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ETRE SPECTATEUR LA VIE DU BLOG

Pourquoi revenons-nous en scène ?

« Je tiens ce monde pour ce qu’il est : un théâtre où chacun doit jouer son rôle. » (Shakespeare)

L’écriture pour le blog du Tadorne reste étroitement liée à nos parcours de vie. Aussi, depuis 2015, notre présence s’est ici inscrite en pointillé. C’est le temps qu’il nous a fallu pour repenser un projet global d’écriture dans un cadre en profonde évolution. Le Tadorne s’est toujours distingué par l’affirmation d’une parole libre, indépendante des circuits culturels, médiatiques, partisans. Une parole de mise en liens d’univers cloisonnés, le premier étant la séparation supposée spectateurs/auteurs qui structure encore largement le spectacle vivant. Dès lors, pourquoi 2015, et pourquoi cet éloignement vis-à-vis de l’écriture ?

L’année 2014 fut un tournant. C’est l’année de l’arrivée d’Olivier Py à la tête du festival d’Avignon. Une autre vision est proposée, aux antipodes du cheminement que nous poursuivions. À savoir, le retour d’un théâtre tout puissant où le texte supplante le corps, la quasi-disparition de la performance et où la religion catholique s’invite dans un Festival de Service Public. Malgré tout, nous retrouvons Marie-José Malis et son « Hypérion » pour une expérience théâtrale inoubliable. Au même moment, les Tadornes (Pascal Bély, Sylvain Saint-Pierre, Sylvie Lefrère, Bernard Gaurier) proposaient aux spectateurs un espace de parole inédit au Magic Circus du Festival OFF (“Les Offinités du Tadorne“). Assisté du chorégraphe Philippe Lafeuille, huit parcours de spectateurs furent proposés où à partir d’un parcours de spectacles, nous exprimions en public, par la danse, nos visions et nos ressentis. L’expérience posait les fondements d’un projet à plus long terme. Mais nous étions inquiets. Le printemps 2014 avait laissé des traces. Depuis quelques années, Pascal Bély avait lancé plusieurs alertes concernant la situation du Théâtre du Merlan à Marseille. Entre temps, par corporatisme, les dirigeants culturels de la région furent appelés à boycotter le Tadorne. Des mails ont circulé jusqu’au Festival OFF pour exiger la fin des Offinités. Une crise de confiance s’installa entre le milieu culturel et nous-mêmes : dans l’incapacité de s’ouvrir à d’autre qu’à lui-même, il privilégie la caste à l’ouverture vers d’autres hors circuit (ici des créateurs de lien social). Malgré tout, après l’été 2014, nous poursuivions nos recherches et, nourris par les Offinités et nos expériences professionnelles dans le champ éducatif et social, nous proposions à Marie-José Malis, directrice du Centre Dramatique National d’Aubervilliers, le prototype « Dis-sème ».

Ce désenchantement prenait alors place dans le contexte général de la crise politique traversée par le pays. Les attentats à l’encontre de Charlie Hebdo, d’agents de l’État, de citoyens ou de communautés ciblés, auraient dû conduire les artistes et les acteurs culturels à assumer une responsabilité majeure : celle de la défense de la liberté d’expression, de l’irrévérence, l’affirmation de l’indépendance irréductible de l’art par rapport aux pressions religieuses et identitaires. Les menaces à l’encontre des pièces de Romeo Castellucci (« Sur le concept du visage du fils de Dieu ») et Rodrigo Garcia (« Golgota Picnic ») par des fondamentalistes catholiques auraient pu mettre en alerte aussi bien les artistes que les institutions culturelles. Hélas, une fois le slogan « Je suis Charlie » éculé, qu’avons-nous constaté ? Des programmations théâtrales, chorégraphiques, qui se succèdent comme si de rien n’était, une production mécanique hors contexte et hors-sol. Les rares courageux à se positionner se heurtant alors à des résistances inattendues (voir la programmation de «Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes » à Avignon cet été).

Dans le même temps, ce qu’il est convenu d’appeler la « crise migratoire », née des conflits régionaux (Irak-Syrie-Lybie) et des « Printemps Arabes », a suscité de nombreuses initiatives, remettant sur le devant de la scène la question de « l’Autre ». Mais « l’Autre » reste le plus souvent une fiction, un fantasme, masquant en réalité un « soi-même vu dans l’Autre », cf. l’édito d’Olivier Py lors du Festival d’Avignon. Depuis longtemps déjà, les scènes théâtrales sont conscientes de la coupure qui existe entre les acteurs et le terrain. Cet « Autre-migrant » rappelle alors les fractures internes au pays, sa difficile cohésion sociale, culturelle. Les scènes nationales et centres culturels nationaux savent bien qu’ils n’échappent pas à ce défi.

Nous avons alors assisté à l’émergence progressive d’une grille de lecture toute faite, clé en main, faisant de la question coloniale le point de départ et d’arrivée du problème. Outre le fait qu’il s’agisse là de la reprise de thèses énoncées par des associations souvent mises en cause pour leur radicalité (par exemple le Parti des Indigènes de la République), ce reflux d’un discours identitaire, communautaire, relativiste et racialiste, au moment même où le dépassement de soi est appelé, tout cela nous a stupéfaits. Si nous n’appelons pas à une « décolonisation des arts » mais bien plutôt à leur démocratisation, dans un cadre républicain, c’est parce que nous pensons que l’art est précisément ce lieu où l’identité vole en éclats, où une troupe chinoise peut ainsi jouer Le Roi se meurt de Ionesco que Pippo Delbono faire corps avec les migrants, où le soi et l’autre peuvent se fondre dans une expérience esthétique commune.

C’est ainsi que peu à peu, le fossé s’est creusé entre nos désirs de théâtre et la scène, entre nos visées républicaines et les box idéologies des professionnels des arts et de la culture (sorte de pack où tout est compris : l’indignation à répéter sur les réseaux sociaux, le slogan à marteler lors de toute tribune, la théorie sociologique que l’on se doit de répandre, le spectacle qu’il faut aller voir et enfin…les gens qu’il faut détester a priori). Là où le théâtre nous aidait à réduire nos fractures, il en créait de nouvelles, totalement inattendues (jusqu’à entendre lors d’une tribune au Festival d’Avignon en 2015 de la part d’Eva Doumbia que « l’esprit des lumières, l’esprit universaliste était destructeur » sans que cela émeuve qui que ce soit autour de la table).

Nous avons donc fui festivals, théâtres et débats pour nous réfugier là où la pensée globale est possible, là où la complexité a droit de cité, à savoir nos contextes professionnels. Nous y avons introduit tout ce que les créateurs nous ont appris et donnés : le goût du risque, la croyance en l’imprévu comme source de créativité, le désir indestructible d’inventer au lieu de suivre des chemins tout tracés, l’urgence de transmettre aux enfants et aux professionnels du lien social, la nécessité de créer, de jouer, de dessiner, de découper pour nourrir la pensée par l’imaginaire. Nous n’avons jamais abandonné le Tadorne jusqu’à écrire des textes pour reformuler aux professionnels en formation, ce que nous percevions de l’évolution de leurs processus de travail…Des textes Tadorne ! Les professionnels furent à chaque fois touchés d’être comparés à des créateurs, de voir leur projet relié à telle œuvre artistique, d’être inclus dans un processus artistique pour révéler leur créativité professionnelle, d’interpréter leur cheminement à partir d’œuvres théâtrales, chorégraphiques et plastiques.

Dans ce contexte, il nous est apparu nécessaire de revenir en scène, dans tous les sens. Disséminées çà et là, les sensibilités, les visions du monde que nous recherchons, sont appelées à se rencontrer, à entrer en réseaux, mais pour constituer un « Autre réseau social ». Dans une ère souvent qualifiée de « post-démocratie » où « le vrai est un moment du faux », processus démultiplié par Facebook, Twitter, il nous parait essentiel de trouver ou de créer ces nouvelles relations. C’est le sens que nous continuerons à donner au Blog du Tadorne, et que nous amplifierons. Ce réseau sera collaboratif, ouvert à tous (art, culture, soin, éducation, etc.), en perpétuelle évolution. Si le monde est une scène comme l’art représente la vie, nous continuerons à mettre partout en avant celles et ceux qui assument un « rôle-positionnement » plutôt qu’un « rôle-posture », des espaces de vérité plutôt que des simulacres.

