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AUTOUR DE MONTPELLIER OEUVRES MAJEURES PETITE ENFANCE THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN THEATRE MODERNE Vidéos

Cendrillon libérée.

Après “Le Petit Chaperon rouge” , “Pinocchio”, Joël Pommerat triomphe avec “Cendrillon“. Mérité. Les contes de notre enfance, nous croyons les connaître par cœur…Mais nous sommes peut-être sourds à leurs battements. Avec son équipe, l’auteur et metteur en scène Joël Pommerat fait un travail d’horloger. Les contes, ils nous les éclatent pour les restructurer, et nous laisser à l’écoute d’une autre partition. Nous entendons une nouvelle musicalité qui quitte nos chansons douces, pour rejoindre notre intime, caché, là…Un homme vient ponctuer régulièrement la pièce, dans une expression en langage des signes. Finalement, ne sommes-nous pas tous un peu malentendants ?

Le plateau dépouillé s’oppose à l’image habituelle de la féerie des histoires de princesses. Nous partons de loin, très loin dans l’enfance. La comédienne principale est frêle, à la voix enfantine, comme dans les précédentes pièces de la compagnie. De l’enfant s’éveillera une force féminine, sortie de sa chrysalide à coup de reins.

Joël Pommerat va explorer la complexité de la communication ou comment une histoire peut se tisser à partir d’un malentendu . Combien de fois rencontrons-nous de telles situations similaires? En écho, j’entends : “Mais  je pensais que…, mais je t’ai dit que … et tu comprends?… Différemment.” Notre histoire, notre culture, notre état, nos préjugés, notre niveau d’intelligence, notre sensibilité peuvent nous donner une autre lecture. Il faut prendre le temps d’écouter. Prendre le temps de reformuler, de questionner. Prendre le temps…C’est devenu un luxe. Le brouhaha ambiant et le stress nous parasitent et nous voilà partis sur une mauvaise piste.

 Sur son lit de mort, Sandra aura interprété les paroles de sa mère et partira dans un imaginaire. Voilà comment elle a entendu ce qu’elle attendait. Elle va vivre ainsi, comme le lapin d’Alice au pays des merveilles, à contrôler le temps et tenter de maîtriser sa mémoire…

«Cendrillon» incarne cette lutte contre l’oubli pour se donner une image irréprochable, avec la culpabilité d’en faire toujours plus, jusqu’à se positionner en victime, de mériter de souffrir, de s’auto flageller. C’est ainsi que pendant toute une vie, un enfant peut porter des sentiments infondés et des poids, que seul le psychanalyste pourra révéler, si  la démarche est engagée.

Le système matriarcal y est central. Après la mort de sa mère, Sandra fait la connaissance de sa belle mère et de ses deux filles. Elle est baptisée…”Cendrier“. Ce trio donne une image du versant féminin cruel, égocentrique, jugeant et dénigrant. L’image du père offre une personnalité faible, dans ce milieu hostile au genre majoritaire. C’est un combat de coqs. Les femmes dans le pouvoir peuvent être terribles.

Sandra/ Cendrier/Cendrillon, malgré sa petitesse est frondeuse, curieuse et volontaire. Elle supporte tout: les quolibets, les taches multiples. Elle veut être vivante en existant dans le regard des autres. Elle est là, utile, servile. Mais ce n’est pas tout de se réaliser dans ses tâches. Encore faut-il exister pour soi, sous un regard extérieur confiant, qui développe l’épanouissement. Derrière la disparition de la mère, c’est aussi la quête de liberté qui émerge; de l’autorisation de se faire plaisir, d’être heureuse en autonomie et d’aimer un autre.Sa belle mère et ses filles existent, mais  dans leur miroir, au dessus des autres. Elles sont la caricature “des laides et des stupides». Ce qui leur manque tant, c’est la sensibilité.

Le public présent est extrêmement réceptif au texte. Des étudiants ont fait le voyage avec leurs professeurs. La fée, d’une modernité à tous crins dans ses propos et ses attitudes, provoque de nombreux rires. Ce sont de douces respirations dans ce cheminement de deuil où le prince est joué par une actrice. Il n’est pas grand, blond aux yeux bleus, mais petit avec un peu d’embonpoint. L’attirance lors de  sa rencontre avec Cendrillon s’opére grâce à une histoire commune: la perte  de la mère. Orphelins tous les deux, ils sont aussi libérés de ce poids matriarcal…

Le chemin est encore long à parcourir, mais la joie de la libération est là. Après l’amour d’une mère, qu’il est bon de se laisser aller au sentiment amoureux, tourné vers l’étranger et le monde.

Ne sommes-nous pas tous un peu Cendrillon?

