La culture de l’audimat gangrènerait-elle petit à petit le spectacle vivant, aidé par des tutelles qui financent tant que la plaquette est jolie?
Sollicité à plusieurs reprises par le Festival « Les informelles » pour assister à la soirée où sont proposés par moins de 25 créations (esquisses, expériences, …), j’invite quatre amis dans l’espoir de découvrir de nouveaux artistes et les soutenir dans un contexte politique particulièrement difficile.
En arrivant dans le magnifique bâtiment de « L’école de la deuxième chance » (cela ne s’invente pas !), on nous distribue un plan et le programme minuté. Nous sommes prévenus : « vous ne verrez pas tout », façon élégante de dire : « faîtes votre marché ». À peine entré, la confusion m’envahit. On nous abreuve d’informations, distillées par des hôtesses d’accueil. Me voilà donc au boulot. Je dois rationaliser, choisir, éliminer. La démission des professionnels de la culture est totale. Il faut les voir courir dans les allées de cette « galerie » (marchande ?) pour rameuter la clientèle vers telle proposition ou telle autre.Alors que je suis prêt à rentrer chez moi, un poète et plasticien fait l’appel. Fernand Fernandez épelle “le registre de tous les noms“. Il est seul. Quasiment personne ne fait attention à lui. Plongé dans son livre géant, il métaphorise cette soirée : les mots sont une performance à défaut de distiller du sens. Qu’importe ce qu’il dit. Il est là. C’est le principal.
Je m’échappe. J’atterris dans l’entrée. Un tournage se prépare. Le cinéaste nous explique la règle. C’est si compliqué que je n’écoute plus. Deux femmes de ménages (dont la chorégraphe Olivia Grandville), une chanteuse lyrique (Donatienne Michel – Dansas) interprète une partition pour soprano, « Stripsody ». Une «BD sonore»paraît-il. Qu’attend-on de moi ? A quoi rime cette séance de ciné- réalité où l’on positionne le spectateur dans les coulisses ? Perdu dans la programmation des Informelles, je ne verrais même pas le résultat de ce tournage prévu vers 21h. Je suis donc un spectateur inutile, improductif, qui ne va pas jusqu’au bout.
Le réconfort s’approche. Dans une salle de cours, je m’assois pour vingt minutes de théâtre (enfin) politique. Alain Béhar nous propose « Loin des équilibres », une proposition qui a le mérite de mettre les pieds dans le plat et de se moquer des «Informelles». Alors qu’un acteur joue son texte, l’arrière-cour technique fait diversion à coup de nouvelles technologies et de slogans aussi creux qu’une plaquette publicitaire du Théâtre du Merlan ! Alain Béhar dénonce le mélange des genres, l’intrusion de l’internet, de la vidéo et plus généralement d’une conception scénique du théâtre empruntée à l’Art contemporain. C’est forcément drôle et subtilement subversif. C’est la seule bouffée d’oxygène de la soirée et l’unique propos solide à côté de tant d’autres propositions qui ne franchiront pas le cap de « l’extrait » après cette soirée.
Le festival « Les Informelles » a donc opté pour la culture zapping et jetable, positionnant le spectateur dans une double contrainte intenable : « si je suis ici, je ne suis pas là-bas ». À jouer sur la frustration, il prend le pouvoir sur le public, finit par l’infantiliser et briser le peu de lien social qui perdure dans ce pays. À voir les spectateurs déambuler comme dans la galerie marchande de Carrefour, je prends peur. Ce dispositif met les artistes en vitrine pour mieux les précariser. L’ensemble du processus de création devient une marchandise friable et l’on fait croire que « la partie » peut parler du « tout ».
« Les Informelles » ont précisément une forme. Celle d’un cadre descendant et profondément autoritaire.
En phase avec l’époque.
Pascal Bély – www.festivalier.net
?????? “Loin des équilibres” d’Alain Béhar a été joué le 13 septembre 2008 dans le cadre du Festival “Les Informelles”.
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Après le cru exceptionnel de 2007 où le photojournalisme avait dépeint les facettes de l’humain dans toute sa complexité, on ressort de l’édition 2008 abasourdi par autant d’images de guerre. Ce n’est plus l’horreur qui sature (le regard s’habituerait-il ?) mais le schéma répétitif que ces photos finissent par imposer : le culte du héros et de la victime, le clivage entre innocents et bourreaux. Sans minimiser la nécessité d’informer sur les guerres, un rapport de l’ONU précisait leur décroissance dans le monde. Pourquoi une telle avalanche à Perpignan? Voudrait-on nous faire croire que le photoreporter courageux est celui qui risque sa vie au même titre qu’un soldat?


« Le silence des communistes » de Jean-Pierre Vincent
La surprise est venue d’un solo époustouflant. Ivo Dimchev de Sofia, incarné en Lili Handel (« blood, poetry and music from the white whore’s boudoir »), diva de cabaret (ou d’une boîte de nuit gay ?), vendue au plus offrant. Ivo Dimchev nous offre le meilleur d’un répertoire de cabaret, où le corps n’est pas seulement objet d’un jeu de transformation, mais une surface de nos réparations, de nos projections, à la frontière du biologique et du sociétal (fait-il référence au VIH ?). Cette rencontre ne dure qu’une heure, mais elle est intense : en jouant sur différents registres, Ivo Dimchev dessine le portrait d’une Lili fragile (notamment quand elle chante) et provocante quand elle danse avec ses fesses, où l’on aimerait s’y s’engouffrer pour y trouver du réconfort ! Ivo Dimchev interroge avec brio le “corps marchandise” qu’on offre aux enchères (les putes ne sont pas toutes à pourchasser sur le trottoir de nos villes…). Avec Lili, le corps est «danse», les mots sont « théâtre ». La performance jaillit dans cet interstice et l’on pense à



