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Marseille Provence 2013

Tous au J1 de Marseille le 22 décembre 2013 !

Tandis que l’équipe de Marseille Provence 2013, capitale européenne de la culture, prépare un grand feu d’artifice pour le 31 décembre,

Tandis que les chiffres de fréquentation de l’année capitale tombent comme des trophées économiques,

Tandis que colloques et débats se succèdent pour déposer le bilan et inviter le public à poser  (…posément) des questions aux experts de la culture,

Tandis que peu à peu, chacun se projette en 2014 dans un contexte de fortes certitudes…il ne passera pas par moi…il ne repassera pas par là…

Tandis….

Il y a des citoyens qui s’interrogent, qui se mobilisent…Pourquoi le J1, espace appartenant au Port Autonome, est-il voué à disparaître du paysage culturel marseillais en 2014 ? Ce sublime lieu, plongé dans le site extraordinaire du port de Marseille, a fait de nous des visiteurs sensibles, des chercheurs de midi contemplatifs, des Méditerranéens déraisonnables, des corbusiens visionnaires vers des baies vitrées, focales de nos désirs de voyages imaginaires. Nous avons aimé cet espace suspendu, entre terre et mer, où le paysage environnant s’est fondu dans l’art, provoquant notre sidération de nous sentir profondément de Marseille, ville qui accepte de se voir si belle dans le reflet de nos regards marins…

Ce lieu populaire va donc disparaître parce que nos élites aveuglées de chiffres ne voient plus que l’art fait lien. Ils n’ont pas compris que le J1 était le lieu de rassemblement des personnages qui résident en nous. Ils ne savent plus qu’un port est l’ancrage de nos errances…

Nous ressentons le J1 comme le patrimoine capital d’une humanité de Marseille,

Nous ressentons le J1 comme le lieu des recherches de tous les midis,

Nous ressentons le J1 comme un bateau, ouvrant la dentelle du Mucem vers d’autres esplanades…vers d’autres rivages.

J1

Le 22 décembre sera le dernier jour d’ouverture du J1. Nous vous donnons rendez-vous à 15h30 pour que les grilles qui l’entourent puissent accueillir vos mots, vos images…

Pour que ce bateau imaginaire reste à quai sous la pression de nos attachements réunis.

Pascal Bély- Le Tadorne.

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Marseille Provence 2013 Vidéos

La cuisine de Marseille Provence 2013.

J’ai un rapport passionnel avec la cuisine. Ma mère avait le talent d’un grand chef et je possède un patrimoine culinaire inestimable. Lorsque Marseille Provence 2013 et la Friche Belle de Mai ont proposé le festival «Cuisines en Friche», je n’ai pas hésité malgré le coût des places (de 7 à 35 euros) dont certaines comprenaient le prix d’un repas. Cette politique tarifaire a privilégié un public aisé (et blanc…) alors que le quartier environnant est l’un des plus pauvres de Marseille. Pourtant, la cuisine peut relier l’art au quotidien des habitants, mais les projets culturels reproduisent et amplifient les fractures sociales du pays. Au hasard des échanges, on n’a cessé de m’opposer l’art à la culture. Une spectatrice osant même m’avouer : «mais pourquoi voulez-vous mettre de l’art partout ?». Oui, pourquoi ? Tentatives de réponses…

Lorsque l’École d’Art et de Design de Reims organise sous chapiteau «Le Banquet Scientifique» («savoirs et saveurs, pillage et gaspillage»), mes attentes sont fortes : comment la cuisine peut-elle concilier art et sciences? Je déchante très rapidement. Une brochette de chercheurs m’inflige une série de discours aussi hermétiques qu’un plat sous vide. D’un côté, un chef cuisinier  (Eric Trochon) chargé d’accommoder (non sans talent) les (nos) restes, de l’autre une installation scénographique de fin d’études aussi pauvre que la communication rose bonbon de Marseille Provence 2013. Comme unique mise en scène circule un caddie qui véhicule cette élite suffisante pendant que nous dégustons des plats négligemment présentés (ici, la forme importe peu…). Parfois, nous sommes invités à nous lever de table pour suivre une pancarte «suivez-moi». Suffit-il de déplacer les corps pour mettre en mouvement un discours ? Ici, le design a évacué la question de la scène, de la dramaturgie, de la présence d’artistes pour nous infliger un propos lourd, culpabilisant et surtout vertical. Est-ce là, l’avenir des scènes pluridisciplinaires? Le même soir, je postais sur Facebook : « Je sens qu’il y a un mouvement de fond dans ce pays où les professionnels de la communication et du design publicitaire sont en train de squatter durablement les lieux d’art. Si j’étais un artiste, je m’en inquiéterais ».

 

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Toujours sous chapiteau, Fulgurances, organisateur d’événements culinaires, propose «Polenta, dîner pour 200 convives» avec le chef Massimo Botura, 3 étoiles au guide Michelin. Ici, le plateau est réduit à des tables blanches en U entourées du public, comme dans un banquet. La mise en scène consiste à dresser les plats avec un fond musical pioché probablement dans une playlist sur le net. Le chef, assisté d’un directeur artistique (sic), raconte quelques anecdotes sur la polenta (comme si cela équivalait à de la fiction) et décore les plats sous le crépitement des photographes amateurs confondant manifestement «Cuisines en Friche» avec l’émission «Top chef». Ici, la cuisine fait le show et l’art culinaire se goute dans l’assiette (succulentes bribes de Polenta en dessert). Soit. Mais il y a d’excellents restaurants pour cela ou des foires aux vins si vous aimez les histoires…Finalement, cette “performance” mérite-t-elle tant d’honneurs? Plutôt que de confier ce type de rendez-vous à une agence événementielle, la Friche serait bien inspirée d’inclure les artistes pour accompagner les grands chefs cuisiniers à accommoder leurs œuvres avec ceux des arts de la scène…

Avec le chef Yvan Cadiou, l’art culinaire est théâtralisé. Dans «Ma puce, à table !», la scène reproduit l’intérieur de sa cuisine personnelle et accueille un orchestre de jazz et des anecdotes sur la vie trépidante de ce chef qui a parcouru le monde et quelques plateaux télé. L’homme est généreux, à l’image de sa cuisine où rien ne s’oppose, mais tout se relie avec un art de l’assaisonnement dont il a le secret. Les élèves du lycée Régional Hôtelier de Marseille l’assistent élégamment pour servir près de 200 spectateurs. Mais j’aurais aimé un personnage de théâtre et non un show où l’égo surdimensionné d’Yvan Cadiou écrase l’imaginaire véhiculé par sa cuisine. Lorsqu’il évoque trop furtivement sa mère et sa fille, un dramaturge et un metteur en scène auraient pu «faire récit commun» avec le public et transcender les couleurs de ses plats vers l’œuvre qu’une scène est en droit d’attendre.