Sylvie Lefrere – Le Tadorne

“Cendrillon” de Joël Pommerat au théâtre de Serignan, la Cigalière; en partenariat avec Sortie Ouest de Béziers le 13 et 14 mars 2013.

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FESTIVAL DES ARTS DE BRUXELLES PAS CONTENT Vidéos

Mon périple bruxellois (2/3) : le KunstenestpasmonFestivaldesArts.

Je ne m’attendais pas à une telle perte du propos artistique et de la mise en scène. Que s’est-il donc passé au KunstenFestivalDesArts de Bruxelles, pour qu’aucune oeuvre ne soit venue me chatouiller, me surprendre, m’émouvoir.  Après quelques hypothèses émises dans un précédent article, suite et fin avec ce deuxième compte-rendu.

Árpád Schilling est un metteur en scène hongrois. «À papn?» aurait pu être un événement théâtral: une immersion dans un village reculé de Hongrie où une enseignante envoyée par l’Union Européenne introduit le théâtre au collège mais doit affronter l’opposition d’un collègue à cheval sur le dogme catholique. Les enfants et leurs éducateurs sont sur le plateau tandis qu’un documentaire documente à partir de témoignages sur ce conflit entre art et religion, modernité et tradition. Les enfants jouent leur propre rôle à moins que ce ne soit une mise en abyme (un atelier théâtre porté à la scène) dans laquelle nous sommes mis à contribution (ce moment tombe totalement à plat).

Le théâtre est le grand perdant de cette forme hybride : on s’y ennuie souvent tandis que le documentaire nous captive dans ce dilemme qui divise la communauté. Árpád Schilling aurait pu convoquer un auteur pour créer le dialogue entre la scène et l’écran. Mon regard bienveillant s’est porté sur ces enfants forts et fragiles qui sont mes concitoyens d’Europe. Dans «mon Festival des Arts» imaginaire, je me souviens du travail de Florence Lloret présenté à la première Biennale des Écritures du Réel à Marseille en mars 2012. Dans « L’alphabet des oubliés»,  le documentaire sur les enfants servait leur théâtre et le nôtre.

Autre ambiance. Rendez-vous au Kaaistudio’s pour «Book Burning» de Hans Op de Beek et Pieter de Buysser. Ce dernier incarne le narrateur, tout juste accompagné d’une malle aux trésors dont les différents tiroirs font office de décor d’un conte compliqué et ennuyeux. Ici aussi, le Kunsten joue avec les formes hybrides en invitant ce philosophe et metteur en scène à nous proposer ce «transformatador» («un genre performatif littéraire et visuel qui transforme l’énergie quotidienne en une créature mythique avec des pattes élégantes, des ailes grotesques, des ongles politiques et de grands yeux inquisiteurs. En bref, un être qui rendrait même les toréadors nerveux»). Vous ne saisissez pas l’intention artistique ? Moi, non plus. Pendant une heure trente, je m’accroche à Pieter de Buysser. Mais son jeu ne me dit rien, car son corps théâtral est absent. La malle est probablement l’objet le plus fascinant même si elle ne délivre pas tous ses secrets. Ce conte «postmoderne» se perd parce que la fiction qu’il déploie n’est pas «théâtre». Tout juste une «lecture» performative. Dans «mon Festival des Arts» imaginaire, je me souviens des oeuvres de l’auteur et metteur en scène Joël Pommerat. Cet homme me ravit car nos chemins se croisent, à pas contés.

Cette fois-ci, cela commence plutôt bien. Ils sont quatre sur scène: un belge (Pieter Ampe), deux portugais (Guilherme Garrido et Nuno Lucas), un allemand (Herman Heisig). Chorégraphes et danseurs, leurs corps se comparent aisément : petit, grand, maigre, costaud, poilu, imberbe. Manque la couleur : ils sont blancs. Quatre mecs qui dès le début se disputent la vedette autour d’un micro qui ne tarde pas à devenir la béquille de leurs talents si fragiles! Pour sortir de cette escalade, ils convoquent le théâtre, la danse, l’installation performative: qui rira bien qui rira le dernier! Ainsi, l’un glisse sa tête dans un ballon qui gonfle à vu d’ici (d’où l’expression «avoir la grosse tête»), tandis qu’un autre, puis un autre, entrent dans ce même ballon (si, si, je vous assure !). Comment ne pas penser à Magritte, aux surréalistes? C’est drôle et touchant. Mais peu à peu, le malaise s’installe: la danse est moquée jusqu’à lâcher la belle entreprise. Ils convoquent le divertissement (qui, du coup, ne fait plus rire) et finissent par tout casser lors d’un concert rock au ralenti assez pathétique (n’est pas Pierre Rigal qui veut).

