Catégories
ETRE SPECTATEUR FESTIVAL D'AVIGNON

“Offinité Publique” du 10 juillet 2013 des Tadornes au Festival Off d’Avignon….première sélection de spectacles.

Ce rendez-vous des Offinités publiques au Festival Off d’Avignon est notre projet de spectateurs. Depuis 2005, à travers ce blog, nous nous glissons dans le paysage culturel français, non sans mal, mais avec détermination. Comment nous faire entendre, nous, masse anonyme, qui applaudissons, faisons la queue, achetons, achetons…? Comment faire entendre un regard critique en dehors des logiques promotionnelles et des jeux de pouvoir qui freinent l’expression? Car le regard critique (qui ne consiste pas à dénoncer, mais à relier pour questionner le sens), est capital pour un jeu démocratique ouvert, pour un art vivant. Car il n’y a pas de spectacle vivant sans regard critique. Comment nous faire entendre dans le brouhaha du marché où le slogan réducteur fait office de pensée, où la communication consiste à nous empêcher de communiquer?

Ce rendez-vous, ce sont nos Offinités, à lire dans tous les sens, du off dans du on, du in dans du off. Nous l’avons construit à partir de nos questionnements nés de rencontres avec des spectateurs et des artistes. Nos Offinités nourriront l’utopie de Jean Vilar pour qui «le public est l’artisan de son théâtre».

Ce rendez-vous, c’est notre ciel d’Avignon. Le seul regard vertical ne suffit pas pour le scruter. Car notre ciel, est horizon. Il est profondément horizontal. Il est nuage qui englobe…il est étoile qui file pour relier…il est éclair pour éclairer…il est matière pour donner du fond aux formes…il est un cadre pour le contourner…

Je suis arrivé  le vendredi 5 juillet. En quittant ma voiture, un passant m’a lancé : « bienvenu au Tadorne ! ». J’y ai vu un signe. Du ciel? Non… plutôt de la terre d’Avignon que j’ai tant labourée depuis des années, grâce à ce blog. Depuis cinq jours, mon ciel d’Avignon est celui d’une pensée en mouvement. D’abord avec Angelica Liddell au Festival In. Elle seule peut, à partir de son corps d’actrice,  mettre en scène le monde tel qu’il va et ne va pas. Elle seule peut exprimer la douleur intime pour évoquer la douleur du monde. Elle relie l’esprit et la matière du corps. C’est cela mon ciel d’Avignon…A côté d’Angélica, j’ai rencontré  deux jeunes femmes évoquant  notre histoire commune (celle de la France en Algérie) dans « Je vous ai compris », actuellement à la Manufacture.

Mon ciel d’Avignon, c’est une farouche détermination à ne pas me laisser enfermer dans des logiques mortifères. A faire le pari d’un théâtre qui se régénère à partir du chaos ambiant pour nous offrir une utopie joyeuse à l’image de ce jeune collectif  (la compagnie NivaTyep dans « Quelque chose de commun » à l’Adresse).

Mon ciel d’Avignon se dévoile peu à peu. Jeudi 11 juillet, ce sera une journée avec les tout-petits et les professionnels de la toute petite enfance actuellement en formation. Vendredi, ce sera un parcours avec des spectateurs du matin à minuit.

Avec ces Offinités Publiques, mon ciel d’Avignon va s’horizontaliser…parce que vos nuages porteurs de sens vont me relier un peu plus à cet art qui se régénère par la rencontre,  par ce geste, celui d’aller vers…sans savoir toujours où…

Mon ciel d’Avignon, est fondamentalement composé d’un off dans du in vers du on

Car le poids est dans l’air,

Car le minéral solide s’oppose au gaz et crée une nouvelle matière,

Car l’esprit est dans la matière,

Car des paroles parsemées, par l’effet du collectif réuni, forment un paysage d’ombres et de lumières.

Pascal Bély – Le Tadorne – 10 juillet 2013, 11h30

Quelques paroles de spectateurs au cours de l’Offinité Publique du 10 juillet…

«Ici, à Avignon, la force des femmes et leur capacité à faciliter la remise en question des hommes est perceptible dans  «Oléanna» à 12h30 au Théâtre Girasole. »

«Au théâtre, le miroir se brise…on peut aller voir derrière ce qui se passe»

« Mon premier coup de cœur du festival : Zabou Breitman au Chêne Noir à 18h dans «La compagnie des spectres». Sa performance est époustouflante. Sur un tout autre registre, «Le mot progrès dans la bouche de ma mère sonnait terriblement faux» de Natéi Visniec décrit avec justesse les affres de la guerre civile en ex-Yougoslavie. L’interprétation des acteurs est magistrale.»

«Aller au théâtre, c’est se densifier, se dissoudre, s’infuser…Justement, dans “Quelque chose de commun“, des comédiens jouent aux danseurs…au départ, on ne sait pas très bien où l’on va…puis on se dissout totalement avec eux, dans leurs mouvements, leurs gestes…leurs mot

Les spectacles évoqués  et fortement conseillés par les Tadornes et les spectateurs présents.

«Le mardi à Monoprix» par la compagnie Le Théâtre Dû – Grenier à sel-13h05-  p 219.

«Je vous ai compris» par la compagnie Groupov- La Manufacture-  11h –  p 261.

«Quelque chose de commun» par la compagnie Nivatyep – L’Adresse  – 21h25 p 30.

SMATCH[1] Si vous désespérez un singe, vous ferez exister un singe désespéré” par le Corridor -Théâtre des Doms-  17h30  p 173

«Silence encombrant» par la compagnie Kumulus – La Manufacture-  18h30 p 263

«Pinocchio» par la compagnie Caliband Théâtre –  Présence Pasteur – 12h20  p 311

«Frozen» par la compagnie Théâtre du Centaure-  Présence Pasteur – 10h30 p 311

«Oléanna» à 12h30 au Théâtre Girasole- P 210

«Qui sommes je ?» de Ludor Citrik – Espace Vincent de Paul – Île Piot- 15h30 – P 196

«Les beaux orages qui nous étaient promis» –  Collectif Petit Travers – Espace Vincent de Paul – Île Piot- 17h – P 196

«Le mot progrès dans la bouche de ma mère sonnait terriblement faux» de Natéi Visniec – Théâtre des Lucioles – 11h30 – p 242

«La compagnie des spectres» avec Zabou Breitman- Chêne Noir – 18h- p 132

« Bruits d’eaux» – Théâtre Alibi – Au Girasole –  15h55 – P 210

«Gerro, Minos and Him (version courte)» de Simon Tanguy, Roger Sala Reyner et Aloun Marchal – La Parenthèse – 10h – Jusqu’au 14 juillet.  P 284

Retrouvez toute la sélection du Tadorne, ici.

Les prochains rendez-vous avec les Offinités publiques.

11 juillet, 16h, « Le grand off du tout-petit » par les professionnels de la toute petite enfance du réseau « Art et tout-petit »

12 juillet du matin à minuit, «Une performance de spectateurs».

