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ETRE SPECTATEUR HIVERNALES D'AVIGNON PAS CONTENT

Hivernales pensées pour un printemps de la danse.

Chaque année, je m’accroche à ce festival…sait-on jamais…Mais depuis quatre ans, toujours la même déception: propositions artistiques convenues (quand elles ne sont pas expérimentales au plus mauvais sens du terme);  absence d’ambition, de visée alors que la danse a longtemps éclairé les arts de la scène; public vieillissant qui ne se renouvelle pas d’où des salles clairsemées. Ce festival n’a aucun projet à part de maintenir son image, justifier son existence même s’il faut pour cela balader le public dans des lieux réputés hors du département. Faute de se remettre en question, sa direction fait appel au critique sulfureux du Nouvel Observateur pour se plaindre du prix des billets de train, du coût de l’électricité, …

Pourtant, l’affiche était belle. Très belle. Une invitation à la danse dans ce qu’elle a de plus fragile : son apparition, sa disparition. Mais une affiche ne fait pas le printemps…

Que pouvais-je attendre ? Plutôt qu’une thématique (la méditerranée cette année), j’aurais aimé un horizon. Il m’est arrivé de me ressentir habité à la fin d’un festival : «Cette année, la danse à…». Ici, rien. A la sortie de chaque spectacle, j’ai approché mon vide émotionnel: à la danse bavarde a répondu mon mutisme comme si mon engagement de spectateur ne trouvait aucun écho dans un processus de création.

J’ai cherché un propos, là où je n’ai eu que de la démonstration: ici des jeunes égyptiens  baladés sur scène par deux chorégraphes françaises en quête de légitimité ; là une danse qui produit de la matière à observer plutôt qu’un mouvement pour entrer en communication ; ailleurs des clichés sur la condition féminine à partir d’une chorégraphie elle-même habitée par des clichés sur la danse; ici encore, une soirée «israélienne» sous le  patronage du consul où la danse fait salon et se justifie d’exister…J’ai même eu à supporter la crise d’adolescence d’un chorégraphe comme si «chorégraphier» la bancalitude du monde était en soi une danse…

Dans ce festival, rien ne m’a été proposé avec générosité comme si ce n’était finalement pas une finalité. Le plaisir de voir de la danse n’est même pas un objectif : tout juste, un hasard…Je n’ai croisé aucun enfant dans la salle, encore moins sur scène. La danse les exclut d’autant plus qu’elle n’intègre pas les familles (inutile de cherchez le festif…). Pour cela, il vaut mieux voir du cirque : au moins cette discipline nous accueille-t-elle dans notre diversité…

Dans ce festival, le projet pour la danse n’est qu’un programme qui ne développe pas les publics. Parce que la danse incarne sa propre domination là où elle devrait englober, nous relier, faire de nous des spectateurs sensibles où nos fragilités seraient gage d’ouvertures.

Dans ce festival, on fait référence au bon vieux temps, à la direction précédente comme pour s’excuser de la médiocrité du présent avec cette désagréable impression d’être pris en otage entre un passé glorieux et un futur qui ne peut exister faute de ressource publique abondante.

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Je rêve d’un festival de danse où celle-ci serait célébrée, dans toute sa diversité ! Où artistes, spectateurs, chercheurs dialogueraient pour régénérer une PENSÉE, pour qu’elle irrigue la société. Toute la société.

Je rêve d’un festival où l’on débattrait sans fin des spectacles ! Où l’on ovationnerait le talent ; où l’on sifflerait l’imposture !

Je rêve d’un festival qui interrogerait en permanence mon désir de danse ; où l’intimité des corps m’évoquerait la douleur du monde.

Je rêve d’un festival sans thème, mais où la rumeur ferait entendre l’émotion collective d’un public passionné.

Je rêve d’un festival animé par un collectif de défricheurs, en profonde empathie avec les artistes, soucieux de préserver ce qui doit l’être pour ouvrir là où le pouvoir verrouille.

Je rêve d’un festival au printemps pour qu’à la sortie des spectacles, nous nous retrouvions dans la rue à oser danser et rire du temps paléolithique où nos corps frigorifiés fuyaient les rues balayées par un mistral glacial.

Je vous en conjure…il nous faut maintenant un printemps pour la danse.

Pascal Bély – Le Tadorne.

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FESTIVAL D'AVIGNON HIVERNALES D'AVIGNON

Avignon Off 2012: striptease postmoderne…

Pere Faura, chorégraphe catalan, présente un «Striptease» postmoderne aux Hivernales dans lequel on finit tous à poil! Accueilli en salle par une musique pour salon privé, le public prend de la hauteur tandis que les agents d’accueil nous demandent de préférer le premier rang. Je m’incline et m’assieds à l’endroit indiqué. Tout un imaginaire se met en place: la musique confère déjà au propos, l’ambiance est feutrée. Les codes sont là. Le spectacle peut commencer. Dans un dispositif scénique dépouillé, Pere Faura fait son entrée: borsalino sur la tête, cravate, chemise blanche, short. Il s’arrête derrière une caméra. Appuie sur le bouton «on» et l’enregistrement démarre. Souriez, vous êtes filmé !

