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EN COURS DE REFORMATAGE

Tous les articles du Festival des Hivernales d’Avignon.

« Swan Lake », revu et corrigé par le chorégraphe Andy de Groat clôture le Festival des Hivernales. Le public de l’Opéra d’Avignon est composé d’abonnés à cette vénérable institution et de fidèles du Festival. Autant dire que de part et d’autre, les attentes diffèrent à propos de ce classique de la danse.  Tout au long de la représentation, Andy de Groat alimente ce clivage  pour relier magistralement les deux clans pour un final époustouflant ! Écrit en 1982 pour « Danse à Aix », ce « Lac des cygnes » décapant n’a rien perdu de sa force. En effet,  le spectateur s’attend à de la danse classique pour finalement être guidé vers d’autres formes artistiques. En ce sens, cette adaptation est intemporelle et assurément moderne.
Tout commence par une scène « classique » de danse, mais la vision se brouille par la voix de deux hommes et une femme assis de dos dans la fosse d’orchestre. Tout à la fois examinateurs et penseurs académiques, ils accompagnent la danse de leurs flots de paroles. La deuxième scène va ébranler ce bel équilibre quand trois danseurs, tout habillé de jaune et en short, marchent sur une musique disco, de long, en large, en travers, à l’image d’une foule dans un centre commercial. Nos trois « académiciens » montent sur scène pour la contourner, se prostrer, l’air consterné et finir par s’en exclure. Certains spectateurs commencent à siffler, à vouloir son « Lac des Cygnes ». Tout autour de moi, ce n’est que flot de paroles (« c’est quoi cette connerie ? ») : l’académisme est passé de la fosse d’orchestre à la fosse aux lions ! Pour calmer ce joli monde, trois cygnes parqués font leur apparition sur scène ! Jouissif.
C’est alors que le spectacle bascule, car le public est prêt à accueillir « Swan Lake" pour visualiser la figure du cygne dans toute sa complexité (moment inoubliable quand les corps deviennent des ailes). Andy de Groat rallie le public entre anciens et modernes en dépassant le clivage, en offrant à chacun la possibilité d’imaginer,  de bousculer le mythe. Il y a dans « Swan Lake » une liberté qui finit par nous atteindre !
Alors que je quitte ma place, une dame me demande : « je vous ai vu rire, applaudir…Expliquez-moi la scène où ils sont en short jaune. ».
« Swan Lake » se poursuit. Les cygnes ne sont pas prêts de se cacher pour mourir.

"Swan Lake" a été joué le 4 mars 2007 dans le cadre du Festival "Les Hivernales" en Avignon.

C’était en juin 2006, à Montpellier Danse. Maguy Marin avec « Ha ! Ha !  provoquait un séisme dont le public et les personnels du festival se souviendront longtemps. Je n’ai cessé de penser à cette chorégraphie pour faire évoluer mon regard porté sur la société du divertissement. Je ne compte plus les moments où j’ai fait référence à « Ha ! Ha ! » lors de mes interventions professionnelles ou personnelles. J’ai eu en retour une écoute intéressée comme si le propos de Maguy Marin faisait résonance chez ceux qui ne se posent plus de questions face aux rires graveleux des émissions télé ou radio. Le festival des Hivernales a programmé « Ha ! Ha ! » au théâtre de Cavaillon le 1er Mars. Je publie à nouveau ma critique de l’époque en espérant susciter le débat de cette pièce qui aurait dû être au cœur du projet et présenté à l’Opéra d’Avignon ou au Théâtre des Hivernales.