Rendez-vous à 10h au Village pour vivre un parcours avec les spectateurs Tadorne (tarifs d’entrée entre 6 et 8 euros)

10h40 – La Manufacture – « Discours à la Nation »   d’Ascanio Celestini

15h55 – Le Girasole – « Bruits d’eaux » – Théâtre Alibi.

17h55 – La condition des Soies – « Absente: rendez-vous avec Sophie Calle » de Shakespeare’s Wild Sisters Group.

19h50– Présence Pasteur – « La jeune fille et la morve » de Brigitte Nielsen.

21h45 – La Manufacture – « Nightshots 4″- Compagnie Akté.

14 juillet à 11h30, le retour sur notre performance de spectateurs du 12 juillet   Pascal Bély, Sylvie Lefrère, Laurent Bourbousson et Sylvain Saint-Pierre – Tadornes.

Catégories
FESTIVAL D'AVIGNON OEUVRES MAJEURES THEATRE MODERNE Vidéos

Festival d’Avignon – Angelica Liddell, nous ancre de Chine….

Angélica Liddell ouvre notre festival d’Avignon. Cela ne pouvait pas mieux tomber. Car «Ping Pang Qiu» est un vibrant plaidoyer pour un théâtre engagé et engageant. Il évoque la bataille à mener: celle d’affirmer nos modes d’expression contre les approches rationalistes qui visent à les museler. C’est un spectacle qui nous donne la force de continuer d’animer ce blog, espace du spectateur critique, sans concession à l’égard du marketing culturel et des logiques quantitatives arbitraires.

Angelica Liddell entre dans l’arène avec une robe rouge sang, comme l’énergie qui coule dans ses veines; rouge vif comme la colère qui gronde en elle; rouge vif comme la couleur du petit livre de Mao qu’elle brandira à plusieurs reprises pour le défier. Mais combien sont-ils en Europe à brandir leur petit manifeste pour nous imposer leur politique libérale sans vision? Elle porte une perruque bleu clair, couleur ciel. L’esprit clairvoyant est au dessus de ce corps souffrant. Elle est notre magicienne à l’allure punk rageuse, toute en grâce féminine, avec un cœur gros comme ça… Sa chair émotionnelle, par capillarité, nous transperce.

Il y a trois compagnons sur scène. Il y a une jeune femme, son double, son alter ego, sa compagne, sa sœur,…les mots finissent par manquer pour qualifier l’ampleur des gestes qui unissent ces deux femmes. Il y a un petit homme, doux mélange d’Asie et d’Amérique…il canalise l’énergie qui déborde, tel un médiateur entre l’art du chaos et le chaos de l’art. Il y a aussi l’homme oiseau jaune canari…il écoute, beaucoup. Souvent attablé. Il entre dans le jeu d’Angélica pour y amplifier l’absurde. Il est l’auto dérision, car le rire est sérieux. Ces trois là sont ses satellites, ses éléments d’hémoglobine qui alimentent son jeu.

Le théâtre d’Angelica est intense: nous avons des tachycardies quand nous rions de ses propos dévoilés, des extra systoles quand le sombre du texte apparaît, et le tout nous donne un souffle au cœur.

Le théâtre d’Angelica est global: elle nous fait cheminer de la Chine vers l’état des institutions en Europe pour mieux signifier la porosité entre les idéologies qui gouvernent ces continents. Avec Angélica Liddell, la dictature chinoise résonne avec notre quotidien. L’humain n’y est finalement qu’une variable d’ajustement à l’image du sort que l’on réserve aux artistes en Europe. Le pouvoir dans les théâtres les écrase, autant que le char de la place Tian’anmen face au jeune étudiant, qui malgré son pas de côté, est suivi à la trace, empêché dans sa liberté d’expression et de pensée: “Quand tu entres dans un théâtre pour travailler, pour travailler, POUR TRAVAILLER, pour faire ton travail, dans un théâtre, il y a toujours un imbécile qui va se charger de ridiculiser le monde de l’expression, juste parce que c’est de l’expression, alors qu’il ne sait même pas encore ce que tu vas dire. Ceux-là, ce sont les empereurs de la clim. Ils se sentent importants face au monde de l’expression, supérieurs, ils adorent montrer leur indifférence au monde de l’expression, leur mépris, ils aiment te le faire savoir, ils veulent que ça se voie, juste parce que tu appartiens au monde de l’expression.”

Angélica Liddell n’en oublie pas les mots qu’elle dégueule de sa bouche d’ensorceleuse: ceux d’une novlangue où «social» et «travail» sont galvaudés, dénués de leur sens. Angelica et ses compagnons nous alertent. La Chine n’est pas loin, mais notre fascination nous aveugle. Pour ne pas sombrer dans la détestation destructrice, elle repart à l’attaque et nous immerge dans les méandres de son paradoxe: elle aime la Chine tout autant qu’elle la hait. Des chorégraphies se déclenchent pour imager les discussions posées cartes sur table. De l’horreur surgit le beau. De l’expression exulte la pensée. Avec son corps de Chine, elle nous souffle un vent de réaction vitale. Le sens nous cingle le visage, rafraîchissement nécessaire après tant d’années où l’on peine collectivement à penser une géopolitique qui n’a plus rien à voir avec celle de papa mais avec…l’amour. Sans lui, point de vigilance. Point de résistance.

Alors ils dansent. En douceur. Et l’on rêve à nouveau tandis qu’Angélica nous dévoile son sein, métaphore d’une terre patrie, d’une terre nourricière qu’il nous faut réalimenter de nos expressions sans concessions.

La dernière scène est une apogée, un idéal. Fini la valse, place au Mambo! Fini le conformisme, place à la créativité, à la liberté de mouvement et de pensée. Un grand festin orgiaque se déploie. Ils nous invitent au plaisir de créer, de se lâcher, de balancer les codes pour retrouver le goût de vivre.

Pour une géopoésie de nos amours contrariés.

La liberté peut se manifester sous forme de douleur et de tristesse ; si elle n’est pas étouffée par la douleur et la tristesse, même si elle sombre dedans, tu peux encore la voir, la douleur et la tristesse sont donc libres aussi ; tu as besoin d’une douleur libre et d’une tristesse libre, si la vie vaut encore la peine d’être vécue, c’est justement pour cette liberté qui t’apporte enfin la joie et la sérénité » Gao Xingjian  – « Le livre d’un homme seul“.

Sylvie Lefrère – Pascal Bély – Tadornes.

« Ping Pang Qiu » d’Angelica Liddell au Festival d’Avignon du 5 au 11 juillet 2013.

 

Catégories
FESTIVAL D'AUTOMNE DE PARIS FESTIVAL D'AVIGNON OEUVRES MAJEURES THEATRE MODERNE

Unique, double Angélica Liddell.