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« Umami », « spectacle à croquer par le jeune public », par la compagnie Laika et Piccoli Principi, est la plus belle scénographie du festival. Inspiré d’un théâtre à l’italienne, je me ressens dans une assemblée délibérative du bon goût. De haut, j’observe le jeu de ces acteurs belges et italiens réunis pour la circonstance par le Théâtre Massalia. C’est un laboratoire expérimental où le sol métaphorise la langue, mais où le théâtre se charge de faire émerger ce 5ème goût, à la saveur énigmatique, celui qui est en chacun de nous, lorsque nous communiquons autour d’un plat. Voici donc un chef qui doit se concentrer autour de sa recette tandis que ses compères incarnent ce que l’art de cuisiner procure : passion, folie, créativité, violence, déconstruction, désirs…On se prend au jeu, celui de l’amour et du hasard tout en regrettant finalement d’être abandonné lors du dernier instant : celui du 5ème goût, telle une petite mort surgissant trop vite…

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« Instantané » de Theo Kooijman proposé par Marseille Objectif Danse est la belle surprise du festival. Un théâtre où il n’y rien à manger (enfin), mais où tout se déguste à l’image d’un café gourmand de l’esprit. Cet homme longiligne me touche d’emblée: il y a dans son regard rieur et grave, dans ses déplacements, un doux mélange d’enfance et d’expériences artistiques engagées. La scène est sa planche à découper où il pose ce que la cuisine et son contexte évoquent de gestes, de liens, d’anecdotes, d’assemblages et de danses. Il est à la fois instrument(alisé) de la société de consommation et créateur pour s’en émanciper. Le corps nourri son imaginaire florissant quand ses ongles deviennent serres pour graines à germer ou quand il est multifonctions tel un couteau suisse pour attraper les mouches. À l’image d’un chef cuisinier, il fait mijoter son corps dans un bain de valeurs écologiques et célèbre la créativité, ressource inépuisable pour se nourrir sur les chemins de traverse, là où l’inattendu dévoile l’Umami. Peu à peu, Theo Kooijman dessine un corps végétal dans son restaurant des arts. Sûr qu’il serait capable d’accueillir les grands chefs du Festival,  à la recherche de ce petit grain artistique pour une dramaturgie trois étoiles.

«Je danse et je vous en donne à bouffer» est probablement le spectacle le plus en phase avec l’idée que je me faisais de «Cuisine en Friche ». Radhouane El Meddeb, chorégraphe tunisien, nous attend, patiemment, pour cuisiner son couscous. Tout est en place : ingrédients, instruments, plaques électriques, plats et couverts. La danse rencontre donc ce plat légendaire, populaire, complexe dans sa préparation, où le cuisinier, tel un alchimiste de l’amour, fait entrelacer le légume, la viande et le blé ! Le tout frémit, son corps s’élance. Le bouillon clapote, il danse du ventre. La semoule lui file entre les doigts, il ouvre ses bras. Ses rondeurs accueillent la danse qui, jusqu’à preuve du contraire, est une affaire de plis et de bosses, de gras et du double, de liquides et de chairs. Entre deux préparations, il vient vers nous pour jouer avec le temps de cuisson qui s’accélère subitement. Il court autour de la scène comme si sa seule montre était les battements du cœur. Alors que nous « bouillons », qu’il construit méticuleusement ses châteaux de semoule pour accueillir le liquide si précieux, il revient pour jeter à terre une nappe, des verres et des assiettes de pique-nique : le désordre avant l’ordre établi ! Il nous invite à table puis disparaît. Son couscous, c’est le goût de la danse.

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C’est mon dernier spectacle de «Cuisines en Friche». «Il Convivio», mise en scène par Catherine Marnas, aurait dû symboliser le projet artistique du Festival. Ici aussi, il n’y a rien à manger. Ici, les tables du banquet sont la scène pour cinq acteurs incarnant différents rôles de la grande histoire du théâtre (Dante, Victor Hugo, Carlo Collodi, Tchekhov, Sophocle, Jacques Offenbach, Georges Feydeau, Nancy Huston, Luigi Pirandello). Autant d’ingrédients pour une cuisine théâtrale dont cette compagnie a le secret à partir d’une vision de Romain Gary aujourd’hui menacée : “Rien n’est humain qui n’aspire à l’imaginaire“. Car ce banquet est un acte de résistance aux processus de réduction, de rationalisation qui contaminent aussi (et surtout) les programmations culturelles: sans imaginaire, sans artistes, sans scène, point d’humanité en devenir. Dans «Il Convivio», le message est d’autant plus puissant que, Pinocchio( magnifique Francesco Gargiulo), figure mythique du théâtre italien (pays où l’art est si malmené), est invité pour relier tous ces personnages. Drôle, provocateur, cabotin, il est à plusieurs reprises persécuté, pour éviter qu’il ne joue. Mais le théâtre résiste avec l’énergie du désespoir. À mesure que le banquet avance, ma sensibilité de spectateur se décuple. Je trinque à mon tour, ris aux tours foireux d’un magicien maladroit (exceptionnel Olivier Pauls) et pense à Isabelle Huppert qui déclarait dernièrement sur France Inter : «Pourquoi faudrait-il tout comprendre ? Pourquoi tout vouloir rationaliser ? Et si ne rien comprendre c’était comprendre autrement ?».

«Cuisines en Friche» a succombé au show pour séduire et servir l’égo des grands chefs. Mais ses promoteurs doivent savoir qu’un chef cuisinier, aussi talentueux soit-il, ne peut s’aventurer sur la scène sans la danse et le théâtre au risque de voir surgir Pinocchio des coulisses ramener en cuisine ces plats trop cadrés.

Pour les confier aux comédiens qui savent accomoder l’imaginaire à toutes les sauces.

Pascal Bély – Le Tadorne.

« Umami » par la Compagnie Laika et Piccoli Principi ; « Je danse et je vous ne donne à bouffer » par Radhouane El Meddeb ; « Instantané » par Théo Koojman ; « Il convivio » , mise en scène de Catherine Marnas ; « Ma puce, à table ! » par Yvan Cadiou ; « La banquet scientifique » ; « Polenta » : Festival « Cuisines en Friche » à la Friche Belle de Mai à Marseille du 11 au 15 septembre 2013.

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Avignon Off 2013 – Ludor Citrik, clown explosif.

« Qui sommes-je » de Ludor Citrik  a été joué au Théâtre Le Sémaphore à Port de Bouc le 5 février 2013 dans le cadre de «Cirque en capitales ». A voir à l’Espace Vincent de Paul à 15h30 du 10 au 28 juillet 2013 au Festival Off d’Avignon.

Sans désir, peut-on être spectateur? Ce soir, j’en ai pour rejoindre le Théâtre du Sémaphore à Port-de-Bouc qui programme «Qui sommes-je ?» de Ludor Citrik, dans le cadre de «Cirque en capitale», le festival phare de la capitale culturelle. L’éclatement géographique des propositions n’est pas pour me déplaire : l’art me déplace…

Je suis allé à sa rencontre. J’ai dû l’abandonner de longues années pour le retrouver dans un tel état. Le clown déboule sur scène, et s’extirpe d’une bâche de plastique. D’où vient-il pour être à ce point apeuré et surpris d’être là ? Qu’avons-nous fait de lui au cours de ces années de Sarkozysme triomphant ? Où l’avons-nous niché ? Sommes-nous encore en mesure de le (re) trouver en nous ? «Pour trouver son clown, il faut rechercher ses faiblesses essentielles, les reconnaître, les faire ressentir, les afficher, s’en moquer publiquement…et incidemment faire rire les autres» écrivait Jacques Lecoq, metteur en scène et pédagogue. Ludor Citrik ne joue pas seulement au clown. Il nous redonne cette puissance d’interroger le nôtre…

Il est assis, en couche-culotte. Sous la pression d’un animateur argenté (sic), il doit obéir. Rester là. Puis là. Des bandes adhésives blanches lui indiquent les limites à ne pas franchir. Il a tous les pouvoirs des «chroniqueurs comiques» de tout poil qui pullulent sur nos antennes. Sa culture du cynisme et du bon mot lui donne l’assurance de celui qui veut dompter les consciences avec sa petite morale de bazar.

