du festival d’automne à Paris

Voir aussi Vincent Jeannot-Photodanse

?????? ” Les assistantes” de Jennifer Lacey et  Nadia Lauro a été joué le 10 octobre 2008 dans le cadre du Festival d’Automne à Paris.

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A ACTORAL, “Le Grand Nain” se guignolise.

On a frôlé l’explosion. La révolte. L’envahissement du plateau. Au Théâtre du Merlan, il se passe toujours quelque chose. On a hâte d’être en 2013 quand Marseille sera capitale européenne de la culture ! Pensez donc. Alors que « Le Grand Nain » de Philippe Eustachon et Jambenoix Mollet, programmé dans le cadre du Festival ACTORAL, est terminé depuis dix minutes, les enfants emmenés par leurs instituteurs et professeurs continuent de manifester bruyamment. Certains adultes se plaignent : «mais enfin, on ne peut pas les faire taire pendant le spectacle ?». Cette ?uvre, largement soutenue par la critique (Télérama, Mouvement), est bousculée ce soir par des enfants et des handicapés mentaux qui à coups de cris et de remarques intempestives ont métamorphosé cette pièce, rencontre de Robinson Crusoé et de Vendredi par temps de catastrophe, en théâtre de guignols (happenings et jeux de cache-cache compris). Les gosses se marrent, certains adultes beaucoup moins. Là où les enfants m’invitent, j’ai préféré rester à côté malgré les vingt premières minutes prometteuses.
À l’heure où la crise actuelle nous engloutit un peu plus chaque jour de son cortège de chiffres et de prophéties apocalyptiques, cette maison de bric et de broc, traversée d’un torrent de boue, habitée par un « grand nain » divaguant comme s’il était monté sur ressort, est la jolie métaphore de notre contexte. Alors qu’il range obsessionnellement ses objets dans ce chaos (image de notre société rationnelle apeurée), ce personnage séduit, attendri. Les enfants y voient une marionnette, là où j’aime y déceler un mouvement de cirque dansé dans l’espace de nos folies contemporaines, où le chaos ambiant éclaire ce que nous sommes en train d’ensevelir.
Je m’accroche, mais les enfants crient de plus en plus fort. L’arrivée de l’étranger (Vendredi) ne change rien, bien au contraire. Il amplifie la peur. La scène est alors la caisse de résonnance d’un public qui joue avec les acteurs  d’un jeu vidéo dans un combat entre la musique du dedans et la furie du dehors. Le plateau déborde vers la salle comme si la frontière entre les comédiens et les spectateurs devenait poreuse, à l’image d’une mise en scène et en espace bien trop fragile, plus assez contenante pour ce type de public.
En miroir avec la scène, nous devenons tous des “grands nains spectateurs“. Je finis par démissionner, par goûter ce raffut, cette ébullition.
Quelles étaient les intentions du Merlan en invitant tant d’enfants ? Comment faire de la mixité du public un ressort créatif pour chacun plutôt que ce chaos qui décourage.
Qu’en pensent ces deux acteurs, grands nains aux pieds d’argile ?

Pascal Bély – www.festivalier.net

?????? “Le Grand Nain” de Philippe Eustachon et Jambenoix Mollet  a été joué le 9 octobre 2008 dans le cadre du Festival ACTORAL.

Laurent Bourbousson, spectateur et contributeur du Tadorne a également vu « Le Grand Nain »

“Encéphalogramme plat”.

Tout commence par un bruit assourdissant et une explosion. Le chaos frappe à nos portes. Il s’agit d’une catastrophe, d’un tremblement de terre, d’un “tsunami”. Il arrive, lui, l’informe, le difforme, le nous. Au milieu de sa pièce dévastée, il nous regarde, range ses affaires en désordre, ouvre ses placards d’où proviennent des sons de rues, de radio. Tout n’est pas mort. Ouf, nous sommes sauvés. Lui, c’est le “Grand Nain”. Nous sommes chez lui, du moins ce qu’il en reste, ce qui reste de notre monde.
Invité à revisiter le mythe de Robinson avec la compagnie Anomalie, j’avoue patauger dans l’incompréhension avec cette entrée en matière. Je ne sais plus quelle direction prendre pour donner du contenu à ce début périlleux, ni quoi raconter de mon histoire pour m’intéresser à la scène. Tout me semble cinématographique dans cette proposition. « Le Grand Nain » m’évoque Pingouin dans “Batman“, sa voix métallique à celle de Wall-E, et l’atmosphère à un film de peur, genre “La colline à des yeux“, ou autres titres de films de série B.
L’apparition de l’autre, dont le corps est découvert sous un amas de terre, n’arrange rien. Je poursuis alors mes liens cinématographiques : je l’imagine Mowgli dans “Le Livre de la jungle” ou dans “L’enfant sauvage” de François Truffaut.
Je reste sur le côté à écouter les dires du public scolaire qui forme le plus gros des spectateurs.
Définitivement à côté.

