
Les dix plus beaux nouveaux espaces.
«Human» de Christophe Huysman. Festival d’Avignon.
"Lugares Comunes" de Benoît Lachambre. KustenFestivaldesArts de Bruxelles.
« L’homme de février » de Gildas Milin . Festival de Marseille.
« 2008 Vallée » de Mathilde Monnier et Philippe Katerine. Festival Montpellier Danse.
"Gyrations of barbarous tribes" par La Compagnie Kubilaï Khan Investigations. Festival Les Hivernales. Avignon.
« Obstrucsong » de Palle GranhØj . Festival Les Hivernales. Avignon.
« Sizwe Banzi est mort » par Peter Brook. Festival d’Avignon
« Letters from Tentland Return to sender » par Helena Waldmann . Festival Montpellier Danse.
Concert de Camille. Festival « Les Botaniques ». Bruxelles.
Concert de Dominique A. Théâtre des Salins. Martigues.
Au commencement, il y avait le chapitre 1 du bilan, puis le chapitre 2!
Soufflerait-il dans le spectacle vivant, un vent nouveau qui nous apporterait des formes artistiques inédites où se croiseraient la danse, le théâtre, le cirque, les arts numériques, le nord, le sud, l’est et l’ouest ? Ces croisements s’inscrivent dans un contexte de précarisation générale des artistes qui semble les avoir conduits vers des expressions créatives pour le moins surprenantes.
Cette transdisciplinarité a souvent dénoncé une société individualiste et communautariste. Les créateurs ont recherché des espaces de communication capable d’inventer des liens sociaux moins verticaux.
C’est le poète et metteur en scène Christophe Huysman qui a le plus étonné avec « Human ». À partir d’articulations complexes entre le vertical et le transversal, Huysman propose une poésie de corps entremêlés. Des liens sociaux inédits émergent alors. Le chorégraphe Benoît Lachambre avec "Lugares comunes » a également ouvert notre regard sur le collectif transversal, au moment où les sociétés se communautarisent. Lachambre leur préfère le lien créatif qui complexifie au détriment de l’interaction qui clive, du langage médiatique et marketing enfermant.
Le metteur en scène Gildas Milin, avec « L’homme de février » a mis l’accent sur les théories comportementalistes qui semblent structurer patiemment notre société fascisante. À trop vouloir contrôler la psyché pour faire face à la complexité, nos politiques finiront par tout « normaliser », même la folie. En reliant le théâtre, la danse et un concert rock, Gildas Milin nous a offert l’un des spectacles les plus détonants de l’année.
Cette « folie créative » est à rapprocher de l’œuvre chorégraphique et musicale proposée par Mathilde Monnier et Philippe Katerine. « 2008 Vallée » est une drôle de création, porteuse d’une énergie contagieuse avec un regard féroce sur notre société vide de sens jusqu’à l’absurde. Les six danseurs, compagnons de fortune de Katerine, trouvent des stratégies pour réinventer de nouveaux modes de communication dans des espaces encore improbables aujourd’hui.
Sans aller jusqu’au chaos créatif prôné par Monnier et Katerine, ne conviendrait-il pas de retrouver notre imagination perdue même à partir de nos cadres les plus enfermants. C’est ce défi qu’a relevé la chorégraphe Danoise Palle GranhØj avec «Obstrucsong », pièce réjouissante où chaque mouvement en rencontre un autre qui l’entrave ! Cette contrainte (d’où l’obstruction) devient une force créative pour les danseurs. À l’heure où certains voudraient renforcer la coercition pour empêcher la créativité, « Obstrcsong » est un magnifique message d’ouverture dans ce monde globalisé.
Le chorégraphe Franck Micheletti nous a proposé d’autres espaces avec "Gyrations of barbarous tribes" à partir d’un collectif métissé de plusieurs rythmes dans la chorégraphie (vibrante jusqu’au paroxysme, organisée, déstructurée, organique toujours)symbole d’une mondialisation inventive. Mais cette recherche butte sur la peur des sociétés industrialisées comme l’a témoigné Peter Brook avec son dernier spectacle, sensible et intelligent, « Sizwe Banzi est mort ». Mais même les pouvoirs
les plus tyranniques ne résisteront pas longtemps à ce mouvement d’ouverture qu’offre la mondialisation comme l’a magnifiquement démontré la chorégraphe Helena Waldmann avec « Letters from Tentland Return to sender », puissant message d’espoir pour les femmes iraniennes.
En 2006, les concerts ont également ouvert leurs espaces trop souvent réduits à un tour de chant bien huilé pour laisser la place à l’inattendu. La chanteuse Camille m’a épaté dans sa recherche pour créer entre elle et le public, entre la chanson et l’art, de nouvelles articulations. Elle a dépoussiéré le concept de concert pour le transformer en fresque théâtrale !
Dans un autre registre, le chanteur Dominique A a donné à son dernier concert des airs symphoniques, en concevant un territoire quasi hypnotique.
2007, année des possibles ?





« Empty moves (part I) » commence.