Deux heures et quarante minutes de représentation s’achèvent par une clameur. Le public réagit chaleureusement; ému, pensif, il semble avoir traversé des océans pour échouer sur une île, seul. Ce voyage est celui des hautes solitudes. La sidération laisse place au dépouillement, mélange de trop-plein et de vide. Il fait nuit dans la cour du Lycée Saint-Joseph; l’obscurité est en soi. Je me demande pourtant s’il convient d’applaudir. Aimer cette femme jusqu’à se perdre semblerait un geste plus approprié. Résister à sa fureur pour lui prouver qu’elle dispose malgré tout, de compagnons d’infortune. Être là, juste.

Longtemps, durant la représentation de «Tout le ciel au-dessus de la terre (Le Syndrome de Wendy)», je me suis dit que je ne comprenais rien. Chaos scénique (chaises renversées, monticule de terre, pétales disposés à même le sol), morcellement intérieur des caractères et fragmentation du monde empêchent toute lecture linéaire, toute reconstitution d’un récit. Mais il est impossible de décrocher. Comme par le passé, Angélica Liddell compose une beauté monstrueuse, touchant tous les registres. Personnage à la grâce ophélienne et à la blancheur diaphane, ou spectre squelettique au début de la pièce ; corps prostré de douleur et de rage en fin de spectacle. Délicates valses, foudroyantes scènes d’orgasmes onanistes. Combien sont-elles en elle ? Angélica Liddell joue Wendy, mais sur scène, son engagement personnel, à la fois physique et psychique, est tel qu’on ne sait plus si l’on a affaire à sa propre histoire ou au jeu d’une comédienne. L’ambiguïté floute les limites de la représentation. L’effet de réel est au service d’une esthétique de la terreur.

Wendy est censée s’enfuir de la réalité pour gagner, avec Peter Pan, l’île de la jeunesse éternelle. Elle échouera à Utoya, lieu du massacre perpétré par Breivik. Par la suite, elle trouvera refuge en Asie, Shanghai précisément. Wendy, cependant, n’est pas là pour apporter «un supplément de dignité», une dénonciation confortable et moralement satisfaisante des crimes commis par ce fou. Elle fusille les bons sentiments, assassine les «mères» et leur bonne conscience venimeuse. D’une certaine manière, elle semble avoir pactisé avec le mal, consciente que ce qui a été n’est plus. Je crois assister au glissement des identités : Angélica Liddell-Wendy…Peter Pan-Breivik ? Wendy, cette «meurtrière de la joie / Ton vide s’est rempli de cadavres». Qui est qui ? Qui dit quoi ? L’Espagnole donne corps au monstre, à sa folie destructrice. Elle s’offre à lui, chair et âme, parle de l’horreur en se situant de son côté, jusqu’à la nausée. Dégoût des faux-semblants et de l’hypocrisie sociale, indéfectible solitude. Le monstre vomit l’humanité, sombre dans l’abject lorsqu’il évoque ses conversations nocturnes avec des «pervers».

 

Jeunesse, beauté, tout s’effile, s’écoule et s’effondre. La littérature et le mal, une nouvelle fois réunis. Seule joie pour elle, la masturbation, épiphanie solitaire. Pourtant, tout n’est pas si simple : «nous puiserons / Nos forces dans ce qui n’est plus». Susurrés, affirmés, hurlés ou raillés lors de la représentation, ces vers de Wordsworth doivent être entendus. L’attentat poétique à l’œuvre sur scène énonce en réalité une exigence de vie…et d’amour. Wendy, d’ailleurs, est qualifiée de «monstre d’amour». Les «pervers» pensaient faire corps avec elle ; elle leur oppose son désir de «beauté radicale» et les renvoie à leur propre solitude. La beauté, c’est cette valse mélancolique interprétée par les deux danseurs de Shanghai qui, par leur âge avancé, défient le temps, l’espace et les mœurs. Ils recousent, par leurs gestes, le tissu des corps déchirés.

Par-delà chaos et décrépitude, la demande d’amour effleure… «L’amour. L’amour. C’est mon unique sentiment»…heureux celui ou celle qui saura le saisir…

Sylvain Saint-Pierre – Tadorne

«Tout le ciel au-dessus de la terre (Le Syndrome de Wendy)» d’Angelica Liddell au Festival d’Avignon du 6 au 11 juillet 2013.
Catégories
FESTIVAL D'AVIGNON THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN Vidéos

Festival d’Avignon – “Je suis prêt à me battre pour défendre ce spectacle”

Pendant le Festival d’Avignon, j’aime nos échanges de spectateurs sur notre groupe Facebook. Ils sont sans concession. À propos de «Par les villages», mise en scène de Stanislas Nordey, Francis Braun écrit: «Je suis prêt à me battre pour défendre ce spectacle». Pascale s’impatiente: elle attend des propos plus étayés ! Nicolas, fidèle lecteur, lui répond:  «Ça va venir. Les Tadornes s’invectivent et se défient avant la bataille d’arguments».

Je n’ai pas vu la pièce, mais le texte de Francis Braun est un sacré coup d’épée. En plein cœur.

Pascal Bély.

———————————————————————————————————————————————————————-

Les cloches n’appellent pas le temps, elles appellent l’Éternité”.

Ah bas les sculptures de racines…”

Force de constater qu’il ne reste que ce ruisseau qui ne coule plus. Force de constater que le béton bloque tout.

Comme beaucoup, ils crient. Très fort, ils pensent que “personne ne peut tout”.

La pièce de Peter Handke, «Par les villages», mise en scène de Stanislas Nordey, n’est pas silencieuse. Elle est dénuée de bruit artificiel et les comédiens, tous en ligne, respectent son écriture… Disparu, le lien tutélaire. Il y a encore moins de protection, tout est remplacé, l’eau, la terre, le feu, les écoulements, les brûlures. C’était différent avant et ce n’est pas, là, une banalité. Et ils le racontent, tous, ce changement, cette société, ce bouleversement. C’est ainsi que quatre heures durant, ils font cet effrayant constat qui nous enfouit dans un amalgame bétonné.

Stanislas Nordey, Jeanne Balibar, Emmanuelle Béart, et des superbes seconds rôles (magnifiques comédiens) sont là. Des ouvriers, maîtres d’œuvre ou artistes géniaux nous racontent sans emphase. Une mise en scène sévère, rectiligne sans artifice. On oublie l’année dernière Simon Mac Burney: il n’y a pas de vidéo, il n’y a pas de gadget.

Retour à l’admiration du verbe, du texte, des dires devant 2000 personnes, juge et partie assis tous de face, admirateurs ou obstacles, pour ou contre, public sévère d’Avignon. Stanislas Nordey veut, dit-il,  parler à l’intime de chaque regard. Metteur en scène et comédien, il est là, fougueux, volontaire, puissant convaincant, incisant poignard, truelle maçonne, outil de la persuasion.

Ils re-disent parfois….”Ah bas les sculptures de racines”….

