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Les femmes passerelles d’Herman Diephuis à Montpellier Danse.

Au cours de cette journée à Montpellier Danse, une ?uvre s’est posée là, sans crier gare. Après le raffut médiatique de la chorégraphe Blanca Li (à 20h avec « Le jardin des délices ») et le choc de Bouchra Ouizguen (à 18h avec « Madame Plaza »), Herman Diephuis se glisse à 22h pour « Ciao Bella ». Cinq femmes habillées de couleurs sombres avec deux bancs installés sur une grande scène, dessinent une ?uvre dont on n’est pas loin de penser qu’elle fera date dans l’édition 2009 du festival. « Ciao Bella » vous prend par la main, avec délicatesse, pour poser un regard là, puis ici, tout en vous laissant le temps de faire les liens. Sans tension, ni anesthésiant, cette ?uvre transforme le spectateur en équilibriste contemplatif.

Cinq femmes occupent le plateau pour une « projection fantasmée du désir masculin, dont les images contradictoires piègent même celles qui les refusent ». Toute la première partie n’est qu’une succession de poses, inspirées des tableaux italiens du Quattrocento, tandis que la deuxième, voit notre quintet danser sur des tubes discos et pop (Olivia Newton-John, Madonna et les Bee Gees). Parmi elles, une danseuse attire l’attention (sublime Dalila Khatir): elle est ronde et s’amuse (entre autres) avec ses gros seins et ses formes généreuses. Elle est un centre de gravité où se déploie l’imaginaire individuel et collectif. C’est autour de cette figure « maternelle » que se projette le désir. Il n’y a là rien de révolutionnaire dans le propos, mais la chorégraphie d’Herman Diephuis s’appuie sur ce contraste pour jouer avec les  clichés et créer une belle dynamique circulaire entre elles et nous.

Ici, rien ne vient cliver la démonstration : il n’y a pas d’un côté un désir masculin dominant et de l’autre une soumission féminine (sinon, je n’aurais jamais pu m’inscrire dans cette proposition !). La danse remet au centre l’interaction : c’est là où tout se joue. C’est cet espace circulaire qui en jeu dans « Ciao Bella » : rien n’est imposé au spectateur et c’est à lui de jouer ou pas. Alors, jouons !

Clap de cinéma dans les mains, je divague dans cette atmosphère cinéphile (pourquoi l’image de Mastroianni surgit-elle?) où les danseuses incarnent des actrices (Bardot, Deneuve, Signoret, …). Puis, je les imagine s’immiscer dans « le jardin des délices » de Blanca Li : elles articulent le film harmonieux d’Eve Ramboz et les stéréotypes du paradis et de l’enfer imposés par Blanca Li. Elles personnifient les femmes du tableau de Jérôme Bosch pour nous aider à interpréter toute la complexité de cette ?uvre  à la lumière de la crise morale que nous connaissons.  Je les projette ensuite assises sur leurs bancs, en face des quatre femmes de « Madame Plaza » de Bouchra Ouizguen : elles apprennent à libérer leurs corps de tous les clichés pour jouer encore un peu plus avec eux et dessiner des liens improbables entre les hommes et les femmes !

« Ciao Bella » est une ?uvre profondément processuelle que l’on serait bien en peine de ranger  dans une case. Pour la mettre en dynamique, il faut l’inscrire dans un ailleurs, faute de quoi on pourrait rester sur sa faim. Elle est un espace si relationnel qu’elle réussit à relier ce que le temps chronologique d’un festival sépare parfois.

Herman Diephuis donne de sa liberté. C’est si bon de se ressentir un spectateur émancipé.

Pascal Bély

www.festivalier.net

 

 

Ciao bella” d’Herman Diephuis a été joué les 20  et 21 juin dans le cadre du Festival Montpellier Danse.

Crédit photo: Audoin Desforges

 

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Montpellier Danse 09 sur le Tadorne:

A l'origine, Bouchra Ouizguen.

A Montpellier Danse, le terrain vague bling bling de Blanca Li.

A Montpellier Danse, le corps papyrus d'Angelin Preljocaj.

A Montpellier Danse, Israel Galván : nous surmonterons…

À Montpellier Danse, quand on arrive en ville…

Raimund Hoghe et Faustin Linyekula jettent leurs cailloux sur Montpellier Danse.