L'entracte de quinze minutes n'y fait rien. Je me sens sonné par ce que je viens de voir. Il devient alors difficile d'écrire sur « Noces », la deuxième proposition indigeste d'Angelin Preljocaj, créée en 1989. Dix danseurs sont à la fête sur la musique envahissante d'Igor Stravinski. Nous sommes dans les Balkans : tout est joyeux, en apparence. Pourtant, le mariage évoque cet acte tragique qui fait de la mariée (symbolisée par des poupées) une monnaie d'échange. Mais pourquoi tout ce vacarme ? Pourquoi cette chorégraphie approximative réduite la plupart du temps à du mime ? Le sens est noyé dans ces gesticulations caricaturales qui enferment les danseurs dans des rôles réducteurs. Où est la danse ? Pourquoi cette pièce est-elle accolée à « Empty Moves »? Que peuvent vouloir dire les applaudissements enflammés pour cette ?uvre qui sent la naphtaline et leur réserve pour le moins surprenante à la fin d' « Empty Moves »? Mais quel est donc ce nouveau public, qu'il me semble n'avoir jamais rencontré, même au temps du feu Festival « Danse à Aix » ? Je n'attends plus la fin de ces applaudissements. Seul dans l'allée, je pense aux enfants de Dakar, aux femmes mariées soumises, et à ce quatuor sublime. Le marketing humanitaire et culturel a encore frappé. Le public de danse est-il lui aussi une monnaie d'échange. À la recherche d'une cohérence, je ne ressens que du désordre.

La danse me répare. Elle crée du sens, du lien. Elle me donne la force de regarder le monde à partir du mouvement et de la relation. Ce désir de danse me conduit à 19h30 au Pavillon Noir d’Aix en Provence pour assister à la chorégraphie de Richard Siegal. Pendant trente minutes, « First Draft / Opus 8 » va m’envelopper, me protéger et me suspendre. Et pourtant, je suis contraint de voir le spectacle debout, au fond du studio, car la désinvolture du Centre Chorégraphique fait asseoir les spectateurs sur des « malabars » en mousse. En l’absence de gradins, je ne vois rien. Un dispositif bifrontal aurait été adapté, mais le personnel guindé et toujours agité se soucie-t-il du public ?
J'aime quand le théâtre nous positionne autrement qu'en spectateurs passifs et qu'il bouscule notre rôle et notre regard. En attendant d'entrer dans la grande salle du Théâtre des Salins de Martigues pour « Long Life » d'Alvis Hermanis, j'ai la douce sensation que nous allons vivre un moment particulier. En effet, pour accéder à nos places, nous devons passer sur la scène et avancer dans le décor. Nous sommes dans le couloir d'un immeuble où traînent des objets d'une époque révolue, où des affiches nostalgiques décorent des murs délavés. Je marche à pas feutrés et l'odeur d'enfermement pose le contexte d'un pays de l'Est (La Letonie) sous la tutelle de son puissant voisin russe. À la fin du parcours, sur la gauche, apparaît la salle. Je m'installe au premier rang, sur la droite. Face à moi, trois appartements qui ne sont séparés d'aucune cloison. Au spectateur d'éviter d'en mettre !
Pendant une heure trente, ces vieux nous font rire avec leurs obsessions, leurs maladresses, leur tendresse maladroite. Ils n'ont pas d'argent, mais leur créativité est leur richesse. Comment ne pas être époustouflé quand ils créent de la musique électronique avec presque rien ? Comment ne pas être subjugué de les voir créer des bougeoirs avec du plâtre et des préservatifs ? Nous rions, mais le malaise est palpable dans la salle : assistons-nous à un « loft story » théâtral ? Qui regardons-nous ? À mesure que les scènes se succèdent, je ne peux m'empêcher de me voir changer de regard sur eux : de l'indifférence, à la moquerie, à la compassion, à l'admiration face à la force vitale qu'ils dégagent. La mise en scène m'accompagne dans ce changement : du voyeur au moqueur, de l'étonné à la colère quand arrive les images de la guerre en Irak sur leur chaîne de télévision. Et oui, nous sommes en 2006, dans un pays européen. Nous apprendrons que les retraites de ces vieux ont servi à financer l'entrée de la Lettonie dans l'Union. Alvis Hermanis nous positionne au centre, avec ces vieux, comme s'il opérait un lien de filiation. C'est ainsi que «
Tout commence par « Entrelacs ». Ils sont quatre danseurs et un accordéoniste. Mes jambes sont lourdes après une semaine de travail épuisante. Je doute de pouvoir tenir. Les premiers instants m'emportent et je sens qu'ils ne pourront rien y faire. Je fais un rêve éveillé. Entre conscience et apesanteur, je ne sais plus où je suis. L'accordéoniste tourne autour d'eux, eux vers lui. C'est enivrant de les voir s'articuler, se fragiliser, danser avec leur bras, oser bouger leurs doigts comme s'ils faisaient des pointes. De quatre, elles ne sont plus que deux à former des figures géométriques que la danse va arrondir. Elles sont remplacées par les deux hommes : à ce moment, l'émotion me gagne. Le danseur s'approche de l'accordéoniste pour l'enlacer : il est son instrument. Les corps deviennent les notes que la musique de leurs liens met en mouvement. Sublime.
L'entracte me permet d'apprécier le Théâtre d'Arles : c'est un havre de paix. Même le violent vent du sud de l'extérieur y trouve refuge en jouant une mélodie enveloppante qui accueille Hélà Fattoumi pour son solo, «