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Année 2006: la lente métamorphose théâtrale.

Les dix plus belles métamorphoses théâtrales.

1- « Combat de nègre et de chiens », par Arthur Nauziciel. Festival d’Avignon.
2- «Guerre et Paix» par Piotr Fomenko. La Criée. Marseille.
3- « Face au Mur » d’Hubert Colas. Théâtre du Gymnase. Marseille

4- « Psychiatrie/Déconniatrie » par Christian Mazzuchini. Théâtre du Merlan, Marseille.
5- « Au monde » de Joël Pommerat. Festival d’Avignon.
6- « Rouge décanté » par Guy Cassiers. Festival d’Avignon.
7- « Long life » par Alvis Hermanis. Théâtre des Salins. Martigues.
8- « Le révizor » par Christophe Rauck . Théâtre des Salins. Martigues.
9- « Gente di Plastica » par Pippo Delbono. Théâtre des Salins. Martigues.

10- « Les poulets n’ont pas de chaises » par Marcial Di Fonzo Bo. Festival d’Avignon.

Au commencement, il y avait le chapitre 1 du bilan! Par la suite, n’oubliez pas le chapitre 3!

En 2006, la danse a métamorphosé mon regard, ma place de spectateur. Elle a dérangé mes certitudes et effacé mes approximations. Le théâtre m’est apparu plus en retrait dans ce mouvement d’émergence d’une culture transversale et pluridisciplinaire. Dix pièces ont tout de même jalonné mon parcours de spectateur en quête de nouveaux textes, de jeux d’acteurs improbables et de résonances personnelles révélées.
L’année 2006 aura vu l’articulation entre le langage « cinématographique » et théâtral. Elle a mis du lien entre les corps, les mots et le contexte de l’histoire mais elle a surtout permis de structurer l’inconscient comme un langage.
Les rythmes linéaires dans la mise en scène ont ainsi laissé la place à des mouvements plus complexes. « Combat de nègres et de chiens » d’Arthur Nauziciel a été le plus novateur dans ce changement de temps et d’espace en donnant au spectateur la bonne distance émotionnelle pour l’inviter à réfléchir autrement sur le racisme.
« Au monde » de Joël Pomerat est allé plus loin pour comprendre la complexité d’un système familial en osant une mise en scène entre théâtre et cinéma à l’image d’un « entre-deux » entre l’art et la psyché.
Guy Cassié
, avec « Rouge décanté » (cf.photo) utilisa la vidéo comme support au langage de l’inconscient en nous offrant des effets visuels et de lumières saisissants capables de décanter la mémoire du personnage principal.
Cette déconstruction du temps et de l’espace fut largement utilisée par l’acteur et metteur en scène marseillais Christian Mazzuchini dans « Psychiatrie / déconniatrie » pour faire apparaître l’inconscient par un procédé créateur. Ici aussi, la vidéo était au service d’un nouveau langage loin de l’esthétique vide de sens.
Cette « déconstruction » de la mise en scène fut le moyen de nous parler de notre société mondialisée. Hubert Colas, avec « Face au mur », a conféré aux textes de Grimp une actualité brûlante par un jeu d’acteurs emprunté aux idéologies comportementalistes si chères à une certaine classe politique.
Pipo Delbono, avec « Gente di Plastica » fut peut-être le metteur en scène le plus radical : peu de texte, tout était suggéré pour nous inviter à faire notre chemin dans la réflexion sur la conduite actuelle et passée du monde.
Dans ce bilan, comment ne pas évoquer l’apport des Pays de l’Est ? Avec eux, le regard du spectateur, loin de se centrer sur un point de la scène, devenait horizontal. Piotr Fomenko avec « Guerre et Paix » nous a proposé une mise en scène si « globale » qu’elle nous obligeait à nous mettre en mouvement et le théâtre, par magie, se transformait en fresque animée !
Même vision avec « Long Life » du letton d’Alvis Hermanis où le jeu des acteurs, tel un film d’animation, nous propulsait à regarder la scène comme un écran large capable de suivre au plus près le processus de vieillissement d’habitants d’un immeuble.
Ces mêmes mouvements saccadés et quasi chorégraphiés du corps animèrent la mise en scène décomplexée de Christophe Rauck avec son « Révizor » haut en couleur ! Dans la même veine, «Les poulets n’ont pas de chaises» de Copi mis en scène par Marcial Di Fonzo Bo m’aura permis de traverser le dessin ! De statique, il devenait animé. Cette belle et touc
hante mise en mouvement a donné un sens presque universel aux dessins de Copi publiés dans le Nouvel Observateur dans les années 60-80.

