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En réponse à la lettre recommandée du Théâtre du Merlan de Marseille envoyée au blog le Tadorne.

Il y a quelques semaines, Nathalie Marteau, Directrice du Théâtre du Merlan, Scène Nationale à Marseille, m’a envoyé une lettre recommandée (lire ici). C’est probablement une première : un établissement public culturel mobilise du temps, de l’argent public et un service de communication pour intimider un spectateur.

Depuis 2007, j’écris mon inquiétude autour du projet artistique de la Scène Nationale du Merlan où une politique de communication «branchée» masque un travail de proximité comme en témoigne les nombreux échecs de ses actions dans les quartiers:

– L’échec du «Quartier créatif» à la Busserine dans le cadre de Marseille Provence 2013 dont le Merlan est l’un des coproducteurs (lire ici, la lettre à Aurélie Filippetti).

– La menace de licenciement à l’encontre d’une des salariées du Merlan (lire ici).

– Les articles du Tadorne depuis 2007: http://www.festivalier.net/?s=merlan

Encore dernièrement, dans le cadre de «Cirque en capitales», la majorité des spectacles proposés «vagabondent» de la Criée, au Gymnase, d’un temple protestant à une banque, loin de son port d’attache, le quartier du Merlan.

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En juin 2012, j’avais écrit un article questionnant ouvertement la dérive de ce théâtre (le mot faillite étant entendu au sens financier et moral du terme).

Ma parole libre de spectateur dérange Nathalie Marteau…Il semblerait que ce dernier article ne lui ait pas plu jusqu’à faire l’objet de ce courrier recommandé où elle me menace à demi-mot de poursuites dans le cas où je n’accepterais pas l’entretien qu’elle propose.

Je suis prêt à me prêter à cet exercice, à condition qu’il soit médiatisé, en présence d’un journaliste afin de:

1) Porter à la connaissance du plus grand nombre les questions légitimes d’un spectateur sur l’abandon d’un quartier et les réponses que Nathalie Marteau apportera pour éviter les «contre-vérités».

2) Faire entendre une parole singulière de spectateur qui s’inquiète de la dérive d’un théâtre dont la programmation est monopolisée par la «magie» et quelques artistes régulièrement invités au détriment d’autres esthétiques (danse, théâtre, …) pourtant incluses  dans son cahier des charges.

3) Permettre à Nathalie Marteau d’expliciter sa politique de communication, son coût, son sens, dans un contexte de restriction budgétaire où artistes et équipements culturels participent à l’effort de redressement des comptes publics.

Je compte sur le professionnalisme du service de communication du Théâtre du Merlan pour organiser ce rendez-vous public.

Ainsi, les intimidations d’un théâtre envers un spectateur quitteront la sphère privée pour nourrir le débat autour d’une politique qui, jusqu’à preuve du contraire, relève du domaine d’un Service Public.

Pascal Bély – Le Tadorne

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Migration de Tadornes vers Marseille Provence 2013.

Depuis 2008, le projet de la capitale culturelle pour Marseille et son agglomération a nourri ma vision de spectateur et de consultant. Je savais profondément que cet événement était une opportunité pour les services publics de placer l’art au-dessus des cases ; qu’il pouvait être un puissant facteur de décloisonnement, de promotion de valeurs renouvelées, d’innovations transversales. Je savais que je pouvais m’appuyer sur la visée d’une capitale culturelle pour aller à la rencontre d’acteurs pour qui l’art se résumait bien souvent à un divertissement, à une occupation.

Dès 2009, avec l’aide de Julie Kretzschmar, directrice artistique des Bancs Publics à Marseille, je proposais à la ville d’Aubenas, une formation-action pour les travailleurs sociaux afin de les accompagner à mieux articuler travail social et programmation artistique.

Dès 2010, je rencontrais la ville de Fuveau et le Théâtre Massalia à Marseille pour penser une formation autour de l’art et les tout-petits à destination des professionnels de la petite enfance. Certes, Marseille Provence 2013 n’a pas intégré ce public dans sa programmation. Mais qu’importe. La dynamique se déploie. À ce jour, secteur associatif et public co-construisent un projet territorial pour introduire l’art dans les crèches.

En 2011, j’ai également accompagné l’Union Diaconale du Var pour leur projet culturel dans le cadre de MP 2013. Le retrait de Toulon n’a pas entamé la détermination des travailleurs sociaux et de leur direction : il y aura bien une proposition artistique en juin 2013, élaborée par ce réseau.

Dès 2012, j’incitais la Caisse d’Allocations des Bouches du Rhône à intégrer la question culturelle dans son projet global. Aujourd’hui, tout un collectif est mobilisé pour qu’en 2013, l’art relie familles, professionnels et partenaires.

Tout au long de ces quatre années, j’ai promu cet événement, contre vents et marrées. J’ai même osé déposer un projet en 2010 («  Pour des migrations de spectateurs Tadorne sur le territoire et la toile de Marseille Provence 2013»). Il n’a certes pas été retenu. Mais en 2012, Pascal Raoust, chef de projet à  MP13 et Delphine Bazin Cabrillac du Conseil Général me confiaient l’animation de quatre journées de mobilisation des travailleurs sociaux sur les territoires de Salon, Vitrolles, Miramas et Martigues. Tout ce que j’avais élaboré théoriquement et méthodologiquement autour de l’art et du social prenait tout son sens.