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A Montpellier Danse, le terrain vague bling bling de Blanca Li.

Blanca Li peut être fière d’elle. Le Corum de Montpellier lui fait un triomphe. Mes voisins  se lèvent pour une standing ovation.  Autour de moi, nous sommes quelques-uns à ne pas croire à ce mirage : la danse soulève une foule.

Blanca Li ne manque pas d’inspiration au sujet du tableau « le jardin des délices » de Jérôme Bosch. L’enfer, c’est le téléphone portable. Fallait y penser. Le paradis, ce sont les fraises qui nous rendent gagas à l’image du « gnangnan » qui structurent bien des discours. L’enfer dans le paradis (et inversement), ce sont les hommes avec leur gros paquet et les femmes avec leur gros seins et gros cul. Finalement, entre gros cons, tout le monde finit par s’entendre. Mais à force de grossir le trait, ce jardin finit par n’être qu’une éjaculation précoce, un monticule de déchets et de bêtises que l’on subit à longueur de discussions attrapées au vol dans les bus, les restaurants, à la télévision. On rit parfois de son culot (au Corum, au c?ur d’un festival presque trentenaire, les spectateurs des cinq premiers rangs osent le rire machiste) et de son toupet: « poussez-vous là que je m’y mette ». Blanca est omniprésente et sa troupe fait penser à des danseurs du Moulin Rouge qui lui feraient une haie d’honneur.

 

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=giMkLuoZVng&w=425&h=344]

Ce jardin est à l’image du pays : la vulgarité est tendance, dans le coup, dans l’action. En ces temps de crise, on ne va quand même pas stimuler l’intelligence du spectateur. On est ici pour rigoler. La culture du Fouquet’s tarde à redescendre en région, mais on progresse. On passe d’un tableau à un autre avec une telle rapidité que l’on commence à trouver le temps un peu long. Pour consoler les amateurs de danse, Blanca Li glisse quelques moments où l’on gesticule avec les pieds et les mains. Cela ne va pas plus loin. Le corps est juste un support publicitaire. Le plus insupportable c’est que cela ait pu me faire rire !

Sentant le boulet venir, Blanca Li fait défiler Sarkozy et Carla. Le public applaudit et je ne sais plus où regarder. Ce serait presque pour s’excuser de la vacuité de son propos et se rassurer. Le Parti Socialiste ne va pas tarder à en faire son égérie.

 

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=ot8mqe1xZIU&w=480&h=295]

Mais dans ce jardin occupé le temps d’une soirée par des squatteurs, il y a un miracle. Derrière. Tout au fond. C’est un film. Celui d’Eve Ramboz. Superbe. On ne voit que lui. Il est un tableau dans le tableau. Cette mise en abyme enchante, émerveille. Le film est une danse. Tout le reste, sur scène, devant, n’est que gesticulations. Cela ne vous rappelle-t-il rien ?

Mais qu’importe. Quelques heures auparavant, aux Ursulines, un chant d’amour propulsait la chorégraphe marocaine Bouchra Ouizguen. Dans son jardin des délices, Dominique Bagouet y dansait toujours.

Pascal Bély

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Le jardin des délices” de Blanca Li a été joué les 19 et 20 juin au Corum dans le cadre du Festival Montpellier Danse.

 

 

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Montpellier Danse 09 sur le Tadorne:

A l'origine, Bouchra Ouizguen.

Les femmes passerelles d'Herman Diephuis à Montpellier Danse.

A Montpellier Danse, Israel Galván : nous surmonterons…

A Montpellier Danse, le corps papyrus d'Angelin Preljocaj.

À Montpellier Danse, quand on arrive en ville…

Raimund Hoghe et Faustin Linyekula jettent leurs cailloux sur Montpellier Danse.

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Avec Wim Vandekeybus, le Festival de Marseille a frôlé la catastrophe.