En ce sens, le spectateur-acteur du Tadorne observera la vie moderne pour tenter d’en appréhender toute sa complexité, avec le désir d’entrainer avec lui les lecteurs qui se reconnaîtront dans ce projet.

Pascal Bély – Sylvain Saint-Pierre – Tadornes

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ETRE SPECTATEUR LA VIE DU BLOG

Le Tadorne a 10 ans – Être hors milieu.

Le blog du Tadorne aura dix ans dans quelques jours. Dix années passionnantes, rudes, sans concession, où je n’ai rien lâché sur mon désir d’être un spectateur émancipé du prêt à penser. Dix années où j’ai tenté un travail titanesque : alors que je n’avais aucune prédisposition pour écrire sur l’art, j’ai fait entendre des voix singulières de spectateurs, noyés dans la masse du « public ». Dix années où s’est installé progressivement un profond malentendu : assumer un regard critique sur l’art et son contexte expose, plus que je ne l’avais imaginé. Les artistes ont accueilli favorablement le positionnement du Tadorne. Les structures culturelles se sont méfiées de mes analyses qui visaient leur fonctionnement. Au mieux, elles m’ont très vite enfermé dans un espace possible de promotion de leur programmation (ce que j’ai toujours refusé). Au pire, elles m’ont cloué au pilori, notamment à Marseille, lorsque j’ai osé critiquer la dérive de la Scène Nationale du Merlan, dirigée à l’époque par Nathalie Marteau. Suite à un courrier adressé à ses collègues de la région, certains n’ont pas hésité à blacklister le blog. La liste serait trop longue de ceux qui ont bafoué le principe le plus élémentaire de la défense de la liberté d’expression pour protéger leurs petits intérêts municipaux.

Citons Émilie Robert qui, en tant que directrice d’un théâtre jeune public (Massalia) a, par pur réflexe corporatiste, mis fin au projet animé par mon cabinet de conseil liant la formation des professionnelles de la petite enfance à sa programmation, les privant d’accès à un lieu d’art. Citons Emmanuel Serafini, directeur des Hivernales d’Avignon qui, devenu vice-Président du OFF, s’est opposé à la reconduction pour 2015 des Offinités du Tadorne, espace innovant de médiation entre spectateurs et artistes du OFF que nous avons crées en 2009. La raison ? Mes articles sur le Merlan à Marseille !

Les dirigeants culturels n’intègrent pas pour eux l’art comme vecteur de transversalité, processus qui interroge le sens, qui remet en question l’ordre établi. Dès ses débuts, j’ai refusé d’enfermer le Tadorne dans une écriture spécialisée : j’ai puisé dans mes ressentis les ressorts pour évoquer la danse, le théâtre, les arts plastiques. Il m’a fallu décloisonner une démarche personnelle avec le projet de mon cabinet de conseil. Ce fut un long travail que de proposer à mes clients du Service Public et Associatif ce que le secteur culturel ne promeut pas : l’art autorise la pensée créative pour décloisonner un projet culturel, le travail social et les pratiques éducatives;  pour relier des dispositifs empilés ; pour élaborer un projet éducatif global à partir des pratiques artistiques des éducateurs, des enfants et des parents ; pour questionner les processus du management par la créativité ; pour interroger le projet global d’une institution.

Au cours de ces dix années, j’ai découvert qu’il n’existait pas de service public de la culture, au sens où l’entendait Jean Vilar, mais seulement des micros écosystèmes où l’on programme plus que l’on ne développe un rapport sensible à la population, où l’on utilise trop souvent l’argent public pour jouer au Monopoly. Est-ce normal que le taux de remplissage soit l’unique critère pour évaluer la mission de service public d’un lieu culturel? Pourquoi aucun dirigeant n’ose mettre en débat sa programmation passée, lui préférant des présentations de saison ennuyeuses et égocentrées ? Issu d’un milieu ouvrier, je ne comprends pas la disparition du vocable « populaire » dans le langage des dirigeants culturels au profit du maniement de concepts fumeux, dictés en position haute. Moins le secteur culturel va à la rencontre de la population, plus il le fantasme, plus il idéologise le débat, plus la posture de la bien-pensance prend le pas sur le positionnement.

C’est ainsi qu’il n’y a quasiment plus d’intellectuels pour nous aider à repenser un Service Public de la Culture. Avec qui Fleur Pellerin pourrait-elle débattre aujourd’hui ? Elle leur préfère des médiateurs (voir le dernier conflit social à Radio France) tant le fossé est immense entre ces manageurs culturels gestionnaires et ceux qui font la culture (ici les salariés, ailleurs les artistes et les spectateurs). Il y a donc urgence à réduire les fractures tant notre idéalisme républicain ne tient plus ses promesses.

Ainsi, pas à pas, modestement, avec quelques amis spectateurs, des artistes et des professionnels gravitant autour des relations humaines, nous avons au cours de ces dix années co-construit des projets, des actions transversales pour que l’art nous aide à penser et agir autrement dans la complexité. Nous n’avons jamais abandonné notre idéal d’émancipation et allons poursuivre cette aventure.

Autrement.

« Vous vous fiez à l’ordre actuel de la société sans songer que cet ordre est sujet à des révolutions inévitables, et qu’il vous est impossible de prévoir ni de prévenir celle qui peut regarder vos enfants. Le grand devient petit, le riche devient pauvre, le monarque devient sujet (…) Nous approchons de l’état de crise et du siècle des révolutions (…) Tout ce qu’ont fait les hommes, les hommes peuvent le détruire : il n’y a de caractères ineffaçables que ceux qu’imprime la nature, et la nature ne fait ni princes, ni riches, ni grands seigneurs. »

Jean-Jacques Rousseau- « Emile ou de l’éducation »- (1762).

Pascal Bély – Le Tadorne.

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ETRE SPECTATEUR FESTIVAL D'AVIGNON LA VIE DU BLOG PETITE ENFANCE

Avignon OFF- Etre professionnel de la toute petite enfance est un art.

« Etre dans la virgule »

En ce matin gris et froid du 10 juillet 2014, date de la 1ère Offinité du Festival Off d’Avignon, elles sont toutes à l’heure. Elles, ce sont les 30 professionnelles de la petite enfance qui arrivent de Martigues, Marseille, Les Pennes-Mirabeau, Vitrolles, Montpellier et Pont-de-Claix. Elles ont fait le choix de s’engager dans un même processus temps, accompagnées en cela par le groupe des Tadornes – Pascal Bély, Sylvie Lefrère et Sylvain Saint-Pierre.

Au départ, dans la cour de la Maison du Théâtre pour enfants de Monclar, nous leur demandons un geste pour poser le socle de la journée, celui du mouvement de la rencontre entre l’art et la petite enfance.

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Très vite, ces femmes, qui ne se connaissent pas, se mettent en lien. Un groupe déhiérarchisé et décomplexé. Les mots suivent la dynamique et donnent de la visibilité aux projets. Leurs danses commencent, mine de rien, dans un pas, une rotation, un regard. Ainsi, tout a débuté par une, trois, six d’entre elles, pour finir ensemble dans les mains de Philippe Lafeuille, danseur chorégraphe, au Majic Circus du Village du Off.

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Mais avant d’en arriver là, deux spectacles les ont aidées à créer leur danse. « Marche ou rêve» de la Compagnie Lunatik a offert une vision tournée vers le grandir. Deux comédiennes jouent avec les mots, en lien avec leurs chants rythmés. Elles sont l’enfant explorateur d’entrailles de bambous, chercheurs de trésor. Elles vont lutter contre vents et marées, en équilibre permanent entre réalité et rêve.

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Dans « Us-band», 4 hommes nous attendent sur le plateau. Ils ont chacun leur singularité et sont réunis dans une élégance complice. Ils ressemblent à ces enfants qui évoluent en crèche : ils jouent à se pousser, à se jauger, à courir, à se rencontrer dans ce qu’ils sont dans un espace donné. Ils sont eux, ils sont nous. Adultes, enfants. Samuel Mathieu a dû finement observer l’enfance pour une restitution de cette qualité. Le corps des enfants est omniprésent dans ses touchers, ses déplacements, ses regards. Les jeux déploient le plaisir et la dynamique. Une claque sur la cuisse engage cette énergie, le mouvement.