Stanislas Nordey mène sa troupe serrée, sans gesticulation. Ancrés, ils sont debout sur ce sol quelconque et devant des baraques de chantier traditionnelles (la Carrière Boulbon aurait-elle été préférable que la Cour….je pense). Le décor insignifiant, n’ajoute rien, n’enlève rien. Dans la seconde partie, les arbres blancs que compose cette façade plaquée et végétale d’un cimetière livide ne dérangent pas plus que leurs ombres esquissées…finalement  on s’en moque un peu. C’est un lieu de fin de vie, c’est un lieu de retrouvailles, c’est le lieu extrême de la fin. Aucune intégration avec les pierres séculaires, juste une cohabitation. Catherine Ribeiro aurait aimé ce “Carrefour de la solitude”, ce lieu indéfinissable et vivant du passé et de la mort (je pense à Catherine Ribeiro grande amie de Colette Magny à qui l’intendante du chantier Annie Mercier me fait penser par la force de sa violence).

Ce décor pour moi n’existe même pas. J’arrive à l’ignorer tant les voix me harcèlent.

Les voix des hommes, les voix des femmes.

Emmanuelle Béart, plus habituée au Cinéma qu’au Théâtre est une voix rauque, coléreuse, voire parfois hargneuse. Le poing souvent serré de sa main nous dit la violence de son propos, mais  il sonne comme un écho fabriqué, comme une volonté forcée plutôt que venant d’une injonction naturelle. Sa petite taille devant le mur l’ancre sur la Terre Bétonnée. Elle aurait pu disparaître dans la terre meuble. Je doute de ce choix de comédienne.

Emmanuelle Béart est seule, Jeanne Balibar est  seule, Annie Mercier est seule, les ouvriers sont seuls  et cette aventure par les villages est un peu un chemin  de solitude, un chemin où se cognent non seulement le désarroi et les déceptions, mais aussi  les regrets et les amertumes.  La civilisation nous convie à la solitude.

3443975_3_2b9a_jeanne-balibar-dans-par-les-villages-de_f6cd9ff9027b9f711af2bc9853b77fdc

Jeanne Balibar est seule. Seule à talons, yeux dans le vague, bouche haletante. Nova de sa hauteur parle. Elle monologue. Linéaire ses paroles, comme sur un fil, droite, parallèle à ce qu’elle doit dire, toujours rectiligne. Des hauts dans sa voix, des bas trémolos inquiétants. Pas de morale dans les syllabes, des conseils plutôt, des dires sur l’Art salvateur. Elle est implacable. Elle me fascine par sa ténacité verbale et la persuasion de son rictus. Elle se parle à elle-même comme si elle parlait aux Dieux  d’une Tragédie. J’aurais pu l’écouter longtemps, plus longtemps parler de la création, de la source bienfaisante de l’Art,  des démarches créatrices.
L’Art intemporel, l’Art solution extrême, seule échappatoire, l’’Art au dessus de toutes les contingences mercantiles ( ??? !!!). L’Art pour les humbles, l’Art pour les oppresseurs, l’Art pour les opprimés. L’Art, l’issue évidente.

Quatre heures bien sûr, c’est long, c’est envoutant, mais l’esprit parfois s’en va, nous laisse à la dérive. Seule, la puissance de la mise en scène, seul le talent de ces hommes et de ses femmes nous emporte, nous tient éveillés…Je suis resté accroché à Balibar.

Il est maintenant presque 1.30. On ne plaisante plus. La gardienne du cimetière se lève, les autres aussi, l’enfant fil conducteur a les yeux qui clignotent. Bas les masques, ou plutôt, mettez vos masques, continuez ainsi, les masques vous protègent, ils sont l’image de votre cachotterie, de la notre, de la leur….

Rien ne sert à rien, les masques ne tombent pas…on n’y peut  rien…

Toute la troupe, à la fin se lève, ils nous regardent, se regardent, portent à la main des masques de bois, dont il recouvre leurs visages…j’allais dire leurs VILLAGES !

Debout. Applaudissements.
Jeanne Balibar est grande et émue, il semble qu’Emmanuelle Béart pleure….

Francis Braun – Tadorne

“Par les villages” – Peter Handke, mise en scène de Stanislas Nordey à la Cour d’Honneur  - Festival d'Avignon – 6.7.2013
Catégories
FESTIVAL D'AVIGNON LE THEATRE BELGE! Vidéos

Avignon Off 2013 – Nous avons compris.

«Je vous ai compris!» dit-il de sa voix solennelle. Cinquante ans après, cette expression inaugure notre Festival Off d’Avignon à travers la pièce de la compagnie Groupov. Elle résonne avec l’ouverture de l’In, où l’Espagnole Angelica Liddell dans «Ping pang qiu», nous avait interpellés sur les mots utilisés par les politiques…

Cinquante ans après, deux comédiennes, Valerie Gimenez et Sinda Guessab, nous font vivre de l’intérieur cette allocution mythique. Elles incarnent un couple improbable, celui de leurs parents: un gendarme pied-noir (militant du Front National) et une Algérienne naturalisée française. Leur histoire originelle est différente et distanciée, mais le contexte politique actuel les relie: face à nous, elles font ce travail d’introspection que la France ne veut pas entamer.

Les tons sont rapidement campés. L’homme est un peu timide, maladroit et pose ses valeurs nationalistes. Ses bégaiements en disent long sur ces mots de l’Histoire qui butent sur l’intime douleur…La femme est souriante, généreuse, pétrie de forces et d’émotions. Mais ses rires ne sont que barrières de défense qui peu à peu cèdent…Les mots «tirs» de l’un traversent les sourires «tics» de l’autre.

La mise en scène se construit derrière elles, grâce à l’excellent coup de crayon du dessinateur Samir Guessab. La chorégraphe Mathilde Monnier, au dernier festival Montpellier Danse, avait su tirer parti de cet outil, dans sa proposition d’amateurs «Qu’est-ce qui nous arrive ?»… La main précise de François Olislaeger nous avait dévoilé petit à petit les détails de ce territoire inconnu. Même démarche ici comme si le dessinateur chorégraphiait les mots. Là où l’image vidéo perd souvent le spectateur dans une opposition plateau/écran, ici les dessins font lien entre les deux personnages. Les plis de la veste du gradé apparaissent en quelques traits noirs et le propos transpire. Le crayon glisse sur l’écran et nous ouvre le regard sur ce pays, sur les actes des indigènes et des colons. Chacun est enfermé dans ses représentations et tente de construire un pays hybride. Les processus d’hier continuent de séparer notre société d’aujourd’hui, provoquant le malaise d’une incommunicabilité sectaire: qui est l’indigène, qui est le Français de souche? Qui colonise qui et quoi?

Comment ne pas repenser à «Méditerranées» film de 35min d’Olivier Py. On y retrouve la même senteur des orangers, la même beauté des montagnes, l’immensité de l’horizon que découpe la mer, la même mélancolie de ces êtres humains confrontés à la perte de leurs racines; la même odeur de la torture et de la mort qui les laissent marqués au fer rouge pour toujours tels de simples moutons.

«Je vous ai compris» est une œuvre forte, car elle célèbre la liberté d’expression: ouvrir la parole intime de chacun pour penser une politique pour tous. Il faut un sacré courage pour oser un tel rendez-vous avec l’Histoire et accompagner le spectateur à faire ce travail d’introspection. Car ne nous y trompons pas: cinquante après, l’expression de De Gaulle agit comme un secret de famille.