Aujourd’hui, samedi 12 janvier 2012, la capitale culturelle démarre. C’est un événement d’importance pour un territoire en panne de projet, qui peine à penser son développement. Je suis prêt pour parcourir les expositions, m’intéresser au cirque, découvrir mon département grâce au GR2013, vivre un instant poétique avec la Transhumance. Je suis donc prêt à être un spectateur Tadorne, celui qui relie, tisse sa toile à partir des différents fils tendus par les artistes. Ce sera ma capitale.

Il fallait pour cela un nouveau site. Je le désirais plus clair, plus dynamique, plus en lien avec les réseaux sociaux (page Facebook du Tadorne et groupe des « Offinités de spectateurs »). Merci à Yann Maitre-Jean, lecteur fidèle du Tadorne et médiateur culturel, d’avoir entendu et élaboré cette architecture. Je lui suis infiniment reconnaissant pour son engagement créatif.

J’imaginais un nouveau logo, plus en phase avec l’idée que je me fais du spectateur Tadorne. Merci à Maxime Doucet d’avoir entendu pour le créer.

Tadorne, oiseau de bon augure…

Pascal Bély – Le Tadorne

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ETRE SPECTATEUR LA VIE DU BLOG OEUVRES MAJEURES

Dix oeuvres majeures en 2012.

Dix œuvres majeures ont jalonné l’année 2012. Quasiment aucune n’est venue à moi. J’y suis allé, au prix de nombreux déplacements et de temps passé à arracher une place. Dix œuvres de l’humain vers l’humanité, de soi vers nous. Dix œuvres pour hurler, se faire entendre au moment où l’Europe s’effondre. Dix oeuvres pour trouver l’embarcation qui ne promet rien, mais qui rêve du tout.

«La Mouette» mise en scène par Arthur Nauzyciel a divisé la critique lors du festival d’Avignon. Rarement, je n’ai ressenti une telle humanité en jeu: les artistes ont accueilli mes fragilités pour me restituer une vision sur la place de l’art dans une société en crise. J’en suis sorti plus fort, plus habité. Mouette.

«Dopo la Battaglia» est une autre victoire. Celle de Pippo Delbono. Son Théâtre n’a pas abdiqué. À corps et à cris, il a dénoncé, en célébrant la danse: l’incurie médiatique, la lâcheté du politique, l’inculture triomphante des communicants qui torturent le sens des mots pour tordre les corps épuisés par la crise. «Dopo la Battaglia» a été un moment généreux: par vagues successives de tableaux vivants, ce théâtre-là a porté haut «l’être» l’humain, et posé son écume sur nos corps desséchés. Pippo Delbono est l’héritier de Pina Bausch et poursuit son œuvre: faire confiance en l’intime pour questionner la folie du monde.

Avec «Tragédie», Olivier Dubois a frappé fort avec efficacité. Avec 18 femmes et hommes nus, il a créé «l’image», celle qui pourrait faire «humanité» pour chacun d’entre nous. Il a réussi à sculpter le groupe pour qu’émerge un tout: celui qui nous sauvera de notre tragédie de n’être qu’homme, entité sociale et sexuée. «Tragédie» m’a offert une vision éclairée de notre destin commun.

Sophie Calle n’est pas une artiste de théâtre. Elle expose. Et pourtant, elle a créé la scène autour de sa mère, décédée en 2006, jusqu’à lire quotidiennement son journal intime. «Rachel, Monique» était à l’Église des Célestins. Tel un rendez-vous avec une chanson de Barbara, nous y sommes revenus plusieurs fois comme un besoin vital de ressentir une nostalgie créative. Le 28 juillet 2012 à 17h, nous étions présents alors qu’elle lisait les dernières pages. Sophie Calle a créé le rituel pour nous rassembler, celui qui nous a tant manqué pendant le festival.

«Salle d’attente» de Krystian Lupa a été un choc théâtral en deux actes, porté par une troupe de quinze jeunes comédiens. Ils ont incarné avec force la vision d’un idéal européen en miettes à l’heure où la Grèce s’accroche vaille que vaille. Tandis que le deuxième acte nous incluait dans une «renaissance», le premier nous plongeait dans nos «inexistences». Choc frontal et bilatéral.

«Mesure pour mesure» de William Shakespeare par Thomas Ostermeier m’avait impressionné. Sur scène, j’y ai vu le jeu d’une civilisation épuisée par un système démocratique où le pouvoir pulsionnel transforme la raison d’État en déraison psychique. Un  cochon pendu métaphorisait notre piètre condition humaine prise en tenaille entre le religieux et la finance toute puissante. Ne reste que la justice pour décrocher ou choisir le croc le plus adapté…

Le collectif flamand tg STAN est moderne: son interprétation des«Estivants» de Maxime Gorki m’a littéralement emporté dans un système de pensée revigorant. Cette œuvre du début du 20ème siècle décrit un groupe en vacances d’été dans une datcha et qui «s’occupe» pour ne pas sombrer. Ici, les conflits entre amis masquent finalement un accord souterrain pour que rien ne change entre le marteau ou l’enclume, entre penser ou subir…

Le collectif berlinois She She Pop est culotté: avec leurs pères, trois actrices ont interprété «Testament», écriture théâtrale en deux dimensions (le texte du «Roi Lear» de William Shakespeare enchevêtrés dans des dialogues percutants entre pères et filles). C’est ainsi que fut abordée la délicate question de la transmission et de la prise en charge de la vieillesse par une génération frappée par la récession économique. Avec She She Pop, le testament a perdu sa valeur juridique, mais a gagné en altérité métamorphosant le théâtre de Shakespeare en un dialogue social régénérant.

