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EN COURS DE REFORMATAGE

Le Théâtre d’Arles focalise, loin de la photographie de Lucien Clergue.

Il y a des ?uvres qui ne résistent pas à certaines comparaisons totalement fortuites (quoique). « Bach », chorégraphié et interprété par Maria Munoz au Théâtre d'Arles est de celles-là. Alors que le public l'applaudit chaleureusement, je reste de marbre.CLERGUE-nude-zebra-new-york-1997.jpg Une heure auparavant, je visitais l'exposition « Clergue, né photographe » à l'Espace Van-Gogh. Une ballade dans quatre espaces où mon imaginaire a beaucoup divagué. Lucien Clergue chorégraphie quasiment ses modèles, donne aux paysages de la Camargue des formes corporelles impressionnantes de beauté. Les photographies sur les épis de maïs ne sont pas sans me rappeler des images de danse imprimées dans mon inconscient (quel autre art procure un tel ravissement de la mémoire ?). Même les clichés tauromachiques paraissent légers au regard de mon rejet quasi viscéral de cette tradition. À mesure que je parcours l'exposition, la danse m'envahit alors qu'une musique de Bach accompagne le visiteur dans l'espace « Du cinéma du pauvre à l'alphabet du monde ». Je suis sidéré par le rôle de la lumière sur les corps nus féminins à l'image d'un mouvement créé par le chorégraphe pour fusionner le danseur et le groupe. Ici, Clergue fond le corps dans le végétal et le liquide à partir de contrastes saisissants entre le clair et l'obscur. L'Espace Van-Gogh me permet de relier la Camargue, les nus et New York dans une danse dont nous serions le chorégraphe. Magnifique.

 

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Une heure plus tard, « Bach », revisité par Maria Munoz m'ennuie rapidement. Pendant plus de cinquante minutes, elle enchaîne des morceaux de danse à la recherche d'espaces improbables (Bach semble démesuré pour elle), entrecoupés de pauses qu'elle s'accorde pour reprendre sa respiration et nous laisser dans un vide sidéral. Elle murmure, va d'un point à l'autre, sautille pour s'autoriser quelques envolées (l'image du patinage artistique m'effleure). Elle mime plus qu'elle ne danse comme si la musique de Bach lui était extérieure, même si la gravité de son visage démontre la profondeur qui l'habite. Quelques incursions vidéo veulent donner de la hauteur au propos pour pallier l'articulation difficile entre Bach et la danse. À la limite d'un parcours quasi religieux, Maria Munoz danse sur une scène transformée en chemin de croix. Finalement, il devient le mien.
Alors que les lumières s'allument, je ne peux contenir un « Chiantissime ! » qui fait sursauter ma voisine. Étonnée par tant d'audace alors que le public applaudit à tout rompre, elle me fait un sourire complice. Il se trouve qu'elle était à l'exposition de Clergue. L'art relie?sauf pour le Théâtre d'Arles qui n’a pas fait le lien entre ce week-end de « Duos et Solis » et la photographie.

Il y a décidément pas mal de cloisons à abattre?


Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? “Clergue, né photographe” à l’Espace Van-Gogh d’Arles du 31 mars au 10 juin 2007 (www.arles.fr/clergue)

?????? “Bach” de Maria Munoz a été joué au Théâtre d’Arles le 13 mai 2007.