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L'IMAGINAIRE AU POUVOIR OEUVRES MAJEURES PETITE ENFANCE Vidéos

En 2012, l’enfant phare.

En 2012, les plateaux m’ont offert de multiples opportunités  pour questionner  mon rapport à l’enfance et faire confiance au sensible pour ouvrir ma relation à l’art.

En premier lieu, je dois ce travail à Christiane Véricel et sa compagnie Image Aigüe. Avec sa dernière création, «La morale du ventre», adultes et enfants y incarnaient la mondialisation sur le plateau. À l’hyper globalisation qui dilue tout, elle a joué de sa focale pour ressentir dans le regard joyeux des enfants, la gravité du propos: en 2012, la faim a été un fléau. La libéralisation du commerce n’y a rien fait. Alors, elle a dénoncé en énonçant son art théâtral global: la musique pour border les corps dans les pas de danse, le silence pour ourler les ombres, les mouvements pour nourrir la fluidité de la mise en scène et créer des espaces de liberté. La création sera en tournée en 2013. C’est un moment précieux à ne pas laisser passer.

Dans «When the mountain change dits clothing» d’Heiner Goebbels, elles étaient quarante adolescentes à la voix de cristal (toutes appartenaient au Vocal Theatre Carmina Slovenica). Elles ont occupé toute la scène pour la métamorphoser à l’image de ce passage escarpé de l’adolescence au monde adulte. Heiner Goebbels leur a offert l’espace dont nous rêvions à leur âge: tout peut se dire tant que l’écoute est là; tout peut se jouer pourvu que la liberté soit célébrée; tout peut changer parce que rien n’est inéluctable. «When the mountain change its clothing» est une œuvre délicate, envoutante, émouvante et pour tout dire, utile.

Dans «Jours étranges», sous la direction de Catherine Legrand et d’Anne-Karine Lescop, ils étaient neuf adolescents à reprendre l’une des œuvres majeures de Dominique Bagouet. Avec une présence étonnante, un doux mélange de respect et d’affranchissement, ils ont démontré qu’une transmission pouvait être joyeuse et généreuse.

«L’alphabet des oubliés» de Florence Lloret fut une œuvre d’une belle texture. Son univers onirique a permis aux petits et grands d’écrire des poèmes dans une relation éducative bienveillante, accueillante, formatrice, ferme et ouverte sous la plume protectrice du poète de Patrick Laupin.

Certes, ce n’étaient pas des enfants, mais des acteurs handicapés mentaux. Pourquoi penser à l’enfance avec «Disabled Theater» de Jérôme Bel ? Peut-être parce qu’elle permet de  réduire la distance pour que la danse aille au-delà des codes usés de la représentation.

Avec «Conte d’amour», le suédois Markus Öhrn a bouleversé lui aussi les schémas classiques du théâtre. Il nous a donné rendez-vous au sous-sol pour y vivre, par caméra interposée, l’effroi de l’amour incestueux. Rarement je n’ai senti un public aussi présent face à une bâche de plastique qui nous séparait des acteurs. Nous sommes redevenus spectateurs aimants de cet art qui prend tous les risques, sans tabou et nous émancipe de la religion d’un théâtre français décidément trop conservateur pour descendre dans nos cavernes coulées dans le béton.

Comment ne pas rapproche ce conte du troublant «Chagrin des Ogres» de Fabrice Murgia. Telle une descente aux enfers dans les rêves volés de l’enfance, je me souviens encore de mon trouble. Tétanisé, j’ai compris que le théâtre avait cette force inouïe de réveiller le trauma pour le sublimer et faire de moi, un enfant qui a juste un peu grandi.

Pour ce couple Hollandais Wiersma & Smeets, l’imagination est une voute céleste ! «Lampje, lampje» est probablement l’une des propositions les plus enthousiasmantes de mon vécu de spectateur en compagnie des tout-petits! Avec deux rétroprojecteurs et divers ustensiles qui se projettent, ils ont créé la scène où l’infiniment petit devient gigantesque pour un univers de rencontres improbables teinté de lumières fugitives et multicolores. Peu à peu émerge un espace capable d’accueillir tous les imaginaires, où l’art contemporain fait dialoguer le sens de l’observation et le plaisir de la divagation. «Lampje, lampje» est un conte des cavernes pour lutins affamés d’histoires féériques.

«Azuki» d’Athénor par Aurélie Maisonneuve et Léonard Mischler fut une perle posée sur un écrin théâtral pour un opéra miniature en plusieurs dimensions picturales pour tout-petits et grands! De leurs voix profondes et accueillantes, ils ont dessiné un paysage de sables colorés et de galets. Peu à peu, on s’est laissé aller à ressentir le chant comme une matière à explorer à moins qui sonde nos contrées enfouies. Ces deux beaux acteurs aux gestes délicats ont délié et relié les matières, les sons et les corps à partir d’un fil qui, en toile de fond, traverse ce qui sépare le beau de l’Œuvre….Petits et grands, à l’unisson, avons lu sur la toile : «le fil se détend…maintenant le cerf-volant…est une portion de ciel». J’étais  aux anges…
Tout comme ce matin-là, au festival Off d’Avignon, où, avec des professionnels de la toute petite enfance, assistions à «Un papillon dans la neige» de la Compagnie O’Navio. Elles écrivirent : «D’une feuille blanche apparait en deux traits de crayon un papillon qui nous transporte sur un nuage de coton et nous fait planer au fil des saisons. Tout en musicalité, nous voyageons à travers les mers, l’espace et le temps. Au seul regret de n’avoir pu partager son instant gourmand… Feuilles, vent, mouvements, doux méli-mélo d’un spectacle pour enfants».
Doux méli-mélo d’une année 2012 d’une enfance, phare…