Autre transmission avec Radhouane El Meddeb et Thomas Lebrun qui avec «Sous leurs pieds, le paradis», m’ont offert l’une des chorégraphies les plus sensibles de l’année. J’y ai vu Radhouane El Meddeb entrer dans la danse pour peu à peu se féminiser, embrasser la peau musicale d’Oum Kalthoum et y recevoir la force du baiser de la résistance. J’y ai vu une mer de courants artistiques où l’art chorégraphique a rencontré le chant. Sous leurs pieds, le théâtre a mis les voiles vers des contrées où la danse est un chant de la démocratie.

Autre voile, avec «La barque le soir» de Tarjei Vesaas, mise en scène par Claude Régy. À aucun moment l’embarcation n’est figurée: elle est bien là, au plus profond de notre imaginaire, en dialogue continu avec le corps qui danse (magnifique Yann Boudaud), avec le chaos de la scène vers la sérénité du tableau. Claude Régy sait créer l’espace où se rencontre le poète, l’acteur et le spectateur. Nous sommes liés, dans la même embarcation, celle qui nous guide vers un au-delà.

Entre les deux rives, notre unique bien-être: l’art comme embarcadère vers ces dix œuvres majeures.

1- “La mouette” par Arthur Nauzyciel (Festival d’Avignon)
2- “Dopo la Battaglia” par Pippo Delbono (Comédie de Valence).
3- “Tragédie» d’Olivier Dubois (Festival d’Avignon).
4- «Rachel, Monique» de Sophie Calle (Festival d’Avignon).
5- «Salle d’attente» par Krystian Lupa (Sortie Ouest -Béziers).
6- «Mesure pour mesure» par Thomas Ostermeier (Théâtre de l’Odéon, Paris).
7- «Les estivants» par la tg STAN (Festival d’ Automne de Paris).
8- ” La barque le soir” par Claude Régy (Festival d’Automne de Paris).
9- «Sous leurs pieds, le paradis» de Thomas Lebrun etRadhouane El Meddeb (Montpellier Danse)
10- «Testament» par She She Pop et leurs pères (Festival d’Automne de Paris).

Pascal Bély – Le Tadorne.

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ETRE SPECTATEUR LA VIE DU BLOG

Le blog en 2011 : les moments clefs, audience et budget.

«J’ai le sentiment que tu écris beaucoup moins que l’an dernier, non ?» me faisait remarquer un agent d’accueil d’un théâtre en novembre 2011. Pas faux. Presque moitié moins.

L’offre de spectacle vivant dans ma région (Aix-Marseille) ne correspond  plus de tout à mes attentes: j’y retrouve les mêmes esthétiques et des artistes qui finissent par tourner en boucle. Les propositions chorégraphiques se sont littéralement effondrées malgré la présence du Pavillon Noir d’Aix en Provence et d’un Ballet National à Marseille. Ces institutions assèchent plus qu’elles n’irriguent. Du côté des scènes nationales (Le Merlan à Marseille, Théâtre des Salins à Martigues), on répète à défaut d’innover. La fonction de programmateur ne sert finalement qu’à programmer. La visée sur le rôle des arts vivants dans une société en perte de valeurs se réduit à assurer la billetterie ou à soigner l’image «branchouille» du lieu. On (ré)conforte le spectateur plutôt que de mobiliser ses possibilités de penser autrement. Tandis que des grands noms du théâtre et de la danse ou des artistes émergents traversent Lyon, Nîmes, Montpellier, Toulouse, ils font l’impasse sur Marseille et sa région. Tout semble statufié. Le Festival de Marseille programme pour séduire (voir l’article que j’écrivais en 2008, toujours d’actualité); Actoral s’est perdu à force de vagabonder; Montevidéo a fermé (pour combien de temps ?) alors que le Théâtre des  Bernardines soigne sa chapelle.

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En 2011, je n’ai quasiment pas chroniqué sur les spectacles vus dans ma région. Je rêve d’un ailleurs même si un paysage nouveau semble se dessiner :

1) Klap, Maison pour la Danse de Michel Kelemenis a ouvert en octobre dernier. Le projet d’en faire un lieu exclusivement dédié à la création laisse espérer la venue de chorégraphes à Marseille. À noter qu’en deux mois, le lieu a tenu ses promesses malgré des horaires de diffusion (19h) décourageants (voir l’article Bloc-notes / A Marseille, théâtres et festivals me découragent.)

2) L’arrivée de Macha Makeïeff à la Criée et son projet de dépoussiérer l’institution suscite ma confiance. Attendons la saison 2012-2013…

3) La Friche Belle de Mai est en chantier ; un directeur vient de prendre ses fonctions. Espérons qu’il puisse ouvrir le lieu vers la ville pour un nouvel accueil, une mise en lien des disciplines et des différents opérateurs culturels qui composent la Friche.

Concernant le blog, le premier semestre a vu son audience chuter peu à peu. Faute d’articles, le lectorat a déserté (à peine 100 visiteurs par jour). À la fin du mois de février, j’envisage d’arrêter l’aventure. Découragé de ne pouvoir écrire, je publie en avril un article sur l’absence de propositions théâtrales de qualité dans ma région. Malgré tout, je vais à la rencontre d’artistes à Bastia, Nantes, Bruxelles, Gap. Je m’émeus des  propos racistes de Raphaël de Gubernatis du Nouvel Observateur, de l’inculture des communicants dans les théâtres, de la nomination d’Olivier Py au Festival d’Avignon. Je retrouve le plaisir d’écrire et pars serein au Festival Montpellier Danse après le rendez-vous manqué d’Uzès Danse. L’audience du blog augmente et explose au cours du Festival d’Avignon (plus de 1000 par jour).  Le Tadorne est identifié par les artistes et certains spectateurs m’encouragent dans ma démarche notamment lors des rencontres que j’anime avec le Festival Off d’Avignon.