Me revient alors le spectacle de Sophie Perez et Xavier Boussiron, «Oncle Gourdin», présenté au dernier Festival d’Avignon. Même rythme et successions de numéros qui moquent l’art chorégraphique jusqu’au final apocalyptique. Dans les deux cas, le propos est réactionnaire: au-delà de leur génie (qui est bien sûr immense, d’où la scène avec le ballon), il n’y a plus d’avenir pour eux, donc pour nous. Cette vision romantique du statut de l’artiste m’effraie: elle prépare le fascisme. À mettre en lien avec mon précédent article où je démontre comme l’esthétique de la communication a contaminé les arts de la scène au cours du festival. Est-ce encore de l’hybridité ?

Dans «mon Festival des Arts» imaginaire, je convoquerai la plus jeune génération pour qu’elle dialogue avec la plus âgée, en attendant que les trentenaires dépressifs fassent leur thérapie en dehors des plateaux. Je pense alors à l’oeuvre d’Anna Halprin et Morton Subotnick («Parades and changes, replay in expansion») créée en 1965, censurée pendant 20 ans aux États-Unis et revisitée en 2010 par la chorégraphe Anne Collod. La danse y était est un art total qui nous déshabillait pour nous inclure dans la parade du chacun pour tous.

“Matadouro” du chorégraphe brésilien Marcelo Evelin allait-il enfin me surprendre? Nu, il sonne l’alerte avec un tambour. Des aboiements accompagnent ces premiers pas. Il est rejoint par six hommes et une femme qui, après s’être déshabillés, tournent le dos au mur. Prêts à être exécutés et sauvés. Ils portent un masque et une machette collée dans le dos. Corps social et politique? Ils entreprennent alors une ronde infernale autour d’un micro sur le «Quintette à cordes en ut majeur» de Franz Schubert. C’est très éprouvant.  À la fois meute guerrière et pacifistes déterminés, je peine à les suivre dans leur recherche. Où vont-ils ? Peu à peu, ils me larguent même si je saisis la métaphore d’une «résistance» à toute épreuve. Mais je n’en suis pas. C’est en dehors de moi. Ici aussi, le final est sans appel. Tout ça pour ça?Dans «mon Festival des Arts» imaginaire, je me souviens de «Révolution» d’Olivier Dubois où douze femmes résistèrent en dansant le boléro de Ravel autour d’une rampe: «Je suis pris dans cette dynamique incroyable où le corps intime (symbolisé par la rougeur de l’effort et leurs perles de sueur) entraine le corps social, qui ne renonce pas même en l’absence d’un chef ! Telle une spirale ascendante, les phrases chorégraphiques finissent par créer une poésie particulière où le Boléro se métisse de rock et de jazz. La barre tremble sous le poids du corps, mais ne plie pas: elle est roseau; le corps est lierre, tresse et enchevêtre. La puissance au lieu du pouvoir !».

En 2013, je n’irai pas à Bruxelles. À moins d’un Festival des Arts pour l’imaginaire.

Pascal Bély , Le Tadorne.

A lire aussi:

Mon périple Bruxellois (1/3): trop sympa le KunstenFestivaldesArts !

Mon périple bruxellois (3/3) : du haut de la Montagne, les tout-petits voient grand.

 «A papn?» de Árpád Schilling / «Book Burning» de Hans Op de Beek et Pieter de Buysser / « A coming community » de Pieter Ampe, Guilherme Garrido, Nuno Lucas et Herman Heisig / «Matadouro» de Marcelo Evelin au KunstenFestivalDesArts de Bruxelles du 16 au 21 mai 2012.

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THEATRE MODERNE

En tournée, Le commerce équitable de Joël Pommerat.

Dimanche 6 mai 2012. François Hollande est élu Président de la République. J’ai attendu cet instant pour écrire sur la dernière création de Joël Pommerat, «La grande et fabuleuse histoire du commerce», vue au Théâtre d’Arles le 13 avril 2012. J’ai ressenti le besoin de relier ces deux hommes, tous deux habités par le désir de ne rien cliver, d’être à l’écoute, de rassembler. Tandis que le «candidat sortant» n’a cessé de diviser autour du «vrai travail», il m’est agréable de saluer le Président Hollande qui incarnera une nouvelle époque où être humaniste ne sera plus considéré comme une incompétence.