1- Christiane Véricel – « La morale du Ventre » – Espace Tonkin, Villeurbanne.

2- Jérôme Bel – «Disabled Theater»- Festival d’Avignon.

3- Markus Öhrn – “Conte d’amour” – Festival d’Avignon.

4- Fabrice Murgia –  « Le chagrin des Ogres » – Amis du Théâtre Populaire, Aix en Provence

5- Heiner Goebbels – «When the mountain change dits clothing» – Festival d’Automne, Paris.

6- Florence Lloret – “L’alphabet des oubliés” – La Cité, Maison de Théâtre, Marseille.

7-  Dominique Bagouet – «Jours étranges» – Klap, Marseille.

8-   Wiersma & Smeets – «Lampje, lampje” – Festival de la Montagne Magique – Bruxelles.

9- Aurélie Maisonneuve et Léonard Mischler  – «Azuki» – Festival de la Montagne Magique – Bruxelles.

10- Compagnie O’Navio – «Un papillon dans la neige » –  Festival Off d’Avignon.

Pascal Bély – Le Tadorne

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ETRE SPECTATEUR PETITE ENFANCE

Le Grand Off du tout petit et des professionnels de la petite enfance.

En 2012, peut-on imaginer un festival sans les enfants? Est-ce possible encore d’ignorer la frontière de plus en plus poreuse qui existe entre artistes, professionnels et parents? Comment rendre compte de la fantastique richesse artistique des propositions pour tout-petit et de l’engagement des professionnels de la toute petite enfance à promouvoir l’art au sein des crèches comme ressort de leur créativité et des processus de coéducation avec les parents?

Le mardi 10 juillet 2012, des professionnelles de la petite enfance des villes de Martigues, Fuveau, Vitrolles, de la Maison de la Famille; des programmateurs (Théâtre Massalia à Marseille, Théâtre de la Guimbarde à Charleroi), des spectateurs et des artistes se sont réunis au village du OFF pour échanger dans le cadre des « Offinités du Tadorne» présentées par Pascal Bely et Sylvie Lefrere. Cet événement s’inscrit dans une démarche ambitieuse de formation qui vise à créer une dynamique régionale autour de «l’art et les tout-petits». Après une journée très dense passée au Théâtre pour Enfants à Monclar, nous nous sommes donné rendez-vous au Village à 17h lors de la tribune critique quotidienne organisée par le festival Off.

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Chacun a pu visualiser son paysage de la petite enfance en partageant son regard sur trois spectacles. Cela a fédéré un collectif représentatif d’un monde ouvert, engagé vers une démarche artistique. Nous avons tous été réunis autour de ce vaste territoire à explorer, en friche à bâtir, entre vallons et montagnes. Des contes ont été coécrits en ateliers afin de faire un retour créatif au public présent et aux artistes pour donner un ressenti singulier et global. Une grande poésie s’en est dégagée. A vous de juger…

 «Un échange plein de poésie et d’inventivité en présence des artistes des spectacles vus (Plume, Un papillon dans la neige, ventre à l’air, Lapin) et d’un public ravi que les petits trouvent leur place parmi les grands ».

Maryline Laurin, Revue Marseillaise de Théâtre.

 

«Lapin» de la Compagnie du Dagor; 9h45.

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«Il était une fois une histoire étrange, amusante, comme sortie de l’antre d’un lapin. Deux corps en mouvement se retrouvent dans un labyrinthe de sons, de langages, de musiques, de papier, de bois et de lumières. Cela peut paraître bizarre et décousu: des poissons volent, des bonbons sont croqués, les arbres s’entremêlent, les oiseaux s’y nichent et les cerfs y passent. Les matières et les corps apparaissent, disparaissent, comme le voyage de la vie : on saute d’un sentiment à l’autre comme un lapin».

«Il était une fois un funambule suspendu au-dessus du vide, jouant avec son ombre. Il aimait jouer avec elle, car elle savait le surprendre, lui faire peur, le faire rire. Sous lui, un paysage de montagnes, de vallées où parfois son ombre disparaissait ou grossissait. Cet univers étrange provoque chez lui des mouvements doux et pourtant saccadés qui laissent le funambule déconcerté».