Si les Rencontres Photographiques d’Arles furent particulièrement ennuyeuses, la Biennale d’Art Contemporain de Lyon m’a profondément stimulé (quatre articles qui seront lus par plus de 3000 visiteurs uniques), tandis que le Printemps de Septembre de Toulouse s’est avéré plus sensible et moins spectaculaire que les années précédentes. Le Festival d’Automne m’a permis de retrouver Claude Régy et Daniel Veronese avant de retomber dans la léthargie régionale (et la dénonciation de l’étrange positionnement du directeur adjoint du Festival de Marseille). Rien ne fait événement ici alors que la polémique autour de la pièce de Roméo Castellucci à Paris par les fondamentalistes religieux m’oblige à me positionner pour défendre cette oeuvre remarquable.

Au final, l’année 2011 voit l’audience se stabiliser à 90 000 visiteurs uniques (+ 1,21% par rapport à 2010. La plus faible progression du blog depuis son ouverture en 2005) tandis que la page Facebook s’est affichée 1 001848 fois. Animée par Sylvie, Francis, Elisabeth, Clémence (1 et 2 !), Alexandra, Sylvain, Pierre-Jérôme et Robin, c’est un espace d’échanges autour des arts vivants. Merci à ces Tadornes qui ont été un soutien précieux en 2011. Merci à Laurent Bourbousson et Bernard Gaurier pour leurs fidèles contributions.

Pour finir ce bilan,

Les 10 articles les plus lus :

1- Pour Roméo Castellucci, contre la censure des malades de Dieu.

2-Extra-terrestre Biennale de Lyon

3-L’article inacceptable de Raphaël de Gubernatis dans le Nouvel Observateur 

4-Patrice Chéreau fait naufrage.

5-Le Prince Vincent Macaigne vous attend.

6-Bertrand Cantat, «le condamné» d’Avignon.

7-Au Festival d’Avignon, Boris Charmatz enfante d’un chaos enthousiasmant, d’une humanité à la dérive.

8-Au Festival d’Avignon, la danse de Xavier Le Roy fait la conversation.

9-Une Maison pour la Danse à Marseille : Klap ! Klap !

10-Qui est Pascal Bély? 

Le Budget du blog.

Les dépenses liées au Tadorne en 2011 (billetterie, hébergement, déplacement) se sont élevées à 5900 euros (en hausse de 10% par rapport à 2010). Faut-il le rappeler, mais Le Tadorne ne rapporte aucun revenu ! Je m’interroge sur la nécessité de lancer une souscription pour financer une nouvelle ergonomie du site.

L’aventure se poursuit donc en 2012 pour la septième année.

Je vous remercie chaleureusement pour votre fidélité.

Pascal Bély, Le Tadorne.

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ETRE SPECTATEUR LA VIE DU BLOG

Le Tadorne: spectateur volatile, mais pas que…

En 2011, «je me suis relié».

Entre mon métier de consultant et de formateur, ma passion pour les arts et ma vie sociale, j’ai le sentiment d’avoir créé un tout lisible et cohérent. Mes premières définitions du spectateur «Tadorne» (nom du blog et d’un canard migrateur!) se sont enrichies grâce à la dynamique d’un projet global qui nourrit ma quête de sens.

Pour reprendre l’expression chère à Jacques Rancière, être un «spectateur émancipé» suppose de tâtonner dans la recherche de nouvelles articulations. J’ai très vite compris que ce positionnement était un processus (substituer à la consommation de spectacles, une relation à l’art au centre de tout) : il véhicule suffisamment de résistances et de peurs pour être vecteur de changement. J’ai donc poussé mes propres frontières et assumé : peu à peu, l’art s’est immiscé dans mon métier. À Martigues, j’ai accompagné la fusion de l’école de Musique et de Danse en créant une dynamique de projet global. À Vénissieux, au cours d’une formation sur l’approche systémique, j’ai posé des livres d’art sur la table pour que chacun s’en saisisse et évoque son positionnement professionnel. À la CAF des Bouches-du-Rhône, j’ai proposé l’intervention du chorégraphe Philippe Lafeuille auprès d’un public de travailleurs sociaux : lui seul pouvait les aider à relier le corps et la tête ! À Marseille, j’ai réuni (avec Graziella Végis et Nathalie Dalmaso du Théâtre Massalia) dans un cursus de formation, des professionnels de la petite enfance de deux collectivités (Martigues, Fuveau) et de la Maison de la Famille. Ils se sont formés pendant huit jours sur la question de «l’art et les tout-petits». Comme pour le Tadorne, il s’agissait de s’éloigner d’une consommation de spectacles calqués sur le calendrier (Noël, Mardi gras,…) pour vivre la relation à l’art comme vecteur de valeurs et de communication vers le tout-petit et sa famille. Cette formation a bouleversé des représentations et mis en mouvement bien des postures. En 2012, des artistes seront en résidences dans les crèches ; des ateliers incluant les familles seront proposés. Ces professionnels sont venus au Festival Off d’Avignon, à une table ronde que j’animais. Avec les artistes, ils ont échangé sur les spectacles et bien au-delà : pour quoi l’art et les tout-petits? Ainsi, nous avons inauguré un cadre propice à un lien transversal entre spectateurs «émancipés» et artistes en quête d’un nouveau dialogue.