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Il débute alors son strip. Tous les codes sont réunis : les déhanchés, la mise à nu, les regards coquins jetés au public et les ralentis aux poses suggestives laissent place aux phantasmes dont nous serions prisonniers. Sommes-nous tous ici pour voir un corps nu? Il y a de l’ironie dans son regard. Il nous invite à laisser tomber notre retenue, à paraître tel qu’il est. Le striptease bien engagé, il se saisit de sa caméra et descend dans le public, filme les visages, s’amuse avec les personnes du premier rang. Et puis tout s’arrête. D’un seul coup. Pere Faura prend la parole et nous tient conférence sur l’objet du désir que nous voulons voir en lui.

Avec son ton décalé, les propos sur l’art du striptease apportent matière à la réflexion. Si le modernisme place l’auteur et la création au centre de son esthétique, le postmodernisme fait jouer ce rôle à l’interprétation et au regard du spectateur. La boucle se met en dynamique. Le regardons-nous comme un objet sexuel ou bien comme un danseur? Quelle image lui donnons-nous à interpréter? Notre imaginaire sexué passe-t-il par notre regard? Qu’attendons-nous réellement de cet effeuillage? Autant de questions qui trouvent réponses dans les images captées auparavant et projetées sur l’écran en fond de scène.

Pere Faura reprend son striptease, je le et nous observe. Les images se chevauchent. L’émotion que suscite le nu à venir est palpable dans les regards, dans les respirations. De la gêne, il y en a, des sourires se dessinent aussi sur les visages, pour la cacher. Une certaine violence dans les images paraît et pourtant nous sommes les acteurs de l’interprétation que nous donnons aux mouvements de son corps.

J’apparais sur l’écran en gros plan. Les quelques secondes des images de mon visage sont des minutes interminables. Autant jouer le jeu jusqu’au bout, la caméra m’effeuille aux yeux de tous, je finis nu comme un ver.

Un tour d’intelligence rarement vue, assez subtil et fin pour être souligné. Une proposition qui se voit de près, de très près.

Laurent Bourbousson – Le Tadorne.

« Striptease » de Pere Faura aux Hivernales, jusqu’au 21 juillet à 18h00.

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HIVERNALES D'AVIGNON

Avignon Off 2012 / Thierry Baë m’a fait les poches.

Depuis la création du Tadorne, j’ai à deux reprises croisé le chorégraphe Thierry Baë (au début de mon parcours en 2005 avec «Journal d’inquiétude» puis en 2007 avec «Thierry Baë a disparu»). À chaque fois, la rencontre n’a pas eu lieue…Les récits autobiographiques de ce chercheur infatigable ne m’ont jamais touché. Trop d’entre soi.

Ce soir, pour sa dernière création, «Je cherchai dans mes poches», Thierry Baë réunit autour de lui trois artistes : Corinne Garcia (danseuse), Sabine Macher (auteur et danseuse) et Benoît Delbecq (musicien). À quatre, ils font le pari d’un récit commun fait d’événements marquants de leur vie, reliés par ce propos intriguant: «Refus d’oublier ses premiers rêves, peur de ne pas avoir tout réalisé, mais jubilation de l’artiste de le dire»

?Jubilation du spectateur de pouvoir écrire?

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Ce spectacle est un espace de dialogue permanent entre ces quatre artistes et le public, à condition qu’il accepte de se laisser relier?Car Thierry Baë ouvre sa mise en scène pour que nous puissions y entendre un souvenir, une émotion, un fragment, un fil, sa pelote, nos noeuds. Les leurs. Ce soir, il nous offre cet envers du décor (comment des artistes font-ils oeuvre commune?) en y incluant, un cinquième récit : le nôtre. Pour cela, Thierry Baë célèbre l’hésitation, le fragile, mélange les évocations pour les rendre perméables les unes des autres et finit par forcer notre écoute sans pathos, ni artifice de mise en scène (même la vidéo se fait discrète, juste là pour tirer un fil supplémentaire). Tout n’est qu’espace. Rien n’est «droit», linéaire : Thierry Baë pratique l’art de l’oblique et donne à ce récit, un aspect bancal, qui ne démontre rien : aucune leçon de vie, aucun conte de fées, juste des corps en mouvement qui ne veulent pas crever sous le poids d’une société qui vante en permanence la performance quantitative.