Ces mises en scène réunissent pleinement les spectatrices de la petite enfance, inspirent leurs restitutions chorégraphiées qui ponctuent à de nombreuses reprises la journée. C’est la construction d’un projet, d’une utopie, en cherchant, en marchant. Patiemment…

Car, au-fur-et-à-mesure des spectacles vus et joués par ces femmes, émergent ces questions : comment relier le monde de l’art et celui de la petite enfance ? Qu’est-ce que le geste révèle comme mouvement de fond ? Durant leur travail chorégraphique mené la journée, elles ont établi des liens entre des ressentis communs à ces deux univers : l’enthousiasme, le retour sur soi, la vision de l’autre dans le groupe, la vision globale au sein du groupe, la vision esthétique, l’ouverture vers l’Autre, au-delà du groupe, et enfin le lâcher prise. Sans que cela ait été prévu initialement, ces chorégraphies, mises bout à bout, procèdent du même éveil progressif que celui qui conduit l’enfant à prendre conscience de son humanité. Leur mouvement d’ensemble mène au lâcher-prise…qui amorce en retour une circularité créatrice, puisqu’il nourrit l’enthousiasme, le retour sur soi, et ainsi de suite : le point d’arrivée devient point de départ. L’adulte professionnel, par l’art, retrouve l’enfance, le corps-sujet, le décloisonnement, l’impulsion immédiate et la relation. Il faut ré-enchanter, ré-enfanter les structures d’accueil de la jeunesse, de la même manière que le philosophe Bernard Stiegler considère qu’il faut « amateuriser » les pratiques professionnelles (amateur venant d’ « amor », ce qui veut dire « aimer »), qu’elles soient critiques, artistiques ou autres.

A plusieurs reprises, notre cordon de spectatrices s’est étiré à travers la ville. Les pas se sont emboités avec ceux des tracteurs. Des relations, des questionnements, des idées ont jailli. Le temps a été notre censeur, en mouvement à toujours nous courir après ou nous rattraper.

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Au village du Off, ces femmes vont se saisir de tous ces ingrédients respirés dans la journée et les mettre en émulsion grâce à Philippe Lafeuille, notre monsieur loyal créatif. Le public ne va pas en croire ses yeux : des rires et des mouvements fusent en tous sens, tout en étant recentrés sur l’essence même de leur projet commun. Le centre du chapiteau Majic Mirror laisse résonner le bruit de leurs pas engagés et de leur soif de liberté qu’elles libèrent pleinement dans leur élan collectif de lâcher prise.

Le processus temps de la journée a permis à ces femmes de révéler le potentiel qu’elles portent en elles. Elles ont contribué à façonner une nouvelle relation critique, au cœur même du village du Off. Une pensée critique en acte, en mouvement, joyeuse, libérée. En un mot : incarnée.

Le 10 juillet, l’émerveillement du spectacle était dedans, dehors, partout, dans une vision globale de spectateurs-acteurs passionnés.

Sylvie Lefrère – Sylvain Saint-Pierre – Le Tadorne

« Le Grand Off du Tout-Petit » dans le cadre des Offinités du Tadorne, le 10 juillet 2014.

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ETRE SPECTATEUR FESTIVAL D'AVIGNON LA VIE DU BLOG

Nous préparons vos journées particulières au Festival d’Avignon.

Pour préparer les Offinités du blog du Tadorne au prochain Off d’Avignon, Sylvie Lefrere de Montpellier, Sylvain Saint-Pierre de Paris, Bernard Gaurier de Bretagne et Pascal Bély d’Aix en Provence se sont dernièrement réunis à Marseille pour ressentir ce qu’ils allaient partager avec les spectateurs d’Avignon dans quelques semaines.

Cap sur deux expositions à la Friche Belle de Mai autour de l’architecte du MUCEM Rudy Ricciotti, des photos du collectif chicanos ASCO et de «Visages» à la Vieille Charité. Trois rencontres qui nous ont rassemblés autour du projet des Offinités, car nous y avons trouvé des appuis créatifs pour enrichir nos réflexions.

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Nous nous sommes reconnus dans les paroles de Rudy Ricciotti, architecte du Mucem de Marseille, pour qui l’innovation repose sur le lien respectueux avec les différents acteurs (du maçon au maitre d’œuvre), socle de toute créativité. Nous nous sommes identifiés à son «combat» quand il décrit les chemins de traverse par lesquels il a contourné les rigidités institutionnelles. Nous considérons nos huit prochains rendez-vous avec les spectateurs comme une œuvre commune où nous déjouerons les voies rectilignes de la rencontre pour évoquer autrement nos ressentis sur les 3 spectacles que nous verrons chaque jour.

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La vision critique du groupe Asco, collectif d’artistes mexicains des années 70, nous a sidéré. Leur propos engagé s’appuyait sur la mise en jeu de leur corps. Nous souhaitons que l’engagement des spectateurs inscrits aux Offinités soit mis en mouvement avec la complicité du chorégraphe Philippe Lafeuille.  En fin de parcours à 17h, il leur proposera au Village du Off, de se projeter dans un imaginaire où les images de la journée formeront une chorégraphie qui englobera le public venu assister à son travail.

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À la Vieille Charité, l’exposition « Visages » nous a offert différentes perceptions, à l’image des parcours où vous serez invité. Il existe même une salle où sont proposés des liens entre l’archéologie, l’art contemporain et le corps créatif du spectateur ! Au centre de la cour, il y a une chapelle où le spectateur peut créer sa vision circulaire de l’art : comment ne pas penser au Village du Off ? En quittant «Visages», nous ressentons que tout chemin ouvre sur la complexité et pas sur autre chose !

Ainsi, avons-nous relié ces trois expositions avec un plaisir jubilatoire. Comme si l’art nous permettait tous les liens possibles. Nous imaginons nos Offinités à l’image de ce week-end : explorer le théâtre à travers la dentelle de béton du Mucem ; s’engager comme ASCO dans la critique pour y dévoiler nos multiples visages.

Pascal Bély – Sylvie Lefrère – Bernard Gaurier – Sylvain Saint-Pierre.

Le programme des Offinités:

fleche-noire 10 juillet – « Le Grand OFF du tout-petit »
Les professionnels de la toute petite enfance vont au spectacle et nous immergent dans l’univers foisonnant de la création pour tout-petits.

fleche-noire 12 juillet – « Le Grand OFF des petits et grands »
Parents et enfants (de 8 à 15 ans) vont au spectacle et restituent : « Qu’avons-nous vu ensemble ? ».

fleche-noire 14 juillet – « La critique en OFF des spectateurs Tadornes »
Les animateurs du blog « le Tadorne » et d’autres spectateurs vont au spectacle et s’interrogent : « C’est quoi être un spectateur Tadorne ? ».

fleche-noire 16 juillet – « Le vrai OFF des managers-chercheurs »
Chercheurs, manageurs, décideurs vont au spectacle et s’interrogent : « et si la question du sens se travaillait dans les relations humaines incarnées au théâtre ? ».

fleche-noire 18 juillet – « Le bel OFF du lien social »
Les professionnels du lien social vont au spectacle et s’interrogent : « Comment le théâtre évoque-t-il la question du lien ? ».

fleche-noire 20 juillet – « L’étrange OFF vu d’ailleurs »
Un groupe de spectateurs étrangers vont au spectacle et s’interrogent : « Le langage du théâtre est-il universel ? ».

fleche-noire 22 juillet – « Le grand écart du OFF »
Des spectateurs passionnés de théâtre découvrent la danse et inversement : « Danse – Théâtre : un même mouvement ? ».

fleche-noire 24 juillet – « Le OFF est-il IN ? »
Un groupe de spectateurs IN-OFF fait le bilan du festival.

S’inscrire ici.

A très bientôt.

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ETRE SPECTATEUR FESTIVAL D'AVIGNON LA VIE DU BLOG LES EXPOSITIONS

Droit de réponse : « Au fond, c’est à quel sujet? »

Dans quelques semaines, Bernard de Bretagne, Sylvain de Paris, Sylvie de Montpellier et moi-même, animerons «Les Offinités du Tadorne» au Festival Off d’Avignon. Au total, huit rendez-vous avec des groupes de spectateurs reliés par une thématique, un enjeu. Nous débuterons avec des professionnels de la toute petite enfance le 10 juillet pour clôturer le cycle avec des spectateurs du « in » et du « off » qui croiseront leurs regards le 24 juillet 2014 (les inscriptions se font ici).

Pour préparer ce projet estival, nous nous sommes réunis à Marseille les 12 et 13 avril pour ressentir ce que nous allions vivre avec les spectateurs Tadornes d’Avignon : comment un parcours artistique peut-il questionner notre place dans un environnement où l’on enferme la culture dans ce qu’elle rapporte, où l’on réduit le public à une somme de consommateurs qu’il faut séduire à tout pris via un marketing abrutissant ?