De génération en génération, elle détonne comme une mine antipersonnel.

Sylvie Lefrère – Pascal Bély – Tadornes

« Je vous ai compris » par la compagnie Groupov à la Manufacture jusqu’au 27 juillet à 11h.
Catégories
ETRE SPECTATEUR FESTIVAL D'AVIGNON

Le 12 juillet, du matin à la nuit…rejoignez les spectateurs Tadorne sur les chemins du OFF

Le vendredi 12 juillet, de 10h à minuit, nous vous invitons à un parcours avec l’équipe des spectateurs Tadornes. Nous serons rhyzomes sur le territoire d’Avignon, de la ville intra-muros à l’ile Piot.

Nous vous proposons une sélection de cinq spectacles qui pourrait susciter votre curiosité. Différentes formes seront au rendez-vous : le théâtre Belge de David Murgia dés le matin, le cirque décapant de Ludor Citrik, un doux clin d’œil à la performeuse Sophie Calle, une pièce de danse théâtre où la performance comme forme narrative d’expression avec la Cie Brigitte Nielsen Society et pour finir  une soirée unique «NightsShots» avec la compagnie Akté.

Entre chaque spectacle, nous échangerons nos ressentis, nos visions. Nous tisserons peu à peu des liens entre nous et les œuvres pour stimuler notre regard critique.

Ensemble, nous ferons nos retours le dimanche 14 juillet de 11h30 à 13h dans le bar couvert du village du Off pour faire éclater un feu d’artifice d’émotions et de débats.

Le groupe des Tadornes vous attend.

Le groupe est limité à 10 personnes : pour vous inscrire, pascal.bely@free.fr / 06 82 83 94 19

Le programme

10h40 – La Manufacture – “Discours à la Nation  d’Ascanio Celestini par le Festival de Liège / Théâtre National de Bruxelles.

15h30 – Espace Vincent de Paul Ile Piot – “Qui sommes je?” de Ludor Citrik.

17h55 – La condition des Soies – “Absente: rendez-vous avec Sophie Calle” de Shakespeare’s Wild Sisters Group.

19h50- Présence Pasteur – “La jeune fille et la morve” de Brigitte Nielsen.

21h45 – La Manufacture – “Nightshots 4″– Compagnie Akté.

 

Catégories
ETRE SPECTATEUR FESTIVAL D'AVIGNON

Nos 100 spectacles pour le Festival Off 2013.

Nous sommes 5: Sylvie Lefrère, Bernard Gaurier, Sylvain Saint-Pierre, Laurent Bourbousson, Pascal Bély. Ensemble, nous avons élaboré le projet des Offinités Publiques pour le Festival Off d’Avignon où nous désirons créer la relation interactive entre publics, artistes et animateurs du Tadorne. La parole des spectateurs sera au centre des débats. Chaque Offinité dessinera des portraits pour révéler l’histoire de chacun avec le festival.

Ces Offinités auront lieu les jours pairs de 11h30 à 13h, à partir du 10 juillet, au chapiteau en bois du village du OFF.

Tout au long de ces trois semaines de festival, vous pourrez suivre ces rendez-vous à partir de la page Facebook du Off, du blog du Tadorne et du groupe «les Offinités des spectateurs».

Deux Offinités auront une démarche particulière :

Le 11 juillet à 16h : des professionnels de la toute petite enfance feront un retour de leur journée au Off pour révéler, «le grand Off du tout-petit».

– Le 12 juillet, nous animerons une Offinité, «La performance des spectateurs». Nous proposerons à un groupe de spectateurs de suivre avec nous un parcours théâtral de 5 spectacles du matin à minuit. Nous échangerons entre les spectacles, n’hésiterons pas à faire part de nos ressentis aux spectateurs de passage puis relaterons cette journée le 14 juillet à 11h30 au Village du Off (programme en ligne).

Pour établir la sélection des 100 spectacles du Off, nous nous sommes inspirés des thèmes des Offinités Publiques mais aussi de nos désirs d’aller à la rencontre de compagnies, d’auteurs, d’artistes dont le propos nous a interpellés.

Le programme des Offinités.

10 juillet, «Notre ciel d’Avignon» ou comment l’exposition «Nuage» au Musée Réattu d’Arles évoque le spectateur d’Avignon.

11 juillet, 16h, « Le grand off du tout-petit ».

12 juillet de midi à minuit, «Une performance de spectateurs».

14 juillet à 11h30, le retour sur notre performance de spectateurs du 12 juillet

18 juillet,  «Le Off, théâtre monde?», avec la participation d’Amnesty International et des metteurs en scène Catherine Graziani et Julien Bouffier.

20 juillet, «Quelles écritures du réel au Off ? »

22 juillet, “Danse, Théâtre : tous dans le même mouvement !»

24 juillet, «Être spectateur co-producteur : pour quels projets ? » avec les spectateurs et compagnie adeptes du crowdfunding.

26 juillet,   “Merveilleux festival Off ?” avec le chorégraphe Philippe Lafeuille.

28 juillet, «Spectateur, quel programmateur êtes-vous ?» avec la participation de deux spectateurs (Marie-José Mas et Daniel Le-Beuan).

 

Notre sélection de spectacles.

Nous précisons que cette sélection évoluera au cours du Festival au hasard des rencontres et des coups de coeur de chacun. Cet article sera donc régulièrement modifié.

Maison du Théâtre pour enfants.

Papa est en bas” par la compagnie La Clinquaille.

Camion à histoires” par l’Ardenois et Compagnie.

Le jour de la fabrication des yeux” par la Compagnie pour ainsi dire.

Voyage sonore interactif” par PhiléMOI-les Sculpteurs de sons (Sélection Offinité du 11 juillet, “Le grand Off du tout-petit“)

Concert-tôt” par la compagnie Ensemble FA 7 (Sélection Offinité du 11 juillet, “Le grand Off du tout-petit”)

“C’est dans la poche” par la compagnie Jardins Insolites (Sélection Offinité du 11 juillet, “Le grand Off du tout-petit“)

Le papa-maman” par la compagnie la Parlote (Sélection Offinité du 11 juillet, “Le grand Off du tout-petit”)

Les Hivernales – Programme Danse.

Une douce imprudence” d’Eric Lamoureux et Thierry Thieu Niang.

N. l’étoile dansante” d’Aurélien Kairo.

Altérité” de Bouzianne Bouteldja et Coraline Lamaison.

Hidden et Choice” d’Olga Cobos et Peter Mika.

My god” d’Hassan Razak.

Trajets de ville” d’Anne le Batard et Jean-Antoine Bigot.

Weltanschauung” de Clément Thirion et Gwen Berrou.

La Parenthèse.Programme Danse.

Du 8 au 14, à 10h: “Helder“, “Gerro, minos and him“, “Autarcie

Du 15 au 21, à 10h, “Abois“, “Désastre“, “Let it be me“, “Toi et moi

Du 8 au 14, à 18h, “Les frères et les lions“.