En mars 2005, Jerôme Bel avec « The show must go on » provoquait un joli séisme au Théâtre des Salins de Martigues en interrogeant, par la provocation, les raisons pour lesquelles nous venions le voir.
En juillet 2005, le Festival d’Avignon positionnait le public dans un autre rapport à l’art théâtral en proposant des œuvres métaphoriques et des performances. Le débat « texte ou pas » clivait la presse nationale.
En mai 2006, Le KunstenFestivaldesArts de Bruxelles poursuivait cette dynamique en invitant le spectateur à repenser le rationalisme pour se projeter dans un monde plus complexe où les aléas et les incertitudes seraient source de créativité.
Montpellier Danse ne pouvait donc pas rester à l’écart de ce mouvement de fond. La chorégraphe Maguy Marin, avec « Ha ! Ha ! » a eu le courage d’interroger la fonction du rire dans une société qui fuit la recherche du sens. Comment expliquer le désir croissant du public à vouloir se détendre dès qu’il va au théâtre ? Comment interpréter la part dominante des émissions de divertissement entre 18h et minuit sur les chaînes de télévision ? À quoi font référence les expressions si souvent entendues, prononcées le plus souvent sur un ton moqueur : « Pourquoi te prends-tu la tête ? », « Si en plus il faut penser au travail quand je vais voir un spectacle ! ». Cette recherche du divertissement gagne progressivement le public de la danse. Que se joue-t-il ? Dans le contexte actuel français, le rire, loin d’être créatif et libératoire, cache, masque la complexité des situations. Il s’articule sans aucun problème à la pensée linéaire, au discours politique le plus simpliste. Une société qui veut rire de tout, se distraire à tout prix, prépare le fascisme.

Courageusement, Maguy Marin a décidé  de réagir. Il y a urgence à renvoyer un questionnement au public, de peur de voir en France et en Europe, l’art disparaître. Pour cela, nous avons à nous repositionner : il n’y a plus d’un côté les artistes qui proposeraient une création pour, de l’autre, des spectateurs consommateurs passifs. Même Helena Waldmann a compris la nécessité d’interpeller le public lors de « Letters from Tentland Return to sender » vu une semaine auparavant.
Je ne souhaite pas faire part de ce qui s’est passé à l’Opéra Comédie de Montpellier, dimanche soir. Il y aurait un paradoxe à expliquer un processus qui vous empêchera de le vivre. Toutefois, avant de courir voir cette œuvre, sachez que Maguy Marin inverse les prémices : nous sommes les acteurs, les danseurs sont les spectateurs. De la sorte, elle propose un art conceptuel et c’est à nous de recréer le concept. Ce nouveau positionnement nous aide à redevenir acteur, à sortir de la soumission imposée par la société du divertissement. Elle provoque un électrochoc salutaire en nous accompagnant à retrouver la posture du dedans – dehors qui seule permet de recréer un lien avec l’art, avec les artistes.

Oui, grâce à Maguy Marin, je n’ai plus honte de me prendre la tête. Elle me redonne la force de continuer ce blog, de poursuivre le chemin tracé depuis tout jeune : c’est la recherche du sens qui fait une vie. Maguy Marin a porté ma voix, celle de beaucoup d’autres. Elle m’a libéré des vexations dont je peux parfois faire l’objet (la dernière en date : "à quoi ça sert de voir tous ces spectacles ? N’as-tu pas envie de lâcher ?" ; le tout dit en riant !).
J’ai crié « Bravo » pour masquer les insultes d’une partie du public. À ceux qui ne perçoivent pas la menace sur l’art dans notre pays, rendez-vous dans les villes où Maguy Marin proposera « Ha ! Ha ! ». Revenez sur ce blog. Échangeons. Passionnons-nous. C’est l’une des ripostes au totalitarisme ambiant.

Sous les pavés, l’art et le social…

"Ha! Ha!" a été joué le 1er mars 2007 au Théâtre de Cavaillon dans le cadre du Festival "Les Hivernales" d’Avignon.