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À chaque instant, j’entends le récit de l’une en percevant le corps de l’autre tandis que je me laisse émouvoir par la musique d’un ailleurs. Peu à peu, Thierry Baë me confie le pouvoir de tirer les fils et de construire la trame de l’histoire. Il nous donne ce qui peut faire résonnance chez chacun d’entre nous: le cadre contraint qui rend créatif; l’enfant abandonné là, posé sur un cintre pour faire galerie; le corps empêché; la démarche gauche tout en devant marcher droit; l’art de la maladresse sans cesse recadré,…

Ce récit commun laisse entrevoir tant de possibles : nos ressorts créatifs sont au coeur de nos contraintes ; un propos tient même (et surtout) dans le chaos ; la désinvolture ne résiste pas à la danse ; se mettre à nu ne signifie pas se mettre à poil ; glisser ses pas dans celui d’un autre fête le mouvement; un corps, quel qu’il soit, peut traverser les mots pour célébrer la poésie; la pluridisciplinarité, c’est du vivant qui relie;  il n’y a pas de destin, seulement «le renoncement de soi, pour l’avancement de soi-même» (Louis Jouvet).

Peu à peu, la danse virtuose de Corinne la métamorphose en Cendrillon émancipée.

Peu à peu le jeu théâtral de Sabine fait d’elle une des enfants de Pina Bausch.

Peu à peu la partition de Benoît le propulse dans un film de Jacques Tati.

Peu à peu, Thierry Baë quitte le premier rang d’où il écrit sur sa table d’écolier pour rejoindre la danse avec sa trompette, vers un souffle retrouvé.

Peu à peu, je fouille dans mes poches; je n’ai plus froid.

Pascal Bély, Le Tadorne

« Je cherchai dans mes poches » de Thierry Baë, Aux Hivernales – Avignon Off- à 21h30.

Crédit photo: Esther Gonon – Théâtre Durance.

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HIVERNALES D'AVIGNON

Bilan du Festival des Hivernales d’Avignon.

Retour sous forme d’abécédaire sur le festival Les Hivernales d’Avignon. Parce que la danse est une et multiple….

C comme conceptuelle
Imaginez les horizons, le ciel, les nuages et laissez-vous transporter au travers du «Notebook»de Malgven Gerbes et David Brandstätter. Sous forme conceptuelle, leur pièce est l’heureuse surprise de cette édition. Tout comme bon routard, le spectateur prend son envol avec son guide de voyage. Ici, il résume les différents points du déroulé chorégraphique pour nous entraîner au Japon et en Corée. Telles des cartes postales, chaque étape inscrit la mémoire du lieu, du vivre asiatique. Mouvements imperceptibles, tracés de riz, paroles, captations de sons quotidiens et temps suspendus illustrent des images réelles et imaginaires. «Notebook» est un voyage immobile qui donne des envies d’ailleurs.

D comme découverte
Avec les HiverÔclites, le centre de développement chorégraphique les Hivernales permet à sept jeunes compagnies sélectionnées sur dossier de présenter dix minutes de leur création devant un jury. La compagnie Parc a fort justement remporté le prix du jury des professionnels (une semaine de résidence au Ballet national de Marseille). Avec “Stück“, les trois danseurs questionnent notre relation aux mythes, aux mots, aux fondements de notre société. Sans aucun doute une compagnie à surveiller de près. Ezio Schiavulli remporte le prix du public (une semaine de résidence au CDC Les Hivernales). Un ensemble hip-hop fougueux sous fond de polar noir. Un petit regret: l’absence de la magnifique Isabelle Suray de la liste des lauréats.

E comme engagement
La cohérence du festival est d’apporter une vision éclairée et éclairante sur notre contemporanéité. L’engagement a éclaboussé trois propositions, comme un appel à la rébellion des corps.

Avec «Apparemment, ce qui ne se voit pas», Ex Nihilo propose une danse hors les murs. Avec les projections des corps dansants sur des chantiers, aux abords périphériques des villes, Anne Le Batard et Jean-Antoine Bigot convoquent le citoyen. Cette danse ne laisse aucun répit, déborde d’énergie ; elle est un appel à combattre l’immobilisme. Le public groupé est assis au centre de l’espace, et les combattants Corinne Pontana et de Rolando Rocha (magnifique danseur), tournent autour de nous, nous entraînent dans leur sillage. Le mouvement exprime le refus à l’individualisme, interroge la notion de groupe. Sur nos petits cubes en bois, la communauté voyage. Les premières images nous projettent en Asie, pays de lumière, d’où nous entendons des bruits de rue, de klaxons, de paroles. Tout se superpose. Un capharnaüm ambiant stimule l’imaginaire. Les corps dansent, grimpent sur des palissades. Sortir des cases, voir l’horizon. La danse magnifie les chantiers, les hauteurs d’un ballon d’eau. Une certaine rage et urgence transpirent de cette volée joyeuse. Un sacré bordel qui réveille la société devenue amorphe. Et si demain était un autre jour ?

Avec “Harakiri“, Didier Théron appelle lui aussi au combat à mener pour la survie du groupe. Fini l’individualisme de notre société. La force vient du collectif. Elle est communicative. La bande sonore renvoie au rude phrasé chorégraphique, métaphore de notre société. Combatifs, les interprètes tracent sur un plateau inadapté à cette proposition, une danse ne laissant aucun répit. Les boucles hypnotiques se succèdent entrecoupés de soli qui terrassent les danseurs à bout de force. Le leitmotiv, la cadence, les saccades et la gestuelle épurée font de «Harakiri» un combat énergisant.