Ce clown, est-il jeune ou vieux ? Je ne sais plus. C’est un vieux en couche-culotte qui joue à l’enfant, ou l’inverse…à moins qu’il n’incarne notre créativité cachée, brimée de toute part par l’avalanche de normes et de mesures. Son corps ne cesse de se transformer tel un geste généreux vers le public : le clown n’a pas d’âge. Il n’a que des états de corps. Il est magnifique parce qu’il fait tout voler en éclats de rire à partir d’un imaginaire florissant. Son monde à lui devient corps céleste et nous sommes des comètes prêtes à rentrer en collision. À tout moment, tout peut exploser. Mais le clown a une arme secrète, pour ne jamais faire mal : son empathie joyeuse ! Il nous tend notre miroir à partir du sien où il dialogue avec un double complice, figure médiatrice entre lui et nous. C’est ainsi que nous jouons à imaginer sa fuite entre deux maltraitances de l’animateur.  Pour s’évader, il s’éclate…il pulvérise les codes du bien pensant pour nous inviter à voir autrement à partir de pas de côtés presque magiques. Tandis que l’animateur lui tend une galette, il crée un dialogue surréaliste à l’image de Magritte : ceci n’est pas un biscuit ! Tandis qu’il joue avec le miroir, il parvient à faire l’amour avec lui en se projetant dans une orgie avec le public : avec mon clown, l’onanisme est une fête ! Tous les éléments du décor y passent jusqu’à la bâche plastique, métamorphosée en un nuage qui aurait fait une mauvaise chute !

Ce clown accumule des souffrances (seraient-elles celles du corps social?) provoquées par les brimades de la société du spectacle qui transforme nos espaces de liberté en camp retranché.  Notre clown les déjoue en détournant les mots pour interroger notre vivre ensemble, nos dualités entre le masculin et le féminin, nos cloisons entre pensée et plaisir…Il ne cède jamais à la plainte, mais redéfinit en permanence le cadre pour interagir. Il souffre pour réveiller notre clown d’aujourd’hui, humanoïde hybride entre raison et déraison qui dépasse nos systèmes de pensée usés et normés.

Notre  clown est si fort qu’il rend l’animateur totalement dépendant. Il a toujours une longueur d’avance jusqu’à guider sa pulsion de faire mal vers l’endroit où cela pourrait lui faire du bien ! Il cherche toutes les ouvertures là où rien n’est à priori fermé ! Tenu en laisse par son gardien de tôle, il n’hésite pas à franchir la ligne blanche, vient vers nous, nous provoque dans notre confort et nous prendre à témoin pour rendre justice.

Sans dévoiler la fin, notre clown s’est offert un final dont la trace explosive a terminé dans ma poche. Je la garde précieusement pour ne rien oublier de cette soirée-là où un nuage à terre a fini par s’élever, le nez en l’air…

Pascal Bély –Le Tadorne



		
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ACCUEIL DES LIEUX CULTURELS FESTIVAL D'AVIGNON LES EXPOSITIONS Marseille Provence 2013 Vidéos

Au Musée Réattu d’Arles, l’exposition «Nuage» dévoile notre ciel d’Avignon.

Arles – Sylvie Lefrère et Pascal Bély

En cette fin de printemps, les nuages sont une fois de plus de sortie, mais qu’importe…nous avons rendez-vous au Musée Réattu d’Arles pour  «Nuage», l’une des expositions phares de Marseille Provence 2013. Elle est notre point de ralliement pour finaliser notre projet d’Offinités Publiques, où spectateurs, lecteurs et contributeurs du blog «Le Tadorne» créeront les jours pairs au Festival Off d’Avignon, un espace critique ouvert et vivant. En entrant dans le Musée, nous ignorons encore que nous y resterons la journée…

Au commencement, nous contemplons longuement l’œuvre de Jaume Plensa installée dans la cour du Musée où un amalgame de signes construit de la matière d’où la poésie émerge. L’universalité prend corps dans la transparence. L’écriture d’Asie, les chiffres d’Égypte, la calligraphie arabe se mêlent et nous donne le canevas de la communication ouverte. Notre regard se met en dynamique: d’une vue globale, il s’affine dans des trouées.

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De ces puits de lumière, il éclaire notre vision et les points cardinaux changent de repères. «Nuage» nous projettera donc dans un univers de langages qui traversera nos corps et nous donnera l’assise qui autorise toutes les pensées, pourvu qu’elles ouvrent, relient les mots et poétisent nos liens. « Nuage IV » de Jaume Plensa est l’œuvre qui métaphorise notre projet pour Avignon.

Nous avons finalement investi le lieu pendant plus de cinq heures : debout pour arpenter les 26 salles ; assis sur la moquette nuageuse pour réfléchir et écrire entourés des corps célestes d’Inigo Manglano-Ocalle (deux «peintures» reproduisant l’ADN d’un couple); couchés dans des coussins en forme de galets de l’installation de Céleste Boursier-Mougenot pour regarder autrement le rivage du Rhône, projeté sur les murs, comme une ouverture vers de nouvelles perspectives.

En nous installant dans le musée, nous avons osé sortir du cadre (celui où le visiteur passe de salle en salle sans se (re)poser pour élaborer) à l’image de la troublante œuvre de Corinne Mercadier (“Black Screen Drawing”). Notre cheminement dans ce lieu nous a donné la vision des liens que nous souhaitons instaurer avec les spectateurs d’Avignon. N’est-ce pas là, une des fonctions de l’art ?

Aujourd’hui, nos systèmes déconnectent le sens de l’action. En nous invitant à donner un grand coup de masse dans les deux  gongs de Matter/Spirit de Jaume Plensa, celui de l’esprit et l’autre de la matière, nous ressentons les vibrations de la co-construction qui les rapprochent, en transversalité, du bas vers le haut, de la terre vers le ciel.  Fatigués par la lourdeur d’une profonde crise de la pensée, nous aspirons à la légèreté des Tranches de nuage de Jean Arp où le poids se confronte à l’air, où le minéral solide s’oppose au gaz pour créer une nouvelle matière vivante à l’image du Nuage prenant racine de Christian Rothacher

Telle sera notre finalité à Avignon: nous ferons sonner les gongs au commencement de chaque offinité pour relier l’esprit du spectateur à la matière foisonnante du Festival Off (plus de 1200 spectacles !).