De ce spectacle, on en sort quelque peu anesthésié, mais pas étonné. La Belgique, pays de l’hybridité, nous a habitués à naviguer en eaux troubles. Au KunstenFestivalDesArts de Bruxelles, Kris Verdonck avec « End » nous faisait tourner la tête avec son apocalypse en forme de boucle ;  dernièrement, le collectif franco-flamand Tristero / Transquinquennal, nous proposait Coalition, pour approcher de biais la catastrophe. Le chorégraphe flamand Wim Vandekeybus s’inscrit presque naturellement dans ce courant  avec « nieuwZwart » présenté au Festival de Marseille. A la différence près que l’on n’y raconte rien (d’autant plus que les textes en anglais de l’auteur flamand Peter Verhelst interprété par Gavin Webber parviennent à nous  éloigner de la narration).

Ici, le plateau reflète un processus, celui du chaos, voire d’un entre-deux entre un et un là-bas. Alors que le progrès accouche de la catastrophe, la scène de Vandekeybus nous est presque familière, depuis que nous sommes matraqués, bousculés, épiés, malmenés, écartelés par notre évolution.

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=WrLfJp3LXY4&w=560&h=340]

Ici, compter les corps à terre avec une lampe de poche fait partie du spectacle. Me voilà au c?ur de l’océan, au beau milieu des corps flottants du vol Air France Rio-Paris.

Ici, on fait dans le spectaculaire, en attendant le moment où tout pourrait exploser ou renaître.

Ici, un groupe de musiciens est suspendu sur une scène qui surplombe ce sol lunaire où sept danseurs incarnent ce qu’il y a de plus violent et chaotique en nous alors que survivre nous sert de couverture pour se protéger de l’autre. Le rock est alors ce langage pour se substituer à l’insuffisance des mots.

Ici, l’angoisse de mourir et le désir de renaître ont trouvé leur territoire, jonché de traumas, de trous béants où la peur nous aspire.

Ici, on convulse, on hurle, on se rentre dedans : il faut que ça sorte, coûte que coûte.

Ici, sur le divan de Freud, glisse une couverture de survie qui va et vient, dévoile et cache, prête à faire surgir le fantôme qui habite nos cauchemars.

Ici, Vandekeybus nous invite à quitter le temps de la catastrophe, autoritaire, immédiat, où nous ressentons à l’unisson la même émotion, au même moment. Ici, c’est impossible, tant nos ressentis sont différents. Ma voisine de gauche se cache le visage tandis que mon voisin de droite ne bouge plus, raide mort. Moi, je m’attache à un bras qui pend, à un corps qui s’étale. J’approche la déchéance, je scrute la renaissance, je meurs avec eux. La danse de Vandekeybus donne à l’inconscient le corps, tout le corps qu’il réclame à « corps et à cris ».

Ici, des tôles de fer rouillées, vestiges de la modernité et de nos cloisons accueillent nos désirs de transcendance. C’est émouvant de voir les corps s’y fracasser.

Ici, le sexe enfourche la mort. C’est troublant de ressentir l’amour à mort.

Ici, la crise est un processus permanent. Il n’y a que les médias pour penser que c’est un état à un instant « t ».

Et l’on se réjouit des applaudissements nourris du public du Festival de Marseille qui a fait preuve ce soir d’une grande maturité : nous avons accepté que l’on danse tout haut ce que nous souffrons tout bas.

Pascal Bély

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nieuwZwart” de Wim Vandekeybus a été présenté au Festival de Marseille les 18,19 et 20 juin 2009.

photo: © Erwin Verstappen

Le Festival de Marseille 09 sur le Tadorne:

Au Festival de Marseille, Koen Augustijnen réincarne Pina, poussière d’étoiles.
Le nouvel opus (oups !) du Festival de Marseille.

 

 

 

 
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Laure Vallès, metteuse en scène à suivre.

De cette première étape de travail autour de “Fragmentation de lieu commun de Jane Sautière,  présentée au Ring en Avignon, née l’envie de recroiser le chemin de la metteuse en scène Laure Vallès. Ses prises de position sur ses propositions, sa ferveur à débattre de ses choix et son plaisir à parler de son travail méritent que nous portions une attention particulière sur sa prochaine création.

Le texte évoque le quotidien d’une éducatrice dans les institutions pénitentiaires. Les mots, la mise en lumière, la musique, la nudité du plateau, reflètent avec pertinence l’écrit témoignage de Jane Sautière.  La cellule est le lieu de la rencontre entre l’éducatrice et les détenus, de la confrontation des deux sexes, dans laquelle s’immisce un jeu involontaire, et inconscient de séduction qui crée un autre enfermement.