Avec «Same Same», la compagnie Stylistik tient son pari, celui de partager nos visions des deux continents (européen et asiatique) au travers de nos différences au service du multiculturalisme. Bien que fragile, cette proposition agit comme une étincelle. Abdou N’gom et Ounla Pha Oundom se livre à travers leur culture respective à un dialogue par le hip-hop. Si la bande-son illustre à merveille le propos, elle écrase parfois le discours chorégraphique. On retient les deux magnifiques solos et l’ouverture vers une curieuse danse des chapeaux.

H comme humour
Quand l’humour, au service de sujets contemporains (l’environnement, la place de la femme au Japon et ses relations avec les hommes), est manié avec subtilité, la danse gagne en profondeur et permet une vision asiatique des thèmes interplanétaires. La chorégraphe Uiko Wanatabe (avec «Hako Onna – la femme boîte») et le couple Lee Hyun-Bum et Choi Jin-Ju (avec «Pause Philo») réussissent à parler un langage universel. Ils placent leur réflexion dans une société aux traditions ancestrales pour mieux s’en extraire.

P comme poésie
«Waiting» ou la danse contemplative de Carlotta Ikeda, grande prêtresse du butô. Ce petit bout de femme ouvre sa proposition avec les mots de Margueritte Duras. L’inceste, l’amour fraternel, dictés par la voix de Duras, se propagent comme une onde sismique sur le corps de Madame Ikeda. Les mouvements lents et longs laissent apercevoir le champ poétique. Tour à tour femme enfant, femme toute-puissante et femme âgée, les métamorphoses métaphoriques de Carlotta Ikeda m’entraînent dans une course vitale effrénée. Des pierres suspendues dans lesquelles les âmes des défunts prennent forme, à l’image de l’arbre aux jeunes pousses vertes et à la cime morte, en passant par la lumière toute en clair-obscur alternée puis crue, éclairant les corps sous l’éveil sexuel, Carlotta Ikeda résume une vie. Dommage que le final “bossa-nova” entache cette ode aux corps vieillissant à la recherche du plaisir.

T comme trace
Que sont devenues les propositions dont je ne fais pas état ici ? Disparues pour certaines, en cheminement pour d’autres. Elles continuent d’évoluer, de s’épanouir. Pour garder un peu plus secrètement mon ressenti, je retarde les mots. Parmi elles, «T.H.E. Dance Company» qui m’agite encore aujourd’hui.

Laurent Bourbousson – Le Tadorne.

Festival les Hivernales s’est tenu du 25 février au 3 mars 2012, dans divers lieux

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ACCUEIL DES LIEUX CULTURELS HIVERNALES D'AVIGNON PAS CONTENT

Deux programmateurs entrent en campagne. Raté.

À chaque édition, la Scène Nationale de Cavaillon accueille un des spectacles du festival des Hivernales d’Avignon. Mais cette année, d’après la page Facebook de la Scène Nationale, la donne change: «Demain, notre traditionnel RDV avec les Hivernales -> une soirée autour du chorégraphe Saburo Teshigawara. Pas de spectacle, mais 2 films documentaires et un débat sur les politiques culturelles en ces temps d’élections». 
Je m’étonne et répond : «Drôle de rendez-vous quand même! Vous n’avez pas trouvé d’autres chorégraphes pour jouer ce soir-là et pallier l’absence de Saburo Teshigawara (qui, nous dit-on, n’est pas là pour raison budgétaire)?»
La réponse ne se fait pas attendre : «Oui, Saburo Teshigawara n’est pas là pour raison budgétaire. Le spectacle a été annulé très tardivement, car nous avons essayé jusqu’au dernier moment de trouver une solution. Et plutôt que de proposer un “spectacle de remplacement” en urgence, nous avons choisi de présenter quand même le travail de Saburo, qui est aussi vidéaste, sous une autre forme. Et de partager avec nos publics respectifs, au travers de ce cas exemplaire, les difficultés qui sont les nôtres aujourd’hui et d’échanger autour des enjeux culturels pour le moment laissés de côté par la campagne présidentielle.»
Ma réponse: «J’ai l’impression que l’on mélange tout…Je sens le piège:-)(en effet, je m’amuse à faire référence à l’engagement public de Jean-Michel Gremillet, directeur de la Scène, auprès de Jean-Luc Mélenchon)“.