« Un papillon dans la neige » – Compagnie O’Navio – 9h50 et 15h30

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« Il était une fois une page blanche comme la neige, comme un ballon, comme un nuage. Blanc, vierge Blanc de début du monde Enfance. Une femme au pinceau chapeau bouche rouge fait son autoportrait: une petite fille au chapeau. C’est plus facile d’être grande dans un petit carré. Est-ce un livre? Est-ce que les livres parlent? Est-ce qu’ils chantent? La petite fille au chapeau peut-elle bouger? Elle bouge en grandissant de dehors et du dedans, comme un dessin qui devient image puis peinture, mobile et immobile. Elle voyage, son coeur est tendu sur les fils de couleurs qu’elle manipule et qui la manipulent. Et cette petite graine dans nos chaussures, c’est la vie qui reste à inventer.»

«Petite fille papillon qui voyage à bord du cocon

Douceur et légèreté

Où vas-tu nous emporter?

Par le vent

Par la mer

Dans les airs

Dans les eaux

Gros poissons, ou dans les ailes

Tu t’envoles sur un fil

Sur des notes mélancoliques

Tes rencontres plumes de couleurs

Égaye ta gourmandise

Et font germer les petits pois!»

 

«D’une feuille blanche apparait en deux traits de crayon un papillon qui nous transporte sur un nuage de coton et nous fait planer au fil des saisons. Tout en musicalité, nous voyageons à travers les mers, l’espace et le temps. Au seul regret de n’avoir pu partager son instant gourmand. Feuilles, vent, mouvements, doux méli-mélo d’un spectacle pour enfants».

Avignon, le 10 juillet 2012. Les professionnels de la toute petite enfance  des villes de  Martigues, Fuveau, Vitrolles, Martigues, de la Maison de la Famille et du Théâtre Massalia.

Crédit photo Offinités: Maryline Laurin.

 

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PETITE ENFANCE

Mon périple bruxellois (3/3) : du haut de la Montagne, les tout-petits voient grand.

En mai dernier, tandis que le Festival des Arts battait son plein à Bruxelles, se tenait au même moment le Festival International de la toute petite enfance au Théâtre de la Montagne Magique. Tandis que le premier empilait des esthétiques sans fond, le deuxième proposait des formes exigeantes pour un public de tout-petits (moins de trois ans) curieux et participatif. Petit compte-rendu d’un beau «festival des arts».

«Ultra» est une oeuvre chorégraphique conçue et interprétée par Melody Willame du Zététique Théâtre. Ici, la danse est dans tous ses états: à la fois narrative et conceptuelle, elle accueille la sensibilité de chacun. Le décor est d’ailleurs très étrange: des livres suspendus et une commode dans un coin. À l’immatérialité répond un mobilier avec ses tiroirs secrets. Dès le commencement, Melody Willame s’amuse à faire dialoguer le savoir des livres et le «corps du savoir» : la danse a donc toute sa place dans les apprentissages fondamentaux! Mais elle ne s’arrête pas là. Cette jeune artiste frondeuse n’hésite pas à se plonger dans une mer de plastique (dont elle tire le noble matériau d’un tiroir de la commode) pour qu’émerge le corps embryonnaire: nous dansions déjà avant de naitre! Elle ose filer la métaphore de la (re)naissance en plongeant ses bras dans ce mobilier aux multiples fonctions pour en sortir colorée de rouge! Il se dégage de l’ensemble une ode à la liberté du corps pour libérer l’esprit des contraintes matérielles (même si parfois, la danse m’est apparue un peu déstructurée). Le public prend plaisir d’autant plus que notre danseuse se moque avec bienveillance du tutu.  “Ultra” est un beau «rituel» de «passage» entre danse classique et danse contemporaine.

«Lampje, lampje» du couple Hollandais Wiersma & Smeets est probablement l’une des propositions les plus enthousiasmantes de mon vécu de spectateur en compagnie des tout-petits! Ici, deux rétroprojecteurs et divers ustensiles qui se projettent. Nous voici embarqués sous la voute céleste des objets flottants où chaque scène est un miracle tant l’infiniment petit devient gigantesque. Nos deux metteurs en scène de cinéma en plein air s’amusent à créer l’univers des rencontres improbables teinté de lumières fugitives et multicolores. Peu à peu émerge un espace capable d’accueillir tous les imaginaires, où l’art contemporain fait dialoguer le sens de l’observation et le plaisir de la divagation. «Lampje, lampje» est un conte des cavernes pour lutins affamés d’histoires féériques.

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«Azuki» d’Athénor par Aurélie Maisonneuve et Léonard Mischler est une perle posée sur un écrin théâtral pour un opéra miniature en plusieurs dimensions picturales! De leurs voix profondes et accueillantes, ils dessinent un paysage de sables colorés et de galets. Peu à peu, on se laisse aller à ressentir le chant comme une matière à explorer à moins qu’ils ne sondent nos contrées enfouies. Ces deux beaux acteurs aux gestes délicats délient et relient les matières, les sons et les corps à partir d’un fil qui, en toile de fond, traverse ce qui sépare le beau de l’oeuvre.Peu à peu, leur chant m’envole et petits et grands, à l’unisson, lisons sur la toile : «le fil se détend maintenant le cerf-volant est une portion de ciel». Je suis aux anges.