Trois expositions ont jalonné notre rencontre : «Ricciotti architecte» et «ASCO and friends : Exiled Portraits» à la Friche Belle de Mai puis « Visages » à la Vieille Charité. À l’issue de ce cheminement, face au MUCEM, nous avons écrit ce texte, tel un manifeste, tel un droit de réponse à ceux qui font de la culture un espace de chasse gardée.

Dans une société française moulée dans le béton désarmé, nous sommes des spectateurs Tadornes, éléments d’un puzzle qui donnent une vision à l’art sous toutes ses formes. Nous sommes des explorateurs, banc de poissons pris dans la dentelle d’un filet de pêcheurs. En toute liberté, notre parole critique oscille dans les mailles et les flots du MUCEM de Rudy Ricciotti.

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À l’image du collectif d’artistes Chicanos de 1972 à 1987 ASCO, les spectateurs Tadornes sont reliés dans une même démarche, en mouvement. Nos singularités dialoguent dans un même engagement critique. Soudés tel un corps vivant, réceptacle d’émotions et de rébellions, nous passons par les quatre coins cardinaux où nous traversons des chutes et des ascensions. Nous ouvrons une porte sur l’art, y créons des passerelles qui offrent de la transparence, de la porosité, de l’esthétisme et de la chaleur humaine.

Les spectateurs Tadornes sont des artisans compagnons de l’art, ouverts sur de nouveaux horizons à imaginer ensemble.

Quand on s’adresse à eux, ils offrent leur écoute et tissent en reliant le monde proposé à la construction du leur. L’être là d’un spectateur est un mouvement, une respiration vitalisée ; l’art se construit et devient œuvre quand la rencontre des différences se fait écho d’histoire de vie.

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De notre week-end marseillais, nous retiendrons ceci…le retour à l’enjeu du visage. Celui d’une amitié, celui d’un face à face avec des œuvres, celui du projet des Offinités d’Avignon. Le visage comme porte d’entrée à des enjeux humains, au croisement du champ artistique.

Le visage d’un collectif, le groupe ASCO, qui nous regarde comme nous le regardons. Le visage de la volonté et du lâcher-prise, celui de Riciotti.

Le visage encore indéterminé du spectateur des Offinités 2014, que nous accueillerons cet été.

« Ce qu’il y a de plus profond en l’homme, c’est la peau » (Paul Valéry) : ce qui est le plus hostile au cloisonnement, c’est le visage.

Au Off, plus de 1000 spectacles, près de 200.000 spectateurs, et des visages que nous tenterons de révéler; auxquels nous donnerons corps et voix avec l’aide du chorégraphe Philippe Lafeuille.

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Il nous reste à explorer toute la matière de nos liens dont nous ignorons, à l’image du béton du MUCEM de Rudy Ricciotti, ce qu’il deviendra. Nous savons qu’il nous faudra entrer dans le difficile, le rugueux, le nauséabond, pour y trouver les ressorts de notre aimable rébellion.

À la Vieille Charité, il existe une salle où l’on ose les liens entre l’archéologie, l’art contemporain et le corps créatif du spectateur.

À la Vieille Charité, il existe au centre de la cour, une chapelle où le spectateur peut créer sa vision circulaire de l’art.

À l’image de l’exposition «Visages», nous pensons que tout chemin ouvre sur la complexité et pas sur autre chose !

C’est à cette complexité du vivant que nous osons parier quand d’autres rêveraient de réduire notre parole: notre détermination est sans faille, notre vision est dentelle.

Sylvie Lefrère, Bernard Gaurier, Sylvain Saint-Pierre, Pascal Bély – Tadorne

« Les offinités du Blog du Tadorne » au Festival Off d’Avignon du 10 au 24 juillet 2014.

« Visages » à la Vieille Charité à Marseille jusqu’au 22 juin 2014.

« Ricciotti architecte » jusqu’au 18 mai 2014 et  et « ASCO and friends : Exiled Portraits » jusqu’au 6 juillet 2014 à la Friche Belle de Mai.

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Avignon 2014 : notre réponse à la lettre de Marie-José Malis.

Il est rarissime qu’une nouvelle direction d’un théâtre prenne le temps d’écrire au public. Dans la majorité des cas, les promus se pressent devant les caméras et les micros pour expliquer, éléments de langage à l’appui, qu’ils veilleront à «s’adresser à tous les publics» à partir d’une «programmation qui inclura des actions culturelles à destination des quartiers défavorisés».

Marie-José Malis, metteuse en scène, a été nommée à la direction du Théâtre de la Commune d’Aubervilliers le 1er janvier 2014. Quelques semaines plus tard, elle publia une lettre à l’attention du public qui nous a particulièrement touchés. Il nous est impossible d’en faire une synthèse ici, au risque de réduire le sens profond d’une lettre où la politique se mêle de poésie, où l’écriture théâtrale se fait manifeste.

Comme vous le savez peut-être, nous préparons avec le Festival Off d’Avignon une série de rencontres, «Les Offinités du Tadorne». Il nous est apparu évident que notre projet était une réponse à la lettre de Marie-José Malis. C’est à ce dialogue imaginaire que nous vous invitons.

Mesdames, Messieurs,
Public du Théâtre de La Commune,

Depuis le 1er janvier 2014, je suis la nouvelle directrice de ce théâtre très aimé et très considéré qu’est le Théâtre de la Commune.
Je prends cette charge avec un sentiment de gratitude et avec la certitude que c’est un honneur.
Ainsi, dans ma vie, m’aura-t-il été donné de rejoindre la troupe de ceux qui ont servi l’attente qui a été déposée ici ; qui ont servi Aubervilliers et son théâtre.

Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de théâtres comme celui-là, non, je ne le crois pas.
Le Théâtre de la Commune, c’est un théâtre-Idée parce qu’en lui fleurit la vision d’un théâtre au plus haut, à savoir un théâtre qui a toujours cherché, avec une rigueur et – comment appeler cela autrement – une bonté, oui, à incarner le « pour tous » du théâtre.

Ce « pour tous », chacun sait que ce n’est pas l’abaissement à une petite chose, l’abaissement à une perte de confiance ou à un statu quo. Le « pour tous » c’est une déclaration, et un appel à l’invention.
Aujourd’hui, c’est avec une intensité poignante, parce que la vie des gens est devenue étrangement dure, étrangement désorientée, que l’Idée réapparaît, qu’elle nous appelle et nous oblige.
Le « pour tous » du théâtre, nous ne pouvons le trouver dans rien de disponible à petits frais dans le monde : nous n’avons plus de « nous » constitués et souverains, nous n’avons plus de sites stables et avérés. Mais nous avons peut-être autre chose : nous avons le « nous » dans le besoin d’autre chose, dans le deuil et l’attente des heures vraies, dans la vérité des aspirations, dans ce que dit le cœur à l’heure de penser ce qu’est vivre en homme, et nous avons une idée de la beauté.

Je crois à l’égalité de tous devant la beauté. Je crois, comme le dit Hölderlin, qu’elle est en nous comme un trou, un désir, un appel qui nous fait vivre dans la vie. Je crois aussi à l’égalité de tous devant le vide de notre époque : il nous faut repartir vers un travail nouveau, dont personne n’a la clé, mais tous la capacité.
Ainsi, aujourd’hui, (mais les hommes de théâtre que j’admire l’ont toujours pensé, à chaque séquence historique véritable), je ne crois pas que le théâtre existe, qu’il est installé une fois pour toutes.
Je crois que le théâtre doit apparaître à chaque nouvelle création, à chaque nouvelle représentation, comme forme et comme lieu. C’est dans l’intensité de cette pensée que je veux essayer de conduire mon mandat. Maintenant, le monde a besoin de nouvelles formules, de nouveaux lieux véridiques. Et nous, c’est à ça que nous devons travailler.

Je ferai du Théâtre de la Commune ce que je crois qu’il est en pensée : un théâtre comme
seul lieu public constituant qu’il nous reste.
Nous essaierons d’y constituer notre pensée pour un monde nouveau. Il est possible de penser, de recommencer à construire des lignes dans le monde, de nouvelles courbures, qui seront consistantes et vivables ; il faut pour cela les lieux de confiance, de paix, de fraternité joyeuse et, pourquoi pas, « musclée », il faut pour cela déclarer pour ces lieux une nouvelle devise qui est que nous pouvons tout nous dire, que nous pouvons recommencer à parler, qu’il est juste et légitime de ne pas savoir, de ne pas être heureux dans ce monde, et qu’au fond, ce qu’il y a à savoir, avec quoi va le bonheur, n’est jamais en arrière mais n’est, toujours, qu’une création de notre désir.