En se laissant porter par les vents, la condensation des gouttelettes d’eau se réunit et fabrique les nuages . Le ciel se dessine grâce à leurs  fragments qui se forment, se deforment. Des vents nouveaux réorganisent la composition du ciel. Le temps se métamorphose, du singulier au collectif. L’évaporation des plus petits bâtit de nouveaux horizons. Éphémère phénomène météo qui façonne le paysage, dégage de la vision où les ombres sur la terre laissent passer les rayons du soleil à l’image des photographies envoutantes d’Edward Weston (Dunes). Lors des Offinités, nous créerons les nuages à partir des paroles parsemées qui, par l’effet du collectif réuni, formeront un paysage d’ombres et de lumières.

Le cheminement proposé par la commissaire Michèle Moutashar nous emmène à notre insu vers de nouveaux territoires à l’image de la  La machine à Poèmes de Marcel Broodthaers où l’ imaginaire spirituel se relie avec le réel et lui donne une force clairvoyante. Le promenoir à nuages de Françoise Coutant nous propulse encore plus loin dans ce désir de s’affranchir de la mécanique pour la poétiser. Pour nos offinités, nous aspirons à introduire le regard poétique dans un espace public et ouvert : les spectateurs critiques disposeront de promenoirs…Ainsi, le ciel et la terre se reflètent comme dans un miroir. Du figé apparaît le mouvement et nos échelles de valeurs nous élève vers l’utopie symbolisée par Le Cloud Cleaner de Robert et Shana ParkeHarrison. Nos offinités nourriront l’utopie de Jean Vilar pour qui « le public est l’artisan de son théâtre ».

Au fur et à  mesure,  l’exposition nous donne de l’énergie, et de notre projet apparait l’œuvre de Michael Sailstorfer, «Cumulus». Nous contemplons  la rotation de la matière actionnée par la machine qui, peu à peu, dévoile sa poésie, entre mère et ciel, liens et formes, projet et sens. Notre ciel d’Avignon se dévoile, parsemés de spectateurs-nuages, fruit de la condensation de nos sensibilités croisées, pour des écrits-paysages qui seront publiés quotidiennement sur le blog.

La journée s’achève sous le soleil. Ce musée est un lieu d’art où se relient les projets…un lieu de rencontres, sans éducation, où l’on se nourrit d’interactions et de convivialité. Nos offinités publiques seront nuage, car l’art est brume.

Sylvie Lefrère et Pascal BélyTadornes.

Crédit photo: Gazull.
" Nuage" au musée Reattu à Arles du 16 mai au 31 octobre 2013
"Les offinités publiques du Tadorne" au Village du Off du Festival d'Avignon, de 11h30 à 13h, les jours pairs du 8 au 30 juillet 2013.
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FESTIVAL D'AUTOMNE DE PARIS FESTIVAL DES ARTS DE BRUXELLES L'IMAGINAIRE AU POUVOIR Marseille Provence 2013 OEUVRES MAJEURES Vidéos

J’me fais mon cinéma.

Est-il possible que le cinéma puisse émerger du théâtre ? Depuis trop longtemps, j’ai subi l’image sur un plateau où la vidéo est venue se plaquer pour remplir le vide d’un propos égaré. Trop souvent, le numérique s’est imposé pour que je lâche le théâtre au profit d’effets spéciaux très spécieux. La liste serait trop longue à dérouler de tous ces spectacles dits hybrides qui ont noyé le sens dans la forme. Il est d’ailleurs troublant de constater que ce mouvement «moderne» se prolonge aujourd’hui à Marseille où une Scène Nationale nous propose des ballades sonores, de dormir au théâtre (si, si), où le « Off » de Marseille Provence 2013, installe un campement…Dans un article pour le Monde, le philosophe Alain Badiou écrivait: «Les modernes eux-mêmes ont énoncé que tout art authentique devait en finir avec la représentation, se tenir au plus près du dynamisme vital dont les corps sont porteurs et abolir la funeste distance entre acteurs et public, scène et salle, afin de fonder un collectif festif où tous auront indistinctement leur place active. L’idée fait ainsi son chemin d’un “théâtre” sans aucune théâtralité, d’un théâtre qui abolit le théâtre. Religion contemporaine, peut-être, que ce désir éperdu de se confondre avec le réel nu de corps que rien ne représente, et qui ne représentent rien.»


Mais fort heureusement, des artistes pensent le théâtre comme un art global. Il me revient en mémoire le spectacle éblouissant de l’Allemande Katie Mitchell au Festival d’Avignon en 2011 où «Christine, d’après Mademoiselle Julie» librement adapté d’August Strindberg fut d’une telle virtuosité qu’elle m’avait permis d’être l’auteur de mon cinéma théâtral ! Le film s’élaborait en direct, sans montage, car le théâtre ordonnait tout ! Toute la machinerie n’était qu’au service de la poésie pour entendre et comprendre la douleur de Christine.


L’an dernier, toujours au Festival d’Avignon,  Markus Öhrn  dans «Conte d’amour» avait osé la vidéo pour projeter l’horreur qui se déroulait dans la cave où Joseph Fritzl séquestra pendant vingt-quatre ans sa fille Élisabeth et trois des enfants nés des différents viols incestueux. Comment transposer une telle horreur au théâtre si ce n’est en «déréglant» le système de la représentation? Pour que cela soit suffisamment mis à distance pour nous toucher, Markus Öhrn n’avait pas le choix: la cave, floutée par une bâche de plastique, était la scène où le cinéma se fondait dans le théâtre pour rendre compte de la violence de cet amour (et de la créativité qu’il génère pour le bourreau et les victimes). Sans ce cinéma d’art et d’essai, point de théâtre de corps, d’objets, de marionnettes et de refrains musicaux.

Récemment, l’image a surgi du théâtre sans aucun artifice technologie particulier (si ce n’est un ordinateur qui explose à la fin, un congélateur qui se déplace en fonction des vibrations de son moteur déréglé !).  C’était au dernier Festival des Arts de Bruxelles. Le metteur en scène Belge Claude Schmitz y présentait «Mélanie Daniels», protagoniste du film d’Alfred Hitchcock, «Les oiseaux», incarnée à l’époque par Tippi Hedren. Ici, il ne s’agit pas de transposer au théâtre ce chef d’œuvre cinématographique, mais de vivre le processus de création d’une improbable suite où émerge, à la fin du spectacle, l’Image, celle produite par le théâtre et co réalisée par l’inconscient groupal d’une salle de spectateurs attentive, rieuse et sidérée.