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Car le «vrai» est dans ce propos lisible, au croisement du conte et de l’histoire économique, du rêve et des faits. Joël Pommerat signe là une ?uvre théâtrale puissante qui relève parfois de la magie tant chaque scène parvient à relier l’universel à notre intimité. Avec lui, je suis un étrange spectateur, observateur et acteur de ma destinée. Il incarne une écriture du réel où les murmures de la «majorité silencieuse» répondent à mon désir d’être entendu dans ma singularité. Avec Joël Pommerat, jamais la notion de «résonance» (mot trop souvent dénaturé par de nombreux programmateurs) n’a eu autant de sens. Je n’ai jamais imaginé que l’histoire du commerce pouvait croiser la mienne; j’en avais même oublié que le commerce structurait le lien social pour traverser les époques et métamorphoser les corps. Joël Pommerat réussit donc un miracle : avec écoute et empathie, il nous restitue cette histoire à partir d’un groupe de cinq hommes commerciaux qui arpentent un territoire, le quadrillent par un porte à porte minutieusement préparé. Deux générations se succèdent : mai 1968 et 2012. Même unité de lieu: une chambre d’hôtel. En apparence, tout change parce que rien ne change: vendre est une relation asymétrique. C’est un rapport de force dans lequel viennent se mêler des liens de solidarité entre ces hommes. Tandis que les idéaux de 68 s’expriment violemment à la télé, ils font preuve d’une belle persévérance à soutenir l’un d’entre eux qui n’atteint pas les chiffres. Et c’est le même, pétri d’empathie pour ses clients, qui pulvérise les ventes tandis que ses compagnons, plus âgés et usés, font grise mine. L’ascenseur social marche! La relation commerciale humaniste (professionnalisée à partir des techniques de manipulation venues des US) est l’avenir («on ne vend pas, on propose un service» dit l’un d’eux). Me reviennent des souvenirs d’enfance tandis que des vendeurs s’invitaient à la maison pour proposer des livres et des aspirateurs. Ils me fascinaient parce qu’ils symbolisaient la modernité, le progrès infini tout en prenant le temps d’instaurer la relation de confiance dans une famille qui ne connaissait que la défiance comme mode de communication?

Deuxième acte. Changement de décor. Nous voici propulsés en 2012. Toujours une chambre d’hôtel, mais deux petits lits bien séparés. L’individualisme a aussi son mobilier. Toujours les mêmes hommes sauf que c’est le plus jeune qui manage les anciens. Il joue sur l’affectif. En permanence. Face aux résultats désastreux, il encourage en entrant dans la vie intime de chacun d’eux (comme si la technique de 1968 ?«entrer dans la vie des gens»- visait à vendre le commerce aux commerciaux?qui semblent ne plus y croire). Le commerce ne véhicule plus aucune valeur si ce n’est SA valeur. Le chef célèbre le groupe, la solidarité, mais c’est décontextualisé, hors de propos. En dehors de lui. Il vante des concepts qui ne s’incarnent pas dans son corps. Tandis qu’aucun commercial ne vend, il manie le paradoxe, son arme fatale: «Mutualisez vos succès et vos pertes». Les idéaux de 68 sont ainsi recyclés! Le management affectif dilue la responsabilité et transforme chacun en chef de l’autre, tout à la fois unité de production et de commandement.  À ce jeu pervers, le collectif ne résiste pas. Mais avec Joël Pommerat, l’humain reprend toujours ses droits. Toujours. Car se qui se clive à un niveau, s’articule harmonieusement dès qu’il le complexifie. Ici, “l’homme fragile“(sublime dernier tableau du corps qui s’effondre) s’immisce dans le grand jeu du commerce pour l’enrayer. Totalement sidéré, je n’ose quasiment pas applaudir comme si Joël Pommerat, à partir d’une mise en scène millimétrée où le sens s’invite à chaque instant, m’incluait dans une interaction. Je fais donc partie de l’histoire du commerce parce qu’au-delà des théories et des techniques, c’est l’humain pris dans sa globalité qui autorise les conditions de l’échange.

Un mois après, je n’ai rien oublié de cette oeuvre jusqu’à imaginer François Hollande habité par les visées théâtrales de Joël Pommerat.

 «Moi, si je suis Président de la République, j’essaierai d’avoir de la hauteur de vue, pour fixer les grandes orientations, les grandes impulsions, mais en même temps je ne m’occuperai pas de tout et j’aurai toujours le souci de la proximité avec les Français.» (François Hollande, lors du débat télévisé, d’entre les deux tours, 2 mai 2012).

Pascal Bély, Le Tadorne.

«La grande et fabuleuse histoire du commerce» de Joël Pommerat au Théâtre d’Arles le 13 avril 2012.

Les dates de la tournée en 2013:

  • Liège du 7 au 9 février
  • Châlons-en-Champagne les 14 et 15 février
  • Velizy-Villacoubay les 21 et 22 février
  • Petit Quevilly du 5 au 8 mars
  • Saint-Etienne du 12 au 15 mars
  • Bruxelles du 19 au 29 mars
  • Aubusson les 21 et 22 mars
  • Athènes du 28 au 31 mars
  • Montluçon du 9 au 11 avril
  • Rennes du 16 au 20 avril
  • Evry les 24 et 25 mars
  • Tournai les 7 et 8 mai
  • Chateauroux les 14 et 15 mai
  • Compiègne les 22 et 23 mai
  • Saint Brieuc les 29 et 30 mai

Joël Pommerat sur le Tadorne:

Avec “Au monde”, Joël Pommerat révèle un théâtre d’ombres et de lumières.