2007 promet un théâtre encore plus ouvert. C’est inéluctable.

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Année 2006: les onze oeuvres sublimes.




Les 11 oeuvres majeures de 2006


1- Michel Kelemenis, « Aphorismes Géométriques ». Festival « Danse à Aix » 2005 ; « Danse en Avril ». Aubagne / Théâtre des Salins de Martigues.
2- Joseph Nadj, Miguel Barcelo,
« Paso Doble ».  Festival d’Avignon.
3- Angelin Preljocaj,
« Empty Moves ». Pavillon Noir, d’Aix en Provence.
4- Sidi Larbi Chercaoui,
"Zero Degrees". Théâtre de Chateauvallon.
5- Alain Platel,
« VSPRS ». KustenFestivaldesArts de Bruxelles.
6- Russell Maliphant,
« Pusch ». Scène Nationale de Cavaillon.
7- Claude Brumachon,
« Icare ». Festival Les Hivernales. Avignon.
8- Patricia Allio, «
sx.rx.Rx». KustenFestivaldesArts de Bruxelles.
9- Heiner Goebbels,
« Eraritjaritjaka – Musée des Phares » au Festival de Marseille.
10- Pina Bausch,
« Kontakthof ». Théâtre du Merlan de Marseille.
11- Maguy Marin,
« Ha ! Ha!». Festival Montpellier Danse.

Faire le bilan d’une année de spectateur nomade est émouvant. Des images défilent, des sensations renaissent et je m’étonne encore d’avoir pu écrire sur ces œuvres sublimes. Ce premier article évoque ces spectacles qui ont profondément déconstruit mon regard, cassé mes schémas pour les ouvrir et me permettre d’élaborer une représentation différente du corps, de l’espace et du jeu. Onze œuvres majeures, fondamentales, celles qui vous communiquent la force de tracer votre voie vers le sens.

En tout premier, Michel Kelemenis m’a offert le plus beau spectacle de danse de l’année avec « Les aphorismes géométriques ». Cette « ode à la femme » m’a donné ce socle capable d’appréhender la danse à partir du sens.  Il a su mettre en mouvement ce que je sublimais encore ( !). Je n’en suis toujours pas revenu.

Le chorégraphe Joseph Nadj et le peintre Miquel Barcelo ont sidéré les spectateurs  du Festival d’Avignon avec « Paso Doble ». À l’issue d’une heure tout à la fois tragique et splendide, le tableau devenait charnel, le danseur pinceau. Inoubliable.

Le chorégraphe  Angelin Preljocaj, avec « Empty Moves » a osé une ode au mouvement. Je ne pensais pas qu’un geste dansé pouvait être aussi pur, qu’il pouvait donner du sens au sens ! « Empty Moves » a peut-être inspiré l’architecte Rudy Ricciotti pour la construction du magnifique « Pavillon Noir », propriété des Balles Preljocaj à Aix en Provence, inauguré en octobre 2006.
Toujours sur le registre du sublime, deux chorégraphes ont inscrit la danse dans le champ de la relation circulaire, de « l’écologie du lien » si chère à Edgar Morin : Russel Maliphant avec « Pusch » et Claude Brumachon avec « Icare ». Je fus bouleversé par la force émotionnelle de ces deux œuvres: j’ai lâché – prise.


C’était un soir de juillet dans le magnifique site de Chateauvallon. Deux chorégraphes, l’Anglo – Bengali Akram Khan et le Belgo – Marocain Sidi Larbi Cherkaoui articulaient avec « Zero Degrees », différentes cultures pour créer le patchwork de l’humanité. La danse se faisait colombe, le spectateur devenait son messager. Sidérant.

En 2006, la danse a fait preuve d’une modernité saisissante. Elle fut révolutionnaire! Au KunstenFestivalDesArts de Bruxelles, Alain Platel présentait « Vsprs » pour substituer au religieux la folie comme voie d’accès au sublime. En écho à cette beauté, la metteuse en scène et philosophe Patricia Allio  avec « Sx.rx.rx » transformait la parole d’un fou en fresque théâtrale. Présentée à Bruxelles, cette œuvre magistrale n’a pas trouvé d’écho chez les programmateurs de salle en France. Pourquoi ?