Il faut imaginer une équipe de tournage à l’œuvre, mais désœuvrée, parce que rien ne va: le metteur en scène est en panne d’inspiration, l’attachée de production se détache trop, le technicien du son subit le goutte à goutte d’une fuite d’eau. Pendant de longues minutes, j’erre avec eux, ne sachant plus très bien à qui et à quoi me raccrocher. Tous régressent, à l’image de leur goût immodéré du freeze que l’on puise dans un congélateur, métaphore d’une malle à jouets pour adolescents dépressifs. À cet instant, la création théâtrale est embourbée dans une vision mélancolique du monde (autocentrée et infantile) prisonnière de ses pulsions de contrôle: comment ne pas penser à cette génération d’artistes qui, n’ayant rien à dire, occupe le théâtre plutôt que de s’occuper du théâtre…Ainsi, Claude Schmitz ose décrire le processus par lequel la création s’enlise (lire à ce sujet, un article écrit lors du dernier Festival d’Avignon: l’inquiétante dérive d’un certain théâtre français). Mais parce que tout est complexe, il ne lâche rien, nous propose une autre image, celle qui s’élabore, presque à notre insu: le premier niveau narratif peut bien s’effondrer (au sens propre!), le second, celui où l’art émerge, apparaît peu à peu: les corps lâchent, l’esprit vagabonde pour se perdre dans la vision burlesque de Chaplin, le bruit du vol des oiseaux nous surprend par derrière (comme un rêve éveillé), la figure mythique de l’actrice Tippi Hedren erre, rode…

Le théâtre se fond lentement dans l’univers d’Hitchcock, de la profondeur horizontale du plateau vers ces fenêtres en fond de scène où je projette mes désirs. C’est drôle et grave comme si le sens n’était pas seulement dans l’histoire d’un collectif qui peine à filmer, mais ailleurs, dans ce cheminement où le théâtre nous guide vers le cinéma, où il est l’art de l’art. Peu à peu, l’œuvre d’Hitchcock se prolonge: Claude Schmitz ne propose aucune suite, mais la relie dans un nouvel espace mental pour et vers le spectateur où le cinéma ne se “fabrique pas”, mais où l’Image est une émergence d’un traveling théâtral.  La dernière scène me plonge dans une mise en abime, dans un océan de beauté, où je m’émancipe de la narration, où l’art de Claude Schmitz m’aide à ressentir ce lien si particulier à la scène.

À cet instant précis, alors que le public lui fait un triomphe, cet homme me réconcilie avec la modernité où n’est image, que théâtre.

Pascal Bély – Le Tadorne

Mais encore…

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Toujours au KunstenFestivalDesArts de Bruxelles ; toujours au sujet du cinéma. L’œuvre théâtrale de Mariano Pensotti, «Cineastas», sera présentée au prochain Festival d’Automne à Paris. Ici, le théâtre et le cinéma cohabitent dans un même espace vertical. Au premier étage, le tournage…au rez-de-chaussée, la dramaturgie de la vie de l’auteur. Il faut imaginer quatre cinéastes argentins, qui ne se croisent jamais, où le spectateur est positionné comme témoin de la genèse de leur film…où leur intimité se joue au rez-de-chaussée tandis que le film s’élabore au premier étage. Ainsi, chaque acteur passe du rôle de cinéaste à celui d’acteur d’un autre film sans aucune rupture de temps!

Le scénario cinématographique de chacun se métamorphose à mesure que le théâtre met en scène la complexité du rapport entre leur visée d’artiste et l’intimité de leur vision. Le cinéma est alors objet d’analyse (ou objet de l’Analyse…) et nous permet de nous projeter à deux niveaux en même temps : la narration et l’écriture de l’histoire entre le cinéma et le théâtre. Ainsi, le spectateur est en permanence sollicité pour faire les liens entre ces quatre «mises en scène», le contexte historique (celui de l’Argentine, de la Russie, …) et le processus par lequel l’image nait du théâtre. C’est palpitant, enivrant et enthousiasmant de constater que la scène est décidément l’un des rares espaces où se pense et s’élabore la complexité.

Crédit photo: © Jorge Macchi

Plus loin encore…

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C’est à Marseille. Dans le cadre des propositions de la capitale culturelle. Je suis pris dans les embouteillages. Soudain, le quartier de la Belle de Mai se révèle. À l’approche d’une école, sur les murs, deux pans photographiques se dévoilent. Un groupe d’enfants entre dans le même mouvement à soixante années d’écart. C’est subjuguant. Mais je n’ai encore rien vu. Sur le toit panorama de la Friche Belle de Mai, je découvre le travail du photographe JR en plusieurs dimensions. Il a séjourné dans le quartier pour révéler sa mémoire, à partir de groupes d’enfants photographiés à des époques différentes. Les murs opèrent le dialogue. La mémoire du dedans des appartements semble surgir vers l’extérieur, vers nous. L’histoire dessine une nouvelle architecture du quartier pour une modernité qui relie les générations. C’est fascinant. JR  photographie le peuple et le propulse sur la scène pour une urbanité poétique. L’Image surgit à l’articulation de la photographie d’art, de la mémoire collective et de notre destin commun. Chapeau l’artiste.

 Crédit photo: © wonder brunette
 
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LES JOURNALISTES! Marseille Provence 2013 Vidéos

Je m’enflamme pour Bernard Stiegler et pour Marseille,capitale européenne de la culture!

Il est assez rare qu’une émission de télévision soit métaphorique d’une crise de la pensée et de la manière dont «on nous parle». Frédéric Taddeï, animateur de «Ce soir ou jamais» sur France 2, a composé un plateau idéal pour commenter la première année de présidence de François Hollande. À notre droite, Marie de Gandt. Elle fut l’une des plumes de Nicolas Sarkozy. Auprès d’elle, trois portes-parole de la droite décomplexée: Éric Brunet, journaliste brut de décoffrage; Thierry Saussez, conseiller en communication politique; Sophie Pedder, journaliste libérale pour The Economist. En face: Thomas Piketty, économiste placardisé par le PS; Elisabeth Roudinesco, historienne, psychanalyste; Bernard Stiegler, philosophe; Jean-Michel Ribes, directeur du Théâtre du Rond-Point.

Au commencement, tout se clive lorsqu’est évoqué le mauvais français de Sarkozy et la bonne maîtrise de la langue par Hollande et ses ministres. Jean-Michel Ribes symbolise cette gauche condescendante («je suis attentif quand les gens disent n’importe quoi» dit-il à Saussez) et courtisane. À ce moment du débat, ces «intellectuels» adoptent le même système de pensée, qu’ils évoquent Sarkozy ou Hollande: penser, c’est commenter les commentaires, amplifier l’anecdote. Ribes signe la fin du premier acte en affirmant «qu’ un monde s’achève avec des gens qui ne veulent pas qu’il s’achève». Il ne croit pas si bien dire…

C’est alors que Bernard Stiegler prend la parole. Il analyse le français de Sarkozy: «il a dégradé l’image de la nation auprès des enfants et je lui en veux beaucoup…la vulgarité était un choix politique». Le ton monte et les invectives fusent avec Éric Brunet: «Je ne vais pas discuter avec ce mec…pourquoi êtes-vous ici vulgaire?, lui lance Stiegler. “Parce que je viens d’un milieu populaire”, lui répond Brunet. Stiegler menace de partir: la tension est maximale. Il se rassoit et choisit de changer de niveau logique. Stiegler veut penser et nous entraîner avec lui. Il exerce alors son regard critique «non pour dénoncer, mais pour analyser». Le silence est total sur le plateau. Il qualifie la crise comme un processus, celui du passage d’une société à l’autre: «l’essentiel de l’argent qui rentre vient d’un processus producteur – consommateur qui est en train de disparaître. Il faut aller vers un nouveau processus, qu’il faut faire émerger : l’économie de la contribution…il y a une idéologie régressive : la vulgarité y a joué un rôle…personne n’affronte la réalité du changement…personne n’ose qualifier la question du changement…C’est une 3ème révolution industrielle qui se prépare…Il est temps d’arrêter de prendre les Français pour des imbéciles…ils sont désireux d’être intelligents…». Les interventions suivantes de Thomas Piketty sur la situation économique (trop souvent entendues) ne résistent pas longtemps à la pensée de Stiegler d’autant plus qu’Élisabeth Roudinesco le disqualifie: «on parle trop d’économie. Il y a une crise morale. Une dépolitisation». Mais elle confond «économie» et «chiffres»…