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Je décide de ne pas assister à cette soirée. Laurent Bourbousson s’y rend et témoigne :
«Après le très beau film de Saburo Teshigawara «A boy inside a boy», à l’image bien léchée avec un parti pris esthétique dans lequel je n’ai pas tout saisi, le reportage d’Élisabeth Coronel sur le travail de ce chorégraphe japonais, m’éclaire un peu plus sur ses recherches.
Puis, la lumière se fait.  Peu de retour sur ce que l’on vient de voir. Pas de questions de la part de la salle. Après tout, le reportage fait acte pour l’artiste. Une certaine torpeur a envahi le public d’autant plus que certaines respirations entendues durant la projection attestent que plus d’un a sombré?
Les deux programmateurs entament le «débat» sur la politique culturelle autour d’un axe bien connu (l’absence de moyens pour accueillir des artistes de renommées internationales). Que peuvent bien susciter de telles révélations qui prennent les allures d’un mur des lamentations ?
Quel est donc le but de cette soirée ? Est-ce de nous faire partager le travail du chorégraphe ? Si tel est le cas, pourquoi n’y a-t-il pas d’échanges entre spectateurs sur les deux films ? Est-ce réellement le moment et le lieu pour débattre d’une politique culturelle sachant la faible mobilisation des professionnels eux-mêmes le 24 février dernier, devant les Direction Régionales des Affaires Culturelles pour protester contre les coupes budgétaires?

Ce témoignage corrobore mes craintes du début. Il confirme ce que je pressens depuis si longtemps. Le spectateur n’existe que dans la relation asymétrique avec l’artiste. Vouloir la détourner sur un autre sujet est une prise de pouvoir sur le «sensible» difficilement justifiable. Que deux programmateurs n’aient pas trouvé les moyens de faire venir cet artiste est de leur responsabilité (je n’imagine pas un enseignant stopper son cours et changer la relation pédagogique pour se plaindre des ressources alloués par sa hiérarchie pour enseigner). Ne fallait-il pas alors entreprendre une autre programmation moins coûteuse? Mais je m’égare?
Croire qu’une plainte publique puisse avoir un quelconque effet sur le cours des choses est d’une naïveté désarmante. Leur exposé plaintif n’est que l’une des résultantes du processus de nomination peu démocratique et transparent de ces programmateurs qui ne permet pas d’y associer le citoyen (qui se trouve être parfois spectateur). Si la culture n’a plus les moyens de ses ambitions, c’est qu’elle est justement aux mains de quelques-uns chargés du bien de tous. Or, une vraie politique culturelle serait précisément de définir un contrat «social» entre artistes, publics et professionnels. Quel candidat à la présidentielle le propose aujourd’hui, en dehors des discours plaintifs et souvent corporatistes?
C’est à nous spectateurs et artistes de refuser tout cadre qui, sous prétexte de débattre, ne fait que renforcer des effets d’estrade vains, manipulateurs, et qui nous isolent un peu plus dans nos cases.
Pascal Bély, Le Tadorne.

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HIVERNALES D'AVIGNON

Aux Hivernales d’Avignon, une histoire de filiation.

Le public est invité à prendre place dans la salle d’exposition de la Maison Jean Vilar d’Avignon pour «On Vanishing», pièce créée par le chorégraphe Jonah Bokaer, à l’occasion de la rétrospective de l’artiste Lee Ufan qui s’est tenue l’année dernière à New York. Bien qu’installés de part et d’autre de la salle, nous nous sentons proches, unis par les oeuvres du sculpteur à même le sol, comme pont entre les deux rives.

Les premières notes de la partition de John Cage, interprétées par le violoncelliste Loren Kiyoshi Dempter, fusent et les pensées vont à Merce Cunningham. Cage-Cunningham-Bokaer s’immisce dans cette relation d’autant plus que la pièce pose le postulat de l’héritage et d’une filiation assumés de la danse de Cunningham. Jonah Bokaer prend appui sur ces bases pour les réinterpréter à travers les oeuvres de Lee Ufan. «On Vanishing» est bien plus qu’un solo. Il place le spectateur devant un retable que l’on ouvre et ferme à volonté, laissant apparaître le mystère d’une combinaison mêlant le lieu, l’espace, le temps et le je(u).

Jonah Bokaer se fait sculpteur, modélisant les oeuvres pour inclure le public dans cette spirale. Il se fait le guide de l’exposition ; il est le lien qui nous lie au tout. La nudité de l’espace accentue ses gestes vifs et précis. Il est leur double, il est leur continuité. Les oeuvres de Lee Ufan prennent vie, passant de l’état minéral à une matière organique en mouvement  d’où naît l’instant fragile qui fait vaciller le spectateur dans l’état contemplatif devant une sculpture métamorphosée à volonté.
Des oeuvres au chorégraphe, au violoncelliste présent sur le plateau, le regard capte les variations d’intensité, les vibrations rendues palpables pour nous livrer une lecture globalisante d’une oeuvre d’art qui continue à vivre dans la pensée.

Laurent Bourbousson – Le Tadorne.

«On Vanishing» de Jonah Bokaer est présenté à la maison Jean Vilar, Avignon, dans le cadre du festival Les hivernales jusqu’au 3 mars à 13h00.

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ETRE SPECTATEUR HIVERNALES D'AVIGNON PAS CONTENT

Solos de spectateurs.