Platel et Allio m’avaient donc préparé pour comprendre « Eraritjaritjaka – Musée des Phares »du metteur en scène et musicien Heiner Goebbels vu au Festival de Marseille. Le déconstructivisme fut à son apogée et la posture du dedans – dehors dans laquelle je fus projeté restera un moment inoubliable : le théâtre venait d’abattre mes cloisons.


Deux œuvres ont fait résonance, co
mme  une séance chez l’analyste : « Kontakthof » de Pina Bausch et « Ah ! Ah ! » de Maguy Marin. Elles ont touché le désir, celui d’aimer autrement, de voir ailleurs, de penser différemment.

A lire, le 2ème chapitre puis le 3ème chapitre du bilan.


Quelles sont vos oeuvres majeures en 2006? La rubrique commentaire en bas de l’article est pour vous!



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Le Révizor, destin animé.

Le Théâtre des Salins de Martigues offre son large plateau et deux soirées de représentations au metteur en scène Christophe Rauck. C'est un beau pari pour cette adaptation du « Révizor » de Nicolas Gogol qui déjoue tous les classements. Qu'ai-je donc vu ce soir ? Du théâtre ? Une comédie musicale dansée puisqu'on y chante ? Christophe Rauck crée un théâtre décomplexé à l'image de « Guerre et paix » de Piotr Fomenko présenté dernièrement à La Criée de Marseille. Je ressens ce « Révizor » en phase avec son époque où la vidéo offre un décor immatériel jaillit tout droit de l'inconscient collectif. Le temps sur scène paraît déjouer le chrono habituel comme un zapping d'une ère lointaine, avec les codes de la communication d'aujourd'hui. Ce sont donc trois heures d'amusement et d'émerveillement qui donnent à ce classique du quiproquo des airs de tragédie moderne !
Un homme criblé de dettes est pris pour un Révizor (un inspecteur de la Cour des Comptes en France !) par des notables malhonnêtes qui imaginent des stratagèmes aveuglants. En retour, le jeune fonctionnaire laisse ce petit monde fermé dans le chaos le plus total. Je suis étonné par la modernité du propos (nous connaissons tous dans notre quotidien ces personnages de pacotille) et éblouis par cette mise en scène qui emprunte au dessin animé les mouvements du corps, l'agitation des acteurs en arrière-plan et la diction désordonnée des mots. Par ces différents effets en trompe-l’?il, nos rires et nos rêves d'enfant émergent à nouveau comme si le théâtre de Christophe Rauck allait chercher en nous cette créativité qui nous manque parfois, pour affronter la complexité de ce monde.
Il est presque minuit quand je quitte Les Salins. Je monte dans mon vaisseau spatial et je mets à fredonner les musiques des chansons qui ont parsemé le spectacle. Le pont de Martigues se lève pour laisser passer un joli bateau. Je peux bien attendre, le Révizor est surement à la barre.

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Au Pavillon Noir, le temps d’’une soirée, Les Ballets Preljocaj mélangent les genres.

 

 

 

Ce mercredi 20 décembre, le Pavillon Noir d'Aix en Provence accueille deux créations des Ballets Preljocaj : « Empty Moves (part I) » et « Noces ». Je me sens prêt pour cette soirée tant attendue : je n'ai jamais eu l'occasion de voir ces ?uvres en tournée en France. Toutefois, rien ne se passe agréablement dès que j'entre dans cet illustre bâtiment ! Prévu à 20h30, « Empty moves » débute à 21h15. Au préalable, nous avons droit à un discours humanitaire à la sauce culturelle de l'artiste plasticien Jean-Michel Bruyère, accompagné d'Angelin Preljocaj, qui prend son temps pour nous expliquer les missions de la Maison ? clinique ? école, « Man ? Keneen ? Ki ». Des photos d'enfants abandonnés dans les rues de Dakar sont projetées. Les recettes ou bénéfices de la soirée (on ne sait plus) sont reversés à cette association. À mesure que l'exposé confus de Bruyère avance, deux niveaux se mélangent : le projet humanitaire et l'?uvre culturelle. Qui finance qui ? Pour avoir vu l'exposition de Bruyère lors du Festival d'Avignon en 2005, je me pose légitimement la question sur ses intentions. On apprend que la banque BNP ? PARIBAS est sur le coup, mais pas un mot sur la société TOTAL, pourtant présente au Sénégal et qui entretient la misère de ces enfants. Je m'éloigne de la danse, mais le Pavillon Noir a décidé de nous imposer cette confusion, sans distance, avec complaisance et qui entretient le regard misérabiliste français à l'égard de l'Afrique.
empty.jpg« Empty moves (part I) » commence.
Je suis un peu tendu, mais pas pour longtemps : cette chorégraphie de vingt-huit minutes atteint le sublime. C'est sans aucun doute la plus belle ?uvre d'Angelin Preljocaj. Quatre danseurs s'articulent au rythme des paroles et phonèmes lus par John Cage au Teatro Lirico de Milan enregistrés en décembre 2007. Le contexte chaotique de son intervention (on entend le public italien manifester tout à la fois sa colère et sa joie) est traduit à partir des mouvements du quatuor. On frôle la pureté tant cela devient indescriptible. Je me sens touché physiquement : mon corps tremble comme si la proximité du sublime reliait à toute allure tous mes organes vitaux. Le chaos prend sens sous nos yeux : loin d'être réduit au désordre, Angelin Preljocaj réussit la prouesse de chorégraphier l'intention artistique de John Cage. L'art se danse et c'est majestueux : tout est articulé avec délicatesse, légèreté, créativité. Ils sourient parfois, se perdent, se retrouvent pour nous aider à approcher ce sublime que nous cherchons souvent sans jamais l'atteindre. « Empty Moves » est un chef-d'?uvre. Je vibre encore.