Afin de donner de la substance au récit, une comédienne et une danseuse occupent l’espace. Chacune à leur manière. L’une par la parole (Pauline Hornez) et l’autre, par le corps (Céline Schneider).

L’enfermement carcéral transpire sur le plateau et l’on finit par se sentir tel un détenu enfermé dans sa cage, rêvant d’extérieur et d’horizon à perte de vue. Je me retrouve suspendu aux mots alors que le corps m’échappe. Je me ressens alors comme cette éducatrice, qui épluchant ses dossiers, ne peut se défaire de ses noms, de ses crimes ou autres délits, et font de sa réalité un quotidien malheureusement subit.

Ces derniers temps, les suicides de détenus ont fait la une des journaux télévisés. Repenti, rixe, mal-être… On ne sait pas à quoi relier ces événements à moins de préférer en ignorer la cause…

 

Que cela ne tienne, Laure Vallès accomplit un acte citoyen : celui de mettre en lumière le travail courageux des éducatrices en milieu carcéral et offre à Jane Sautière, l’auteur, la justesse d’un beau et futur spectacle.

Laurent Bourbousson.

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Fragmentation d’un lieu commun de Jane Sautière, mis en scène par Laure Vallès, a été présenté dans le cadre des résidences de création au Ring, Avignon, les 27 et 28 mai 2009.

Laure Vallès sera présente au Festival off 2009 avec “Corps” à la Bourse du Travail. En 2008, elle y avait présenté “Antigone” selon Henry Bauchau.

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À Uzès Danse, in-suffisant Alain Buffard.

« Le processus de travail que je souhaite mettre en place pour « Self& Others » s’articule à l’idée de l’autoportrait. Mais plutôt que de la confiner dans les limites actuelles du genre, j’aimerais l’expérimenter à partir de et en relation au groupe ».

Ainsi s’exprime le « concepteur » et le « scénographe » Alain Buffard dans le programme distribué à l’entrée de la salle de l’ancien Evêché d’Uzès.

Une heure plus tard, l’écrivaine Geneviève Vincent anime le « quart d’heure d’après » avec le public resté dans la salle. J’en suis. Car une question me taraude : « où est donc passé le collectif ? Où positionner le chorégraphe ? ». Alors que Mr Buffard est en retard, l’animatrice semble gênée pour commencer le débat (à croire qu’un face à face avec le public ne fait pas partie de ses attributions). À peine arrivée, Mme Vincent donne sa lecture de la pièce et parle même pour nous. Ces deux-là s’apprécient. Sont-ils encore dans l’autoportrait? 

Je propose ma question et j’en rajoute (inutilement) sur la décontraction de Mr Buffard alors que le public lui a réservé un accueil plutôt distant. Me revoilà dans une posture d’élève face aux maîtres. Mr Buffard nie avec autorité qu’il serait question du groupe dans sa pièce et ne répond pas sur son rôle, préférant que les interprètes le fassent à sa place. Quinze minutes sont déjà passées. Ce quart d’heure est un espace sous-vide. Le rideau de plastique, omniprésent dans la pièce, semble ne pas avoir été levé.

« Self & Others » est donc une ?uvre auto-suffisante, auto-égo-centrée. Quatre individualités, convoquées par Mr Buffard, nous proposent, à partir de différents matériaux, leur autoportrait. On y retrouve les danseurs tendance du moment (François Chaignaud et Cécilia Bengoléa), à peine échappés de leurs dernières créations, entre objets pénétrants, pratiques masturbatoires et orales, corps pliés et dépliés. Mathieu Doze, affublé de différents kits de survie, peine souvent à se faire une place alors qu’Hanna Hedman lit le «Manifeste du parti communiste » tout en pétrissant de la pâte à pain, métaphore de l’idéologie humanitaire du moment. On frôle souvent l’hystérie (comme s’ils étaient sous acide), ce qui n’est pas sans provoquer un certain essoufflement dans la durée. Le processus d’introspection dépasse rarement l’anecdotique (est-ce suffisant de s’amuser avec les objets de l’époque pour avoir quelque chose à dire sur l’époque ?) et l’on s’ennuie ferme face à cette collection d’individus, échappés d’un centre de rétention où Jan Fabre semble avoir été leur éducateur. Quand le groupe se forme , c’est pour ridiculiser quelques tubes chorégraphiques (dont un passage assez drôle sur le « Boléro » de Ravel) et fuir leur scène sous plastique.