Avec “Les marchands”, Joël Pommerat fait du beau travail.

“Je tremble” de Joël Pommerat: deux contre un.

“Pinocchio” par Joël Pommerat ou le parcours initiatique de la vie.

“L’enfant” des Ephémères de Joël Pommerat.

Joël Pommerat, mineur de fond.

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THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN

Joël Pommerat, mineur de fond.

La rencontre avec un artiste ne peut se réduire à un spectacle. Elle requiert du temps, un lien de confiance,  où la somme des propositions créée un univers nourrit de résonances et d’intranquillités. Avec trois de ses dernières créations (“Je tremble 1“, “Le petit Chaperon Rouge” et “Pinocchio“), Joël Pommerat  réussit à me conter le monde avec tant d’empathie qu’il finit pas créer le manque, d’autant plus que nous sommes nombreux à nous sentir désemparés face à la catastrophe sociale qui prend chaque jour plus d’ampleur.

« Cercles/Fictions » était donc attendu. Convié à prendre place autour de la piste du cirque (un dispositif en totale rupture avec ses précédentes scénographies), le public est plongé dans une ambiance feutrée où se joue la tragédie humaine. Un univers de pénombres et de bruits (on y décèle l’orage, les bombes) accueille des histoires où l’on dépeint au vitriol nos misérables conditions. Joël Pommerat tisse les fils d’une kyrielle de personnages et nous immerge dans un imbroglio de saynètes traversées par la servitude et la perte du spirituel. Les situations m’emmènent vers les tréfonds de l’âme. Je me sens pris au piège dans un labyrinthe d’où je n’entrevois aucune sortie. À chaque personnage correspond une époque qui laisse peu de place à l’imaginaire malgré l’utilisation de l’odorama. L’enfermement dans leur vie, dans leur petit espoir, dans leur propre recherche du « soi », joue sur mon corps. Je me recroqueville dans mon univers afin d’échapper à cette fatalité d’où j’essaie de trouver de l’oxygène dans la répétition des noirs (artifices déjà utilisés dans les précédentes créations). Mais rien n’y fait et ma confrontation à la souffrance humaine est sans issue. L’irréversibilité semble être le credo de ces destins juxtaposés qui finissent par me positionner au coeur d’un chaos immense qui ne laisse aucune place à une véritable lumière.

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Tout est noir et brouillard, sans une éclaircie, une échappée, un sentier que l’on se verrait bien prendre avec nos compagnons pour leur montrer que rien n’est perdu, que du chaos peut se lever un meilleur. Joël Pommerat joue l’excès au service d’une mise en scène vaniteuse. Certes, tout est bien léché, calé, réglé, mais le concept (un plateau transformé en cirque) efface le théâtre sociologique avec lequel il nous avait habitués. Mais dans quelle recherche est donc Joël Pommerat pour donner l’impression de nous conter toujours le même discours ?

Laurent Bourboussonwww.festivalier.net

« Cercles/Fictions » de Joël Pommerat a été joué les 31 mars, 1er et 2 avril 2010 à la Scène Nationale de Cavaillon.

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FESTIVAL D'AVIGNON OEUVRES MAJEURES PAS CONTENT THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN THEATRE MODERNE

«Je tremble» de Joël Pommerat : deux contre un.