Bernard Stiegler précise: «La classe intellectuelle fuit la question économique. Il y a un déficit d’articulation entre les questions d’économie et l’économie libidinale. On ne peut pas isoler les processus économiques et sociaux. Toute la socialisation des produits nouveaux s’est faite par le marketing et non régulé par la puissance publique d’ÉtatIl nous faut une nouvelle critique de l’économie politique pour relier l’économie et le social…. Il faut un discours sur l’Europe dans un nouveau modèle de la modernité et faire confiance au peuple. On s’adresse à leur bêtise, car les pulsions se contrôlent plus facilement que les désirs. »

Je vous épargne les réponses des «penseurs» présents sur le plateau qui le disqualifieront à tour de rôle («moi je préfère évoquer l’économie réelle» lui rétorque Sophie Pedder). L’émission se termine par un débat autour du lien entre la musique et le cinéma. Les échanges se font plus fluides, la pensée plus circulaire: «l’art nous protège de la réalité qui tue», précise Jean-Michel Ribes.

Le lendemain, cap sur la capitale européenne de la culture à Marseille, où la compagnie Carabosse propose l’un des événements phares de cette année capitale, «Flammes et flots» (sur deux soirées, 420 000 marseillais auront arpenté le Vieux-Port). Ici, point de feux d’artifice, mais du feu, du vrai, qui jaillit de pots suspendus, de brasiers. Ici point de jets d’eau télécommandés, mais du feu qui coule le long de rigoles au cœur de machines inutiles à la production, mais nécessaires à la poésie. Ici, point de sons et lumières…juste une déambulation musicale où la lenteur de nos pas nous fait contempler de petits automates posés là, au milieu de la rue…Sont-ils nos semblables à la marche «mécanique» le long des galeries commerciales?

Ce soir, on ne s’adresse pas à mes pulsions. Ils ne sont pas producteurs et moi consommateur. Ce soir, je me ressens profondément contributeur parce que ma sensibilité et mon intelligence sont mobilisées. La compagnie Carabosse fait confiance à une population pourtant réputée pour sa violence.

Ce soir, les processus de cette nouvelle révolution industrielle évoquée par Bernard Stiegler sont en jeu: se mettre en mouvement pour ressentir l’alliage des contraires ; se mettre en état de rêve pour se projeter dans l’eau, le fer, le feu, fondements de l’évolution de l’espèce humaine vers l’Humanité ; écouter ses désirs, car ils sont vecteur du sens; se transporter physiquement dans le passé pour comprendre les métamorphoses de demain (nous sommes nombreux à nous presser pour traverser le vieux port sur une passerelle flottante posée à l’endroit de l’ancien transbordeur).

Mais Télérama, journal auquel est très attaché Jean-Michel Ribes (sic) n’a pas apprécié ce changement. Gilles Rof et Sandro Piscopo-Reguieg (il faut être au moins deux pour dénoncer) écrivent sur le blog dédié à la capitale européenne : « Marseille a poursuivi sa soirée contre nature, s’ennuyant ferme alors qu’elle n’attendait qu’une chose : faire une jolie fête. » Ici, la fête étant entendue par le spectaculaire, par ce qui fait flash, ce qui fait du bruit loin de l’ennui et de la rêverie…

«Flammes et flots» nous a offert de la lumière, celle qui fait tant défaut à une ville plongée dans le noir de la crise. Ce soir, il n’y avait aucune couleur rose ou rouge (de celles qui font la joie du marketing culturel pour assujettir l’art aux pulsions du consumérisme!), mais une lumière fragile, soumise au mistral, et qui est allé chercher loin mes premières lueurs de gosse.

Pascal Bély – Le Tadorne.

« Ce soir ou jamais », émission du 3 mai 2013.
« Flammes et Flots » de la Compagnie Carabosse à Marseille, Vieux-Port, les 3 et 4 mai 2013, dans le cadre de Marseille Provence 2013.
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LES EXPOSITIONS Marseille Provence 2013 PAS CONTENT

Marseille Provence 2013 et sa mairie annexe.

Comment accueillir l’art contemporain dans une ville ? Peut-elle faire «œuvre» ? Est-ce suffisant d’installer à quelques coins de rue, dans la cour d’une mairie, des œuvres et d’y poster quelques «médiateurs» chargés de diffuser la «bonne parole», le «bon regard»? Aix en Provence est l’une des collectivités de l’ensemble hétéroclite «Marseille Provence 2013», capitale européenne de la culture.  Depuis le 12 février, un «parcours d’art contemporain» est proposé, imaginé par le commissaire d’exposition Xavier Douroux. Mais dans cette ville dirigée par le maire UMP Maryse Joissains, rien n’est offert sans arrière-pensée politique au moment même où elle mène une offensive médiatique pour refuser le projet de métropole marseillaise voulu par le gouvernement.

Celle qui déclarait «illégitime» François Hollande le soir de son élection…

Celle qui a mené une guerre sans merci contre les Roms…

Celle qui fustigeait en 2003 les intermittents jusqu’à porter plainte contre eux…

Celle qui écrivait dernièrement, «les valeurs qu’à Marine Le Pen, je les ai toujours défendues»…

Celle qui a menacé à plusieurs reprises de retirer ses billes de l’Association Marseille 2013…

Celle qui est largement responsable de l’éviction de Benjamin Stora du commissariat de l’exposition sur Albert Camus…

Celle qui, sur des panneaux 4 par 3 ose écrire à l’occasion de ses vœux, «notre territoire est unique, préservons-le» (c’est-à-dire de ces gueux Marseillais)…

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Celle qui déploie une banderole contre la métropole à l’endroit même où est exposée l’œuvre de Xavier Veilhan…

Celle qui…

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Je déambule dans la ville en tentant de faire abstraction d’un climat politique qui  a abimé son image et détérioré le lien social. Mais je peine à séparer une manifestation d’art contemporain de son contexte comme si l’un ne répondait plus à l’autre. Certes, il y a les platanes colorés de petits pois par Yahoi Kusama qui métamorphose radicalement la perspective du Cour Mirabeau : cette artère commerçante et mythique tombe le masque et dévoile par magie des arbres-girafes qui élèvent mon regard au-delà du clinquant et du paraitre.

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Il y a bien la statue de Thomas Houseago sur la place de l’Université pour nous rappeler que nous sommes fragilité, un corps à multiples faces partie prenante d’une humanité qui s’effondre. Mais le reste du parcours est en résonance avec la vision d’une politique qui positionne l’art comme une variable d’ajustement économique. À la Cour d’Appel fermée comme une huitre, répondent les œuvres carcérales en acier de Sofia Taboas dans lesquelles il est interdit de pénétrer…Où est la perspective ? Au Palais de Justice juché sur ses grandes marches, répondent derrière des grilles, la vision sans profondeur du bon droit de Franz West. Où est le projet ?