Finalement, « Self&Others » est peut-être l’autoportrait de Mr Buffard. Mais est-ce suffisant ?  

Pascal Bély

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Self&Others ” d’Alain Buffard a été présenté le 16 juin 2009 dans le cadre du festival “Uzès Danse”.

Un extrait vidéo du spectacle ici.

Crédit photo: Marc Domage.

 

Alain Buffard sur le Tadorne:

Alain Buffard renverse Montpellier Danse et bouleverse le Théâtre du Merlan.

François Chaignaud et Cécilia Bengoléa sur le Tadorne:
François Chaignaud et Cecilia Bengolea, concepteurs cherchent chorégraphe.
L’anus horribilis de Cecilia Bengolea et François Chaignaud.

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« Liquide » de Christophe Haleb : un chef d’?uvre, dans la moiteur de la nuit d’Uzès.

Les renseignements s’échangent à voix basse : « es-tu au courant de ce que l’on va voir ce soir? ». Il s’agit d’un « work in progress », le début d’un travail, un ersatz de réflexion. « L’équipe s’est vue au mois d’avril puis plus rien. Ils se sont retrouvés la semaine dernière. Ils sont tous flippé ». Palpitant. Excitant.

En préambule de la représentation, Liliane Schauss, directrice du Festival Uzès Danse et le chorégraphe Christophe Haleb, posent le contexte. En toute humilité. Avec beaucoup de respect. Ils sont intimement liés par le processus de création. Cela coule de source. Qu’importe que ce matériau ne soit pas visible dans sa totalité, nous sommes ici pour ce « Liquide » qui n’en finit pas, quelques jours après, de couler sur notre peau. Car la cour de l’Évêché d’Uzès, a été le théâtre d’une explosion sensuelle, érotique et sexuelle d’une rare intensité.


Les pistes de travail de Christophe Haleb reposent sur la question de l’amour dont nous puisons les codes et les pratiques chez notre voisin, le singe bonobo. Tout le champ sémantique est convié : la rupture telle une déclaration de guerre, l’hystérie amoureuse, celle de la séparation, le corps comme une résurgence du plaisir, le sexe. Les rythmes langoureux, appuyés par une bande-son envoûtante, expriment ce que les corps nous renvoient : une caresse, l’effleurement, le souffle dans le creux de l’oreille, le goût de la peau sur les lèvres. La scénographie nous enveloppe comme si nous étions invités à passer sous la couette. Elle multiplie les angles de vue nous permettant d’être à la fois voyeur et acteur de nos délires amoureux. Contemplatifs et stimulés par tous les sens, nous sommes quasiment prêts à monter sur scène ! L’environnement musical entre jazz et rock acidulé nous convie dans un jardin des plaisirs où notre animalité nous fait déraisonner tandis que les mots continuent à s’accrocher à la raison. Christophe Haleb aurait réécrit “Dernier Tango à Paris” avec cette variation qu’il n’en aurait pas à en rougir.

C’est ainsi que la torpeur des corps se découvrant laisse place à l’hystérie qui met tour à tour le corps en manque de sexe, de rapport de force, de l’autre. En manque de tout.

Christophe Haleb chorégraphie le charnel et inclut le public dans sa horde sauvage. Pour mieux nous apprivoiser. Là, où nous sommes si sensibles.

Pascal Bély – Laurent Bourbousson

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“Liquide” devrait être présenté lors des Hivernales d’Avignon en Février 2010 puis au Festival de Marseille en juin 2010.

Photo de Cathy Peylan avec son aimable autorisation.

 

“Liquide” de Christophe Haleb parl a Compagnie “La Zouze” a été présenté le 14 juin 2009 dans le cadre du festival “Uzès Danse”.

 

Christophe Haleb sur le Tadorne:

Evelyne a disparu (La Zouze Compagnie).

Au Festival d'Avignon, Christophe Haleb, chorégraphe «off » et « in »

À Uzès Danse, principalement Christophe Haleb.

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Menace catastrophique à Uzès Danse.