Le théâtre pour tout-petits démontre une fois de plus qu’il est un grand théâtre, parfois en avance sur ce que l’on peut voir ailleurs. L’écriture y est soignée parce que le jeune enfant est considéré comme un spectateur qui, pour prendre la parole, puise dans ses ressentis. Me revient une phrase du pédopsychiatre Patrick Ben Soussan, qui dans un de ses livres («Les bébés vont au théâtre») écrit : «Précisons que le trouble prêté au théâtre, n’est pas un état, mais un processus: il a  un lien avec l’incertitude, le complexe, l’indéterminé. Comme l’enfance!»

Avant de chercher à tout prix ce qui est «émergent», certains programmateurs devraient faire un tour vers ce théâtre-là pour y ressentir ce trouble auprès des tout-petits, de leurs parents et de leurs éducateurs. Pour qu’ils ouvrent leur institution à ce petit spectateur à l’imaginaire si foisonnant.

Pour qu’ils apprennent le respect et l’humilité.

Pascal Bély, Le Tadorne.

«Azuki» d’Athénor par Aurélie Maisonneuve et Léonard Mischler.

«Lampje, lampje» de Wiersma & Smeets.

«Ultra» de Melody Williame du Zénétique Théâtre.

Au Théâtre de la Montagne Magique à Bruxelles du 17 au 20 mai 2012.

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«Vortex» de Phia Ménard : Sous le vent d’être.

Je l’avais laissée sur un «P.P.P.» arctique de bon souvenir et c’est le vent qui là, la ramène. Seule encore, mais cette fois sur une piste comme une Agora où le souffle des ventilateurs porte les mots silencieusement donnés. Un «Vortex» qui nous conduit vers l’enfant de nous. On se souvient d’un objet «banal» dont on faisait «tout». Avec du vent et du plastique, Phia Ménard va nous conduire à ré-ouvrir nos contes. Mais seront-ils, comme on les voudrait, toujours «pimpants» et sans défaut  apparent?
Ça commence «trash»; nous découvrons en entrant un «gros Boudoume» occupé à la découpe d’un sac de course rose comme on en croisait partout avant un sursaut des supermarchés vers une «responsabilité écologique citoyenne». À l’aide de gros ciseaux et de scotch, un petit personnage, tout à plat se construit. Bientôt, mais il ne le sait pas, le souffle du vent lui donnera l’épaisseur pour accomplir sa danse et il sera même rejoint par un aréopage arc-en-ciel de «camarades» pour un ballet pensé en liberté. Mais, Cut/Raccord. le bal n’est pas à l’heure de notre hôte «encostumé», un parapluie «troubleur» ne tardant pas à indiquer le chemin de la benne. Pourtant, qui sait si sous le «Boudoume» se «cachait» quelque chose, quelqu’un, «May be peut-être». Un prince, une princesse d’un étrange ailleurs où la seule raison serait d’Être? Alors il serait peut-être une fois un pays où les garçons et les filles ne se tenaient pas toujours obligatoirement la main. Il serait peut-être une fois un monde où les enveloppes n’étaient pas toujours sans contrefaçon bien adressées. Il serait peut-être une fois un chemin, même tortueux, qui conduirait, un, deux, trois peut-être, à Soi.

Sous l’égide du vent, Phia Ménard nous emporte vers un quelque part où, quand bien même nos histoires seraient différentes, les couches à «gratter» pour tenter d’advenir, ne nous seraient pas si étrangères à nos «étrangetés». Ce spectacle/performance est un moment «rare» ; il nous invite, cinquante minutes durant, à nous pencher vers sensations de peau et émotions de corps. Il nous chatouille à l’identité plurielle de nos êtres et nous questionne sur les «oripeaux» que nous arborons en oriflammes.

Pour l’heure, laissez vous conduire au coeur du souffle; Phia Ménard, en femme de choix, sait guider nos pas au creux des «simples» poésies humaines; et, quand bien même elles sont tourmentées, il y aura bien un nid où se poser.

Le plastique n’est pas fantastique. Sauf qu’enfants, «tout» nous semblait possible ; serions-nous devenus trop grands?

Le vent en vortex m’a soufflé que non !

Mais, à vous de voir maintenant.

Bernard Gaurier, Le Tadorne

« Vortex » de Phia Ménard au TU du 24 Avril au 5 mai 2012. Du 9 au 11 mai , Le Manège – Reins

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LES FORMATIONS DU TADORNE PETITE ENFANCE

À Marseille, une formation autour de l’art et les tout-petits ouverte aux compagnies, aux professionnels de la petite enfance et du spectacle vivant.

En mai 2010, j’ai publié sur le Tadorne un article pour inviter les artistes, professionnels de la culture et de la petite enfance à imaginer un modèle de relations contributives. Dès l’automne 2010, je rencontrais le Théâtre Massalia de Marseille pour leur proposer une démarche de formation capable d’élaborer ce modèle. Ainsi fut créé un cursus de huit journées, en collaboration étroite  avec la Maison de la Famille à Marseille, les villes de Fuveau et de Martigues.