image.jpgL'entracte de quinze minutes n'y fait rien. Je me sens sonné par ce que je viens de voir. Il devient alors difficile d'écrire sur « Noces », la deuxième proposition indigeste d'Angelin Preljocaj, créée en 1989. Dix danseurs sont à la fête sur la musique envahissante d'Igor Stravinski. Nous sommes dans les Balkans : tout est joyeux, en apparence. Pourtant, le mariage évoque cet acte tragique qui fait de la mariée (symbolisée par des poupées) une monnaie d'échange. Mais pourquoi tout ce vacarme ? Pourquoi cette chorégraphie approximative réduite la plupart du temps à du mime ? Le sens est noyé dans ces gesticulations caricaturales qui enferment les danseurs dans des rôles réducteurs. Où est la danse ? Pourquoi cette pièce est-elle accolée à « Empty Moves »? Que peuvent vouloir dire les applaudissements enflammés pour cette ?uvre qui sent la naphtaline et leur réserve pour le moins surprenante à la fin d' « Empty Moves »? Mais quel est donc ce nouveau public, qu'il me semble n'avoir jamais rencontré, même au temps du feu Festival « Danse à Aix » ? Je n'attends plus la fin de ces applaudissements. Seul dans l'allée, je pense aux enfants de Dakar, aux femmes mariées soumises, et à ce quatuor sublime. Le marketing humanitaire et culturel a encore frappé. Le public de danse est-il lui aussi une monnaie d'échange. À la recherche d'une cohérence, je ne ressens que du désordre.
À mesure que je marche, j'entends la voix de John Cage. Le quatuor m'ouvre la voie.

 
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L’’humeur vagabonde de François Morel.

Les comiques sont partout. La chorégraphe Maguy Marin s'en était émue avec « Ha !Ha ! » , sa création  qui a fait scandale lors du dernier Festival Montpellier Danse. Elle fustigeait cette France qui rit de tout pour préparer l'arrivée du fascisme. «Ne pas se prendre la tête » semble être le slogan de nombreux cons qui, ici ou là, diffusent l'idéologie d'une société de consommation, modèle par excellence du bien-être. Malgré tout, je pars au Théâtre des Salins de Martigues pour le spectacle « comique » de François Morel, « Bien des Choses ».
Le public est là, prêt à se payer une bonne tranche de rigolade. Je me sens un peu décalé, mais je m'accroche.
Le décor est minimaliste : deux tables de bistrot, une moquette. Derrière un rideau quasi transparent, Olivier Saladin prépare son autruche de compagnie pour le départ. Elle résiste, lui donne des coups de bec, mais l'homme ne se laisse pas impressionner par la marionnette. Elle doit partir en allant « toujours tout droit » pour éviter de finir comme sa cousine, dans un réacteur. Fin de cet épilogue poétique qui pose le voyage comme symbole de l'ouverture.
François Morel et Olivier Saladin débarquent ensuite, munis de leur boîte en fer remplie d'une pile de cartes postales. Roger et Madeleine Rouchon partent souvent en voyage et ne manquent jamais une occasion d'écrire à leurs amis Robert et Janine Brochon. Ces derniers ne sont jamais en reste pour leur répondre. Pendant plus d'une heure, les deux hommes dialoguent à partir de ces échanges épistolaires.
Une évidence s'impose : chez eux ou en voyage, les Français véhiculent les clichés qui ont porté Le Pen au second tour d'une élection présidentielle pour transformer cinq ans plus tard Sarkosy en « futur homme d'État ». Le public rit souvent, car les dialogues sont réalistes, piquants. Mais je reste à distance : la France des Rouchon et des Brochon m'exaspère. Elle ne me fait plus rire, car elle me semble omniprésente dans les médias et dans la politique. Loin d'être minoritaire, elle est majoritaire (vote de 2002, référendum en 2005, élection en 2007 ?). Le talent de François Morel est de mettre en scène symboliquement cette France-là, à partir de l'écrit, du voyage, symboles de l'ouverture. Tout en dénonçant les enfermements de la pensée réductrice, François Morel nous invite à la poésie à travers la figure de l’autruche. La dernière scène la montre prendre de la hauteur, celle qui nous fait tant défaut.
« Bien des choses » n'est pas un spectacle comique : juste un propos politique en phase avec son époque. Ecrit comme cela, c’est beaucoup moins drôle!