Nous constituerons donc la démonstration qu’il y a des lieux publics vrais, où l’hospitalité est garantie et les moyens d’un vrai travail, un travail aux termes et aux conditions dignes, pour apprendre à désirer. Car il faut aussi dire cela, il nous faut des lieux où se réinvente la discipline du désir, des lieux où se reformule et se réorganise le travail de la pensée.
Et ainsi, nous y constituerons, comme le disait Meyerhold, l’intuition d’une nouvelle joie de vivre.

Nous y constituerons aussi l’idée qu’un lieu de théâtre est la chance qu’une parole puisse être adressée et inspirée. Je crois aux murs des théâtres parce qu’ils rêvent la ville qui les environne, je crois que ce sont des cœurs du cœur d’une ville, qu’ils la prennent sous la lumière de leur lustre pour l’arracher aux choses mortes et lui rendre la jeunesse, celle du désir, celle des formules éclaircies, celle des intuitions que la pensée livrée aux soucis quotidiens laisse mourir hors de soi, mais qu’il nous faut rendre, comme on rend justice.
Nous y constituerons l’idée que ce temps est le nôtre, notre temps, dans lequel nous aurons vécu, et que ce temps, dans une ville qui s’appelle Aubervilliers, un lieu, qui s’appelle La Commune, et qui est donc à nous, ce temps pouvait redevenir l’objet de notre désir et de notre amour.
Nous y constituerons donc l’idée que l’art nouveau que nous souhaitons ne va pas sans une population à qui il s’adresse, sans une population dont la vie même sera matière à une nouvelle beauté.

Dans les prochaines semaines, je lancerai un appel public à venir réfléchir avec nous à ce que doit être un théâtre. Ainsi, mon rêve est-il que nous vivions ensemble le sentiment de joie qui va avec l’aventure d’une refondation. Je souhaite que nous ayons les rires et la fièvre des « bâtisseurs ». On ne peut vouloir refonder que ce qui a été donné une fois pour toutes comme lieu véridique : je rends ici hommage à mes prédécesseurs, à Gabriel Garran le fondateur, que je ne peux penser que comme un homme jeune, fou de théâtre, d’où nous viendra toujours l’idée d’audace et de bonté qui va avec ce théâtre ; à Alfredo Arias, à Brigitte Jaques et François Regnault, à Didier Bezace, ses successeurs.

En attendant nos prochains rendez-vous, je souhaite présenter mon directeur adjoint, mon ami et ma ressource, sans qui je n’aurais pas pensé que diriger ce théâtre était possible : Frédéric Sacard, qui a élaboré avec moi le projet de direction artistique. Nul doute que dans les prochains temps, notre direction vous apparaîtra pour ce qu’elle est : partagée. Je souhaite aussi présenter la nouvelle administratrice du Théâtre de la Commune : Anne Pollock, qui quitte la direction déléguée du Vieux Colombier pour Aubervilliers ; c’est un signe très beau qui dit qu’il y a des lieux que l’on désire.

Je souhaite rendre hommage aux acteurs et aux techniciens de ma compagnie. C’est avec eux que je viens. Autrement, ce serait impossible. Un jour, je dirai ce que je crois être l’héroïsme des acteurs et la loyauté absolue, qui est comme une boussole, l’amour du réel, sans mensonge ni rhétorique, des techniciens de théâtre. Mais pour l’heure, je voudrais qu’ils entendent ma piété pour ce que nous avons construit. Enfin, je dois saluer l’équipe du Théâtre de la Commune. Peu de gens ont eu comme moi la chance d’arriver dans un lieu où les attendaient la cordialité, l’humour et le sens profond du travail. C’est encore un don, et non des moindres, que j’ai reçu avec eux.

Je finirai en présentant les futurs artistes et auteur associés du Théâtre de la Commune : Alain Badiou, Laurent Chétouane, Catherine Umbdenstock et Françoise Lepoix. Qu’avec eux, soit de nouveau neuve cette idée qu’un centre dramatique national est un foyer de productions, un lieu qui rassemble dans l’inquiétude commune du théâtre des artistes différents, un lieu qui montrant ces différences et s’en expliquant publiquement, permet de comprendre comment le temps présent se cherche, un lieu qui permet une orientation, dans l’art, dans les questions du temps ; un lieu qui enfin se donne les moyens d’une action directe, où chaque point de l’adresse aux habitants est désiré et vécu avec la joie d’une cohérence vraie.

Marie-José Malis
janvier 2014

Venez vivre une journée particulière au OFF.

Du 7 au 27 juillet 2014, nous, publics d’Avignon, reconduirons dans le Village du Off nos rencontres de spectateurs, “les Offinités”. Elles prolongeront le travail d’écriture du Blog « Le Tadorne », actif tout au long de l’année. En 2014, les Offinités présenteront un nouveau visage, signe de la confiance du Président Greg Germain et de Christophe Galent, chargé des actions culturelles.

On dit souvent que la ville d’Avignon constitue une utopie, le temps du mois de juillet. Laboratoire à ciel ouvert, lieu de rencontres et d’imprévus, cette ville et ce Festival nous imprègnent comme nul autre. Il nous donne à vivre et à respirer. En cette période de crise, de radicalisation et de repli, nous avons besoin du festival pour rêver, pour penser, et pour créer.

Depuis 2005, date de la création du blog, notre projet vise à mettre en mouvement la place du  spectateur, en reliant son esprit, ses sensibilités et son corps pour prendre à rebours le rapport statique et consumériste, généralement proposé au public des arts vivants.

Situés à Paris, Montpellier, Marseille, Rennes, Nantes, nous, Pascal Bély, Sylvie Lefrère, Philippe Lafeuille, Bernard Gaurrier et Sylvain Saint-Pierre, sommes regroupés autour d’une  aspiration : un grand, un beau spectacle, place le spectateur dans une posture créative qu’il s’agit de recueillir, de faire vivre, de préserver. Loin d’une logique institutionnelle ou académique, cette parole recueillie vise à interroger le sujet et sa place dans le monde. C’est le sens de nos rendez-vous de l’été prochain: écouter ce qui fait écho en nous, ce qui nous interroge et conduit notre pensée à cheminer, à opérer des liens, à donner envie aux autres de vivre pareille expérience.

Spectateurs actifs, nous sommes Tadorne lorsque nous œuvrons dans nos activités professionnelles respectives (la petite enfance, l’éducation, le handicap, la chorégraphie du corps social) pour essayer de les faire déborder et de les mettre en relation avec les enjeux artistiques qui nous touchent. Sensibles aux idées, nous cherchons à interroger le propos d’un artiste pour le relier avec un moment vécu. Ainsi, nous espérons décloisonner les espaces et les esprits, ouvrir de nouveaux champs à la perception, instituer de nouveaux rapports entre les acteurs sociaux et artistiques. Car si la société actuelle nous apparaît comme figée, compartimentée, il nous appartient de réfléchir à un nouveau modèle de relation au spectacle vivant.

Nous sommes Tadorne lorsque nous vivons un spectacle et lorsque nous l’écrivons. Mais aussi et surtout, lorsque nous rencontrons d’autres spectateurs, désireux de s’affranchir des postures et des rôles préétablis. Nous sommes donc Tadorne dans notre façon de travailler le collectif, de le mettre en jeu et en mouvement, afin de rendre vivants les arts qui ne le sont parfois plus. Nous croyons, avec la chorégraphe Pina Bausch, que la scène donne à vivre quelque chose d’indéfinissablement doux et profond, qu’on pourrait appeler «tendresse». C’est cette tendresse artistique, non dénuée de virulence parfois, que nous voulons vivre, et que nous voulons partager. Pour ce faire, nous serons des accompagnateurs désireux de faire émerger une nouvelle relation au Off.

Aussi, dès le 10 juillet, nous proposerons au public d’Avignon d’intégrer un ou plusieurs de nos groupes de spectateurs. Nous irons voir ensemble trois spectacles (entrecoupés de séquences d’écoute créative de nos ressentis) pour rejoindre à 17h, au Magic Miror, espace central du OFF, le chorégraphe Philippe Lafeuille. Il nous aidera à mettre en scène nos ressentis, notre parole critique et créer un dilaogue public avec les autres spectateurs présents.