Mais c’est dans la Cour de l’Hôtel de Ville que la vision politique de l’art contemporain de Maryse Joissains prend tout son sens. Dépassé la banderole (imaginerait-on le même accueil sur le fronton d’un musée?), l’installation de Xavier Veilhan souffre. D’abord de notre regard. Les visiteurs s’y prennent en photo: ce geste compte finalement plus que le sens de l’oeuvre. Puis du rôle joué par une «médiatrice» de Marseille Provence 2013 qui rappelle l’interdiction d’y monter dessus même si l’artiste nous invite «à l’habiter». Alors que j’entame le dialogue, je m’effondre peu à peu en écoutant ses arguments :

– «on n’y monte plus parce que les gens l’ont abîmé»…

-«Je pense que les conditions météo détériorent plus l’œuvre que les visiteurs”

-«Non, ce n’est pas vrai»

-“Mais alors, pourquoi l’artiste nous invite à l’habiter?”

-“L’artiste n’a pas prévu que les visiteurs abîmeraient l’œuvre”.

-“Ah,…Mais quelle représentation se fait-il de « l’habitation » ? Vous et moi, habitons les lieux et leur détérioration fait partie d’un processus vital. Savez-vous qu’une maison qui n’est pas habitée se détériore?”

-“Euh…Dans tous les cas, c’est interdit.”

-“Finalement, l’œuvre posée au cœur d’une institution culturelle refuse l’interaction alors qu’elle la sollicite. Quel paradoxe ! L’art ne veut plus du lien social pour se préserver. Mais se protéger de quoi ? Ne croyez-vous pas que ce qui détériore l’œuvre est plus la banderole militante qui nous accueille que le désir des spectateurs ? Comment Marseille Provence 2013 a-t-il pu laisser valider un tel message politique?”.

Le dialogue tourne court.

Entre l’interdiction et la banderole…l’art est un objet…contre.

Pascal Bély – Le Tadorne.

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Marseille Provence 2013 THEATRE MODERNE Vidéos

Vive le gaz de cirque !

«Cirque en capitales», le festival phare de Marseille Provence 2013, m’ouvre vers un territoire très peu exploré dans ce blog : à savoir le «nouveau cirque». «L’Ancien» ravive les mauvais souvenirs de la seule sortie «culturelle» de mon enfance : les trapézistes me terrifiaient et risquaient leur vie. Heureusement, au vertical célébré il y a quarante ans s’est substitué un horizontal, plus «terre-à-terre», où le lien social structure les prouesses artistiques. Ce soir, le cirque INEXTREMISTE présente «Extrêmités»…Tout un programme qui commence par les recommandations d’usage (portable et photos) sauf qu’elles terminent par des remerciements appuyés à d’improbables sponsors (Total, …). Bonne ambiance assurée !

Ils sont trois sur scène, dont un en fauteuil roulant. Le décor hésite entre zone industrielle abandonnée et cirque forain déambulant avec trois planches et dix bouteilles de gaz s’installant là où plus aucun théâtre ne va…Avec ces trois-là, le cirque est à l’équilibre du drame, des peurs de l’enfance et du désir d’être ensemble… Avec ces trois-là, tout peut rapidement exploser, tant leurs relations se régulent par la présence massive de bouteilles de gaz orange, en équilibre sur des rayonnages de fortune! Leur décor me rappelle ma cabane au fond du bois…là où j’entreposais dès l’âge de six ans, les objets dérobés aux parents et où je m’inventais une autre économie, celle du don contre don. La peur que soient découverts ces drôles de jeux structurait mon rapport au monde. Avec «Extrêmités», je retrouve ma cachette et cette part d’insouciance, de méchanceté qui régissait les relations entre enfants, surtout quand l’un d’entre eux était différent. Dans le trio, Rémi Lecocq irradie la scène: sur fauteuil roulant, il est un cirque à lui tout seul, à l’image de tant d’handicapés qui doivent franchir les obstacles d’un espace public qui n’est pas pensé pour eux! Ici, on joue avec ses besoins primaires où rien ne lui est épargné…même pas la sortie (indigne) des artistes!

Dans ce cirque de méchants et de gentils, personne ne fait vraiment le poids quand l’équilibre ne tient qu’à un fil ou au déplacement d’un bouton de chemise! À la relation de pouvoir instaurée dès le début du spectacle, se substitue peu à peu un autre lien, impalpable, mais qui change le cours des choses…Pour ouvrir ce trio persécutant, entre un tiers : le public! Cela commence par une spectatrice sollicitée pour aider Rémi Lecocq à lacer ses chaussures. Elle reviendra à plusieurs reprises pour faire contre poids notamment lors d’une danse où l’expression «s’envoyer en l’air» n’a rien de trivial ! À un autre moment, alors que les bouteilles de gaz volent entre les deux circassiens, … (à la demande de la compagnie, la suite de cette phrase est supprimée…)!

Cette médiation du public entre “valides” et « invalides » change radicalement la donne. La peur, la souffrance (décidément, processus récurent dans ce festival) se métamorphosent au profit d’un jeu avec le public, quitte à infantiliser les artistes (moment savoureux où une partie de ping-pong ne tient qu’à une sucette dans la bouche…) : est-ce donc le prix à payer pour que vivent les créateurs ?

Ce “nouveau cirque” donne  à Rémi Lecocq et au public une puissance vitale incroyable. Au corps qui ne peut plus, la relation créative prend le relais et se permet tous les risques, même avec des bouteilles de gaz. Peu à peu, c’est notre représentation du corps performatif qui change : il n’est plus synonyme de force, mais de capacité à relier les uns aux autres.

Dans ce travail minutieux, j’ai ressenti leur création lumière comme une invitation permanente à ouvrir ces chemins de traverse qui n’ont d’explosif que nos peurs de les emprunter.

Pascal Bély – Le Tadorne.

«Extrêmités» - Cirque inextremiste – Au CREAC à Marseille dans le cadre de Marseille Provence 2013.
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Marseille Provence 2013

Marseille Provence 2013 : déséquilibrez-moi !

Je me suis toujours méfié du cirque que j’ai longtemps associé aux jeux du même nom ! Le spectaculaire, l’exploit bloquent mes ressentis surtout quand les applaudissements réguliers du public empêchent le sens de faire silence…Cette année, Marseille et sa «métropole» sont capitale européenne de la culture et proposent «Cirque en capitales». Ici et là, des chapiteaux se montent (ou se démontent à cause de mistral…) pour accueillir toute la diversité d’une discipline qui semble avoir fait un travail important pour se renouveler et s’ouvrir au langage complexe du corps (doit-on y voir l’influence de la danse contemporaine ?).