La Manufacture

Discours à la Nation” , Théâtre National de Bruxelles (Sélection “Une performance de spectateurs” le 12 juillet)

Risk” de John Retallack.

End/Igné” de Mustapha Benfodil.

Hold On” de la Compagnie Le Laabo.

J’ai apporté mes gravats à la déchetterie” d’Anne Lefevre.

La putain de l’Ohio” de Hanokh Levin.

Je suis/ tu es Calamity Jane”  de Nadia Xerri-L

Je deviens Jimmy Hendrix“, Eric Da Silva.

Miss Knife” d’Olivier Py.

Silence encombrant” par la compagnie Kumulus.

Je vous ai compris” par la compagnie Groupov (Sélection Offinités du 20 juillet, «Quelles écritures du réel au Off ? »)

Italie-Brésil 3 à 2″ par la Compagnie Tandaim.

Addictions(s): Paroles d’Artistes” par la compagnie Akté (Sélection “Une performance de spectateurs” le 12 juillet)

Théâtre des Halles.

King Lear Fragments” de Shakespeare par le collectif Mains d’Oeuvre.

Blanche Aurore Celeste” de Noëlle Renaude par Alain Timar.

übü kiraly” d’Alfred Jarry par Alain Timar.

Illumination(s)) par Madani Compagnie ( (Sélection Offinités du 20 juillet, «Quelles écritures du réel au Off ? »)

Closer” par le Poche, Genève.

Théâtre le Girasole.

Vivarium” de Thierry Simon-Lansman Editeur.

Bruits d’eaux” par Catherine Graziani (Critique du Tadorne)

Savez-vous que je peux sourire et tuer en même temps” de François Chaffiin.

Théâtre Arto.

Les ratés” par la compagnie Roketta.

Le Théâtre des Doms.

Ici s’écrit le titre de la pièce qui nous parle d’Ante” d’Ivor Martinic.

Combat avec l’ombre” par la compagnie Frederic Dussenne.

La petite évasion“, Théâtre de la Guimbarde.

Smatch (1)), si vous désespérez un singe, vous ferez exister un singe désespéré” par le Corridor (Critique du Tadorne)

Théâtre de la condition des soies. 

Absente: rendez-vous avec Sophie Calle” par Shakespeare’s Wild Sisters Group (Sélection “Une performance de spectateurs” le 12 juillet)

Debout dans le vide” de Damien Ricour.

Sei Solo suivi de Moments d’Absence” par Raphaël Cottin et Cécile Loyer (du 8 au 13)

rock identity” de Katalin Patkaï (du 15 au 21)

Milf” de Katalin Patkaï (du 16 au 20)

Les Rois suivi de Souffle”  par Nicolas Maloufi et Pierre Pontvianne.

Présence Pasteur

Frozen” de la compagnie Théâtre du Centaure.

Pinocchio” par la compagnie Caliband Théâtre.

Frères de sang” par la compagnie Dos à deux.

L’héroïsme au temps de la grippe aviaire” par la compagnie des ils et des elles.

La petite fille et la morve” par Brigitte Nielsen Society (Sélection “Une performance de spectateurs” le 12 juillet)

Grenier à sel

Les règles du savoir-vivre dans la société moderne” par la Compagnie Ici comme ailleurs.

Le mardi à Monoprix” par la compagnie Le Théâtre Dû.

Mooooooo-onstres” par le collectif Label Brut.

Terre rouge” par la compagnie Bottom Théâtre (Sélection Offinités du 18 juillet,  «Le Off, théâtre monde?»)

Enfatillages” par la compagnie d’Air.

La Chapelle du Verbe Incarné.

Dansez” par la compagnie Boukousou.

La loi de Tibi” par la compagnie de l’Autre Souffle.

Terre Sainte” par le Théâtre du Passeur.

Les irrévérencieux” par la Compagnie du Théâtre des Asphodèles.

L’Adresse.

Jacques le fataliste” par la compagnie Hirsute.

Le boxeur” par la compagnie Troupuscule Théâtre.

Le Thanatologue” par la compagnie Tchoutchak.

Le réveil” par la compagnie Trésor de Sophie.

Quelque chose de commun…” par La Nivatyep Compagnie (Sélection Offinité du 22 juillet, “Danse, Théâtre : tous dans le même mouvement !»)

Le stabat mater furiosa” par la compagnie Frament de m’onde.

Jardin Ceccano – Médiathèque Ceccano

A l’ombre des Ondes – Siestes audio-parlantes” par la compagnie Kristoff K.Roll.

L’entrepôt.

A peine une sensation...” par la compagnie Anitya.

Espace Vincent de Paul.

Qui sommes je?” de Ludo Citrik ( Critique du Tadorne)

Les beaux orages qui nous étaient promis“, Collectif Petit Travers.

Théâtre du Roi René

La mouette“, compagnie Laboratoire de l’Acteur.

Made in France” par la Compagnie Kalisto (Sélection Offinités du 24 juillet, «Être spectateur co-producteur : pour quels projets ? » avec les spectateurs et compagnie adeptes du crowdfunding).

Théâtre le Chêne noir.

Tom à la ferme”  par le Théâtre de l’Héliotrope.

Une journée particulière” avec Corinne Touzet et Jérôme Anger.

Journal de ma nouvelle oreille” et “La compagnie des spectres” par le Théâtre Vidy Lausanne.

Hotel Paradiso” par la compagnie Familie Flöz.

Théâtre du Bourg Neuf.

Le chemin des passes dangereuses” par la Compagnie de la Salamandre.

Théâtre les trois soleils.

La mort de Marguerite Duras” par la Compagnie du Pas Sage.

Je suis un prophète, c’est mon fils qui l’a dit” d’Abel Aboualiten.

Tremplin.

Subway plage” par la compagnie Univers Scène Théâtre.

Pitchoun Théâtre.

Jean Cocteau / Anna Prucnal” par la compagnie Atypik.

Théâtre de l’Observance.

Music Hall” par la Compagnie 21.

 Théâtre de l’Albatros.

Barbara, j’ai peur mais j’avance” par la compagnie du Théâtre du Tropic.

Fabrik Théâtre.

Il suffit d’un train pour pleurer” par le Théâtre Petit Comme un Caillou.

Théâtre Golovine.

A l’ombre de Coré” par la Compagnie Baktus.

Shadowrama” par la Compagnie Les Eponymes.

Ballet Bari” par la Compagnie Pyramid.

Théâtre du Collège de la Salle.

“Jongle” par la compagnie Théâtre Bascule.

L’Alizé

Mangez le si vous voulez” par la compagnie Fouic Théâtre.

Lignes” par la compagnie Artizan.

Espace Alya.

Tapage dans la prison d’une reine obscure” par la compagnie l’Echapée.

Le nez dans la serrure” de la Compagnie du Dragor.

Caserne des Pompiers.

Perf” par la compagnie Marinette Dozeville.

Théâtre des Barriques

Ressemblance” par la Compagnie Et Lounda.