Timidement, vous saluez le public. C’est un triomphe. Vous nous avez offert un très beau spectacle, au cœur de ces tristes Hivernales. La Norvégienne Ina Christel Johannessen semble avoir écrit « It’s only a rehearsal » pour vous, inspiré du mythe d’Arthémis et Actéon (malheureux chasseur transformé en cerf et dévoré par les chiens alors qu’il l’a surprend en train de se baigner). Vous avez tout osé ce soir : danseur voltigeur, homme-araignée, pont suspendu, et comédien hors pair. Pendant presque vingt minutes, vous avez joué la comédie à partir d’un texte hilarant dans lequel vous jouez tour à tour un cerf, une meute de chiens et une bande d’amis d’Actéon ! A ce moment précis, vous êtes porté par la puissance de votre corps, par l’empathie que vous dégagez et par le soutien inconditionnel de Line Tormoen, qui n’en revient toujours pas d’être votre partenaire ! Votre corps l’a soutenu, avec respect, détermination et tendresse. Vous l’avez effleuré, combattu, embrassé. Avec vous, la danse n’est pas qu’un mouvement : c’est une énergie renouvelable qui se transmet de création en création comme si vous exportiez la force de « Gyrations of barbarous tribes » du « Kubilaï Khan Investigations »  (succès du Festival Off 2006 d’Avignon) vers d’autres contrées chorégraphiques.

Vous êtes l’artiste de l’articulation ;  vous transformez le geste en fluide pour faire divaguer les esprits et couler nos regards dans le moule de vos traces. À mesure que vous dansez, vous dépassez l’œuvre prescrite pour nous guider au-delà de la scène. Où, jusqu’où ? Je l’ignore encore, mais je suis porté par votre vitalité.

Monsieur Dimitri Jourde, vous êtes l’un des plus grands danseurs européens. Vous franchissez les cloisons avec élégance pour devenir le cerf – volant de nos voyages imaginaires.


♥ "…It’s only a rehearsal" a été joué le 2 mars 2007 dans le cadre du Festival "Les Hivernales" en Avignon.

