Alvis Hermanis et le Nouveau Théâtre de Riga peinent à faire l'événement du KunstenFestivalDesArts malgré l'audacieuse mise en scène du roman « Ice » de l'écrivain russe Vladimir Sorokin. Le titre ne laisse aucun doute sur les intentions d'Alvis Hermanis : « A collective Reading of the book with the Help of Imagination in Riga ». Pour créer ce collectif, Hermanis s'appuie sur un dispositif scénique compliqué : une scène ronde telle une piste de cirque avec quatorze acteurs tout autour qui font une lecture du roman. Pendant que quelques comédiens jouent au centre, le public participe (silencieusement) à cette lecture collective en feuilletant deux albums photo et une bande dessinée. Ce qu'il ne voit pas sur scène, il peut l'imaginer à partir de ces albums. Enfin, pour traduire cette pièce jouée en Leton, les spectateurs ont un casque sur la tête d'où un homme en cabine (recruté à la commission européenne ?) semble lire un annuaire. Dès le début, ce dispositif est violent : la traduction est constamment en décalage, les albums photo sont d'une laideur (artistique ?) indéfinissable et la bande dessinée ne trouverait aucun acheteur dans les rayons pourtant fournis de la FNAC. A mesure des trois heures trente de spectacle, ces quatre niveaux de langage se désarticulent et me donne une céphalée indescriptible. A ma façon (sic), je participe à cette lecture collective d'autant plus que le sujet du roman est douloureux : Ice » évoque une secte de blonds aux yeux bleus désirant anéantir une société corrompue (la Russie ?) et retrouver un état purifié de ses parasites. C'est un univers de Science Fiction traduit avec tant de difficulté que l'on souffre aussi pour les comédiens. Si la lecture des chapitres du livre en révèle certains, le jeu est d'une pauvreté théâtrale déconcertante. Les objets sur scène rythment le tempo comme si les comédiens dépendaient de la complication décidée par Hermanis. Le contexte sectaire renforce la lourdeur et ferme un peu plus la mise en scène sur elle-même, laissant seul le public.D'une lecture collective au départ, la pièce individualise acteurs et spectateurs. La secte a encore frappé. Pascal Bély
www.festivalier.net
?????? “Ice. A collective reading of the book with the help of imagination in Riga” d’Alvis Hermanis a été joué le 19 mai 2007 au Théâtre National dans le cadre du KunstenFestivalDesArts de Bruxelles.
A lire la critique de “Long Life” d’Alvis Hermanis (Théâtre Des Salins, Martigues, Novembre 2006)
| Revenir au sommaire | Consulter la rubrique théâtre |
Crédit Photo: Michele Rossignol.

Avec Mpumelelo Paul Grootboom, l'Afrique du Sud s'invite au KunstelFestivalDesArts de Bruxelles. Cet auteur et metteur en scène présente « Telling Stories », longue épopée de trois heures trente où le public est immergé dans l'univers bouillonnant des townships. C'est l'histoire d'un écrivain noir Madi (joué par Mandla Gaduka, magnifique) qui, désireux d'écrire une pièce de théâtre sur la criminalité dans les bidonvilles, fréquente un groupe de jeunes délinquants. Deux trajectoires vont donc s'entrecroiser et tisser une vue d'ensemble sur la dure réalité d'un pays en proie aux violences de toute nature. Mais une question s'impose rapidement : pourquoi nous présenter cette oeuvre dans le cadre du KunstenFestivalDesArts ? En quoi «Telling stories » incluse-t-elle de nouvelles formes artistiques ? Comment cette histoire peut-elle nous aider à imaginer un futur ? « Telling Stories » est un agréable divertissement, pertinent dans la programmation annuelle d'un théâtre. Cela explique sans aucun doute la gêne que l'on peut ressentir, coincé entre le désir d'applaudir la performance des acteurs, réservé sur la mise en scène et l'intérêt de l'histoire et franchement dépité sur le choix des programmateurs du Kunsten (cette pièce aurait-elle été sélectionnée produite de Bruxelles ou Paris?). La notice du Kunsten soulève une question : « à quel moment, le tout pour l'art ne se justifie plus d'un point de vue éthique ? Quand la (re) présentation de la violence tombe-t-elle dans le voyeurisme ». Euh?je ne vois pas le rapport ! En quoi «Telling Stories » répond-elle à ces questions ? Tout au plus, Mpumelelo Paul Grootboom a-t-il le talent de nous présenter une première partie enlevée, haute en couleurs, en rebondissements. Le passage de la vie de l'écrivain à son histoire fictive offre un cadre pertinent pour produire un excellent théâtre populaire, ponctué de moments musicaux standardisés (il y a quand même plus innovant que Norah Jones en bande-son !)
Après l'entracte, la pièce s'enlise dans l'histoire de l'écrivain. La vidéo s'englue dans le ridicule à vouloir nous montrer des scènes d'amour digne d'un mauvais film érotique de fin de soirée sur M6. Les bagarres dans un train, jouées au ralenti, sont un calvaire pour le spectateur qui se demande à quel moment cette séquence va se terminer. Ainsi, on se surprend à décrocher alors que le fond de l'histoire est toujours violent. Si dans la première partie, le lien entre l'écrivain et le contexte était flottant (instants radieux quand on ne sait plus où sont la fiction et la réalité, renforcé par le décor qui articule deux scènes, l'une en haut, l'autre plus bas), la deuxième s'approche d'un théâtre beaucoup plus traditionnel, à la narration linéaire avec une mise en scène sans surprise qui voit le temps s'écouler lentement. 






Un homme me fait asseoir dans une salle d'attente où neuf « spectateurs » comptent le temps. Certains parlent, d'autres baillent. Je pense, je réfléchis à mon pays, à la culture. Vingt minutes s'écoulent avant qu'une femme m'invite à entrer dans un couloir tapissé de rouge. À cet instant précis, je suis seul et je file droit pour me retrouver dans une autre pièce. Une spectatrice me guide pour revenir d'où je viens (« mais vous allez trop vite ! »). Me revoilà au point de départ.
J'observe et je remarque une nouvelle entrée. J'y vais. Je plonge mes mains dans l'inconnu, comme si j'aidais l'enfant à (re)naître. J'ai peur, mais je me laisse aller. C'est beau, agréable, touchant, érotique, rugueux, lisse. Tout coule de source. Mes mains dansent. Je revis, je renais. J'oublie tout. Et puis, soudain : le vide. Je ne sens plus rien. Presque abandonné. Je n'ose plus bouger comme si j'étais dans l'incapacité d'impulser le mouvement. Ma conscience reprend l'avantage, ma rationalité aussi. Je me retire, apeuré. Tout cela va trop vite, je quitte la pièce, les mains rouges d'un lubrifiant au goût de fraise. Les premiers regrets m'envahissent (pourquoi suis-je parti si tôt ?) et mon corps devient lourd. J'arpente les rues animées de Marseille en pensant à celui qui a osé danser avec une partie de moi.. Trop fatigué, trop préoccupé, je n'ai pas pu devenir l'artiste de ce mouvement manquant. La performance était là, dans la création de ce lien, avec un artiste inconnu, si près, si loin. Dix minutes de fraternité, où l'art s'invite au plus profond de notre intimité. Dix minutes de communication qu'aucun dialogue social ne pourra remplacer. Dix minutes où nos mains tissent avec humilité ce lien que certains ne tarderont pas à vouloir nous enlever.