Le Théâtre des Bernardines convie le public marseillais pour cinq représentations. « Cinq », la nouvelle chorégraphie de Geneviève Sorin est en haut de l'affiche. Quatre soli et un quartet final sont accompagnés par cinq morceaux d'accordéons joués par la chorégraphe en personne. Ce chiffre décliné à l'infini est un repère pour s'accrocher et ne pas sombrer. Je compte les plans-séquences, je cherche le moment de poésie qui va me propulser au-delà de ces solos sautillants, qui finissent par tourner sur eux-mêmes, comme des vieux manèges où les enfants décident de descendre, car le « pompon n'est jamais pour eux ». Tout n'est qu'anodin et cela use ma corde sensible : il n'y a dans ce quotidien routinier rien que la danse puisse apporter. Même quand les mots viennent à son secours, les corps brassent et lassent. Il est loin le temps où je m'ennuyais au théâtre. Ce n'est pas une sensation désagréable (on pense à tout et pour rien), on flotte sans vraiment couler, on scrute un détail (les touches de l'accordéon) puis on se laisse distraire par le portable lumineux de la voisine.
Ils passent ici et là et lassent. Où sont donc ces danseurs pour être à ce point absents ? Sont-ils happés par l'accordéon qui les essouffle à mesure qu'ils s'écartent et se replient. Ils sont cinq dans leur bulle ; il pourrait y neiger et nous chercherions à la secouer pour que cela soit joli. On y verrait bien débouler quelques danseurs et chorégraphes émergents de la scène marseillaise qui transformeraient la neige en pluie pour nous éclabousser comme nous le faisions enfant, juste pour faire sale et emmerder le monde.
Pascal Bély
www.festivalier.net
?????? « Cinq» de Geneviève Sorin a été joué le 12 janvier 2008 au Théâtre des Bernardines à Marseille.
Crédit photo: Eric Boudet
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Avec plus de 125 spectacles vus en 2007, j'ai approché les institutions culturelles en France et quelques unes en Europe. Proposer un palmarès est un hommage à ces professionnels engagés qui, avec talent et détermination, accompagnent le spectateur dans des « entre-deux » salutaires et souvent périlleux.
Ces dix ?uvres furent essentielles en 2007. Elles tissent la toile fragile d'un patrimoine chorégraphique d'où se dégage un humanisme qui donne sens à notre quête d'absolu dès que nous entrons dans un théâtre.
120 spectacles, dix festivals, des milliers de kilomètres en France et en Europe pour faire vivre ce blog et rendre visible sur la toile internet la richesse de la scène française et européenne. 2007 fut une année difficile: festivals en panne de projet, institutions culturelles dépendantes de l'audimat, création française égocentrée. Il en aura fallu de l'énergie pour repérer un souffle, un nouvel espace, une interpellation !
Cette vision du corps ne fait pas partie de ma culture. L'outil vidéo, omniprésent, décompose, décuple à l'infini le geste, et me plonge dans le vide. La caméra structure le ressenti du spectateur, réduit la focale de son regard, cadre la forme là où l'on aurait envie d'interroger le sens. Découflé est talentueux pour projeter la pauvreté de son écriture chorégraphique vers des espaces inattendus.
Les danseurs se croisent sur la musique fabuleuse de Cristian Vogel et leurs mouvements sont d'une apparence douceur. Ils se jettent souvent au sol, mais sans bruit, léger comme un désir de rencontre, lourd comme l'espace confiné de leurs exigences. Le tout donne une énergie enveloppante, sécurisante, car profondément humaine. Tout est suspendu à la rencontre, où se fait et se défait le lien si fragile de la séduction. Tels des aimants – amants, ils s'emboîtent pour mieux se séparer et finissent par laisser des traces qui forment la toile de leurs relations, où l'un n'existe que dans le désir de l'autre. Je me ressens en apesanteur et mes nerfs lâchent, pris dans leur réseau virtuel. Je flotte malgré les baffes qu'ils se donnent tant elles claquent comme un acte sensuel, à la limite du sado-masochisme présent dans tant de couples !
C'est alors que ces « double deux » éclatent. La colère et le cri (silencieux) accompagnent le ralenti des mouvements. Le groupe se forme peu à peu et
Le metteur en scène François Rancillac prend le public du Théâtre de Cavaillon par surprise. A l'issue de « Retour à la citadelle » de Jean-Luc Lagarce, les applaudissements peinent à venir, comme si les spectateurs avaient du mal à saluer le miroir qui leur est tendu. Cette pièce nous renvoie à nos jeux de pouvoir dans une période où sa forte personnalisation au plus haut niveau de l'État nous ferait presque oublier les manipulations et les révérences qui ponctuent nos quotidiens au sein de nos institutions.
Dans « Retour à la citadelle », le pouvoir d'un homme (qui revient mystérieusement dans la province, mais en habit de futur gouverneur) est le fruit d'un système qui échappe aux rationalités (est-ce pour cela que nous ne connaissons jamais les raisons par lesquelles il accède à cette fonction ?). Cet homme est attendu, lors d'un cocktail, puis d'un dîner où ses parents, sa s?ur, l'ancien gouverneur et sa femme, un fonctionnaire zélé et un ami d'enfance (ignoré tel un rejeton) prennent chacun la parole pour nous donner les ressorts de cette mystérieuse ascension. François Rancillac nous montre par un jeu d'acteur habile (quand l'un parle, les autres illustrent non verbalement la stratégie implicite) comment le pouvoir est la conséquence d'un enchevêtrement de rancoeurs familiales, d'un fonctionnariat servile et d'une « démocratie » autocratique. Cette pièce est une caisse de résonances où je souris à mesure que je transpose à mon milieu professionnel. C'est euphorisant à l'image de cette scène qui tourne sur elle-même. Je me surprends à diriger les acteurs, tel un chef orchestrant la symphonie des mots de Lagarce !