L’agenda est le suivant :

10 juillet – «Le Grand Off du tout-petit» – Les professionnels de la toute petite enfance vont au spectacle et nous immergent dans l’univers foisonnant de la création pour tout-petits.

12 juillet – «Le Grand Off des petits et grands»- Parents et enfants (de 8 à 15 ans) vont au spectacle et restituent: «Qu’avons-nous vu ensemble? »

14 juillet– «La critique en Off des spectateurs Tadornes» – Les animateurs du blog «le Tadorne» et d’autres spectateurs vont au spectacle et s’interrogent: «C’est quoi être un spectateur Tadorne?»

16 juillet – «Le vrai Off des managers-chercheurs» – chercheurs, manageurs, décideurs vont au spectacle et s’interrogent: «et si la question du sens se travaillait dans les relations humaines incarnées au théâtre? »

18 juillet – «Le bel Off du lien social » – Les professionnels du lien social vont au spectacle et s’interrogent: «Comment le théâtre évoque-t-il la question du lien? »

20 juillet – «L’étrange Off vu d’ailleurs» – Un groupe de spectateurs étrangers vont au spectacle et s’interrogent: «Le langage du théâtre est-il universel? »

22 juillet – «Le grand écart du Off» – Des spectateurs passionnés de théâtre découvrent la danse et inversement : «Danse – Théâtre: un même mouvement? »

24 juillet – « Le Off est-il in?» – Un groupe de spectateurs  in-off fait le bilan du festival.

Sylvain Saint-Pierre. Tadorne.

 

 

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LA VIE DU BLOG OEUVRES MAJEURES Vidéos

La belle année 2013.

15 grands rendez-vous ont jalonné mon année de spectateur. Ils reflètent mes choix de privilégier des lieux accueillants ,des auteurs et metteurs en scène engagés à renouveller les formes au profit d’une rencontre, d’un propos. Certains s’étonneront de la faible présence de la danse contemporaine. Mais il y a eu  peu de propositions dans l’aire marseillaise (malgré le travail remarquable de Klap, Maison pour la Danse, pour changer la donne) et le festival Montpellier Danse s’est muré dans des valeurs trop sûres. Reste deux belles rencontres : le croate Matija Ferlin et Mathieu Jedrazak qui ont fait le pari de positionner la danse sur le terrain d’une vision à partager.

2013, fut année de tous les superlatifs comme si l’excès devait contrer notre incapacitation à penser la complexité. Avec Katie Mitchell, ce fut le plus long travelling cinématographique sur scène où j’ai vécu de l’intérieur ce que le deuil d’amour veut dire ; dans «Mélanie Daniels» de Claude Schmitz,  le théâtre m’a guidé vers le cinéma, vers «Les oiseaux» d’Hitchcock, où il est l’art de l’art. Claude Schmitz proposa le plus bel espace mental pour et vers le spectateur où le cinéma ne se «fabrique pas», mais où l’Image est une émergence d’un long traveling théâtral.


Avec Angelica Liddell, ce fut le plus beau tango de Chine pour faire valser le propos sans concession d’une artiste unique; avec le collectif «L’avantage du doute», ce fut les dialogues les plus explosifs entre individus en proie à la marchandisation de la relation humaine. Dans « Le tourbillon de l’amour » de Daisuke Miura, le théâtre m’a immergé dans cette maison où l’on vient pour « baiser » avec des inconnus ; où l’on repart sans adresse, en mille morceaux, mais plus aimant…

« Après la répétition » d’Ingmar Bergman par le tg STAN a dévoilé deux acteurs en proie au tourment de leur théâtre amoureux où fiction et réalité forment un tourbillon poétique…

Je ne suis pas prêt d’oublier la troupe hongroise et roumaine emmenée par Alain Timar qui nous offrit un «Ubu papa», «Ubu maman» en papier, qui se froissent pour un oui ou pour un non. À l’image d’un pouvoir qui déchire les âmes pour régner sans toi, ni loi.

« Antiteatre » d’Après Rainer Werner Fassbinder, mise en scène de Gwenaël Morin, a lui aussi joué du pouvoir. Et comment…pendant plus de six heures, j’ai quitté un contexte alourdi par les propos d’une classe politique épuisée pour rejoindre une contrée où des artistes abordent la douleur sociale en agitant la pensée créative d’un auteur.

Je me souviens encore des “Particules élémentaires de Julien Gosselin. Il a réussi à réunir des générations de spectateurs en déstructurant le texte de Houellebecq pour créer un lien ouvert entre littérature, science, art, tout en nous positionnant comme co-penseur de notre époque!

Dans « Sœur je ne sais pas quoi frère », Philippe Dorin nous a offert, petits et grands, une vision sans limites d’une fratrie où nous serions une partie et le tout ! Moment exceptionnel où le théâtre vous plonge dans les abymes de l’inconscient familial.

«À la renverse» de Karin Serres, mise en scène de Pascale Daniel-Lacombe, fut aussi une mise en abyme où j’ai ressenti ma trajectoire de vie incarnée dans celle d’un couple amoureux épris de Bretagne, de cosmos et de New York !

Et puis…en 2013, il y a eu deux grandes rencontres: avec le clown Ludor Citrick dans « Qui sommes-je ? » ; avec le Téatro Distinto dans « La pécora négra ». Deux rencontres pour puiser dans les ressorts créatifs des artistes, l’énergie de croire qu’il reste à créer ce que nous ne connaissons plus.

15 oeuvres…majeures.

«Reise Durch Natch », Katie Mitchell, Festival d’Avignon – Allemagne.

Angelica Liddel, «Tout le ciel au-dessus de la terre (Le Syndrome de Wendy)»Festival d’Avignon – Espagne.

«La légende de Borneo», le Collectif l’Avantage du Doute, Théâtre de Nîmes – France.

– « Ubu Kiraly », mise en scène d’Alain Timar, Théâtre des Halles, Avignon – France-Roumanie-Hongrie.

«Les particules élémentaires” , mise en scène de Julien Gosselin, Festival d’Avignon – France.

«A la renverse» de Karin Serres, mise en scène de Pascale Daniel-Lacombe, Théâtre du Rivage, Festival « Théâtre à tout âge », Quimper – France.

– «Après la répétition» d’Ingmar Bergman par le TG STAn, Théâtre Garonne, Toulouse – Belgique.

– «Antiteatre» d’Après Rainer Werner Fassbinder, mise en scène de Gwenaël Morin, Théâtre de la Bastille, Festival d’Automne, Paris – France .

La Jeune Fille et la morve”  de Mathieu Jedrazak, Festival Off d’Avignon – France.

«Sad Sam Lucky» de Matija Ferlin, Festival Actoral, Marseille, Croatie.

«Le tourbillon de l’amour» de Daisuke Miura, Festival d’Automne de Paris – Japon.

– «Qui sommes-je ?» de Ludor Citrick, « Cirque en capitale », Marseille Provence 2013 – France.

« Sœur je ne sais pas quoi frère» par Philippe Dorin, Festival Petits et Grands, Nantes – France.

«Mélanie Daniels» de Claude Schmitz, KunstenFestivalDesArts de Bruxelles – Belgique.

«La pécora négra », Téatro Distinto, Festival Segni d’Infanzia, Mantova – Italie.

Pascal Bély – Le Tadorne.

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LA VIE DU BLOG

Où pister les spectateurs Tadornes en novembre 2013?

Le mois de novembre s’avère particulièrement chargé pour les spectateurs du Tadorne. De grands festivals (« Mettre en scène » à Rennes) côtoient des plus petits (« Les rencontres à l’échelle » à Marseille) tandis que les théâtres en profitent pour avancer dans leur saison. Pour la première année, le Tadorne sera à la ZAT de Montpellier (manifestation centrée sur un quartier où des artistes de plusieurs disciplines occupent la rue et les espaces culturels).

Parmi tous ces spectacles, combien feront l’objet d’un écrit, d’un engouement, d’un engagement de notre part ? À suivre…

Voici donc l’agenda du mois de novembre 2013 de Sylvie Lefrere, Bernard Gaurier, Laurent Bourbousson, Sylvain Saint Pierre et Pascal Bély.

De Marseille, à Paris, en passant par Rennes, Nantes, Nîmes, Montpellier, Marseille et Aix en Provence.