 La 29ème édition du festival « Les Hivernales d’Avignon » débute au Théâtre d’Arles  par « A quoi tu penses ? », création chorégraphique coécrite par Dominique Boivin et Marie Nimier. On nous promet de nous donner les clefs pour comprendre ce qui se passe dans la tête de celui qui danse. Les mots de l’écrivaine Marie Nimier s’immiscent dans l’écriture chorégraphique pour nous offrir six saynètes où les danseurs pensent à voix haute sur leur condition, leur lien avec le public, leur désir de gloire et leur peur de la déchéance. Le propos ne nous apprend rien que nous ne savions déjà : le danseur repense à ses rêves d’enfant, ses rapports complexes avec le chorégraphe, ses ambiguïtés relationnelles et ses traumas de l’adolescence. La danse de Dominique Boivin est inventive, émouvante et poétique : les corps sont habités par les mots ; les non-dits s’entrechoquent avec les paroles et le tout donne une dynamique souvent réjouissante.
Mais je reste à distance. Pendant plus d’une heure, je lutte pour que mon imaginaire ne soit pas sous contrôle tant l’œuvre est cadrée. Le texte, le corps, le conscient, l’inconscient, la gravité, le léger : tout m’est offert. Je n’ai plus qu’à l’ordonner (c’est presque fait) et à me laisser porter. Sauf que je pense à tout autre chose !
Je reconnais Olivier Dubois, ce danseur qui m’a tant émerveillé l’an dernier en Avignon avec « Pour tout l’or du monde » (cf. photo ci-dessus) ou en 2005 dans les créations de Jan Fabre (« L’histoire des larmes »). Je pense à sa condition d’artiste, à ses projets…Ses rondeurs ouvrent la danse à d’autres corps et c’est tant mieux!
Je me remémore la crise des intermittents de 2003 et ces danseurs toujours plus précarisés.
En voyant la belle vidéo sur scène (où la danse se fait cinéma), je repense à tous ces spectacles qui l’utilisent comme un faire – valoir de modernité sans l’habiter d’un propos artistique.
Et puis, au hasard de cette scène (photo ci-dessus) où les paroles de l’écrivain déferlent comme un trop-plein sur la danse fragile, fragmentée et puissante de cette jeune danseuse, je pense au texte d’un créateur de vingt-cinq ans, Thomas Ferrand, publié dans la revue Mouvement et repéré sur Internet avant de me rendre aux Hivernales : « Nous avons entre 20 et 30 ans, pratiquons la scène, la presse, la vidéo ou le graphisme, dans un sens très politique de la dérision et de l’urgence. Nous fabriquons des dispositifs esthétiques et réflexifs, nourris de philosophie, des arts visuels et des médias, qui racontent l’état du monde. Mais les institutions qui subventionnent, programment et décident de ce que le public doit voir, ne nous suivent pas : « Faites vos preuves. » Cinq ans déjà que les preuves s’accumulent. Le cahier des charges est largement rempli : le public s’accroît, « la jeunesse » vient dans leurs théâtres, la qualité et la recherche sont au rendez-vous. Mais les décideurs veulent des projets clairement identifiables : tout ce que nous refusons. Et c’est une boucle pavlovienne qui se renforce : comment peut-on innover si les politiques culturelles ne permettent pas le renouvellement des formes ? Nous nous sentons volontairement marginalisés. C’est sans compter une presse nationale qui ne se déplace pas, un mépris de certains de nos interlocuteurs, un manque de salles et de moyens, la précarité de certains d’entre nous et la suppression de subventions pour des raisons politiques. C’est dans ce sens que j’ai créé, avec Robert Bonamy et Cédric Lacherez, la revue post-dada mrmr (murmure), une revue de critiques et d’entretiens pour défendre la création contemporaine et véhiculer nos pratiques. Cette revue est une expérimentation graphique et éditoriale. Couverture blanche volontairement salissante, matériaux pauvres : elle refuse tout préformatage. Nous n’avions pas la parole, nous allons la prendre. Maintenant ! Après le désastre critique d’Avignon 2005 contre les formes interdisciplinaires et, plus globalement, l’absence intolérable d’une politique qui ne laisse aucune place aux jeunes générations dans la société sur le plan de l’emploi et du logement, nous crions notre ras-le-bol. Nous représentons un collectif unique en France. Nous réclamons un lieu de création permanente et la possibilité de diffuser nos travaux et de représenter une génération qui, artistiquement, politiquement et socialement, perd son droit de cité. ». C’est un manifeste au cœur de la campagne électorale sauf qu’il a ét publié en décembre 2005…Certes, les « Hivernales » ont choisies de nous faire rire cette année car « le public en a assez des spectacles qui prennent la tête » (Amélie Grand, Directrice, article du Monde daté du 21 février 2007) mais cela n’est pas aussi simple que cela.
« A quoi tu penses ? ». Dominique Boivin ne me le demande pas, mais c’est ma réponse à ses pensées joliment décalées.

♥ "A quoi tu penses?" a été joué le 23 février 2007 au Théâtre d’Arles dans le cadre du Festival "Les Hivernales" d’Avignon.

Revoilà donc nos amis belges avec « In the wind of time » d’Isabella Soupart. Le KunstenFestivalDesArts de Bruxelles a produit ce spectacle qui, après coup, pourrait se révéler être l’une des rares pépites de ces Hivernales.