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(Ulla Von Brandenburg – Biennale de Lyon 2011)

C’est donc à partir de porosités (consultant-spectateur / petite enfance- théâtre / social – danse) que j’ai ouvert des espaces. Ils ne peuvent être à l’initiative d’institutions culturelles: elles sont trop verticalisées pour questionner leur fonctionnement et accueillir des modes transversaux de communication (passer du haut vers le bas au côte à côte). A partir de notre relation à l’art, il faut créer les conditions de la mise en réseau des spectateurs, des artistes et des professionnels pour nous aider à relier ce que nous cloisonnons. Je suis d’ailleurs troublé de constater que les spectateurs qui se reconnaissent dans ma démarche (notamment à partir de la page Facebook du Tadorne) font ce même travail de décloisonnement. Être Tadorne, c’est vouloir devenir un spectateur global  et entraîner les autres!

La question de la médiation culturelle m’a bien sûr traversé d’autant plus qu’elle se relie à ma fonction de formateur. La médiation est un processus: elle est une composante de bien des métiers. Dans le secteur  social et éducatif, on ne compte plus les initiatives locales qui permettent la rencontre entre artistes et habitants. Mais ces innovations ne s’écrivent pas et ne font pas patrimoine par manque d’espaces appropriés qui puissent les recevoir et les inscrire. «La maison de théâtre» à Marseille organisera la Biennale des Écritures du Réel en mars 2012. C’est dans cette espace que j’ai proposé une  formation. À suivre…

2011 signe aussi mon positionnement institutionnalisé en articulation avec les dynamiques transversales que j’initie. J’ai accepté d’être président d’une compagnie de danse et de siéger à la commission des experts danse de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (régions PACA et Languedoc Roussillon). Ces expériences enrichiront ma relation aux artistes tout en m’inscrivant dans un nouveau processus, sachant que mon métier de consultant m’aidera à interroger le sens du projet.

Être Tadorne, c’est toute une vie.

Pascal Bély, Le Tadorne.

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LA VIE DU BLOG OEUVRES MAJEURES

En 2011, 20 mises en scène essentielles.

1- «Sur le concept du visage du fils de dieu» – Roméo Castellucci – Festival d’Avignon.

2- «Au moins, j’aurais laissé un beau cadavre» – Vincent Macaigne – Festival d’Avignon.

3-«Jan Karski (mon nom est une fiction)» – Arthur Nauzyciel – Festival d’Avignon.

4-“Brume de Dieu Claude Régy – Festival d’Automne – Paris.

5-«On ne sait comment» – Marie-José Malis – Théâtre des Bernardines (Marseille).

6- «Les rêves» – François Bergoin – Théâtre Alibi, Bastia.

7- «Tartuffe» – Gwenaël Morin-  Théâtre d’Arles.

8- «Habit(u)ation» – Anne Cecile Vandalen – KunstenFestivalDesArts – Bruxelles.

9- «Christine, d’après Mademoiselle Julie»- Katie Mitchell et Leo Warner– Festival d’Avignon.

10-«Life : Reset / chronique d’une ville épuisée» – Fabrice Murgia – KunstenFestivalDesArts – Bruxelles.

11- «Les enfants se sont endormis» – Daniel Veronese – Festival d’Automne- Paris.

12- «La Omisión de la familia Coleman»- Claudio Tolcachir – La Criée, Marseille.

13- «Choeur de femmes» – Marta Gornicka- Festival « Sens Interdits » – Lyon

14- «Il n’y a pas de coeur étanche»- Julie Rey / Arnaud Cathrine– La Criée, Marseille.

15- «Insultes au public»- Compagnie Akté –  Le Volcan, Le Havre.

16-«Yahia Yaïch, Amnesia»- Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi– Festival d’Avignon.

17-«Scratching on things I could disavow: a history of art in the arab world» – Walid Raad – KunstenFestivalDesArts, Bruxelles.

18-«Sometimes I think, I can see you» – Mariano Pensotti – KunstenFestivalDesArts, Bruxelles

19- «Bramborry» – De Spiegel – Festival «Petits et grands», Nantes.

20-«The Indian Queen» – Jan Decorte – KunstenFestivalDesArts, Bruxelles.

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En 2011, j’ai beaucoup voyagé. Au total, plus d’une centaine de pièces de théâtre dont la grande majorité n’a pas soulevé mon enthousiasme. Beaucoup d’ennui et pour tout dire, pas mal de découragement (notamment dans ma région, mais j’y reviendrai dans un prochain article). Reste vingt mises en scène, essentielles, parce qu’elles m’ont perturbé, immergé dans un ailleurs pas toujours reluisant, mais où je me suis senti profondément «sujet». C’est-à-dire en devenir…

Pour commencer, il y a ce théâtre des limites. Avec «Sur le concept du visage du fils de Dieu», Roméo Castellucci m’a totalement sidéré à vouloir interroger ma manière de regarder le monde. Je me souviens d’avoir tremblé d’effroi et de froid. Son oeuvre a mis nos corps à corps en jeu. Il y aurait presque une filiation avec le jeune Vincent Macaigne qui a fait vibrer le cloître des Carmes d’Avignon. Avec «Au moins j’aurais laissé un beau cadavre», j’ai eu l’impression de co-inventer un théâtre de corps et de sang, à la limite de la performance et des arts visuels. Macaigne est le metteur en scène d’un art total.  De son côté, Arthur Nauzyciel n’a pas hésité à nous pousser dans nos retranchements pour entendre la parole de Jan Karsky, résistant polonais qui fut le témoin de la plus grande tragédie de l’humanité. Il nous a lentement guidés vers son corps, interprété par le magistral Laurent Poitrenaux. Ce fut un moment théâtral parfois éprouvant pour réveiller le sempiternel «devoir de mémoire» qui finit par nous infantiliser.Sur un tout autre registre, la compagnie Akté a revisité «Insultes au public» de Peter Handke. Cette oeuvre qui date de 1967 n’a rien perdu de son actualité dans un contexte où la place du public s’est peu à peu marchandisé grâce à un marketing truffé de slogans imaginatifs, mais creux. Or, être spectateur est un positionnement complexe où la quest
ion du «sujet» est centrale, génialement traitée par cette compagnie qui devrait faire parler d’elle dans les années qui viennent.