Pourquoi s’engager à suivre un festival? Qu’allons-nous y puiser, bousculés, en empathie, si ce n’est de pouvoir jouir de notre ressenti? Le travail de l’artiste revient alors à nous inclure pour stimuler l’échange et déplacer la communication sur le terrain d’une esthétique du sens. Nous recherchons à être galvanisé. À être producteur d’imaginaire. Une fois posé ce postulat, les premières propositions du Festival des Hivernales d’Avignon nous ont laissés de côté, sans plaisir. Nous y avons perdu l’étonnement, jusqu’à disparaître comme spectateur. Une journée mortifère, immergée dans les créations  mutiques de trois chorégraphes prisonniers de la recherche autocentrée de leur plaisir (Gábor Halász, Sumako Koseki, William Petit) . Quant à Catherine Diverrès…
Le travail de Gábor HalászBurn in flames»), autour de la pensée bouddhiste peine à s’imposer. Ce merveilleux danseur a une technique éclatante sans l’ombre d’une émotion. Pourtant, son propos (son lien à la religion) aurait pu nous inclure vers une forme d’altérité (n’est-ce pas d’ailleurs un des fondements du bouddhisme?). Au final, de beaux gestes qui ne nous traversent pas.
Dans «E PUITS?et puis ?», Sumako Koseki se raconte. Et puis? L’émotion a du mal à passer malgré l’insistance à utiliser la musique de Gorecki. Elle danse pour elle-même. L’amateurisme dont elle fait preuve dès qu’il s’agit de prolonger un geste vers le mouvement est à pâlir (oser le flamenco dans le butô frôle la catastrophe). Sa scénographie très soignée (l’un des points forts du spectacle) lui procure manifestement du plaisir. Mais la faiblesse technique et le sens de la proposition finissent par déjouer ce qui aurait pu être une belle découverte.
William Petit et «Beware» nous ont égarés.  Laurent l’avait rencontré lors de son passage au studio des Hivernales le mois dernier. Le plaisir, l’esthétisme, le parti pris de son propos l’avaient touché. Ce soir, William Petit danse pour lui-même, dans une recherche personnelle toute à fait respectable. Mais où nous emmène-t-il ? Les trois musiciens qui l’entourent semblent peiner à s’engager avec lui, d’autant plus qu’ils accumulent les sons sans vraiment créer la partition d’accompagnement du geste. William Petit s’introspecte mais cela ne suffit pas à faire une oeuvre.
Catherine Diverrès est l’une des têtes d’affiche du Festival. Ces deux solos sont esthétiquement très beaux. Mais dans quelle perspective se situe sa recherche autour d’un passé-présent, notamment dans «Ô Sensei» où elle s’inspire de ses voyages au Japon et du temps passé auprès du maitre du butô, Kazuo Ohno. Dans «Stance II», l’interprète Carole Gomes impose par son charisme, mais sa danse ne nous rattrape pas.
Très honnêtement, Catherine Diverrès mérite un autre critique que celle de spectateurs épuisés par une programmation déséquilibrée qui a vu se succéder trop de solos solitaires en une seule journée.
Place à Sylvain Pack pour son beau regard sur un travail qui aurait du nous toucher.
Pascal Bély- Laurent Bourbousson, Des Tadornes.

Catherine Diverrès, Stance majeure.

Le visage de la personne qui va danser apparaît dans la pénombre, déjà ému, en mobilité. Lorsque la lumière s’élargit, les bras et les mains vont chercher dans l’espace, à l’horizontale, la manière d’ouvrir le cercle de notre vision, tout en l’incisant. C’est une longue danse, une épreuve à laquelle va se soumettre le corps fin et musclé de la danseuse, qui va sortir ruisselante, vide et radieuse. À l’aune de périodes éteintes, cette partition physique m’a bouleversé. L’émotion engendrée par la rigueur d’une marche dansée et saccadée, renouant avec le dialogue incompréhensible d’une pythie, frappe de plein fouet le spectateur qu’elle incante, avec qui elle entretient une distance radicale, comme interdite de lui transmettre une quelconque raison, un moindre code. C’est dans cette peine inconnue et universelle, étirant, tremblante, ses os, claquant ses pas sur notre sol commun, qu’elle me demande pourquoi ce sens, cet ordre vain, de mes pieds jusqu’à mon crâne. Un poème de Pasolini accompagne ce contre-courant de la danse moderne. Pièce, peut-être majeure, peut-être manifeste, réponse tardive à Phase d’Anne Teresa de Keersmaeker, j’y interprète un rappel au réel des violences et à l’absurde de notre déclin, avec pour cible une Europe que l’antique surnaturel a désertée, avec comme ressource lointaine le butô qui libère les âmes et enterre toute innocence. 