Des réunions réseau ont venues compléter le dispositif afin d’associer le management à la démarche globale de formation et faire émerger un projet à multiples facettes :

> Une charte pour l’accueil de spectacle en structure d’accueil a été élaborée.

> La programmation de spectacles petite enfance est renforcée pour la saison 2011-2012 du Théâtre Massalia, en collaboration étroite avec les structures.

> Une résidence de la compagnie Skappa! débutera au premier semestre 2012 dans les crèches de la Maison de la famille à Marseille.

> En 2013, une manifestation ouverte aux familles («les bébés défrichent la friche») est envisagée à la Friche Belle de Mai.

> Des passerelles avec le festival Off d’Avignon et celui de Charleroi sont déjà programmées.

> Un projet de formation intra à la ville de Martigues est envisagé pour 2012 dans le cadre du projet culturel global de la direction de la petite enfance.

Pour 2013, la Maison de la Famille et le Théâtre Massalia souhaitent programmer un troisième cursus. Six à sept places sont réservées aux professionnels du spectacle vivant, de la petite enfance et de la culture: il est à ce jour complet.

Pour répondre à la demande, un quatrième cursus débutera en octobre 2013. La plaquette est en ligne ici.

À très bientôt.

Pascal Bély, Le Tadorne.

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PETITE ENFANCE

«Voyages en villes invisibles» d’Hervé Lelardoux : Rendez-vous à l’enfant!

Le froid vient de tomber, il est encore tôt, la ville se voile tout juste à peine de pénombre, les «lampions de Noël» s’allument pour conduire mes pas vers les retrouvailles avec «L’Arpenteur»*.

Par petites «grappes», nous entrons dans la salle. Les «vrais enfants» ont une enveloppe à la main où ils ont inscrit leurs noms et adresses; ils la déposeront «à la boite» avant de prendre place. Auparavant, nous emprunterons tous, qu’on soit petits ou un peu plus grands, la même rue, miniature de lumières, pour arriver au plateau boite à lettres.

J’éprouvais le besoin d’être entouré d’enfance pour rencontrer ces «Villes Invisibles». D’un côté une petite fille remuante et toussante,  de l’autre, une «grande vraie jeune fille» appariée, ce soir là, à une «petite fille sage». Je pouvais donc me «lover» dans mon enfant à moi, bonbons compris.

Levée de la boite à lettres, les prénoms s’égrainent. Et, les mots de Louis-Basile, qui a voyagé «toute sa vie» avant que de «revenir» dans «sa» ville, se donnent à l’adresse des petits spectateurs.

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Ben, Aicha, François, Nouna, Karl, Helena, Kevin…Ensemble, ils commencent à tisser la toile de nos galaxies espérées. Nos fenêtres espaces se font ciels étoilés et notre «village» se fait Monde par les souvenirs du «Voyageur».

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La nuit se fait jours…comme dans nos «imageries désirs» d’un aujourd’hui vers un demain en fenêtres touchées/aperçues.

Une heure quinze durant, le «vieux» baroudeur arpenteur souffle toujours tendrement, quand bien même quelques maladresses, une Belle vie à l’Enfance et à ses Fenêtres promesses. Unique, en singulier pluriel, un ciel aux étoiles se dessine. La petite fille a cessé de remuer, je me suis « invité/oublié » vers l’enfant que j’étais, que je suis. Mes «Villes Invisibles» se sont (r)allumées? !

Il fait encore un peu plus froid. Mes pas du soir vont me conduire vers ma Maison. Aujourd’hui, ma tête voyage, au gré de mes fenêtres d’Hier. Une ritournelle m’approche….«J’ai une maison pleine de Fenêtres?»… Hervé Lelardoux m’a «reconduit» à la part douce de mon enfance vitalisée en Aujourd’hui…

Rentré dans mon chez moi, la lecture de la feuille de salle me «rassure». Les «petits» aux enveloppes recevront bien une lettre de Louis-Basile, ils n’auront pas «figurés» pour rien !

Les villes existent dedans/dehors, visibles ou invisibles; explorons-nous «simplement», en corps vitraux, pour les allumer et les vivre en pluriel. Par les nuits étoilées ou voilées, nos enfants à la fenêtre nous guident, quelques étroites soient parfois les ouvertures et faibles les lumières. Il y a toujours, quelque part, une boite à lettres.

Bernard Gaurier, Le Tadorne

« Voyages en villes invisibles » d’Hervé Lelardoux au TNB Rennes du 6 au 16 décembre 2011.

*Hervé Lelardoux dirige depuis 1985 le Théâtre de l’Arpenteur avec Chantal Gresset, ils nous ont plusieurs fois invités à marcher dans la ville?

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Le théâtre de Christiane Véricel donne faim.