En 2009, le festival « Uzès Danse » est amputé d’un week-end. Les restrictions budgétaires commencent donc à produire leurs effets. Après la crise de l’intermittence de 2003, les années 2009-2010 s’annoncent chaotiques et peut-être stimulantes : redistribution des cartes entre institutions culturelles ; émergence de nouveaux collectifs artistiques ; organisations en réseau ; nouvelles articulations entre social, éducation, économie et culture. En attendant, le contexte semble lourd, étouffant. La compagnie d’Anne Lopez ressentirait-elle le danger ? Plus pessimiste qu’ « Idiots mais rusés », son dernier opus, « La menace », offre une vision radicale de notre société, celle où le temps médiatique véhicule une hystérie émotionnelle collective pour au bout du compte produire un capharnaüm monumental.

 

Il y a très peu de répit au cours de cette représentation, retransmise en direct sur internet (www.menace-tv.com). Du bruit, des éclats de voix, des corps écartelés, des têtes privées de visages, un studio télé tout puissant où finalement tout se joue, une presse papier où les pages finissent par s’étendre comme du linge sur une corde. Avec Anne Lopez et sa bande de copains, on ne saisit plus les limites d’un cadre qui ne cesse d’exploser, dans lequel se retrouvent pêle-mêle un imbroglio délirant de situations explosives et de private joke. Alors, comment se parler, s’émouvoir, penser tandis que le temps médiatique fait fit du temps de l’humain ?

Ici, la menace, résultat d’une société d’images, est polymorphe, jusqu’à produire une peur constante. D’habitude anxiogène, Anne Lopez nous en libère par le rire, en multipliant les situations absurdes. Mais elles finissent par menacer le fond qui perd en consistance et produit une proposition joyeuse, mais avec une morale en demi-teinte. Prise au piège d’un propos vertical descendant, elle nous renvoie à notre condition, celle de survivre dans un milieu hostile.

En mai dernier, au KunstenFestivalDesArts de Bruxelles, le collectif franco-flamand Tristero/Transquinquennal, nous proposait Coalition. Une heure pour comprendre le processus de la catastrophe à partir des écrits de l’urbaniste et essayiste Paul Virilio. De la menace à la catastrophe, il y a ce changement d’échelle qui aurait permis à Anne Lopez d’ouvrir son propos et de protéger sa belle compagnie d’une mise en scène qu’elle a finit par rendre menaçante.

En totale résonance, « Uzès Danse » et Anne Lopez, nous ont fait flipper. La même soirée, Christophe Haleb nous a proposé une éblouissante histoire d’amour.

On finit par s’attacher à ce festival si humain.

Pascal Bély – Laurent Bourbousson

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“La menace” d’Anne Lopez  par la compagnie “‘les gens du quai” a été présenté le 14 juin 2009 dans le cadre du festival “Uzès Danse”.

 

Anne Lopez sur le Tadorne:

2001 ou la folle odyssée d’Anne Lopez.


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A Marseille, le foot a ses secrets.

Rien ne laisser présager que je quitterais cet espace d’art contemporain aussi troublé. Parce que la fatigue d’une journée de travail et la lassitude d’être si rarement enchanté par les propositions artistiques des programmateurs marseillais. Parce qu’il fallait oser entrer, dans ce lieu, anciennement bains douches, dans le quartier animé de La Plaine.

Ils sont dix, isolés. Ils forment une carte invisible reliés par des itinéraires que personne ne connaît. Ils sont couchés, debout, collés au mur, au sol. Ils ne parlent pas et font la pose. Suis-je le peintre ? Aucun n’adopte la même posture, mais tous semblent liés par un lien fraternel, à la fois déterminés à en découdre et profondément unis. La guerre serait-elle passée par là tant ils paraissent asphyxiés ? La blancheur du lieu contraste avec le patio où, à travers les vitres, des négociations semblent avoir lieues entre artistes et producteurs. Ce « dedans-dehors » me trouble : au patio, espace végétal et vivant, répond la galerie, lieu d’exposition de soi, minéral, où l’artiste creuserait sa tombe avec les mots. Mais est-ce si sûr ?