Ô Sensei”, qui fait suite à cette première pièce, remarquable, secouée par l’orage, ancrée dans les ténèbres. “Ô Sensei” nous présente enfin le magnifique port de Catherine Diverrès elle-même, 53 ans, costume noir, chemise blanche, cheveux courts plaqués, clown gris, Keaton, Beckett, Chaplin, Pina Bausch et surtout Kazuo Ohno, auprès de qui elle s’était rendue pour parfaire sa connaissance d’une nouvelle danse japonaise, née des traumatismes de la guerre. Si Catherine Diverrès cite sans ambiguïté ces références et rejoue quelques séquences phares de la danse postmoderne, elle en choisit les plus fragiles et les nourrit de son immense style. Comment ne le sait-on pas plus, nous qui avons la chance d’avoir cet artiste dans notre pays ? Une danseuse, qui semble, comme les plus grandes, vieillir toujours mieux, dans un véhicule transcendé par l’inventivité formelle, rythmique, symbolique. Les regards qu’elle nous porte, tout aussi variés que les registres chorégraphiques qu’elle explore, peuvent en un instant rompre cette incompréhension, ce chaos traqué puis révélé, nous donnant à retrouver l’humain, même étrange, même fantôme. Le voile tombe, la lumière revient, le poète revient nous voir sans costume, avec un sourire qui ne trahit maintenant plus rien de sa profonde douceur. Nous l’applaudissons, elle nous remercie puis choisit son départ en nous saluant. Je sors, transformé.
Sylvain Pack. http://sylvainpack.blogspot.com

 

Tous les spectacles chroniqués dans ces articles ont été présentés lors du Festival des Hivernales d’Avignon les 25 et 26 février 2012.

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HIVERNALES D'AVIGNON

Avant les Hivernales d’Avignon, dans la fabrique des chorégraphes.

Deux rencontres chorégraphiques pour deux propositions qui écloront lors des Hivernales.

Abdou N’gom, hip-hop houra?
Il y a toujours un point de départ dans l’acte de création. Celui d‘Abdou N’gom est dans le regard de l’autre. A l’heure où certains prônent que «toutes les civilisations ne se valent pas», il faut voir dans «Same same» une tentative de décortiquer et de comprendre notre unité dans la différence.
Ce pari un peu fou est né d’une découverte avec le chorégraphe laotien, Olé Kamchala. Invitée lors du festival Fanf Mae Kong au Laos, la compagnie est confrontée à la différence. S’ensuit une envie de partager et de croiser le regard asiatique et occidental sur la condition humaine. «Same same» mêle deux stylistiques et positionne Abdou N’gom comme chorégraphe (avec tous les enjeux que cela représente: s’élever de son sujet pour en maîtriser tous les contours). Avec comme point de départ, le langage du hip-hop, qu’il métamorphose avec la complicité de Ounla Pha Oudom, danseur du Laos.
La force du propos est de revendiquer la différence à partir d’une esthétique assez rare dans le monde du hip-hop. Cette création est à coup sûr un acte politique.
Abdou N’gom est un artiste engagé, un artiste généreux, un artiste sans frontière.

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William Petit, homme d’esprit?
C’est l’histoire d’une équipe, faite de liens artistiques, de passages de témoins, d’échanges et de paroles. C’est le parcours atypique de William Petit, danseur, chercheur sans relâche, avide de rencontres, qui tisse ses liens entre eux et nous.
Après avoir été interprète pour Susan Buirge, Mathilde Monnier, Hervé Robbe, il décide de se poser. Laisser reposer toutes les sédimentations qui constituent son identité de danseur. Il voyage, il rencontre, il se questionne sur l’état du corps. C’est avec un projet construit autour de la transe qu’il officie à Châteauvallon. Sa force est à chercher dans son désir de sortir des cases qui emprisonnent un artiste et son public.
William Petit est un personnage englobant qui nous entraîne dans son univers. Fascinant, on pourrait échanger des heures avec lui. Fasciné par son sujet, il est intarissable.
Sa création «BBB, déambulation métropolitaine» avec les danseurs de l’Opéra de Toulon parle pour lui. Il chamboule les corps de facture classique. Il est le façonneur des gestes, leur laisse apercevoir la mutation de leur matière, une forme de transe en somme. Le lien qu’il déroule entre ses chorégraphies, ses oeuvres d’art plastique et ses installations nous fait ressentir toute la complexité de son art.
Pour sa dernière création, “Beware“, il drague les chemins du chamanisme. Cette religion ancestrale, celle de la force des esprits, présente en Corée, William Petit l’a rencontrée. De ces échanges naît une proposition globalisante qu’il confronte à l’occident. La force des gestes traduit l’esthétisme des rites chamanes tandis que la contrebassiste Rosine Feferman communie avec la matière. De son côté, Pom Bouvier instruit un univers sonore et Carlos Molina auréole le tout avec une proposition plasticienne qui donne une juste résonance à cette communion. Bien plus qu’un solo, “Beware” est un quartet enivrant.
Cette proposition dégage une force spirituelle étonnante. Un retour à la source pour nos âmes, en communion avec  les esprits. Avec l’esprit de William Petit.

Laurent Bourbousson – Le Tadorne.

“Beware”, à découvrir lors du festival Les Hivernales, le dimanche 26 février à 18h00. Chartreuse de Villeneuve-Lès-Avignon.
“Same, same”, à voir le vendredi 2 mars 2012 à 21h00 au Pôle culturel Camille Claudel à Sorgues, dans le cadre du festival de danse Les Hivernales.