En mai dernier, le Théâtre du Merlan à Marseille, programmait “Je tremble (1)” de Joël Pommerat. A l’affiche du Festival d’Avignon, j’ai donc revu le (1) pour voir le (2). Joël Pommerat a de la suite dans les idées, mais semble s’égarer dans ce deuxième épisode très convenu et pour tout dire, sans intérêt majeur.
J’ai de nouveau rendez-vous avec lui, avec eux. Je les reconnais quasiment tous depuis notre dernière rencontre mémorable lors du Festival d’Avignon en 2006. Lui, c’est Joël Pommerat, metteur en scène. Eux, de la compagnie Louis Brouillard, c’est peut-être vous, c’est sûrement une partie de moi, c’est à coup sûr un fragment animé de notre lien social. C’est une troupe de comédiens qui jouent avec nos maux, nos parts d’ombres et de lumières, pour remettre en mouvement ce que nous figeons, faute d’espace et de liens. «Je tremble (1)» m’essore, me plie et me déplie, comme un processus d’inclusion et d’exclusion permanent.
Cela n’échappe plus à personne. Le politique se fond dans la société du spectacle. Encore une fois au cours de cette saison théâtrale, un animateur (télévisé?) ouvre le bal sur fond de rideau pailleté. Sur un ton décomplexé et détaché, il nous annonce qu’il va mourir ce soir, sous nos yeux. Puis se met à danser sur «Sex bomb». Nous voilà donc positionnés en voyeur d’une tragédie humaine que nous feignons tous d’ignorer à force de fusionner le lien social dans le lien économique et médiatique. Joël Pommerat pose d’emblée le contexte en insinuant, «regardez ce que nous avons fait de notre vivre ensemble». Il accentue le malaise quand une jeune femme s’approche du micro pour hurler son besoin vital de rêver, de se projeter, de faire appel à son imaginaire. Elle finit par dénoncer le silence des intellectuels et des politiques.
«Je tremble (1)» est une succession de tableaux, qui en disent long sur la déliquescence du lien social. Joël Pommerat allume les projecteurs, les éteint puis remet la lumière là où nous aurions bien remis une couche de paillettes. Avec empathie, il nous montre une souffrance à la fois intime et sociétale, loin du misérabilisme marchand de nos médias et de l’humanisme calculé de nos politiques. Ce modèle que nous co-construisons depuis une vingtaine d’années fait souffrir parce que nous ignorons «le vivre ensemble», nous enfermons l’autre dans une lecture comportementaliste, nous marchandons notre corps, nous censurons l’utopie. Il ressent notre impuissance alors que nous sommes habités d’intentions honorables (issus des idéaux de mai 68) mais qui ne peuvent plus rien face à ce modèle économique destructeur du lien social groupal. La force de Joël Pommerat est d’offrir un bel espace à l’expression de cette souffrance tout en suggérant, par sa mise en mouvement des mots et des corps, que nous pourrions imaginer un autre futur en nous appuyant sur le collectif comme force transcendante. Il positionne constamment le spectateur dans un dedans – dehors troublant, entre introspection, interpellation, mise à distance, dans un mouvement perpétuel entre le «moi» et le «nous», propice pour inventer nos utopies.
«Je tremble (1)» est la magnifique fresque d’un homme profondément à notre écoute. Joël Pommerat est un clinicien du sociétal, un peintre impressionniste d’une société déprimée.
Mais «Je tremble (2)» casse ce bel équilibre entre le «nous» et le «je». L’animateur du cabaret devient central et nous propose sa descente aux enfers, dans les entrailles du «mal». À partir de cette métaphore, Joël Pommerat met en lumières ses représentations du «mal» mais on finit par se perdre dans une confusion des niveaux logiques. Entre la scène du tribunal où les témoins sont corrompus, les petits meurtres entre amis, la mutilation du corps des femmes par soumission au désir des hommes, les trahisons dans le couple, le spectateur ne sait plus comment relier ces instantanés. Joël Pommerat met au même niveau des scènes du réel, d’autres plus symboliques où il questionne les paradigmes dominants. Mais on cherche la cohérence de l’ensemble. Le texte se désincarne, ne dit rien de bien nouveau comme si l’auteur et le metteur en scène n’étaient plus en lien, comme si le réel n’était plus transcendé. Joël Pommerat répète son propos en tentant de conceptualiser ce qu’il positionnait  auparavant sur un terrain beaucoup plus «résonnant». «Je tremble (2)» se refroidit sans qu’une pensée émergente puisse nous stimuler.
Comme beaucoup d’artistes, Joël Pommerat bute lui aussi à dessiner les contours d’une nouvelle société, d’un nouveau monde. Il semble tourner en rond et je me surprends à m’ennuyer.
«Je tremble (1)» se suffisait à lui-même. Le (2) n’est qu’un tremblement, là ou j’attendais la secousse.

Pascal Bély. www.festivalier.net

Je tremble” (1) et (2) de Joël Pommerat a été joué le 24 juillet 2008 au Festival d’Avignon.

 

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PETITE ENFANCE

“Pinocchio” par Joël Pommerat ou le parcours initiatique de la vie.

“Ce spectacle dénonce beaucoup de choses, notamment la justice et la société dans laquelle on vit.”  

Manon Bourbousson

Comment est le Pinocchio de Pommerat? À cette question, je serais tenté d’écrire: noir, très noir. Tant pas sa mise en scène, que par le sujet abordé, nous sommes loin des images édulcorées que tout un chacun a en sa mémoire d’un Pinocchio sorti d’une célèbre firme américaine. Ce conte vieux de 127 ans de Collodi nous projette dans ce que l’on peut appeler le parcours initiatique de cette marionnette devenu enfant.

Joël Pommerat prend appui sur ce récit pour expliquer aux enfants – car n’oublions pas qu’il s’agit d’un spectacle jeune public – la difficulté de devenir un être bon. Sa réécriture fait de notre Pinocchio un enfant contemporain, avec ses propres codes, son propre langage, dénonçant les travers de notre société. Et ils sont nombreux. Invités par une sorte de Monsieur Loyal, issu des cabarets, nous sommes entraînés dans ce récit à une vitesse folle.