Ce n’est pour l’instant qu’un chantier de création. Ce ne sont que quarante minutes. Le temps paraît si court avec Christiane Véricel et sa compagnie Image Aigüe. Pourtant, avec «La morale du ventre», elle signe l’une des réjouissances de la rentrée théâtrale. Ils sont sept sur scène : des adultes, des adolescents, des jeunes enfants. Amateurs et professionnels. Ils sont noirs et blancs. De France, de Sicile, de Turquie. Tout un théâtre de couleurs, de sons, de corps et de mots qui me percute comme autant de balles siffleuses, métaphore d’une famine qui fauche une personne dans le monde toute les quarante secondes. Au sol, une frontière signalée par un trait blanc et quelques morceaux de pain, que l’on donne aux oiseaux après avoir vidé nos ramasse miettes. A moins que ce ne soit celles que nous voulons bien laisser aux pays pauvres. Ainsi, se succèdent des situations qui voient s’affronter les possédants et ceux qui n’ont rien. Le tout ou rien. Le tout pour le tout où chacun joue son va-tout. Ils ne sont pas meilleurs que nous : malins, tricheurs, menteurs…Mais ils ont faim à l’image des immigrés sur les bateaux de fortune qui déjouent tant de pièges pour prendre leur part du gâteau.

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Christiane Véricel s’affranchit donc des frontières pour proposer un théâtre chorégraphié profondément drôle pour que la question ne tombe pas dans la dérision, la déraison. La mise en scène nous tend le miroir de nos lâchetés quotidiennes : elles en disent long sur le rapport dominant-dominé, instauré en toute situation et qui façonne un système de pensée incapable de résoudre ce fléau mondial.

Son théâtre est un dessin animé pour personnages anémiés espiègles et créatifs qui calme ma faim de spectateur. Pour cela, tout y est détourné : les contes où l’on se meurt, les murs où la parole se fracasse, sous les jupes des garçons où l’on se cache, des chaises d’enfants pour adultes infantilisants. Tel un vieil ascenseur social, l’échelle se dérobe même sous leurs pieds. Plus rien ne fonctionne à l’image de ces corps qui désarticulent le vertical et l’horizontal.

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Mais ces héros des temps modernes cherchent. Sans fin. Leur créativité vient à bout des stratégies des Etats tout-puissants. Ils vont au-delà de la frontière pour entrer dans notre espace démocratique et y interroger nos valeurs et nos principes moraux. Ils sont là avec leur pince pour piquer nos chairs et réveiller nos consciences : notre dette est ailleurs qu’en Grèce.

Pascal Bély, Le Tadorne.

« La morale du ventre » – Etape de création présentée aux Subsistances à Lyon les 14 et 15 octobre 2011.

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Klap, Maison pour la danse d’Henriette et Matisse.

À quelques jours de l’ouverture officielle de «Klap, Maison pour la Danse» à Marseille, son directeur, Michel Kelemenis, présente «Henriette et Matisse» créée pour la Biennale de la Danse de Lyon en 2010. À voir du 11 au 13 octobre, dans le cadre de la programmation du Théâtre Massalia.  Puis en tournée dans toute la France.

De la Biennale de la Danse de Lyonau Théâtre des Salins de Martigues, toujours ce même enthousiasme : enfants, parents et professionnels de l’éducation jubilent en découvrant l’univers du peintre. Nous sommes à la fois au musée, dans l’atelier et au théâtre. Qui plus est avec un chorégraphe! Michel Kelemenis nous offre, avec « Henriette et Matisse » une immersion dans la beauté, dans la création et le chaos. Imaginons Matisse et son chapeau de paille, interprété par Davy Brun, tour à tour Artiste et probable grand frère pour les tout-petits. Rêvons d’Henriette, le Modèle, la muse (troublante Caroline Blanc) dont la beauté fait tache d’huile sur la toile blanche d’un film d’amour, de capes et de fées. Jouons avec deux pinceaux (espiègles Lila Abdelmoumène et Tristan Robilliard) qui, peu à peu, glissent entre nos mains comme les deux baguettes du chef d’orchestre.

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 À quatre, ils occupent la scène dans tous ses recoins pour pousser les cloisons de nos imaginaires. De la salle, les « Ouah », « Ouh la la », « c’est magique » ponctuent en cadence la création de la toile jusqu’au silence le plus absolu alors que « le clair de lune » de Debussy éclaire « les Nus bleus » de Matisse. L’émotion serre la gorge comme si nous étions bercés par le chorégraphe, ébloui par le peintre. Ces deux-là seraient-ils complices pour puiser dans nos fragilités les ressorts de notre sensibilité ?

« Henriette et Matisse », sont nos ailes du désir à moins que ce ne soit le nom d’un bonbon à la réglisse aux effets secondaires. C’est une invitation à la poésie, à se rapprocher les uns des autres. Cette oeuvre crée la communauté au moment où tant de liens se distendent. Il y a chez Michel Kelemenis le désir d’un art total profondément accueillant qui ne laisserait personne de côté. Les conditions de l’invitation sont donc réunies. Ici, la musique joue son rôle d’aiguillon : tout à la fois polissonne, déroutante, envoûtante, pénétrante, elle débusque à chaque tableau ! Mieux qu’un guide de musée, elle pose ses petits cailloux pour petits et grands poucets. L’univers du peintre est un théâtre à l’italienne où nous pénétrons de nuit pour jouer à nous faire peur avec les fantômes (c’est bien connu, ils sont partout), où le décor de papier vous tombe dessus comme une toile de cinéma et s’enrôle autour des corps pour faire valser les couleurs.