Théâtre de l’Oule.

Le secret de la petite chambre” par la compagnie Collectif Zone Libre.

La’ad” par la compagnie Natya.O’

Catégories
FESTIVAL D'AVIGNON FESTIVAL DES ARTS DE BRUXELLES OEUVRES MAJEURES Vidéos

Avignon Off 2013 – Chercheurs-artistes: le nouveau monde.

« Smatch » de Dominique Roodthooft a été joué du 17 au 23 mai 2009 dans le cadre du KunstenFestivalDesArts et sera joué au Théâtre des Doms dans le cadre du Festival Off d’Avignon du 7 au 28 juillet 2013.
Il y a des spectacles que l’on n’est pas prêt d’oublier. « Smatch » de Dominique Roodthooft est de ceux-là. Présenté au KunstenFestivalDesArts de Bruxelles puis à Avignon, on se prend à rêver qu’elle trimbale sa machinerie et ses chercheurs-artistes aux quatre coins de l’hexagone. Car, il y a urgence. La France n’écoute que sa plainte; les corporatismes n’ont jamais été aussi puissants ; l’émiettement est devenu une stratégie pour bloquer les processus d’innovation. La recherche, stigmatisée par le pouvoir, se coupe progressivement de la société. Après avoir été le moteur de la modernisation du pays après la guerre, elle ne sait plus très bien quel rôle « politique » jouer dans un environnement mondialisé, au coeur d’une crise systémique. De son côté, la Belge Dominique Roodthooft nous propose une articulation prometteuse entre artistes et chercheurs pour nous aider à ouvrir les possibles, à penser différemment le complexe autrement qu’en utilisant les modèles rationalistes usés de l’ère industrielle.

La première scène donne le ton. Trois comédiennes et un vidéaste-performeur se penchent sur une carte de la Belgique, projetée sur grand écran. La partie supérieure, coloriée de couleurs chaudes, est divisée entre les provinces flamandes, tandis que le côté inférieur (la Wallonie) est d’un bleu uniforme et imprécis. Est-ce la mer, un lac ? Avec les frontières, l’un d’eux s’amuse à dessiner un animal pour changer le regard. Rires dans la salle. En effet, le clivage a fini par s’imposer à tous (même aux auteurs de cette carte !) et nous empêche de voir la Belgique dans toute sa complexité. Dit autrement,  « si vous désespérez un singe, vous ferez exister un singe désespéré ».

Après avoir transformé la scène en espace bifrontal pour y installer un laboratoire, nos artistes-chercheurs vont pendant deux heures nous projeter des  interventions (la philosophe Vinciane Despret, un couple d’éleveurs de vaches, un informaticien, un juriste, un imitateur du cri du cochon) tout en prolongeant le propos sur leur minuscule scène artistique! Tous démontrent avec pédagogie et créativité, que la réalité n’existe pas : elle n’est qu’une construction. C’est le regard que nous portons sur les animaux qui les rendent bêtes. C’est notre vision de la dune comme mouvement submersible qui nous empêche d’imaginer qu’elle puisse faire de la musique. Elle finit même par nous conduire à construire des murs pour nous en protéger plutôt que de lui offrir des chemins de traverse ! C’est ainsi que l’expression « ce n’est pas possible » est elle aussi une construction, une paresse de la pensée qui nous interdit d’imaginer que le changement est une dynamique et pas uniquement une logique verticale descendante.

À mesure que « Smatch » avance, la jubilation augmente. Notre imaginaire est sans cesse stimulé (à l’image de ces ampoules qui pendent, transformées en aquarium, car l’électricité n’est pas là où l’on croit !) afin que le discours du chercheur trouve ses prolongements, ses résonances chez l’individu et le collectif. Le spectateur est inclut dans un changement de représentation parce qu’accompagné à se projeter dans l’articulation chercheur – artiste, métaphore d’un nouveau paradigme.  La scénographie donne à la pensée complexe le cadre qui lui manque tant dans nos sociétés : fini la spécialisation des savoirs, vive les savoirs qui relient, qui ouvrent les possibles, qui déploient la créativité !

Avec « Smatch », on s’autorise à inventer d’autres histoires que celles que l’on voudrait nous faire jouer ; on peut créer les nouveaux territoires qui nous permettent de voir ce que nos répétitions cartésiennes nous empêchent d’appréhender.

Avec « Smatch », on se prend à rêver qu’un ministère de la recherche et de la culture européen soit installé symboliquement sur la frontière. Pour la faire bouger.

Pascal Bély – www.festivalier .net

Catégories
ETRE SPECTATEUR FESTIVAL D'AVIGNON

Peut-on révéler l’esprit critique et créatif du spectateur au Festival Off d’Avignon 2013?

Pour la troisième année consécutive, le Festival Off d’Avignon nous confie la mission d’animer les jours pairs, un espace critique et participatif avec les spectateurs. Sylvie Lefrère, Sylvain Saint-Pierre, Bernard Gaurier, Laurent Bourbousson et moi-même vous accueilleront au Village de 11h30 à 13h.

«Les Offinités publiques du Tadorne» seront hors des logiques promotionnelles : nous désirons créer la relation interactive entre publics, artistes et animateurs. La parole des spectateurs sera au centre des débats. Chaque Offinité dessinera des portraits pour révéler l’histoire de chacun avec le festival.

Ces Offinités auront  lieu au chapiteau en bois du village du OFF. C’est un lieu ouvert, circulaire, qui permet une parole libre et fluide. Des banquettes sur les côtés, ou une chaise au milieu, à chacun de choisir sa place et d’en bouger quand il le souhaite.

Tout au long de ces trois semaines de festival, vous pourrez suivre ces rendez-vous à partir de la page Facebook du Off, du blog du Tadorne et du groupe «les Offinités des spectateurs».

©Colombe Clier 2013, Exposition Nuage Arles

Deux Offinités auront une démarche particulière :

– Le 11 juillet à 16h : des professionnels de la toute petite enfance feront un retour de leur journée au Off pour révéler, «le grand Off du tout-petit».

Le 12 juillet, nous animerons une Offinité, «La performance des spectateurs». Nous proposerons à un groupe de spectateurs de suivre avec nous un parcours théâtral de 5 à 6 spectacles de midi à minuit. Nous échangerons entre les spectacles, n’hésiterons pas à faire part de nos ressentis aux spectateurs de passage puis relaterons cette journée le 14 juillet à 11h30 au Village du Off.

Le programme :

10 juillet, «Notre ciel d’Avignon» ou comment l’exposition «Nuage» au Musée Réattu d’Arles évoque le spectateur d’Avignon.

11 juillet, 16h, « Le grand off du tout-petit ».

12 juillet de midi à minuit, «Une performance de spectateurs».

14 juillet à 11h30, le retour sur notre performance de spectateurs du 12 juillet

18 juillet,  «Le Off, théâtre monde?», avec la participation d’Amnesty International et des metteurs en scène Catherine Graziani et Julien Bouffier.