À côté de ce théâtre engagé et engageant reviennent quatre noms, souvent évoqués sur ce blog : Claude Régy, Marie-José Malis, Gwenaël Morin, François Bergoin. À quatre, ils sont mes balises pour naviguer en eaux troubles, amarré à leur navire d’artisan bâtisseur.

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Plus prés de nous, je me souviens d’un théâtre sur la crise. Il m’a aidé à ressentir les effets dévastateurs d’une société consumériste en perte de valeurs. Les metteurs en scène français sont plutôt absents sur ce registre tandis que les belges Anne-Cécile Vandalen, Fabrice Murgia m’ont sidéré par leur façon de théâtraliser la solitude et le chaos qui traversent la famille. Ce dernier thème faisant les beaux jours des Argentins Daniel Veronese et Claudio Tolcachir. Je n’ai pas oublié les prémices de la révolution tunisienne, magnifiquement théâtralisé par les chorégraphies de Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi.

Mais au-delà de la crise, il y a des thèmes universels abordés de front, avec force et courage, où la forme épouse le fond. Les voix des femmes orchestrées par la Polonaise Marta Gornicka résonnent encore pour dénoncer la domination masculine qui ne connaît décidément aucun répit. Tout comme le sort que nous réservons aux fous, délicatement traité par Julie Rey et Arnaud Cathrine.

Et puis, il y a ces formes théâtrales hybrides, objet de bien des rencontres mémorables. Walid Raad et sa déambulation dans les chemins de traverse de l’art. L’opéra d’Henry Purcell par Jan Decorte a enthousiasmé parce qu’il a ouvert le théâtre vers une discipline peu réceptive à la pluridisciplinarité tandis que Mariano Pensotti convoquait le public dans le métro de Bruxelles pour le socialiser en créant des dialogues poétiques. «Christine, d’après Mademoiselle Julie» librement adapté d’August Strindberg par Katie Mitchell et Leo Warner de la Schaubüne de Berlin fut d’une telle virtuosité qu’elle m’a entraîné aux frontières du cinéma, du théâtre et de la danse. Et puis il y eut «Bramborry» de la compagnie «De Spiegel», moment théâtral sublime où tout-petits et grands plongèrent dans un univers onirique fait de sons, de sable et d’eau…

Vingt mises en scène essentielles, pour traverser la crise sans perdre pied vers nos corps mouvementés.

Pascal Bély – Le Tadorne.

A lire aussi:

En 2011, 20 oeuvres chorégraphiques essentielles.

Mes trois chefs d’oeuvre de l’année 2011.

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LA VIE DU BLOG OEUVRES MAJEURES

En 2011, 20 oeuvres chorégraphiques essentielles.

1- “This situation” –  Tino Sehgal – Festival d’Avignon.

2- «Low pieces» – Xavier Le Roy – Festival d’Avignon.

3- «Cesena» – Anne Teresa de Keersmaeker – Festival d’Avignon.

4-«Cendrillon, ballet recyclable» – Philippe Lafeuille– Maison de la Danse de Lyon.

5-«Asphalte» – Pierre Rigal – Théâtre de la Passerelle, Gap.

6-“Enfant”- Boris Charmatz – Festival d’Avignon.

7-«Du Printemps» – Thierry Thieû Niang – Festival d’Avignon.

8-«L’après-midi d’un Foëhn» – Phia Menard – Festival Montpellier Danse.

9-«Parades and changes» – Anne Collot– Montpellier Danse.

10-«Pudique Acide  – Extasis» – Mathilde Monnier / Jean-François Duroure – Théâtre de l’Olivier, Istres.

11-«Fase, four mouvements» – Anne Teresa de Keersmaeker – Festival d’Avignon.

12-«Uprising» et «The Art of not looking back» – Hofesh Shechter– Théâtre des Salins de Martigues.

13-«Le baiser de la fée» – Michel Kelemenis- Opéra National du Rhin, Strasbourg.

14-«Fauves» – Michel Scchweizer – Les Subsistances, Lyon.

15-«Life and times» –Nature Theater of Oklahoma,  Festival d’Avignon.

16-«Ce que nous sommes» – Radhouane El Medeb, Festival les Hivernales, Avignon.

17-«Pléiades» – Alban Richard– Festival Montpellier Danse.

18-«Les 20 ans de la compagnie Grenade» – Josette Baïz – Grand Théâtre de Provence, Aix en Provence.

19-«Je cherchai dans mes poches» – Thierry Baë -Théâtre Durance, Château-Arnoux.

20-«Violet» – Meg Stuart– Festival d’Avignon.

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En 2011, la danse s’est largement ouverte à d’autres langages: s’est-elle pour autant régénérée? Incontestablement, elle s’interroge. Elle a puisé dans sa riche histoire pour y chercher la force de nous interpeller sur la place du corps dans la société. Mathilde Monnier et Jean-François Duroure, Anne Teresa de Keersmaeker, Josette Baïz, Anne Collot ont fait salle comble avec des oeuvres mythiques qui ont joué leur fonction: celle de nous transmettre l’énergie d’avancer et de ne pas renoncer.