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La danse provoque l’alchimie entre les matières, créée la troisième dimension du tableau, génère le mouvement évanescent du geste créatif. Elle vous emporte et vous déplace pour que chacun d’entre nous soit traversé.

Ainsi, « Henriette et Matisse » n’est plus seulement une invitation à ressentir ces peintures mythiques. C’est une ?uvre qui peint la danse comme un mouvement populaire.
Pascal Bély – www.festivalier.net

A lire le très bel article de Denis Bonneville dans La Marseillaise.

“Henriette et Matisse” de Michel Kelemenis àKlap du 11 au 13 octobre 2011.

Crédit photo: Manon Milley.

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FESTIVAL D'AVIGNON OEUVRES MAJEURES PETITE ENFANCE Vidéos

Au Festival d’Avignon, Boris Charmatz enfante d’un chaos enthousiasmant, d’une humanité à la dérive.

C’est la première d’ «Enfant» du chorégraphe Boris Charmatz. La mythique Cour d’Honneur va une nouvelle fois faire parler d’elle. Ce soir, “quelque chose a changé, l’air semble plus léger”. Un homme s’avance vers nous et lit un texte syndical sur les conséquences de la politique culturelle d’un “mouvement libéral agressif». À peine nous a-t-il remerciés pour notre «attention généreuse», que les clameurs montent des gradins. Le public se lève peu à peu et adresse ses applaudissements contre Frédéric Mitterand, Ministre de la Culture. Son cercle reste impassible tandis que le peuple, exaspéré, manifeste. Rarement vu dans la Cour.

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Le propos se prolonge sur scène.  “Enfant” du chorégraphe Boris Charmatz est très attendu. Chacun y va de ses pronostics, de ses projections, comme un réflexe vital : la présence d’enfants symbolise notre désir d’utopie réparatrice. Les temps sont si durs. Précisément. Tout est noir sur le plateau. La fête foraine des trente glorieuses est terminée : une grue trône et des danseurs gisent à terre. Peu à peu elle tire des fils, comme si le théâtre ne tenait qu’à l’un d’eux malgré l’imposante architecture de la Cour. Ce que les Papes ont construit, notre société financiarisée peut le démonter. Lentement, elle traîne les danseurs qui finissent par pendre dans le vide. Le bruit est angoissant, presque inaudible au départ puis assourdissant par la suite: c’est l’humanité qu’on suspend. «Saturne dévorant un de ses fils» de Francisco Goya m’apparaît : nous sacrifions nos enfants pour maintenir une civilisation en coma dépassée depuis l’Holocauste. Les petites mécaniques poursuivent leur besogne pour rationaliser, industraliser l’humain. C’est finalement peu, au regard de la tragédie de l’extermination. À ceux qui réclament à “corps et à cris”, un propos lisible de la part de la danse contemporaine, Boris Charmatz leur répond: nos machines se chargent du mouvement. Le public de la Cour ne bouge plus. Aucune place à la polémique. Silence.

Comment évoquer ce qui va suivre sans rien dévoiler? Boris Charmatz poursuit sa démonstration : ce que nous faisons subir à nos enfants est innommable. Le théâtre n’en dit rien. La danse va assumer la charge. La scène est une oeuvre picturale grandeur nature d’un camp concentrationnaire à ciel ouvert. Le sol paraît gluant comme si nos lâchetés transpiraient. Nos enfants sont des marchandises que nous monnayons. Nos précarités sociales, économiques et psychologiques les métamorphosent peu à peu en petits adultes inanimés. Notre énergie à les déplacer tels des corps de plastique mou est sans commune mesure : immergés dans la société consumériste, ils ne répondent plus. De la chair à canon pour préserver nos frontières ; du corps marchandisé pour publicitaires affamés.

Boris Charmatz entreprend une magnifique recomposition : les vingt-six «enfants danseurs» et les neuf «danseurs chorégraphes» s’entremêlent  jusqu’au chaos indescriptible. Comment réanimer notre conscience collective ? Comment sortir du coma ? Ce que la machine faisait trembler dans le premier tableau, la scène s’en charge dans le deuxième. L’artiste se positionne pour provoquer stupeurs et tremblements en recomposant une communauté de destins. Sauf que les adultes ne  se laissent pas ainsi guider. Leur créativité est au plus bas. Ils répètent les mêmes gestes, totalement conditionnés par les sirènes sécuritaires , par une pensée du mouvement qui tourne en rond. Savent-ils que l’humanité a une conscience ? Boris Charmatz entreprend alors de chorégraphier les enfants dans leurs liens avec les adultes. Est-il le fils de Maguy Marin qui déclarait à propos de «Salves», sa dernière création : «au lieu de baisser les bras, d’être dans l’impuissance d’acte collectif, de liens entre les gens, organisons le pessimisme et tout d’un coup, quelque chose d’humoristique peut se révéler”?  Ensemble, ils créent la fête foraine pour que nos utopies reprennent  le chemin du mouvement, avec distance et drôlerie, pour une chorégraphie chaotique, désespérante, créative, profondément festive. La scène se fait chair pour accueillir le défilé d’une humanité qui prend sa destinée en main.