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THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN

Hamlet par Hubert Colas : le théâtre réinventé.

Il est minuit et l’orage gronde au moment où je quitte le Théâtre de la Criée de Marseille. « Hamlet » de Shakespeare mis en scène par Hubert Colas fait l’effet d’un tonnerre dans le paysage paisible du théâtre français. Je ne ressens ni joie, ni colère après ces quatre heures quarante de spectacle, mais plutôt un état d’apesanteur comme si je regardais le théâtre avec un autre point de vue. Rarement mon attention a été à ce point infaillible ; j’ai scruté avec minutie le moindre changement scénique, observé avec curiosité le positionnement des acteurs.
Hubert Colas a fait le choix d’une mise en scène complexe où plusieurs tableaux se jouent en même temps. On est loin des partis pris de Frédéric Fisbach avec la pièce « Gens de Séoul » présentée en Avignon l’été dernier qui multipliait les scènes tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du plateau pour produire au final un langage théâtral compliqué. Avec Hubert Colas, chaque dialogue s’inscrit dans un contexte appuyé par des effets scéniques impressionnants : il y a toujours trois scènes en interaction. Au centre, elle est mouvante comme le sont les relations entre les protagonistes. Les jeux de pouvoir peuvent s’y exercer et le sol (en mousse ?) se métamorphose au gré des alliances et des coalitions. Imposant.

Sur chaque côté, l’ensemble des acteurs peut s’asseoir et observer le jeu. Ces postures contiennent le jeu, à l’image d’un inconscient collectif qui enverrait ses informations. Mais il arrive aussi que l’on doive lever les yeux. Hubert Colas envisage le ciel sur scène, symbole rouge du spectre pesant sur nos têtes. Avec une telle scénographie, mon regard ne cesse d’être circulaire et je fais toujours référence au tout dès que je me centre sur un seul personnage. Quelle belle leçon de complexité et de modernité !

Malgré tout, je me sens très à distance. Rien ne vient toucher mon affect comme si tout n’était que jeu dans lequel le spectateur serait hors du coup. D’ailleurs, alors que le public prend place au début du spectacle, les comédiens se préparent en s’injectant un liquide dans les yeux pour s’aider à pleurer. Je comprends après coup le sens de cette scène anodine. L’affect est ainsi caricaturé, mis de côté, comme si nous devions le laisser alors que nous nous installons. C’est sûrement ce que mon inconscient a fait. Mais alors, quel est donc ce théâtre ? Je n’ai toujours pas trouvé la réponse et mes affects semblent ne pas vouloir m’aider.

Pascal Bély – Le Tadorne

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Christian Ubl.