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ETRE SPECTATEUR FESTIVAL ACTORAL

L’Islam est-il soluble dans la démocratie participative?

Il y a comme une contradiction. D’un côté, le spectateur est de plus en plus sollicité lors des performances d’artistes afin de se questionner. De l’autre, on le prie de rester à sa place pour ne pas déranger les institutions dans leur organisation souvent pyramidale et s’immiscer dans le regard critique, chasse gardée des journalistes, seuls compétents.
Vendredi dernier, dans le cadre du Festival ACTORAL à Marseille, je fus sollicité, interpellé et c’est tant mieux. Mais je cherche l’espace où je pourrais donner mon retour. A qui ? Comment ? Les festivals n’ont toujours pas intégré ce processus : paresse, manque de créativité ?
À l’entrée de la salle de Montévidéo, trois hommes nous attendent. Nous sommes priés de nous déchausser, façon de créer une intimité où les trous de nos chaussettes signent notre vulnérabilité ! Yan Duyvendak est Suisse hollandais tandis qu’Omar Ghayatt est Égyptien (il est accompagné d’un traducteur). Différents fragments forment «Made in paradise» (certains sont aboutis, d’autre pas). La version définitive de l’ensemble sera présentée en 2009 à Lausanne. Ce soir, notre duo teste leur démarche sur le public marseillais. Pour que l’on ne perde pas totalement notre statut de spectateur actif, ils introduisent les thèmes des fragments pour les soumettre à notre vote ! Trois séquences de quinze à vingt minutes sont choisies par l’assemblée. Ce couple artistique, métaphore du lien entre l’Orient et l’Occident, ne va pas de soi si l’on en croit la présentation des fragments : comment communiquer, se comprendre, alors que l’Islam provoque tant de peurs ?
La première séquence revient sur les événements du 11 septembre. Les images hallucinantes des corps tombés du ciel au milieu de feuilles volantes sont inscrites dans notre imaginaire. En faisant voler des photocopies de texte (supposés) et de photos prises ce jour-là, le duo propose un moment d’une grande poésie. Le sol de la salle est ainsi parsemé de papiers tandis que la sculpture de nos corps de spectateurs, assis à terre, forme inconsciemment un paysage de guerre. C’est court, émouvant, incluant.
La suite va provoquer un certain malaise. Sans rien dévoiler ici, notre duo nous prend au piège de nos formatages, de nos représentations rigides sur l’Islam, voire de notre racisme larvé. C’est efficace même si l’on frôle la caricature : en effet, le duo interprète alors que nous n’avons rien dit ! Le deuxième fragment («Boom») nous donne l’opportunité de nous lâcher. Je ne m’en prive pas en endossant la fonction du laïc intransigeant ! Je prends goût à jouer dans ce jeu de rôles. Nos deux acteurs observent, contents de leurs effets. C’est assez contenant même s’ils ne font rien de nos paroles fragmentées.
Le dernier fragment (“Ma vie secrète“) s’étire en longueur au sujet de la vie sexuelle d’Omar. L’approche narrative et finalement assez peu symbolique finit par m’ennuyer comme si ce théâtre-réalité ne parvenait pas à transcender le propos.
Au final, un goût d’inachevé et des questionnements sur la démarche. Ne sommes-nous pas en présence d’un duo qui démontre ce qu’il sait faire ( la communication entre un Suisse et un Égyptien fonctionne) en prenant une position haute, presque donneuse de leçons ? En même temps, leur performance aide à se positionner et invite le spectateur  à réfléchir sur ses processus.
La limite vient de la difficulté d’articuler les trois fragments. Notre duo pourrait inviter les spectateurs de Lausanne à opérer cette reliance en créant une oeuvre métaphorique.  Les oeuvres des spectateurs pourraient par exemple circuler sur internet. Car comment changer les représentations à un niveau local (le théâtre) si la parole des spectateurs ne circule pas à un niveau global?  Comment faire pour que les ressentis des spectateurs marseillais rencontrent ceux de Paris, Lausanne, …?  N’est-il pas du ressort des artistes, des institutions, des spectateurs de faciliter la communication entre ces différents niveaux? La démocratie participative dans les théâtres y trouverait peut-être une forme pour le moins originale.
En quelque sorte,
un “paradis” démocratique au dessus des religions.
Chiche!
Pascal Bély, le Tadorne

 Made in paradise”  de Yan Duyvendak et Omar Ghayatt a été joué le 3 octobre 2008 dans le cadre du Festival ACTORAL de Marseille. En tournée: à Paris le 15 octobre 2008 au Théâtre de la Coline. D’autres dates: http://www.duyvendak.com/rubrique7.html.
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