Je marche, comme s’il s’agissait de reconnaître les corps après une catastrophe. Je les regarde. Ils sont beaux ; ils ne parlent pas, à peine déstabilisés par les photographes qui mitraillent. Le médiatique est décidément partout. Comment s’avancer vers eux ? Le lien entre le public et l’artiste n’est pas donné ; il est à construire. Je suis spectacteur, sujet autonome. Je reconnais Clara Le Picard et Robin Decourcy, deux artistes marseillais soutenus par Le Tadorne, mais je reste mutique, comme paralysé : nos corps entrent en résonance sans trop savoir pourquoi. Commencée à 18h30, la performance collective de Leopold Pan Football ») n’a pas, au bout de quarante minutes, révélée tous ses secrets. L’humain a besoin de temps au moment où nos sociétés nous précipitent dans l’immédiateté.


C’est alors qu’un bras bouge ici, qu’un corps se déplace là, qu’une posture change de forme. Des mots sur le mur, sur le sol apparaissent comme si les expressions (« le corps parle », « je l’ai dans la peau », « c’est lourd à porter ») prenaient sens. Je découvre un morceau du puzzle de leur histoire à l’image d’une autobiographie que l’on effeuille (« La mort subite de ma mère me laisse encore vide d’une présence fantasmée »). Le viol, la mort, le secret, les désirs empêchés ponctuent ma déambulation. Ils ont tous la trentaine, mais la violence familiale n’a cure de l’époque. Les enfants seront toujours en proie à la fureur des adultes. Malgré Dolto. Les mots prolongent leurs corps et mon imaginaire les fait danser. Je m’attarde sur une main dont les mouvements dessinent la souffrance du poète. L’instant est précieux, unique. Autour des corps, l’espace social se crée. Les performeurs se lèvent, vont et viennent, reprennent leurs postures. On s’assoit à côté d’eux, on échange quelques mots, verre de vin à la main. Loin de la connivence, spectateurs et artistes font bloc. N’avons-nous pas tous ce soir-là de lourdes histoires familiales à porter ? C’est ainsi qu’une performance collective crée l’espace de la résonance.

Jamais, il ne m’a été donné à voir un tel processus de transformation, d’inclusion, de partage.

De fraternité.

On y revient. La famille est partout. 

Ce soir, les artistes marseillais, se sont tous donnés rendez-vous pour se mettre en jeu à dix. Les spectateurs dans les tribunes ont finit par envahir la pelouse et jouer dans l’herbe encore fraîche, mouillée et piquante de l’enfance.

Pascal Bély

www.festivalier.net


« Football », performance collective et individuelle de Leopold Pan a été présentée à la Galerie les Grands Bains-douches à Marseille.

Photos d’Emilie Prin-Derre avec son aimable autorisation.

Prolongations de FOOTBALL jusqu’au 18 juin à la galerie les Grands Bains Douches à Marseille.

 

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Yves-No no !

Après un premier article sur la dernière pièce d’Yves-Noël Genod jouée actuellement au Théâtre National de Chaillot (et sa réaction pour le moins surprenante de la part d’un homme de l’art), Elsa Gomis apporte sa contribution. A suivre…


Mimer une course à cheval sur un tuyau de canalisation,

Faire une glissade, nue, devant la scène,

Décrire une tentative de meurtre,

Cracher du Champagne,

Commander un kebab,

Clamer des vers d’Oncle Vania et de Roméo et Juliette,

Boire un Martini

S’apitoyer sur son sort

Enfiler une tête d’âne

Aspirer son visage avec un aspirateur

… 

Voici dans le désordre une liste de ces instants passés au Studio Théâtre de Chaillot, à contempler le travail d’Yves-Noël Guénod. 

Ainsi que la presse le définit ou plutôt, refuse de le définir, ce spectacle éponyme est inclassable. 

Style décousu. Apartés avec le public. Réflexions à haute voix des acteurs. Conversations off sur scène en début et fin de représentation. Inversion de la disposition acteurs / spectateurs à l’entracte.

Et pour finir, la bouteille de Champ tendue aux spectateurs.

Comme pour briser les conventions théâtrales… 

Plus généralement, dans cet inventaire à la Prévert que semble être la pièce, tel est sans doute la ligne directrice : être anticonformiste dans la forme. 

On reste souvent dérouté devant ces surprises scéniques et pourtant, on ne s’ennuie pas.

On reste parce que cette succession de provocations, de gags, de monologues incompréhensibles, fascine.