Comment le public du Pavillon Noir d'Aix en Provence peut-il applaudir à tout rompre une ?uvre aussi vide de sens ? Cela ressemble à un soutien amical envers un danseur longtemps collaborateur du chorégraphe marseillais Michel Kelemenis et qui était en résidence de création au 3bisF d'Aix en 2004/2005. Je ne fais donc pas partie du cercle.
Christian Ubl, avec « ErsatZtrip » me plonge dans un gouffre : comment écrire sur une esthétique qui ne veut rien dire ? Pour me sortir de cette impasse, je préfère revenir aux  intentions de l'auteur: « ErsatZtrip est la première pièce de groupe de Christian Ubl, inventée avec ses collaborateurs. Elle rassemble danseurs et non-danseurs, sans hiérarchie des corps, ni jugement ou interrogation sur leur présence. Pour le chorégraphe, la représentation vivante est perçue comme un ersatz de la réalité, c’est-à-dire un espace de remplacement d’une certaine esthétique vivante, où l’interprète agit comme un filtre. L’artiste analyse ainsi sa propre expérience, sachant que, par définition, l’ersatz renvoie à l’idée de copie de moindre qualité, mais comporte également des notions fortes de progrès ou d’invention. Pour cette création, l’esthétique recherchée est à la fois plastique et énergétique, et de cet amalgame se dégage parfois un personnage qui interroge la figure d’un héros que nous avons tous aspiré à être un jour ».
La scène n'est pas la réalité : soit.
L'interprète, interprète. Soit.
La réalité n'existe pas : c'est le regard que l'on porte sur elle qui fait sens. Soit.
Quant au héros imaginaire, le réduire à une figure plastique et énergétique est quelque peu réducteur si l'on en croit la psychanalyse.
Christian Ubl enfile donc de jolies perles pour masquer l'absence d'un propos intelligible et intelligent. Pendant une heure trente, j'observe un ersatz d'?uvre chorégraphique. Les symboles envahissent le plateau sans qu'ils fassent pour autant sens. Les objets sont instrumentalisés mais ne sont jamais en lien, juste posés côte à côte. La danse n'apporte jamais une métavision de la réalité : les chorégraphies s'empilent les unes sur les autres, comme plaquées. En prime à ce folklore de « la branchitude », un danseur se met à chanter et s'affranchit de trouver la note juste (pour l'esthétique, je suppose !). Les scènes métaphoriques se succèdent sans aucune articulation entre elles. Un danseur tente bien d'accompagner le propos en le reliant à notre dure réalité: les slogans scandés pendant dix minutes n'ajoutent qu'une confusion bien peu créative (« trop de consommation »  et autre « trop.. » comme autant de slogans politiques révolutionnaires). « ErsatZtrip » croit pouvoir emprunter certains symboles de la danse contemporaine issus des univers de Jan Fabre, de Jan Lauwers voire même de Roméo Castellucci. Ces « copiés- collés » font sourire : ils semblent posés par Christian Ubl pour ne produire que des effets esthétiques.
Au final, « ErsatZtrip » donne l'étrange impression de condenser, d'accumuler, de superposer, tout ce que la danse propose actuellement. Cela ne fait pas une ?uvre chorégraphique : tout au plus un joli zapping dont j'aurais perdu la télécommande.

Pascal Bély


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Christian Ubl sur le Tadorne:
Le très beau “
Klap! Klap!” présenté ne mai 2008 au 3bisF d’Aix en Provence.


 

 

Vous avez vu ce spectacle? Nous vous invitons à participer au palmarès du blog Scènes 2.0 en votant ici!


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Richard Siegal, chorégraphe virtuose.

La danse me répare. Elle crée du sens, du lien. Elle me donne la force de regarder le monde à partir du mouvement et de la relation. Ce désir de danse me conduit à 19h30 au Pavillon Noir d’Aix en Provence pour assister à la chorégraphie de Richard Siegal. Pendant trente minutes, « First Draft / Opus 8 » va m’envelopper, me protéger et me suspendre. Et pourtant, je suis contraint de voir le spectacle debout, au fond du studio, car la désinvolture du Centre Chorégraphique fait asseoir les spectateurs sur des « malabars » en mousse.  En l’absence de gradins, je ne vois rien. Un dispositif bifrontal aurait été adapté, mais le personnel guindé et toujours agité se soucie-t-il du public ?
Richard Siegal est là, accompagné d’un violoncelliste (Eric-Maria Couturier, puissant par sa présence) sur une musique de Zoltan Kodaly. Le corps habite l’espace, s’incruste dans la musique, et guide les gestes du musicien. La musique devient écriture chorégraphique et Richard Siegal fait corps avec le violoncelliste. Il s’en dégage des liens rarement vus sur scène et la curiosité du public  semble ne jamais faiblir. Je découvre qu’un violoncelliste peut aussi danser, qu’un danseur peut-être envahi par une sonate. J’entends Richard Siegal prendre plaisir à ce qu’il fait (« Et hop »dit-il avec amusement) et je me surprends à le suivre comme si je ne voulais perdre aucun de ses gestes.
Je tiens toujours debout: ce fil entre eux et moi relie mon imaginaire et leur projet. Sublime.


Crédit photo: Eric Boudet. Retrouvez-le sur son site, www.eric-boudet.com

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