20 juillet, «Quelles écritures du réel au Off ? »

22 juillet,«Danse, Théâtre : tous dans le même mouvement !»

24 juillet, «Être spectateur co-producteur : pour quels projets ? » avec les spectateurs et compagnie adeptes du crowdfunding.

26 juillet,  “Merveilleux festival Off ?” avec le chorégraphe Philippe Lafeuille.

28 juillet, «Spectateur, quel programmateur êtes-vous ?» avec la participation de deux spectateurs (Marie-José Mas et Daniel Le-Beuan).

Les Offinités: un rendez-vous à co-construire, à s’approprier pour révéler l’esprit critique et créatif du spectateur.

«Les Offinités du Tadorne» par Pascal Bély et Sylvie Lefrère.
Contact : pascal.bely@free.fr / 06 82 83 94 19
Crédit photo: C. Clier.
Catégories
ACCUEIL DES LIEUX CULTURELS FESTIVAL D'AVIGNON LES EXPOSITIONS Marseille Provence 2013 Vidéos

Au Musée Réattu d’Arles, l’exposition «Nuage» dévoile notre ciel d’Avignon.

Arles – Sylvie Lefrère et Pascal Bély

En cette fin de printemps, les nuages sont une fois de plus de sortie, mais qu’importe…nous avons rendez-vous au Musée Réattu d’Arles pour  «Nuage», l’une des expositions phares de Marseille Provence 2013. Elle est notre point de ralliement pour finaliser notre projet d’Offinités Publiques, où spectateurs, lecteurs et contributeurs du blog «Le Tadorne» créeront les jours pairs au Festival Off d’Avignon, un espace critique ouvert et vivant. En entrant dans le Musée, nous ignorons encore que nous y resterons la journée…

Au commencement, nous contemplons longuement l’œuvre de Jaume Plensa installée dans la cour du Musée où un amalgame de signes construit de la matière d’où la poésie émerge. L’universalité prend corps dans la transparence. L’écriture d’Asie, les chiffres d’Égypte, la calligraphie arabe se mêlent et nous donne le canevas de la communication ouverte. Notre regard se met en dynamique: d’une vue globale, il s’affine dans des trouées.

jaume_plensa-01

De ces puits de lumière, il éclaire notre vision et les points cardinaux changent de repères. «Nuage» nous projettera donc dans un univers de langages qui traversera nos corps et nous donnera l’assise qui autorise toutes les pensées, pourvu qu’elles ouvrent, relient les mots et poétisent nos liens. « Nuage IV » de Jaume Plensa est l’œuvre qui métaphorise notre projet pour Avignon.

Nous avons finalement investi le lieu pendant plus de cinq heures : debout pour arpenter les 26 salles ; assis sur la moquette nuageuse pour réfléchir et écrire entourés des corps célestes d’Inigo Manglano-Ocalle (deux «peintures» reproduisant l’ADN d’un couple); couchés dans des coussins en forme de galets de l’installation de Céleste Boursier-Mougenot pour regarder autrement le rivage du Rhône, projeté sur les murs, comme une ouverture vers de nouvelles perspectives.

En nous installant dans le musée, nous avons osé sortir du cadre (celui où le visiteur passe de salle en salle sans se (re)poser pour élaborer) à l’image de la troublante œuvre de Corinne Mercadier (“Black Screen Drawing”). Notre cheminement dans ce lieu nous a donné la vision des liens que nous souhaitons instaurer avec les spectateurs d’Avignon. N’est-ce pas là, une des fonctions de l’art ?

Aujourd’hui, nos systèmes déconnectent le sens de l’action. En nous invitant à donner un grand coup de masse dans les deux  gongs de Matter/Spirit de Jaume Plensa, celui de l’esprit et l’autre de la matière, nous ressentons les vibrations de la co-construction qui les rapprochent, en transversalité, du bas vers le haut, de la terre vers le ciel.  Fatigués par la lourdeur d’une profonde crise de la pensée, nous aspirons à la légèreté des Tranches de nuage de Jean Arp où le poids se confronte à l’air, où le minéral solide s’oppose au gaz pour créer une nouvelle matière vivante à l’image du Nuage prenant racine de Christian Rothacher

Telle sera notre finalité à Avignon: nous ferons sonner les gongs au commencement de chaque offinité pour relier l’esprit du spectateur à la matière foisonnante du Festival Off (plus de 1200 spectacles !).

En se laissant porter par les vents, la condensation des gouttelettes d’eau se réunit et fabrique les nuages . Le ciel se dessine grâce à leurs  fragments qui se forment, se deforment. Des vents nouveaux réorganisent la composition du ciel. Le temps se métamorphose, du singulier au collectif. L’évaporation des plus petits bâtit de nouveaux horizons. Éphémère phénomène météo qui façonne le paysage, dégage de la vision où les ombres sur la terre laissent passer les rayons du soleil à l’image des photographies envoutantes d’Edward Weston (Dunes). Lors des Offinités, nous créerons les nuages à partir des paroles parsemées qui, par l’effet du collectif réuni, formeront un paysage d’ombres et de lumières.

Le cheminement proposé par la commissaire Michèle Moutashar nous emmène à notre insu vers de nouveaux territoires à l’image de la  La machine à Poèmes de Marcel Broodthaers où l’ imaginaire spirituel se relie avec le réel et lui donne une force clairvoyante. Le promenoir à nuages de Françoise Coutant nous propulse encore plus loin dans ce désir de s’affranchir de la mécanique pour la poétiser. Pour nos offinités, nous aspirons à introduire le regard poétique dans un espace public et ouvert : les spectateurs critiques disposeront de promenoirs…Ainsi, le ciel et la terre se reflètent comme dans un miroir. Du figé apparaît le mouvement et nos échelles de valeurs nous élève vers l’utopie symbolisée par Le Cloud Cleaner de Robert et Shana ParkeHarrison. Nos offinités nourriront l’utopie de Jean Vilar pour qui « le public est l’artisan de son théâtre ».

Au fur et à  mesure,  l’exposition nous donne de l’énergie, et de notre projet apparait l’œuvre de Michael Sailstorfer, «Cumulus». Nous contemplons  la rotation de la matière actionnée par la machine qui, peu à peu, dévoile sa poésie, entre mère et ciel, liens et formes, projet et sens. Notre ciel d’Avignon se dévoile, parsemés de spectateurs-nuages, fruit de la condensation de nos sensibilités croisées, pour des écrits-paysages qui seront publiés quotidiennement sur le blog.

La journée s’achève sous le soleil. Ce musée est un lieu d’art où se relient les projets…un lieu de rencontres, sans éducation, où l’on se nourrit d’interactions et de convivialité. Nos offinités publiques seront nuage, car l’art est brume.

Sylvie Lefrère et Pascal BélyTadornes.

Crédit photo: Gazull.
" Nuage" au musée Reattu à Arles du 16 mai au 31 octobre 2013
"Les offinités publiques du Tadorne" au Village du Off du Festival d'Avignon, de 11h30 à 13h, les jours pairs du 8 au 30 juillet 2013.