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Ce soir à Arles, nous sommes invités à prendre place sur des petits gradins de bois au centre de l’Église des Frères Prêcheurs. L’ambiance est glaciale et le moindre bruit résonne. Cela force l’écoute. Groupé, le public se tient chaud…Deux hommes arrivent (Rémi Luchez et Olivier Debelhoir). L’un blouson cuir, pantalon noir…L’autre chemise et jean’s de travail. L’un préoccupé…L’autre, mystérieux. Qui est qui ? D’où sortent-ils pour nous scruter de cette façon, pour provoquer nos rires un peu nerveux ? Je me vois déjà descendre dans l’arène et entrer dans la mêlée pour en découdre avec ces deux zozos. Leur regard défiant en dit long sur l’état de tension qu’ils veulent instaurer: le cirque serait-il une relation circassien – spectateur qu’il faudrait tendre, détendre, transformer jusqu’à la limite, celle où nous pourrions décrocher, applaudir à tout rompre ou nous barrer. Dès les premières minutes, je me formule une hypothèse : «Nichons là» sera un corps à corps, un corps à matière, une lutte entre pulsions de pouvoir et désir d’art…Le propos pourrait paraître un peu binaire et pourtant : ces deux-là travaillent notre relation au cirque à partir d’une succession d’exercices comme autant de métaphores d’un lien complexe entre notre désir d’exploit et la nécessité vitale de ressentir la fragilité dans toute chose pour rester éveillé, vivant, créatif. Je ne suis pas déçu. À tour de rôle, ils vont défier l’équilibre et mobiliser toute une palette de ressentis pour créer la communication (de l’empathie joyeuse, à la gravité ; de l’écoute à la mise à distance par l’humour ; de la participation à l’imprévu,…).

Ici, le temps du spectaculaire s’efface pour laisser place à celui de la poésie qui met en rime corps et matière, où chaque numéro est un alexandrin avec sa propre musicalité.

Ici, l’échelle ne tient debout que par une tension entre équilibre et déséquilibre : monter haut, c’est accepter d’articuler le vertical et le transversal.

Ici, la pile de carrés de bois sur la tête provoque la danse d’un corps fragile à la recherche de notre regard qui soutiendrait le tout : la beauté se niche dans cette interaction là !

Ici, la pelle n’est mécanique que par la détermination d’un homme qui relie la matière et la pensée.

Toutes ces articulations que nous séparons par la force (jusqu’à la bagarre où l’un fracasse l’autre !), ces deux artistes les relient par la recherche de la relation, de l’interaction. Du classique pot de fer contre le pot de terre, ils nous proposent le pot de terre qui voit loin parce que son corps est boussole, au pot de fer qui n’est en équilibre que par la force d’un battement d’ailes de papillon. Ils ne sont forts ensemble que par le regard que nous portons sur eux : dès lors, deux jeunes filles du public sont sollicitées pour ouvrir leurs mains et accueillir l’un d’entre eux afin que le pot sur sa tête ne se fracasse pas. C’est l’énergie de cet accueil qui permet à l’autre d’enchainer avec sa chaise de métal pour une danse où communiquer en déséquilibre est un exploit !

Peu à peu, me voici embarqué dans leur univers de Far West où nos deux cowboys accueillent des spectateurs indiens afin de créer ensemble l’espace où l’équilibre n’est qu’une utopie, où le déséquilibre est une force pour ouvrir des possibles.

Mes mots ne suffisent plus pour exprimer où ces deux gars se sont nichés…C’est ma chute.

Pascal Bély – Le Tadorne.

« Nichons là » de l’Association des Clous  au Théâtre d’Arles dans le cadre de « Cirque en capitale » les 1er et 2 février 2013.

 

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Marseille Provence 2013 : peine capitale pour le théâtre.

Depuis combien de temps ne me suis-je pas rendu au Théâtre Gyptis à Marseille ? Géré par la Compagnie Chatât-Vouyoucas, ce lieu n’a jamais nourri mon cheminement de spectateur. Cette année, l’association Marseille Provence 2013 coproduit «Macbeth», mise en scène par Françoise Chatôt. Confiant, je suis prêt à me laisser surprendre en rêvant d’un théâtre ouvert, généreux, renouvelé…N’est-ce pas là une des missions de la capitale culturelle ?

La salle est plutôt clivée : des rangées de spectateurs âgés côtoient celles occupées par une classe de terminale. J’entame la conversation avec une jeune fille : ils viennent tous d’un lycée d’Aix en Provence où ils apprennent plusieurs langues et s’exercent à traduire des textes classiques, dont Shakespeare. Ses désirs d’ouvertures nourrissent ma vision de spectateur curieux. Notre échange est interrompu par une longue annonce où sont énumérés des rendez-vous auxquels nous sommes conviés au cours des prochains jours : des universitaires vont se bousculer pour distiller la parole savante autour de «Macbeth». Spectateurs obéissants, cultivez-vous ! Cette approche du lien spectateur – lieu est effrayante.

Finalement, le cadre est posé: une jeunesse prête à s’ouvrir sur le monde et un spectateur-blogueur désireux de promouvoir la capitale culturelle par le théâtre. La première sera prise de rires convulsifs tandis que le deuxième fulminera d’assister à un art vivant aussi dépassé, sans âme, mais avec probablement un joli budget.

Le visionnage de la vidéo mérite peu de commentaires. Ce que l’on voudrait nous faire admettre comme du mouvement n’est qu’une suite de gesticulations. Il n’y a aucune corporalité du texte dans la mise en scène : juste des corps droits, prisonniers de costumes, comme si les comédiens enfilaient une camisole de force, celle imposée notamment, par la traduction ampoulée de Jean-Michel Déprats.  

La modernité se résume ici à une vidéo sans profondeur : elle n’est que décor, à l’image d’un plateau sans relief (tout juste, descendons à la cave comme si on allait y chercher le bon vin…). Tout est de haut en bas et vous tombe dessus.  La pièce est si séquencée que l’on en perd le sens de l’œuvre : avec Françoise Chatôt, le pouvoir est un statut comme si elle ignorait qu’il est surtout un jeu ! Rien ne transpire des interactions : une certaine idée du théâtre impose les mots contre le corps, le savant contre l’émotion, le paraître contre le biologique. Je ne m’étonne plus de voir la poussière se soulever du plateau et des costumes : elle est partie prenante du jeu.

Je fais donc un rêve pour les jeunes étudiants d’Aix en Provence et pour les habitants du quartier de la Belle de Mai…Qu’un nouveau théâtre puisse les accueillir…

Pour qu’avec les artistes belges, ils puissent s’émouvoir de tout leur corps pour en rire…

Pour qu’ils se perdent dans le travail vidéo de Fabrice Murgia et approcher son théâtre circulaire….

Pour qu’ils ressentent un lien social régénéré avec le théâtre argentin…

Pour qu’ils s’humanisent en gueulant avec l’italien Pippo Delbono

Pour qu’ils osent embarquer avec Claude Régy vers des contrées inconnues…

Pour qu’ils goutent au théâtre dansé de Maguy Marin

Pour qu’ils s’épatent de culot des Allemands quand il s’agit de mettre en scène Shakespeare…

Pour qu’ils découvrent l’engagement de jeunes metteurs en scène régionaux qui croisent danse, théâtre et arts plastiques…

Pour qu’ils s’évadent définitivement de ce théâtre pénitencier.

Pascal Bély – Le Tadorne.

« Macbeth » de Shakespeare, mise en scène de Françoise Chatôt au Théâtre Gyptis du 22 janvier au 9 février 2013.