C’est par une succession de tableaux et de noirs que Pommerat décide de nous dévoiler sa vision de notre monde et la difficulté de garder le cap pour être une personne respectable et respectée. La solitude qui ronge l’être (Gepetto se construit un fils pour ne plus être seul), la pauvreté (Gepetto qui ne peut lui offrir à manger), la banalisation du langage violent (un Pinocchio que l’on aimerait corriger tant les paroles envers son père sont blessantes), la société de l’image (que peut-on penser de moi si je n’ai rien de neuf), le sexe (les enfants sont confrontés au monde sexuel quotidiennement : dans la rue par les devantures des presses, à la télévision, sur internet), la naïveté des enfants face aux adultes (« viens, suis-moi, je t’emmène dans un lieu où tu joueras tout le temps »), la course à l’argent, l’oisiveté et les loisirs pour ne pas penser et réfléchir, le rejet des racines familiales pour briller en société (“je ne suis pas pauvre“), le racisme (combattre l’autre pour sauver une identité), la justice punitive à l’excès et l’imbécillité de l’humain. L’ensemble de ces tableaux compose le monde capitaliste et égoïste dans lequel nous vivons.

Fort heureusement, la fée veille sur Pinocchio pour lui faire entendre que l’on ne peut être si l’on n’est rien, que se mentir à soi-même à une limite, celle d’être toujours rattrapé par ce que nous fuyons. Être, verbe indispensable dans notre langage, est la déclaration de ce Pinocchio quand il renaît et devient le petit garçon pensant, réfléchi et réaliste.

J’aimerais être un de ces enfants découvrant ce spectacle pour déjouer les pièges que l’on me tend, grâce à cette belle leçon humaine.

Laurent Bourbousson.

Pinocchio” de Joël Pommerat a été joué le 28 mai 2008 au Théâtre des Salins de Martigues.

 

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EN COURS DE REFORMATAGE

«Je tremble» (1), fresque impressionniste, par Joël Pommerat.

J’ai rendez-vous avec lui, avec eux. Je les reconnais quasiment tous depuis notre dernière rencontre mémorable lors du Festival d’Avignon en 2006. Lui, c’est Joël Pommerat, metteur en scène. Eux, de la compagnie Louis Brouillard, c’est peut-être vous, c’est sûrement une partie de moi, c’est à coup sûr un fragment animé de notre lien social. C’est une troupe de comédiens qui jouent avec nos maux, nos parts d’ombres et de lumières, pour remettre en mouvement ce que nous figeons, faute d’espace et de liens. « Je tremble » (1) m’essore, me plie et me déplie, comme un processus d’inclusion et d’exclusion permanent.

Cela n’échappe plus à personne. Le politique se fond dans la société du spectacle. Encore une fois au cours de cette saison théâtrale, un animateur (télévisé ?) ouvre le bal sur fond de rideau pailleté. Sur un ton décomplexé et détaché, il nous annonce qu’il va mourir ce soir, sous nos yeux. Puis se met à danser sur « Sex bomb ». Nous voilà donc positionnés en voyeur d’une tragédie humaine que nous feignons tous d’ignorer à force de fusionner le lien social dans le lien économique et médiatique. Joël Pommerat pose d’emblée le contexte  en insinuant, « regardez ce que nous avons fait de notre vivre ensemble ». Il accentue le malaise quand une jeune femme s’approche du micro pour hurler son besoin vital de rêver, de se projeter, de faire appel à son imaginaire. Elle finit par dénoncer le silence des intellectuels et des politiques.

S’ensuit alors une succession de tableaux qui en disent long sur la déliquécense du lien social. Joël Pommerat allume les projecteurs, les éteint puis remet la lumière là où nous aurions bien remis une couche de paillettes. Avec empathie, il nous montre une souffrance à la fois intime et sociétale, loin du misérabilisme marchand de nos médias et de l’humanisme calculé de nos politiques. Ce modèle que nous co-construisons depuis une vingtaine d’années fait souffrir parce que nous ignorons « le vivre ensemble », nous enfermons l’autre dans une lecture comportementaliste, nous marchandons notre corps, nous censurons l’utopie. Il ressent notre impuissance alors que nous sommes habités d’intentions honorables (issus des idéaux de mai 68) mais qui ne peuvent plus rien face à ce modèle économique destructeur du lien social groupal. La force de Joël Pommerat est d’offrir un bel espace à l’expression de cette souffrance tout en suggérant, par sa mise en mouvement des mots et des corps, que nous pourrions imaginer un autre futur en nous appuyant sur le collectif comme force transcendante. Il positionne constamment le spectateur dans un dedans – dehors troublant, entre introspection, interpellation, mise à distance, dans un mouvement perpétuel entre le « moi » et le « nous », propice  pour inventer nos utopies.