Trente ans après, c’est une performance interprétée dans un festival de théâtre (Avignon), qui a créé l’événement. Avec un langage chorégraphique inattendu, Tino Sehgal a osé pendant trois semaines, mettre en mouvement la pensée de huit jeunes chercheurs et doctorants. Dans «This situation», rarement le «corps» et la «tête» ne me sont apparus aussi connectés pour interroger la place du spectateur, metteur en scène «involontaire» d’une oeuvre dynamique et bienfaitrice. Ce processus s’est prolongé avec «Low Pieces» de Xavier Leroy qui a intégré et questionné le lien entre public, danseurs et chorégraphe pour déstabiliser notre regard et ouvrir nos perceptions. Expérience inoubliable. D’autant plus que le mouvement est aussi et surtout dans nos têtes comme dans «Cendrillon, ballet recyclable» de Philippe Lafeuille. Il a recyclé un ballet pour chorégraphier le plastique, matière de la métamorphose. Ce soir-là, mon imaginaire a pris le pouvoir. Le plastique fut décidément présent en 2011: Phia Menard créa un ballet époustouflant à partir de six petits sacs pour que le fragile soit vecteur de sens. Un grand moment de danse.

Les musiciens ont occupé une place importante pour régénérer le langage chorégraphique jusqu’à parfois les confondre avec les danseurs. Au Palais des Papes d’Avignon, au petit matin, le groupe «Graindelavoix» a accompagné les mouvements majestueux d’Anne Teresa de Keersmaeker pour des corps musicaux franchissant les frontières imposées par les disciplines. «Cesena» restera pour longtemps un moment inoubliable. Sur un autre registre, Alban Richard et les percussions de Strasbourg ont avec «Pléiades», crées la tresse entre la musique contemporaine de Iannis Xénakis et la danse pour des corps instruments. Jouissif. Dans «Asphalte» de Pierre Rigal, la musique de Julien Lepreux orchestra des corps dansant dans la ville pour imaginaires engagés dans la métamorphose. Explosif ! Dans «Violet» de Meg Stuart, la musique jouée en direct par Brendan Dougherty impulsa l’énergie de la transe. Percutant. Dans «Uprising» et «The Art of not looking back», Hofesh Shechter propulsa le groupe dans les entrailles de la musique pour y puiser la force de combattre et d’imposer le sens.

Dans «Le baiser de la fée», Michel Kelemenis osa le ballet contemporain sur une musique de Stravinsky, lui-même inspiré par Tchaïkovski. Quand la narration soutient cet exploit, la danse est une partition! Majestueux. Dans «Ce que nous sommes», Radhouane El Medeb chorégraphia le lien sur la musique engageante de Sir Alice pour ne plus se perdre dans le regard de l’autre. Fascinant. Dans «Je cherchai dans mes poches», Thierry Baë orchestra des trajectoires de vie, pensées comme une musique en quête de sens et de vérité.

Décidément, la musique fut omniprésente sur les plateaux de danse, même pour évoquer les âges de la vie! «Enfant de Boris Charmatz au Palais des Papes répondait à “Du Printemps» de Thierry Thieû Niang qui vit des séniors rajeunir notre regard porté sur la vieillesse. L’adolescence vue par le Nature Theater of Oklahoma dans «Life and times» fut plus sage que les «Fauves» de Michel Scchweizer. Mais pour ces quatre oeuvres, un même fil conducteur : la danse par la musique, théâtralise les métamorphoses d’un corps biologique, vues comme politiques.

En 2011, la danse fut l’une de mes plus belles partitions. C’est un art total, en résonance avec mes désirs de frontières étanches. Pour que s’ouvre mon imaginaire trop longtemps formaté par des savoirs casaniers.

Pascal Bély – Le Tadorne.

A lire aussi:

En 2011, 20 mises en scène essentielles.

Mes trois chefs d’oeuvre de l’année 2011.

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LA VIE DU BLOG OEUVRES MAJEURES

Mes trois chefs d’oeuvre de l’année 2011.

2011 s’achève et comme chaque année, vient l’heure du repérage des traces indélébiles, des oeuvres qui ont fait leur chemin en traversée pour se nouer à des points de contact insoupçonnés.

En 2011, sur 139 spectacles vus, trois oeuvres m’ont durablement marqué. A priori, elles n’ont aucun lien entre elles, mais elles sont à l’image d’une année 2011 débutée sous le signe des révolutions durables (politique et écologique). Entre l’invocation et la convocation, elles ont interrogé mes systèmes de représentation, interpellés ma posture de spectateur, positionné le corps intime comme langage de la souffrance universelle.

Avec «Sur le concept du visage du fils de Dieu» de Roméo Castellucci, la scène fut un miroir inversé pour interroger ma façon de regarder le monde. J’en suis sorti vidé d’avoir tant écouté, relié, éprouvé, sous l’oeil impassible du visage de Jésus. Athée, ma religiosité fut une révélation.

En interprétant à sa «façon» «Hamlet», Vincent Macaigne m’a bouleversé. «Au moins j’aurai laissé un beau cadavre» n’a rien dit sur cette tragédie que je ne savais déjà. Sauf qu’il a changé la focale, décalé ce qui était figé dans mes représentations sur le pouvoir et métamorphosé la scène en espace quasi liquide capable d’accueillir les corps institués en mal d’amour. Un travail exceptionnel pour des spectateurs désireux de ne plus se laisser manipuler par des esthétiques sans fond.

