Actoral, le festival international des arts et des écritures contemporaines acceuille le chorégraphe Yves-Noël Genod avec ?Monsieur Villovitch?. Dans un des hangars de la friche, le décor est éclairé par la lumière du soleil. Elle traverse une longue bâche de plastique transparente: la scène se prolonge au-delà du plateau. Les six premières rangées du gradin sont réservées aux comédiens. Et comme si cela ne suffisait pas, l'extérieur de la salle fait office de caisse de résonance. Cet élargissement est à la mesure des intentions de cette ?uvre inclassable: pousser les frontières tel un réflexe vital pour lutter contre l'enfermement d'une société repliée. Ce spectacle nous est directement adressé si bien que notre place assise n'est qu'une illusion: Genot sème le désordre sur scène et dans notre vision jusqu'à nous rendre acteur de ce qui se joue. Ce samedi après-midi, nous sommes au théâtre, à Marseille, ville rongée par le racisme?
Il marche, avec sa valise et s'arrête pour se déshabiller et se transformer en femme blonde péruquée genre Marylin en cagole. Elle va arpenter la scène en chantant tel un haute-contre, des mélodies pop des vingt dernières années. Un vieil homme arrive, planche de surf à la main. Il tente quelques postures, mais derrière la bâche, une infirmière le ramène. Entre folie, travestissement et réalité, Genot crée un nouvel espace, aux contours incertains, mais propices pour nous immerger dans cette communauté humaine dont nous faisons partie. Un danseur quitte les gradins, monte sur scène et enlève-lui aussi ses vêtements. Nu, il se plaque au sol, puis contre la bâche. Le contre-jour sculpte son corps entre blancheur et noirceur. Sublime transformation où le corps restitue nos paradoxes. Un troisième homme avance, à la démarche lourde. Il se déshabille pour traîner avec lui une chaîne et une bassine. Métaphore de l'esclavage moderne, il urine et défèque: le corps déborde, comme un trop-plein. Remous dans les gradins, Genod vient de franchir la limite, hors de la bâche transparente, hors de tout. Au-delà du corps. L'homme vocifère ses insultes racistes, homophobes, machistes clamées dans le hall de la friche et qui finissent pas résonner au dehors. D'autres personnages élargissent le groupe, des extraits de chansons populaires envahissent peu à peu l'espace comme un juke-box en roue libre, mais chacun est seul, en perte de valeurs, replié dans son environnement qui le propulse vers le bas. La France est là: raciste, dépressive, rongée par la rhétorique médiatique (délicieux passage où la blonde présente la météo et interview ensuite Hubert Colas, metteur en scène marseillais). Une femme descend bien des gradins pour oser une belle figure chorégraphique, mais rien n'y fait: entre chien et loup, la lumière du jour s'affaiblit et la petite lampe posée sur la table illumine ces comédiens fabuleux, mais leur corps ne parlent plus, vidés de sens.?Monsieur Villovitch? est un beau cauchemar, un espace entièrement dédié au corps, entre quatre murs d'une ancienne usine. On ressent une sensation d'étouffement à l'heure où la France plonge dans le racisme institutionnalisé, où la danse s'efface progressivement des programmations des théâtres de Provence.
La décadence sarkosienne nous propulse dans le noir et Genod n'a qu'une toute petite lampe. Mais c'est celle d'un phare.
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Le dispositif scénique frappe par son inventivité : télévisions à terre et au mur, musiciens à droite, grande toile à gauche et divers objets tombants du plafond. Il y en a pour tous les goûts, tous les regards et j'imagine déjà une danse?pluridisciplinaire ! Très vite, nous voilà projetés dans l'univers de « Big Brother ». Un homme à l'écran explique les règles du statut de l'intermittence à un ami qui semble ne rien y comprendre. Le spectacle débute avec ce héros des temps modernes et se terminera une heure après par un verre de vin offert au public sur la scène ! Entre ces deux moments, un groupe de huit artistes tente le tout pour le tout pour créer une ?uvre déconstruite, où tout ne tient qu'à un fil avec des références appuyées à notre société médiatique en perte de sens. C'est un tourbillon de mots, de corps jetés à terre, de provocations, de souffrances et de solitudes, de paris fous gagnés et perdus, de tentatives réussies et d'échecs retentissants. En une heure, notre société est sur scène pendant que les artistes, toujours plus précaires, nous aident à rechercher le sens. Face à ce déluge, le public ne peut rester passif. Trois spectateurs (volontaires) sont tirés au sort pour venir sur scène. Après une sélection sans pitié aux critères aléatoires, un seul survit ! Il est tour à tour manipulé, laissé de côté, intégré dans la troupe puis menacé d'exclusion. On le métamorphose en «big brother » et semble y prendre plaisir, comme pris à son propre piège. On ne sait plus où donner de la tête. Notre monde est devenu complètement fou et notre « héros » de la soirée s'en sort tant bien que mal. Les acteurs finissent éreintés, maculés de sang, mais l'art est toujours là, à travers cette fresque dessinée à partir des corps d’un artiste et du spectateur – héros!
Ce groupe de chanteurs ? musiciens ? plasticiens – danseurs est à l'image de sa musique (enivrante), de sa danse (« sculpturale ») et de ses décors (en mouvement permanent). La Compagnie Androphyne ne manque décidément pas d'idées et de talents dans cette société polluée par le temps médiatique et obsédée par le contrôle.
Sofie me confie plus tard qu'elle n'a pas «eu de déclic » et qu'elle ne sait « jamais investi psychologiquement ». Au final, la fonction du héros semble perdre de sa superbe comme si tout se déverticalisait ! Il est donc temps de passer à autre chose, à d'autres représentations théâtrales, où l'artiste ne serait plus au centre de tout, mais en lien avec le tout.






C'est l'Argentin Ricardo Bartis qui inaugure la saison du Garonne. Avec
Cap sur le Théâtre National de Toulouse (TNT). Ici aussi, on ressent l'exigence d'un projet qui positionne le spectateur autrement qu'en consommateur passif. Quelques propositions ont retenues mon attention. Le chorégraphe du pays, Pierre Rigal et le metteur en scène et scénographe Aurélien Bory présentent leurs créations dont ?