« Je tremble » (1) est la magnifique fresque d’un homme profondément à notre écoute. Joël Pommerat est un clinicien du sociétal, un peintre impressionniste d’une société déprimée. S’immerger dans son espace nécessite d’avoir confiance en lui. A lui aussi de croire en nous pour sortir ensemble de ce cauchemar.

Pascal Bély. www.festivalier.net

 “Je tremble” (1) de Joël Pommerat a été joué le 6 mai 2008 au Théâtre du Merlan de Marseille.

“Je tremble” (2) sera joué au Festival d’Avignon en juillet 2008 et présenté au Théâtre du Merlan au cours de la saison 2008 – 2009.

 

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Avec “Les marchands” au Festival d’’Avignon, Joël Pommerat fait du beau travail.

Après «Au monde», mise en scène subtile et recherchée, je suis enthousiaste à l’idée de voir «Les marchands», la deuxième oeuvre de Joël Pommerat proposée au Festival d’Avignon. La forme et le fond changent radicalement, mais sa vision transversale reste.

C’est l’histoire de deux amies. Elles vivent dans la même tour d’un immeuble de trente étages. L’une est l’employée d’une grande industrie, l’autre est orpheline et mère d’un petit garçon. Celle-ci rêve de travailler dans cette usine, mais échoue à toutes ses tentatives. Elle tuera son enfant pour éviter que l’entreprise ferme alors même qu’elle n’y était pas employée. Cette histoire n’est pas dialoguée, mais racontée par celle qui travaille (à gauche sur la photo). Elle est aussi une héroïne parce qu’elle finit corsetée, du à un mal au dos paralysant.
Les scènes durent à peine une à deux minutes et sont mimées par des comédiens aux talents exceptionnels. Les va-et-vient de lumières et des changements de décor font penser au théâtre suggestif de Roméo Castellucci. Avec cette mise en scène, la pièce devient une fable moderne. À première vue, avoir du travail est au coeur de tous les rapports humains et sociaux. Joël Pommerat amplifie le discours médiatique qui fait du travail la valeur centrale alors qu’il rend aussi malade, presque fou, jusqu’à l’infanticide. En tuant son enfant, cette femme libère ses amis qui vont pouvoir retourner à l’usine. Il y a dans cet acte, un sacrifice religieux alors que l’homme politique est impuissant, l’action collective quasi inexistante. Avec «Les marchands», triomphe le «je» pour le «nous». C’est terrifiant et émouvant à la fois.
Mais Joël Pommerat n’en reste pas là, il nous raconte aussi le rapport invisible, inconscient qu’entretient cette femme sans ressource au travail. L’auteur fait appel à la psychanalyse et à l’approche systémique de la famille pour signifier les autres enjeux. Deux personnages clefs symbolisent cette complexité. Alors qu’elle croule sous les dettes, arrive un homme, presque plus âgé qu’elle, qu’elle présente comme son « grand » fils. Alors que sa soeur refuse de payer les créanciers, une autre voisine propose avec insistance de l’aider sans que l’on sache pourquoi. Ces deux personnages mystérieux jouent leur fonction de lien entre les parents disparus, le poids d’un secret familial et le rapport névrotique qu’entretient l’héroïne avec le monde du travail. À deux, ils relient la famille et l’environnement économique. Joël Pommerat donne ainsi quelques clefs qui permettraient aux professionnels médico-sociaux d’élargir leur regard pour intégrer la famille dans les dispositifs d’accompagnement. L’individu est toujours en interaction avec un contexte, une histoire, voire même avec un secret familial. « Les marchands » est ainsi parsemé de métaphores qui invitent le spectateur à appréhender le travail dans toute sa complexité.
Malgré tout, l’aspect moralisateur de l’ensemble est parfois pesant (il y a les bons et les méchants). L’histoire est racontée en continu ce qui est lasse parfois alors qu’on aimerait plus de silence pour laisser ces corps parler d’eux-mêmes.
Mais le tout donne à penser, à voir. Une fois vue, c’est une oeuvre qui poursuit son chemin. Elle évoque le lien social et familial par des effets scéniques magnifiques et une histoire particulièrement touchante. Elle invite le spectateur à faire ses propres liens, à élaborer sa vision de l’articulation entre le travail et l’individu. Joël Pommerat nous en propose une vision complexe loin des clichés médiatiques et des propos parfois caricaturaux des partenaires sociaux qui réduisent au lieu de complexifier.
Le Festival d’Avignon a renoué avec le théâtre populaire. On se prend à rêver que « Les marchands » deviennent un théâtre itinérant où de ville en ville, ils suivraient les roulottes de Bartabas.

Pascal Bély – 
www.festivalier.net