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EN COURS DE REFORMATAGE

A ACTORAL, “Le Grand Nain” se guignolise.

On a frôlé l’explosion. La révolte. L’envahissement du plateau. Au Théâtre du Merlan, il se passe toujours quelque chose. On a hâte d’être en 2013 quand Marseille sera capitale européenne de la culture ! Pensez donc. Alors que « Le Grand Nain » de Philippe Eustachon et Jambenoix Mollet, programmé dans le cadre du Festival ACTORAL, est terminé depuis dix minutes, les enfants emmenés par leurs instituteurs et professeurs continuent de manifester bruyamment. Certains adultes se plaignent : «mais enfin, on ne peut pas les faire taire pendant le spectacle ?». Cette ?uvre, largement soutenue par la critique (Télérama, Mouvement), est bousculée ce soir par des enfants et des handicapés mentaux qui à coups de cris et de remarques intempestives ont métamorphosé cette pièce, rencontre de Robinson Crusoé et de Vendredi par temps de catastrophe, en théâtre de guignols (happenings et jeux de cache-cache compris). Les gosses se marrent, certains adultes beaucoup moins. Là où les enfants m’invitent, j’ai préféré rester à côté malgré les vingt premières minutes prometteuses.
À l’heure où la crise actuelle nous engloutit un peu plus chaque jour de son cortège de chiffres et de prophéties apocalyptiques, cette maison de bric et de broc, traversée d’un torrent de boue, habitée par un « grand nain » divaguant comme s’il était monté sur ressort, est la jolie métaphore de notre contexte. Alors qu’il range obsessionnellement ses objets dans ce chaos (image de notre société rationnelle apeurée), ce personnage séduit, attendri. Les enfants y voient une marionnette, là où j’aime y déceler un mouvement de cirque dansé dans l’espace de nos folies contemporaines, où le chaos ambiant éclaire ce que nous sommes en train d’ensevelir.
Je m’accroche, mais les enfants crient de plus en plus fort. L’arrivée de l’étranger (Vendredi) ne change rien, bien au contraire. Il amplifie la peur. La scène est alors la caisse de résonnance d’un public qui joue avec les acteurs  d’un jeu vidéo dans un combat entre la musique du dedans et la furie du dehors. Le plateau déborde vers la salle comme si la frontière entre les comédiens et les spectateurs devenait poreuse, à l’image d’une mise en scène et en espace bien trop fragile, plus assez contenante pour ce type de public.
En miroir avec la scène, nous devenons tous des “grands nains spectateurs“. Je finis par démissionner, par goûter ce raffut, cette ébullition.
Quelles étaient les intentions du Merlan en invitant tant d’enfants ? Comment faire de la mixité du public un ressort créatif pour chacun plutôt que ce chaos qui décourage.
Qu’en pensent ces deux acteurs, grands nains aux pieds d’argile ?

Pascal Bély – www.festivalier.net

?????? “Le Grand Nain” de Philippe Eustachon et Jambenoix Mollet  a été joué le 9 octobre 2008 dans le cadre du Festival ACTORAL.

Laurent Bourbousson, spectateur et contributeur du Tadorne a également vu « Le Grand Nain »

“Encéphalogramme plat”.

Tout commence par un bruit assourdissant et une explosion. Le chaos frappe à nos portes. Il s’agit d’une catastrophe, d’un tremblement de terre, d’un “tsunami”. Il arrive, lui, l’informe, le difforme, le nous. Au milieu de sa pièce dévastée, il nous regarde, range ses affaires en désordre, ouvre ses placards d’où proviennent des sons de rues, de radio. Tout n’est pas mort. Ouf, nous sommes sauvés. Lui, c’est le “Grand Nain”. Nous sommes chez lui, du moins ce qu’il en reste, ce qui reste de notre monde.
Invité à revisiter le mythe de Robinson avec la compagnie Anomalie, j’avoue patauger dans l’incompréhension avec cette entrée en matière. Je ne sais plus quelle direction prendre pour donner du contenu à ce début périlleux, ni quoi raconter de mon histoire pour m’intéresser à la scène. Tout me semble cinématographique dans cette proposition. « Le Grand Nain » m’évoque Pingouin dans “Batman“, sa voix métallique à celle de Wall-E, et l’atmosphère à un film de peur, genre “La colline à des yeux“, ou autres titres de films de série B.
L’apparition de l’autre, dont le corps est découvert sous un amas de terre, n’arrange rien. Je poursuis alors mes liens cinématographiques : je l’imagine Mowgli dans “Le Livre de la jungle” ou dans “L’enfant sauvage” de François Truffaut.
Je reste sur le côté à écouter les dires du public scolaire qui forme le plus gros des spectateurs.
Définitivement à côté.

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