Il nous faut positionner  l’enfant et son adulte au centre de tout. Et qui sait,  nous pourrons peut-être, j’écris bien peut-être, changer?pour une civilisation pendue aux lèvres de ce qui reste de l’humanité.

Avec tous nos applaudissements, Monsieur Boris Charmatz.

Pascal Bély- Le Tadorne.

"Enfant » de Boris Charmatz au Palais des Papes du 7 au 12 juillet 2011.

 

 

 

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À Montpellier Danse, le plastique, c’est sacré.

Étrange journée…Le festival Montpellier Danse peut nous réserver une belle surprise en fin d’après-midi et nous propulser plus tard dans une ambiance plombée d’une petite fête entre amis chez Monsieur l’Ambassadeur.

À 17h, Phia Ménard se prépare. Tout autour, le public prend place sur des coussins ou dans les gradins. Je m’assois près d’elle, comme une évidence. Tel un artisan pêcheur avec son bonnet sur la tête et son manteau pour tous les temps, elle découpe des sacs plastiques. Ont-ils été pêchés en Méditerrannée, là où ils prolifèrent jusqu’à menacer durablement la faune et la flore marine ? À moins qu’elle ne les ait attrapés au vol dans la rade de Marseille par temps de mistral. Je n’ai jamais imaginé  retrouver sur la scène d’un festival de danse, ces compagnons d’infortune croisés lors de mes randonnées. «L’après-midi d’un Foehn (version 1)» dure trente minutes. Précieuses secondes où votre corps se laisse porter par les émotions de l’enfance tandis que votre regard balaye l’assistance à la recherche du complice. Délicieux.

À peine entendons-nous la musique de Debussy…à peine percevons-nous le souffle propulsé par les ventilateurs. La délicatesse et une précision millimétrique provoquent une chorégraphie pour que s’envolent ces sacs, métamorphosés en corps humains. L’air est musique. La musique est dans l’air.  Ominprésent dans nos vies (jusqu’à coller à notre intimité?), le plastique devient la matière du mouvement. Il ne porte plus, mais il transporte. Phia Menard convoque  tout un ballet: la danse recycle, régénère et nous libère de la pollution. Elle n’hésite pas en entrer dans le mouvement, à jongler avec eux. C’est un ballet avec nos rêves de danse.

Elle est sur la frontière entre scène protégée et ciel pollué, entre  fragilité et force, entre ordre et désordre. Elle est au coeur d’une cellule régénératrice, celle dont l’énergie métamorphose tout un système. Tel un chorégraphe de l’utopie, Phia Menard est un souffleur de bulles de savon qui viennent se fondre sur notre peau.

Avec elle, l’éphémère est durable jusqu’à tout faire exploser : plus que jamais, les briseurs d’utopie sont à l’oeuvre…

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Quelques heures plus tard, le chorégraphe allemand Raimund Hoghe nous donne rendez-vous pour une création unique. Artiste associé du festival, il a tissé depuis de nombreuses années un lien de confiance avec des spectateurs fidèles. Pour ma part, notre relation a débuté en 2004, ce qui en fait l’artiste le plus chroniqué sur ce blog : « “Young People, Old Voices“(2004), “Cartes Postales” (film ; Arte) ;  «36, Avenue Georges Mandel» , «Meinwärts» (2007) ; « Boléro Variations» et “L’après-midi” (2008), « Sans titre » (2009), «Si je meurs laissez le balcon ouvert»(2010). Raimund Hoghe sait ritualiser mes douleurs et mes deuils. Il orchestre toutes mes cérémonies impossibles. Mais ce soir, je ne suis pas son invité pour «Montpellier, 4 juillet 2011». Le public, composé d’officiels et de VIP, n’est pas celui avec lequel j’ai vibré pendant tant d’années. Dans l’immense cour de l’Agora, (la Cour des grands?), Raimund Hoghe se célèbre face à une assistance hiérarchisée: les artistes devant sur des coussins, les VIP aux premiers rangs (Jean-Paul Montanari, directeur du festival, trônant dans son fauteuil) puis derrière, vous et moi. De ma place, la visibilité est si réduite que je dois me lever.  En reprenant les moments forts de ses oeuvres, Raimund Hoghe nous offre toute l’étendue de son talent. Hors du propos artistique de l’époque, ces extraits me sont  volés le temps d’une soirée.
Ce soir, le corps de Raimund Hoghe est un mausolée institutionnalisé pour célébrer une danse d’État.
Ce soir, Raimund Hoghe est dans les pas de Raimund Hoghe. Pas un seul sac plastique sur scène pour m’accrocher à l’idée que je ne l’ai pas perdu.
Pascal Bély – Le Tadorne.
« L’après-midi d’un Foehn (version 1) » de Phia Menard et « Montpellier, 4 juillet 2011 » le 4 juillet 2011 dans le cadre de « Montpellier Danse ».