Ils sont six sur scène, dans un décor qui navigue entre un appartement moderne, une galerie d’art et le hall d’un centre commercial branché. Six à se chercher pour entrer en communication, quoiqu’il en coûte. Ils parlent l’anglais, l’italien, le français. Ce mélange des langues procure une belle musique sans pour autant donner une symphonie européenne. Dans cet environnement marchandisé, nos protagonistes ont de réelles difficultés de communication accentuées par un monde du travail toujours plus productiviste, par une société du marketing qui réduit le lien à la forme. Isabella Soupart traduit ce contexte avec brio.
La danse des hommes est inspirée du  
Kalaripayatt, technique d’autodéfense adoucie par leurs stratégies maladroites. Leurs mouvements décodent leurs désirs implicites et le décalage entre les positionnements défensifs et leurs paroles amuse. Si les hommes semblent garder la maîtrise du jeu, les femmes expriment leur magnifique féminité par les émotions et leurs capacités à aller d’un bout à l’autre de la scène avec fluidité et grâce !
Pour ouvrir la communication, Isabella Soupart parsème des fragments de dialogues d’œuvres littéraires et cinématographiques (Fellini, Giacometti, Thomas Mann,…), agrandit la scène vers d’autres espaces par la vidéo (où l’enfermement se substitue à la découverte, à l’audace, à la relation amoureuse). Mais surtout, Isabella Soupart fait de son plateau une fresque où  les corps deviennent modèle pour artiste peintre ou personnage d’un film de Fellini.
Malgré tout, si je ressens de l’inventivité dans la mise en scène, le propos me paraît peu innovant. À cet environnement marchandisé et productiviste, elle donne peu de clefs pour changer la communication autrement qu’en déplaçant la forme du lien vers l’art. Certes, c’est en soi un joli recadrage, mais ce n’est pas suffisant pour faire d’« In the wind of time » une œuvre de son temps. Quel étrange paradoxe et quelle prouesse d’avoir pu l’approcher alors que la programmation de ce festival n’est pas à « la prise de tête » !

♥ "In the wind of time" d’Isabella Soupart a été joué le 26 février 2007 dans le cadre du Festival "Les Hivernales" d’Avignon.


Pour reprendre une expression chère à Savigny sur son blog, « on aurait aimé pouvoir en dire du bien ». « Holeulone » de Karine Ponties nous vient de Belgique. Aux Hivernales de l’an dernier, elle nous avait enchantés avec « Mi non Sabir », danse groupale décomplexée, poétique et drôle où Jaro Vinarsky, danseur thèque talentueux, avait ému. On le retrouve cette année au cœur de la démarche transdisciplinaire de Karine Pontiès au croisement de la chorégraphie, de la littérature et du film vidéo.
Le sujet est complexe, car il s’agit d’entrer dans « l’univers mental et psychique de Charlie, personnage principal du livre « Des fleurs pour Algermon » de Daniel Keyes ». Cela promet d’être un voyage dans le cerveau pour y déceler « les souvenirs réels et imaginaires, les accélérations et les ralentissements de la pensée, l’acuité et la confusion de ses perceptions », le tout mis en lumière par l’apparition d’un jumeau, semblable et insupportable ! La forme et le fond attirent, mais le résultat n’est pas à la hauteur des intentions affichées. Je ne suis pas accroché alors que tout aurait pu faire résonance. La vidéo n’est qu’un accessoire de décor qui brouille la vision plus qu’elle ne l’éclaire. La danse de ces deux « frères » est basée sur des emboîtements de corps répétitifs et lourds qui finissent par lasser. Karine Ponties applique au duo les règles du lien groupal qui avait fait le charme de « Mi non Sabir ». La relation symétrique entre ces deux hommes alourdit le propos et leurs tentatives d’être plus « féminins » ne sont pas crédibles.
Et pourtant, les jeux de lumière sont magnifiques, métaphore de nos parts d’ombres. La musique, au carrefour du rêve et de la réalité, accompagne agréablement le voyage, proche de l’univers du chorégraphe Joseph Nadj. Les liens avec la démarche psychanalytique sont visibles quand Karine Ponties tente de structurer l’inconscient comme un langage chorégraphique, visuel et musical.
J’aurais pu en dire du bien. Mais je suis resté à côté comme si les artistes invités pour ce projet avaient chacun apporté leur pierre à ce bel édifice sans qu’ils aient élaboré
ensemble un tout. Or, je suis sensible au tout. Plus que tout.

♥ "Holeulone" de Karine Ponties a été joué le 24 février 2007 lors du Festival "Les Hivernales d’Avignon".

Il me faut atterrir après l’incroyable prestation du danseur Dimitri Jourde vu la veille dans « It’s only a rehearsal". En me dirigeant vers le Théâtre des Hivernales d’Avignon, je repense encore à ce spectacle norvégien comme si la danse continuait à faire ses effets. C’est dans ce contexte pour le moins étrange que Brunot Pradet et sa compagnie  me proposent « Reproduction interdite », ou l’histoire de cinq personnages dans « l’effervescence d’un heureux événement ».