Israel Galvan est le plus grand danseur de flamenco. Avec «La edad de Oro», je n’en suis toujours pas revenu.  Il célèbre le Flamenco comme Anne Teresa de Keersmaeker épure la danse contemporaine. Son corps est une terre humide qui capte l’énergie pour nous la restituer. Il est entré en moi pour abattre toutes mes barrières de défense. En juin 2011, j’écrivais : «Sa féminité est une rose qu’il vous tend tout en se piquant les doigts. Il saigne, mais sa rage d’en découdre est son pansement. On le croirait trembler de la tête aux pieds, mais ce n’est que le bruit de ses ailes d’anges, comme un claquement de dents. La musique est une onde qu’il attrape au vol pour se laisser traverser et terrasser. Il se relève : l’art n’abdique jamais. Sa danse est un rapport de force pour imposer la paix des braves ; la musique et le chant, un hymne à la terrible beauté.

2011, l’année du corps.

Corps et âmes.

Pascal Bély, Le Tadorne

A lire aussi:

En 2011, 20 oeuvres chorégraphiques essentielles.

En 2011, 20 mises en scène essentielles.

« Sur le concept du visage du fils de Dieu » de Roméo Castellucci, Festival d’Avignon. Sur le Tadorne:  Pour Roméo Castellucci, contre la censure des malades de Dieu.

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 « La edad de Oro » – Israel Galvan -Festival Montpellier Danse. Sur le Tadorne: Galvánisé.

 «Au moins j’aurai laissé un beau cadavre» de Vincent Macaigne – Festival d’Avignon. Sur le Tadorne:  Le Prince Vincent Macaigne vous attend.

 

 

 

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LA VIE DU BLOG LES JOURNALISTES! PAS CONTENT

Bloc-Notes / 3615 France3

Quand France 3 créé en 2009 la plate-forme «Culturebox», je me suis réjoui. Le projet vise à mettre en ligne les reportages élaborés par les stations régionales. Souvent d’excellente qualité,  ils proposent un focus sur la vitalité culturelle en région. Pour le Tadorne, c’est une opportunité pour illustrer et prolonger un article. Grâce à Culturebox, l’écrit et l’image s’articulent au profit de la visibilité d’un propos artistique.

Mais depuis quelques semaines, ce lent travail de mise en lien est détruit. En effet, la chaine a décidé de revoir l’architecture du site et son design. Je ne m’étendrais pas sur la qualité graphique, aussi joyeuse que celle d’une entreprise de pompes funèbres. Le problème est ailleurs: Culturebox en a profité pour changer tous les codes d’intégration des vidéos. Dit autrement, les reportages en ligne sur Le Tadorne sont dorénavant illisibles. À la place, un gros carré blanc (à titre s’exemple: Bertrand Cantat, «le condamné» d’Avignon). Postées depuis deux ans, il faudra du temps pour tout réinitialiser. À aucun moment, les techniciens n’ont envisagé que Culturebox était un outil pour les artistes, les institutions et les blogueurs. Ils ont pensé la rénovation du site sans prendre en compte son environnement.

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France 3 ne comprendrait-elle rien à la philosophie de l’internet, où tout est lié? Ils ont redéfini leur site dans une logique descendante et non horizontale. J’y vois la métaphore d’un système où la technique prime sur les dynamiques des liens. Sauf que ce modèle de pensée ne fonctionne plus.

Carré blanc. Carton rouge.

Additif au 10 décembre 2011:

Suite à la publication de l’article et à un message sur le mur Facebook de CultureBox, France Télévisions a réagi pour s’étonner de ce dysfonctionnement puis de reconnaître le problème et le régler.

Toutes les vidéos marchent correctement aujourd’hui.

Merci aux techniciens.

Pascal Bély

Pascal Bély ? Le Tadorne.

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ETRE SPECTATEUR LA VIE DU BLOG

Bloc-notes / Le Président et Cendrillon en DRAC Queen.

J’ai connu le chorégraphe Philippe Lafeuille en 2009 lors d’une correspondance où il saluait et encourageait mon travail de spectateur. Expert danse à la DRAC Ile de France, il pressentait que les commissions d’attribution des subventions aux compagnies s’ouvriraient tôt ou tard aux spectateurs engagés.

En janvier 2011, pour accompagner sa création «Cendrillon, Ballet Recyclable», il fonda sa compagnie «La Feuille d’Automne». Il me demanda d’en être le Président. J’ai accepté, conscient de la portée symbolique de cette proposition.

Avant l’été, Vanessa Charles (Conseillère Danse à la Direction Régionale des Affaires Culturelles en  PACA) me proposa d’intégrer la commission des “experts danse” en 2012. J’ai accepté ce signe de confiance et de reconnaissance, conscient que ma nomination pouvait faire lien entre les artistes, le public et les institutions.

Puis arriva le jour de la première de «Cendrillon, ballet recyclable» de Philippe Lafeuille à la Maison de la Danse de Lyon le 3 novembre. Président ou Tadorne, il me fallait choisir. Je n’écrirais donc pas sur cette oeuvre.

Sauf que…alors que je n’avais vu aucune répétition, je découvrais, comme le public, ce que Philippe Lafeuille préparait depuis des mois (une Cendrillon postmoderne fondue dans le plastique, matière recyclable pour rêver). À mesure que le spectacle avançait, je ressentais l’article en gestation. Le Tadorne allait écrire : ce que je voyais sur scène était exactement là où je me situais dans mon rapport à la danse. Ce soir-là, je compris qu’avec Philippe Lafeuille, j’étais devenu une Cendrillon.

Ainsi, quelques jours plus tard, je publiais l‘article. Président et blogueur…

…Qui posera son soulier de plastique sur la table, face à des “experts danse” émerveillés.

Pascal Bély, Le Tadorne.