Assez étrangement, du rejet de toute continuité dans le récit, du bouleversement de la forme, naît le sens. 

N’allons pas plus loin, avec Yves Noël Guénod, la forme c’est le fond !

Alors nous restons, voyeurs, pour profiter de la performance.

Elsa Gomis – www.festivalier.net.

 

“Yves-Noël Genod” au Théâtre National de Chaillot à Paris jusqu’au 6 juin 2009.


Photo Patrick Berger. 
Felix M. Ott.

Yves-Noël Genod sur le Tadorne:

Au Festival Actoral, l'acte anal d'Yves-Noël Genod.

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Yves-Noël Genod: …:)!?!?,….,…;-(?

Cette femme distinguée a l’air surprise quand je lui avoue : « c’est la première fois que je viens au Théâtre National de Chaillot ». Elle se méfierait presque de moi! L’endroit évoque les années glorieuses du Théâtre Français ; il s’impose, intimide avec ses hauts plafonds et ses dorures. La France d’en haut m’écrase. Pour la pièce d’Yves-Noël Genod, il faut se rendre au sous-sol. L’auteur, étrangement déguisé avec un bonnet en côte de maille, nous accompagne. S’il salue chaleureusement ses hôtes, il peine à transformer ce moment en acte poétique.

En entrant, on se croirait dans la cave d’un immeuble désaffecté. C’est la France d’en bas. Celle des artistes et des précaires qui, souterrainement, poursuivent leur travail. Malgré tout. Malgré eux. Toujours est-il que la culture institutionnalisée semble avoir quelques difficultés à assumer Yves-Noël Genod, si « underground » qu’on lui réserve un lieu si souterrain.  « Sous les escaliers du palais » comme se plaît à préciser dès le début du spectacle, cet artiste décidément inclassable. Les institutions  belges seraient avec lui bien plus courageuses !

Nous sommes donc une cinquantaine à nous asseoir sur un tout petit gradin. Autant rester groupé.  Les acteurs arrivent un par un, s’installent symétriquement face à nous.

Eux, c’est nous.

Ils sont isolés, presque tristes. Le champagne ne tarde pas à couler. Elle vide son sac. Cela semble lui faire du bien. Se déshabille et enfile un masque de vieille femme. « Viens voir les comédiens » qu’il chantait ! L’ami Charles ne pensait probablement pas à ces acteurs-là !

Pour nous emmener, ils sont prêts à tout. Le grotesque est envahissant. Est-il nécessaire qu’elle se vautre sur une scène maculée d’eau pour nous plonger dans les méandres de ses largeurs ? On  préfère quand il arrive nu, pour s’asseoir et sculpter délicatement son corps. La poésie est dans ces plis là.  On est radicalement suffoqué alors qu’un autre s’accroche à une rambarde, bascule puis disparaît. Le courage est alors un acte artistique. Il illumine cette ?uvre avec son accent germanique, ses yeux de poète fatigué et ses gestes « spidermaniques » !

Ici, les corps flottent, se fracassent. Les langues se délient, avant qu’un couteau tranchant ne coupe la parole. Rien n’est lisible, tout n’est que chaos et abandon dans un espace où la singularité se voit, mais ne s’entend plus.

Mais pourquoi nous laisser avec ce miroir déformant qui éblouit parfois, mais n’éclaire pas. Le burlesque suffit-il à élargir la focale ? L’épais brouillard qui finit par envahir la scène n’est-il pas un écran de fumée d’un univers artistique qui sépare bien plus qu’il enveloppe ? Comment donner du sens à cette ?uvre « sans nom » dans ce lieu parisien fortement connoté ? Je finis par ne plus savoir pourquoi je suis là sauf à démissionner : qu’importe le sens et que vive l’ivresse de faire partie du cercle d’initiés parisiens facebookés !

J’ai fui ce théâtre. La culture n’a pas vocation à m’emprisonner. Même dans l’un des plus beaux palais de Paris.

Pascal Bély – www.festivalier.net


“Yves-Noël Genod” au Théâtre National de Chaillot à Paris jusqu’au 6 juin 2009.


Photo Patrick Berger. Marlène Saldana.

Yves-Noël Genod sur le Tadorne:

Au Festival Actoral, l'acte anal d'Yves-Noël Genod.