5 novembre >  “Café Lab” au Théatre de la Chapelle – Montpellier.

5 novembre > « La mouette » Yann-Joël Collin- L’aire libre  – Saint Jacques de la Lande.

6 novembre > “Trace(s)” de Sabine Tamisier – Salle du Bois de l’Aune – Aix en Provence.

7 novembre > « Henry VI » (épisode 3) Thomas Jolly – TNB – Rennes

7 novembre > “Les jeunes” de David Lescot – ATP – Aix en Provence.

8 novembre > “To B, the real tragedy” par Germana Civera – 3 Bis F – Aix en Provence.

9 novembre > “Bleu!” par la compagnie TPO – Théâtre Minoterie Joliette – Marseille.

9 novembre > “Mémoire du grand nord” par Mathieu ma fille Foundation – Théâtre des Bernardines – Marseille.

9 novembre > “22h13” de Pierrick Sorin – Théâtre de la Criée – Marseille.

9 novembre > Forum Libération – Montpellier Danse , “Pour corps féminin , corps étendart et danse: la révolution sur la pointe des pieds”. Corum – Montpellier.

9 novembre > “Orlando” de Guy Cassiers- Théâtre de la Bastille – Paris.

9 novembre > “Tambours dans la nuit” d’après Brecht mis en scène par Dag Jeanneret – Sortie Ouest – Béziers.

9 novembre > « Passim » François Tanguy – TNB Gabily – Rennes

9 novembre > « Carne » Sandrine Roche – La Paillette – Rennes

10 novembre > Festival Instants vidéos – Friche Belle de mai – Marseille

10 et 11 novembre > La Zat – Montpellier.

11 novembre > « Secret » Johann Le Guillerm – Chapiteau Cosec – Bruz

12 novembre > « Adieu et merci » Latifa Laâbissi – Musée de la danse – Rennes

13 novembre > « Aïlòviou » Didier Galas/Pascal Contet, Joël Grare/Christian Rizzo – TNB – Rennes

13 novembre > « Democracy » Maud Le Pladec – TNB  Ropartz – Rennes

13 novembre > “Dead Dog / vision” de Mounir Saeed – Les Rencontres à l’Echelle – Marseille.

13 novembre > “Early Works” Trisha Brown Danse Company – Marseille Objectif Danse – Marseille.

14 novembre > “AIR” de Vincent Dupond – Théâtre de l’Odéon – Nîmes.

15 novembre >  “Viejo, solo, y puto” de Sergio Boris.  Théâtre de la Vignette – Montpellier

15 novembre > « Utopia » Anne-Cécile Vandalem – La Paillette – Rennes

15 novembre > “Al Atlal” de Sharif Andoura – Les Rencontres à l’Echelle – Marseille.

16 novembre > “Taste me de Gurshad Shaheman – Les Rencontres à l’Echelle – Marseille.

16 novembre > “Touch me de Gurshad Shaheman- Les Rencontres à l’Echelle – Marseille.

16 novembre >« Polices ! » Rachid Ouramdane/Sonia Chiambretto – Le Triangle – Rennes

16 novembre > « Beaux Arts » Philippe Decouflé – Musée des Beaux Arts – Rennes

16 et 17 novembre >Festival Cour c’est court – Cabrières d’Avignon

19 novembre > « Ionesco suite » d’Emmanuel Demarcy-Mota – TNB  Gabily – Rennes

20 novembre > « Soirée composée » Marlene Monteiro Freitas/Volmir Cordeiro – Musée de la danse – Rennes

20 novembre > Danielle Ninarello – sortie de résidence au CDC Les Hivernales

21 novembre >  ” Histoires parallèles, pays mélés” d’Alain Buffard- Centre Chorégraphique de Montpellier .

21 novembre > “Fuck americapar la Compagnie Théâtre provisoire – Théâtre Joliette Minoterie – Marseille.

21 novembre > « Au bord du gouffre » Cédric Gourmelon – Vieux Saint-Etienne – Rennes

21 novembre >  Lecture de Carole Thibault – Une liaison contemporaine à la CHartreuse de Villeneuve les Avignon

22 novembre > « Rendez-vous sous la couette » Benoît Gasnier – TNB – Rennes

22 novembre > « Kristin/Fräulein Julie » Katie Mitchell, Léo Warner – TNB – Rennes

22 novembre > “Le Batman dans ta tête“, chantier de résidence d’artiste de David Léon- La Baignoire – Montpellier.

23 novembre >  ZAL, zone artistique littéraire – Montpellier.

23 novembre > « S Druge Strane » Nataša Rajković, Bobo Jelćić – La Paillette – Rennes

23 novembre >  « Nella Tempesta » Motus – TNB  Ropartz – Rennes

23 novembre > « Pleurage et scintillement » Jean-Baptiste André, Julia Christ – Grand Logis – Bruz

25 novembre > ” Têtes mortes de Beckett mis en scène par Marie Lamachaire – Théâtre de la Vignette- Montpellier.

26 novembre > ” Mauvais genre” d’Alain Buffard- Théâtre de Gramont, Montpellier Danse.

27 novembre : Le tourbillon de l’amour – Théâtre de Nîmes

28 novembre >« Le songe d’une nuit d’été » Compagnie l’unijambiste – Le Canal – Redon

30 novembre > “Todo el cielo sobre la tierra” d’Angélica Liddell – Théâtre de l’Odéon – Paris

30 novembre > « Antitéâtre l’intégrale » Gwenaël Morin – T U – Nantes

30 novembre > “La réunification des deux Corées” – Joël Pommerat – Chateauvallon.

 

 

 

 

 

 

 

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EN COURS DE REFORMATAGE LA VIE DU BLOG

Octobre 2013: où pister les spectateurs Tadorne?

À plusieurs reprises, des amis et lecteurs nous ont questionnés: pourquoi ne pas publier à l’avance l’agenda des spectateurs Tadorne? J’ai hésité à répondre favorablement, car je ne souhaitais pas positionner le blog sur le terrain de la communication culturelle. Peu à peu, une évidence s’est imposée: cet agenda peut être un outil pour partager avec nous nos choix et nos engagements.

Voici donc l’agenda du mois d’octobre de Sylvie Lefrere, Bernard Gaurier, Laurent Bourbousson, Sylvain Saint Pierre et Pascal Bély.

De Marseille, à Paris, en passant par Rennes, Nantes, Toulouse, Avignon, Nîmes, Montpellier, Venise et Mantova!

Pascal Bély – Le Tadorne

 

1er octobre> “Car tu es poussière” adaptation Pinter par Stephane Laudier – Théâtre des 13 ventsMontpellier

1er octobre> “Letzte Tage. Ein vorabend” – Christoph Marthaler – Théâtre de la Ville Paris

2 octobre>  Concert de jazz de Julien Fortier – La Laiterie Montpellier.

3 octobre > Macbeth par l’école Ernst Busch de Berlin à La Vignette – Montpellier.

3 octobre > Lecture d’un travail en cours d’élaboration de la compagnie Théâtre de la craie “Je suis Arturo” – La Charteuse Villeneuve lez Avignon.

4 octobre > Exposition “Electricités sonores” – La Panacée– Montpellier.

4 octobre > “Après la répétition” – Tg Stan – Théâtre GaronneToulouse. Critique ici.

4 octobre > «Le grand Jeu»- Olivia Granville – Ouverture de résidence- Le GarageRennes

5 octobre > “Un autre nom pour ça” – Mladen Materic – Théâtre GaronneToulouse.

6 octobre > Parcours “Chemin Faisant” proposé par la Cité, Maison de Théâtre au Mucem – Marseille.

7 octobre > «Monologue sans titre» Daniel Keene/Hervé Guilloteau – TU – Nantes

8 octobre >«La légende de Bornéo»- Collectif l’Avantage du Doute – Le Lieu Unique Nantes. Critique ici.

8 octobre > Fana Tshabalala – Ex Nihilo – Dala et les Pas Perdus  – Questions de Danse – Klap, Maison pour la danseMarseille.

9 octobre > “Mystery Magnet “- Miet Warlop – Théâtre de la Criée – Festival Actoral Marseille

9 octobre >” Timeloss” – Amir Reza Koohestani- La Friche Belle de Mai – Festival ActoralMarseille

9 octobre > “Caliban Cannibal” – Motus – La Friche Belle de Mai – Festival ActoralMarseille

10 octobre > “Bodies in the Cellar” – Vincent Thomasset – La Friche Belle de Mai – Festival Actoral Marseille

10 octobre > Christine Fricker – Questions de Danse – Klap, Maison pour la danse – Marseille.