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Ça balance pas mal.

Une onde. Celle du choc. Des chocs.

Mathieu Heyraud a bousculé le public du dernier «Lundi au soleil» de l’année 2011 des Hivernales d’Avignon, rendez-vous autour d’univers chorégraphiques.

Les balançoires, trilogie de l’intime…Chapitre un” est la dernière création de ce chorégraphe-danseur au parcours transdisciplinaire, qui oeuvre actuellement au sein de la compagnie de Jean-Claude Gallotta.

Sa recherche chorégraphique est centrée sur la gravité,sur l’intime (et non sur l’intimité). La polysémie des mots fait alors son ouvrage. Mathieu Heyraud a cette faculté de décortiquer, de pousser à l’extrême, de saisir cet entre-deux, dans lequel le geste parle, le corps agit. Avec son style épuré, sa scénographie calibrée, sa connaissance du monde du cinéma à partir de jeux de lumière, il symbolise cette nouvelle génération qui accepte le regard du public lors d’une étape de création.

Marie-Lise Naud, magnifique interprète, offre toute sa puissance à cette proposition en devenir, où la main tendue nous fait avancer sur le fil du sensible d’où nait une certaine émotion. L’énergie de cet opus repose sur la sensation et  l’empathie. «Nous aimons tous les histoires, à nous de nous les fabriquer» précise Mathieu Heyraud. Il ne nous raconte rien. Il nous invite à convier notre imaginaire, à nous glisser dans cet interstice où tout devient possible, où tout peut basculer.

La balançoire, objet de fantasme, oscille dans un va-et-vient incessant. Tout en mouvement, elle reste attachée à un point défini par un axe. Notre corps joue de cette bascule et nous confronte à l’axe de l’intime et du public, du dedans du dehors, de la légèreté, de la stabilité à celui de la gravité.

Mathieu Heyraud nous habille d’une danse qui colle à la peau, de celle qui nous réchauffe seul dans le noir. Il nous offre un tour de balançoire qui bouscule notre entre-soi.

Laurent Bourbousson – Le Tadorne

Étape de création : Les balançoires, trilogie de l’intime, Chapitre un a été présenté dans le cadre des Lundis au soleil, Les Hivernales, Avignon, le lundi 12 décembre 2011.

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Bientôt Régine Chopinot. Libérez-vous.

Dans le cadre des “Lundis au soleil“, rendez-vous mensuel organisé parles Hivernales d’Avignon, nous rencontrons la chorégraphe Régine Chopinot à la veille de sa création «nDa» (nouvelle Danseuse aveugle), pour le Festival Uzès Danse. Ses mots sincères ont agi comme un levier pour nous affranchir de notre condition de spectateur et nous emmener dans son sillage.

Elle a connu l’éclatement de la danse contemporaine dans les années 80, a été la directrice du Centre Chorégraphique National de Poitou-Charentes. Elle est aujourd’hui libérée des institutions, un électron libre guidé par ses envies. Elle part à la recherche de nos racines, aux quatre coins du monde, comme des excursions chorégraphiques. Telle une aventurière, avec « la prétention de se glisser dans l’interstice qui nous lie au tout ». Le tout est nature, objet, l’autre, l’humain (les Maoris, le peuple de Bamako, les aborigènes, …).  Autant de confrontations, pour faire vivre un projet humaniste qui nous positionne dans l’ici et l’ailleurs.

« nDa » trouve sa force dans ces propos. Second volet d’une recherche chorégraphique qu’elle souhaite prolonger sur sept années (au minimum), Régine Chopinot partagera le plateau avec sa soeur Michou. Ce partage est un bonheur retrouvé, une relation fraternelle mise à jour avec respect, avec amour. L’intime devient alors force créatrice et s’imbrique dans les liens au monde comme un contrepoids aux visions égocentrées.

Vient l’instant où le théâtre des Hivernales s’ouvre, laisse tomber ses murs pour projeter le synopsis de nDa. Des images de Bamako colorent notre regard d’Européen, des enfants dansent au rythme du ukulélé ; Michou et Régine dansent, chantent, des chiens s’essaient à un duo, la nature nous accueille. Des images vivantes, heureuses, poétiques qui réveillent notre émerveillement. Mais nous voilà rattrapés par un certain formatage lorsqu’un spectateur demande :
«Avez-vous écrit quelque chose ou bien ce sera improvisé ?»
«Tout est excessivement écrit, tout est excessivement fait dans le présent, dans le rapport au public».
La danse a sa raison d’être. Si elle cesse parfois de faire battre les coeurs, elle réanime aujourd’hui notre souffle et s’apprête à créer le mouvement des corps à l’unisson.
À nous de nous laisser guider.
Laurent Bourbousson – www.festivalier.net
Rencontre dans le cadre des Lundis au soleil au CDC Les Hivernales d’Avignon, le lundi 6 juin 2011.
“nDa” sera présenté au festival Uzès Danse du 17 au 22 juillet 2011.