Il s’agit de nous inviter à penser et à rire sur l’aventure de la transmission de la vie. Deux femmes, trois hommes vont décliner ce processus par différents tableaux. Une marionnette (symbole de l’observateur, du tiers, du médiateur) danse au début, s’assoit ensuite puis devient finalement un élément de décor. Sa place me semble révélatrice de ce spectacle : Bruno Pradet ne va jamais jusqu’au bout de son propos.  On passe d’un tableau à l’autre avec un goût d’inachevé. Quand au début, le langage se fait musical, on se met à rêver que cela puisse continuer jusqu’à la fin. Mais le français revient pour finalement s’inscrire dans un registre de café théâtre. Alors qu’un musicien joue avec une contrebasse, il abandonne petit à petit son instrument pour se fondre dans le groupe. Lors de la première scène, la danse paraît s’articuler assez joliment avec l’histoire (elle est langage à part entière). Progressivement, elle illustre plus qu’elle ne dit. De métaphore signifiant le sens, en métaphore caricaturant le non-sens, je souris parfois (saluons la créativité de Bruno Pradet pour être drôle par surprise), je m’ennuie souvent (quand la chorégraphie peine à donner de la danse).
« Reproduction interdite » est un spectacle qui empile plus qu’il ne relie. Pourtant, je me surprends à soutenir la démarche de cette compagnie : par effet de comparaison avec le reste de la programmation, Bruno Pradet réussit à nous faire rire là où beaucoup se sont trop pris au sérieux.

Ps: Je regrette l’absence de photographies pour illustrer cet article. Les compagnies devraient savoir que "Google images" est aussi un moteur de recherche de plus en plus utilisé. L’absence de photgraphies pour "Reproduction interdite" confirme ce goût d’inachevé…

♥ "Reproduction interdite" de Bruno Pradet et Compagnie, a été joué le 3 mars 2007 dans le cadre du Festival "Les Hivernales" en Avignon.

Les Hivernales d’Avignon accueillent dans leur théâtre, la compagnie Jean Gaudin pour « fluXs.2  – maquette». La scène est dépouillée et seule une vidéo d’animation projetée sur les murs fait office de décor. Les coulisses sont visibles comme gage de transparence et la scène déborde vers les gradins, vers l’entrée et les sorties. Ils sont quatre à déambuler tels des personnages d’un vieux film d’animation (leurs costumes trois-pièces sentent bon la naphtaline). Leurs gestes sont saccadés, accentuant le burlesque de leurs déplacements. L’écriture chorégraphique dépouille la relation groupale, à l’image d’individus qui se croisent dans un hall de gare ou une rue piétonne. C’est parfois drôle si l’on accepte de se placer au quatrième degré. Le reste du temps, c’est ennuyeux comme une vidéo surveillance d’un quai du métro. Puis tout bascule quand une danseuse prend par la manche une femme assise au premier rang. Elle l’invite à entrer dans cet univers loufoque, comme si elle devait endosser le  rôle d’un film de Jacques Tati. Elle n’a pas le choix et c’est une prise d’otage à laquelle nous assistons. Grâce à elle, le groupe va se former. C’est avec elle, qu’ils vont aller jusqu’au bout, c’est-à-dire la faire monter sur scène. Tout nous est donné à voir (son ventre, une partie de ses fesses,…). Le rire nerveux du public masque la gêne provoqué par un tel passage à l’acte. La danseuse ne renonce pas :  elle doit assurer le spectacle. La femme subit, sans broncher. Je l’imagine partir; je me vois quitter ma place et protester. Mais la pression est trop forte.

« FluXS.2 – maquette » est une œuvre surréaliste, pas drôle du tout, à la limite de l’acceptable. Et pourtant, je ressors de cette expérience vide, nullement contrarié comme si leur univers n’était que le leur. Le projet de Jean Gaudin a « toujours manifesté le souci de la relation au public ». Ce sera sans moi.

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