François Chaignaud et Cecilia Bengolea avec « Pâquerette » ont déçu (voir l’article du 25 août). Ambitieux dans l’intention, ils ont vite abandonné, faute de vision, à s’extirper de la performance.
Le Congolais Faustin Linyekula (découvert au Festival d’Avignon en 2006) a osé avec «Future ?», la danse du non-propos. Répondant à une commande du festival de créer une ?uvre avec un danseur classique Berlinois, nous avons eu droit aux états d’âme des deux artistes qui ont manifestement échoué dans ce rapprochement. Les questions métaphysiques n’ont cessé de ponctuer les mouvements de l’un et de l’autre (« pour quoi danser » ?) sans qu’on ait un début de réponse. On reste médusé d’être ainsi convié dans ce vide abyssal où Faustin Linyekula n’a pas hésité à jouer la corde sensible de la culpabilisation d’un public blanc, laissant son colistier errer sur scène, ne sachant plus comment se positionner. Étrange cadeau d’anniversaire pour « Tanz im August » à qui Faustin Linyekula renvoie sa commande dans la figure.
Sur un tout autre registre, « Changes » de la compagnie BADco de Zagreb a radicalement engourdi une partie du public. À partir de la fable de Jean de la Fontaine, «La cigale et la fourmi», on nous promettait une réflexion sur la relation entre artistes et producteurs, la paresse et le travail à l’heure du « travailler plus pour gagner plus » qui se propage sur la scène politique européenne. Propos ambitieux, mais rapidement abandonné au profit d’une danse groupale incompréhensible, compliquée, maniérée. Six danseuses de noir vêtues puis éclairées de rouge arpentent la scène à partir de contritions, repliées sur elles-mêmes. Déshumanisées, automatisées, elles semblent répéter à l’infini les mêmes mouvements, processus accentué par un éclairage au sol qui mécanise le tout. Métaphore du travail d’aujourd’hui, je cherche encore la proposition artistique censée éclairer le propos, plutôt que cette illustration un peu poussive.
Les Slovaks, collectif sans chorégraphe, ont avec « opening night » abandonné également la scène malgré l’enthousiasme d’une partie du public berlinois. Ils sont cinq danseurs, et un violoniste (Simon Thieree, magnifique compositeur) à oser danser leur groupe. Les premières vingt minutes sont d’une virtuosité envoûtante, à l’image d’une danse de Sidi Larbi Cherkaoui. Ils occupent l’espace telle une toile où se tisse la relation groupale. On croirait une fratrie qui s’émanciperait de la fonction parentale. C’est beau, souvent drôle, profondément attachant. Mais la deuxième partie déçoit. Ayant épuisé leur dynamique, ils s’essoufflent et tombent dans la caricature du groupe d’hommes. Les jeux virils et les gestes potaches amusent un temps puis lassent. Le violoniste finit seul sur scène. Sans metteur en scène, le groupe manque d’une vision qui transcenderait leur fonctionnement. Les Slovaks sont à suivre. Par un chorégraphe?

Je quitte Berlin, triste comme à la fin d’un amour d’été. Prêt à revenir, plus longtemps, pour m’immerger dans « Tanz im August » et arpenter de nouveau Berlin pour me redonner confiance dans les possibles de l’imaginaire.
Pascal Bély
www.festivalier.net
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?????? Ivo Dimchev, “Lili Handel – blood, poetry and music from the white whore’s boudoir“.
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