11 octobre > “Quand je pense que nous vieillirons ensemble” – Les chiens de Navarre – Théâtre du Gymnase – Festival Actoral Marseille.

12 octobre > Conférence dansée de Kaspert Zoeplitz – Centre Chorégraphique National Montpellier.

12 octobre >Expo «Danse-Guerre» – Musée de la danse Rennes

12 octobre > “Grand singe” – Nicolas Cantin – Théâtre des Bernadinnes – Festival ActoralMarseille.

12 octobre > Concert d’Arman Méliès – Paloma- Nîmes

15 octobre > Concert d’Asaf Avidan – Zénith- Montpellier.

17 octobre > Exposition Le Corbusier – J1- Marseille.

17 octobre > A ton image” dans le cadre du festival Drôle de Hip Hop – Compagnie Stylistik – Théâtre Golovine- Avignon

18-19 octobre > Colloque: “Les lieux d’accueil de la petite enfance deviendront-ils les nouvelles maisons de la culture ?” – Théâtre MassaliaMarseille.

18 octobre > “Le projet ennui” – Le cabinet de curiosités – Théâtre de LencheMarseille.

18 octobre > Lecture “L’atelier d’Alberto Giacometti” de Jean Genet au Théâtre des Halles dans le cadre du Parcours de l’art – Avignon

19 octobre > “Current Location” – Toshiki Okada – Théâtre de Genevilliers – Festival d’Automne Paris

19 octobre > “Double suicide à Sonezaki”- Sugimoto Bunraku Sonezaki Shinjû – Théâtre de la Ville – Festival d’AutomneParis

20 octobre > Concert de  Lilly wood and the Pricks – Paloma – Nîmes.

22 octobre > Yendi Nammour – Laurence Maillot et Jérémy Demesmaeker- Questions de Danse – Klap, Maison pour la danse – Marseille.

23 octobre > “Qui découvre qui” – Compagnie Skappa! – Théâtre Massalia – Marseille

24 octobre – 5 novembre > Festival du cinéma Méditérranéen- Montpellier

24 octobre > “For Mg The Movie – Homemade – Newark” – Trisha Brown –Théâtre de la VilleParis

25 octobre > Ex Nihilo – Questions de Danse – Klap, Maison pour la danse – Marseille.

25 octobre > Le projet ennui” – Le cabinet de curiosités – Théâtre de Lenche – Marseille.

Du 27 au 30 octobre > Biennale d’Art Contemporain – Venise.

Du 30 octobre au 3 novembre > Festival Théâtre jeune publicMantova.

A noter également, les spectacles sélectionnés à Paris par Guy Degeorges.

 

 

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ETRE SPECTATEUR LA VIE DU BLOG

Pourquoi j’arrête ce Tadorne là…

Ils ont osé. Elle a osé. Pour la première fois en France, la directrice d’une Scène Nationale (Le Merlan) a envoyé une lettre recommandée à un spectateur qui a eu la mésaventure d’interroger son projet et de pointer ses graves manquements à ses missions de service public. Pour la première fois en France, un syndicat (le SYNDEAC) a examiné la requête du Théâtre du Merlan de Marseille pour qu’il entame une procédure en diffamation contre un spectateur, auteur d’un blog sur l’art vivant depuis 2005. C’est du jamais vu. Pour la première fois, suite à ma dénonciation, le directeur de la Scène Nationale de Cavaillon, Jean-Michel Gremillet, déverse des injures sur le blog et affirme dans un mail privé qu’il m’interdira dorénavant l’accès au théâtre. Cela n’a provoqué aucun émoi particulier : ni dans la presse locale (tellement occupée avec l’affaire Guetta et à préserver ses subsides publicitaires avec le Merlan), ni sur les réseaux sociaux (où l’on semble feindre de ne pas comprendre où est le problème). À part le cercle proche, je me suis senti bien seul.

C’est ainsi que des femmes et des hommes de culture ont collectivement  envisagé d’intimider un spectateur pour le faire taire. Ils exercent un pouvoir sur les artistes sans véritable régulation démocratique et ne supportent pas l’idée qu’un spectateur «d’en bas» s’immisce dans leur projet. De tous les services publics, la culture est le seul système où le citoyen n’a strictement aucune possibilité de faire entendre sa vision. Mais à quoi sert l’art si ce n’est d’exercer son regard critique sur tout ce qui fait sociétal, ce qui fait politique?

Ainsi donc, une corporation s’arroge le pouvoir de définir de façon univoque sa vision de la relation avec le spectateur : elle a des outils (action culturelle, service de communication, de relation avec les publics, …), des dogmes prêts à l’emploi (ah, la sacro-sainte «démocratisation culturelle» si possible «par l’éducation populaire»), des relais associatifs (parce qu’il existe des publics empêchés), des pratiques de management d’une autre époque (un affect très corporel mêlé d’autocratie). Tout est fermé de l’intérieur par un système de nomination occulte où le Président suprême a le dernier mot. C’est ainsi qu’ici ou là, des mandats de direction de 15, 20, 30 ans verrouillent sur le territoire tout processus de changement au profit d’une caste qui sait à quel moment il est judicieux de se placer auprès du maître (la maitresse est plus rare vu la forte virilité du secteur…).

C’est ce système qui positionne la culture dans une vision descendante là où la mondialisation et la puissance de l’horizontalité de l’internet appellent d’un lien à l’art renouvellé pour l’extraire du consumérisme. Mais aujourd’hui, ce système autocratique sert une industrie culturelle qui impose ses esthétiques, sa communication et les procédures de contrôle de la parole du spectateur qui vont avec, ses dynamiques de réseau fermées contre une approche transversale de l’art.

J’ai pensé que je pouvais «jouer» dans ce système pour l’ouvrir au profit d’articulations créatives. Peine perdue. Ou presque. J’ai pensé que la sensibilité de mon écriture pouvait légitimer la parole de tout spectateur. Cela s’est avéré impossible au risque de me compromettre avec la dictature du slogan, d’aller à l’encontre de mon éthique, de mes valeurs. À plusieurs reprises, je me suis senti à la limite de leurs jeux. Je sais pourtant qu’ici ou là, des spectateurs et des artistes se sont reconnus dans la démarche un peu «frondeuse» du Tadorne. J’ai entendu la parole encourageante d’acteurs socio-éducatifs pour qui un changement de paradigme était possible (à savoir co-construire des projets culturels plutôt que des contenus auxquels il faut se soumettre).

Il est donc urgent de réinterroger en profondeur le projet de ce blog. Il n’y a plus de temps à perdre, car tout mouvement créatif a besoin de se nourrir de la base, du peuple (oh, le vilain mot que le système ne prononce même plus…lui préférant territoire, terme plus chic). Il me faut en premier lieu m’extraire des logiques de pouvoir. Je présenterais donc ma démission à la DRAC PACA comme expert danse tout comme je mettrai fin à mon mandat de président d’une compagnie.

D’autre part, il n’est plus imaginable d’écrire sur les œuvres à partir d’un positionnement perçu comme “critique professionnel”. J’ai besoin de relier l’art à mon contexte (qui grâce à mon métier de consultant pour les services publics et associatifs est foisonnant de ressources créatives). Je ressens l’extrême nécessité de me nourrir des propos artistiques en les déconnectant de la communication abrutissante qui les entoure pour les prolonger vers les chercheurs, vers les praticiens de la créativité que je croise au hasard de mes missions et de mes lectures. Je vais donc changer de réseau d’information (arrêter ces abonnements sans fin aux pages Facebook si pauvres du secteur culturel) pour m’intégrer dans ceux qui font la promotion de pratiques sociales et éducatives innovantes.

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Le Tadorne veut relier l’art différemment et échapper au consumérisme organisé par les lieux culturels qui, peu à peu, compliquent l’achat des places, starisent leur programmation, empilent toujours plus de propositions pour répondre à nos pulsions de consommateurs avides de nouveautés.

J’aimerais tenter une autre écriture. Elle sera délicate à ses débuts, mais j’ai confiance dans mon expérience de sept années auprès des artistes. Elle aura besoin de temps pour émerger et s’affirmer. Mais ce saut dans l’inconnu est la seule façon de ne pas se laisser absorber par le néant de la communication et du commentaire dans lequel ont veut plonger ceux qui pensent par eux-mêmes.

Pascal Bély – Le Tadorne.