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ETRE SPECTATEUR LA VIE DU BLOG Marseille Provence 2013 Vidéos

Migration de Tadornes vers Marseille Provence 2013.

Depuis 2008, le projet de la capitale culturelle pour Marseille et son agglomération a nourri ma vision de spectateur et de consultant. Je savais profondément que cet événement était une opportunité pour les services publics de placer l’art au-dessus des cases ; qu’il pouvait être un puissant facteur de décloisonnement, de promotion de valeurs renouvelées, d’innovations transversales. Je savais que je pouvais m’appuyer sur la visée d’une capitale culturelle pour aller à la rencontre d’acteurs pour qui l’art se résumait bien souvent à un divertissement, à une occupation.

Dès 2009, avec l’aide de Julie Kretzschmar, directrice artistique des Bancs Publics à Marseille, je proposais à la ville d’Aubenas, une formation-action pour les travailleurs sociaux afin de les accompagner à mieux articuler travail social et programmation artistique.

Dès 2010, je rencontrais la ville de Fuveau et le Théâtre Massalia à Marseille pour penser une formation autour de l’art et les tout-petits à destination des professionnels de la petite enfance. Certes, Marseille Provence 2013 n’a pas intégré ce public dans sa programmation. Mais qu’importe. La dynamique se déploie. À ce jour, secteur associatif et public co-construisent un projet territorial pour introduire l’art dans les crèches.

En 2011, j’ai également accompagné l’Union Diaconale du Var pour leur projet culturel dans le cadre de MP 2013. Le retrait de Toulon n’a pas entamé la détermination des travailleurs sociaux et de leur direction : il y aura bien une proposition artistique en juin 2013, élaborée par ce réseau.

Dès 2012, j’incitais la Caisse d’Allocations des Bouches du Rhône à intégrer la question culturelle dans son projet global. Aujourd’hui, tout un collectif est mobilisé pour qu’en 2013, l’art relie familles, professionnels et partenaires.

Tout au long de ces quatre années, j’ai promu cet événement, contre vents et marrées. J’ai même osé déposer un projet en 2010 («  Pour des migrations de spectateurs Tadorne sur le territoire et la toile de Marseille Provence 2013»). Il n’a certes pas été retenu. Mais en 2012, Pascal Raoust, chef de projet à  MP13 et Delphine Bazin Cabrillac du Conseil Général me confiaient l’animation de quatre journées de mobilisation des travailleurs sociaux sur les territoires de Salon, Vitrolles, Miramas et Martigues. Tout ce que j’avais élaboré théoriquement et méthodologiquement autour de l’art et du social prenait tout son sens.

Aujourd’hui, samedi 12 janvier 2012, la capitale culturelle démarre. C’est un événement d’importance pour un territoire en panne de projet, qui peine à penser son développement. Je suis prêt pour parcourir les expositions, m’intéresser au cirque, découvrir mon département grâce au GR2013, vivre un instant poétique avec la Transhumance. Je suis donc prêt à être un spectateur Tadorne, celui qui relie, tisse sa toile à partir des différents fils tendus par les artistes. Ce sera ma capitale.

Il fallait pour cela un nouveau site. Je le désirais plus clair, plus dynamique, plus en lien avec les réseaux sociaux (page Facebook du Tadorne et groupe des « Offinités de spectateurs »). Merci à Yann Maitre-Jean, lecteur fidèle du Tadorne et médiateur culturel, d’avoir entendu et élaboré cette architecture. Je lui suis infiniment reconnaissant pour son engagement créatif.

J’imaginais un nouveau logo, plus en phase avec l’idée que je me fais du spectateur Tadorne. Merci à Maxime Doucet d’avoir entendu pour le créer.

Tadorne, oiseau de bon augure…

Pascal Bély – Le Tadorne

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ETRE SPECTATEUR OEUVRES MAJEURES

Ceci est mon papier d’identité.

Il y a ce ministère « de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire ».

Des virgules et un « et ».

Des virgules pour ne pas s’appesantir sur la question et un « et »  pour s’excuser.

Il y a ce ministère de la République, nous et eux.

Virgule, « et ».

Nous, on signe quelques pétitions pour se soulager, on ferme les yeux quand ils balayent nos rues et nettoient nos bureaux.

Nous, virgule, eux.

On prend parfois l’avion pour traverser la méditerranée parce que c’est exotique. On aime bien leur restaurant typique parce que ce n’est pas cher (c’est étrange d’ailleurs qu’il n’y ait pas d’établissement marocain quatre étoiles en France).

On, (entre parenthèses), eux.

On apprécie ces artistes venus de là-bas, si courageux. On leur consacre même des festivals.

On, si, même.

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Depuis 2007, on me cause d’identité nationale. « Soulagé quelque part » chanterait Maxime. Ce n’est pas de moi dont on parle, mais d’eux. Pas d’eux ET moi, mais d’eux. Je me révolte que l’on puisse causer d’EUX ainsi, que l’on enferme l’identité nationale dans une logique d’exclusion. Mais c’est E(UMP)X avec euX. Tant que ce n’est pas de moi.

Moi, j’ai une carte d’identité nationale. 

Moi, je suis né à Moissac, dans le Tarn et Garonne. Circulez, il n’y a rien à voir.

POINT.

Sauf que…Le théâtre remet une virgule, trois petits points de suspension et s’exclame.

Retour paragraphe.

Aligné à gauche, centré, aligné à droite.

C’est aux Bancs Publics  à Marseille, « lieux d’expérimentations culturelles ». Rien qu’avec une telle appellation, sûr que ce n’est pas du Feydeau. C’est « Terra Cognita » de la compagnie « l’Orpheline est une épine dans le pied ». Ça pique.

Eux ET moi.

Ils sont donc quatre comédiens (troublante Julie Kretzchmar, émouvante Sharmila Naudou, époustouflant Eric Houzelot, énigmatique Samir El Hakim) à investir les différentes facettes de ce lien pour qu’une fois, juste une fois, le spectateur puisse ressentir le chaos provoqué par la question de l’identité qui ne se réduit pas à un lieu de naissance. L’identité ce n’est plus eux mais eux et moi. Et ce n’est pas un hasard, si nos quatre éclaireurs incarnent ce lien identitaire à partir de Marseille vers l’Algérie. C’est dans ce « vers » qu’ils nous embarquent. Et ça tangue. Je tremble. Ni une, ni deux, comme dirait Joël Pommerat. Avec ce quatuor, la carte n’est pas le territoire ; l’identité n’est plus une somme d’éléments historiques, sociaux et géographiques. L’identité c’est aussi comment nous parlons à l’autre, comment nous sommes fraternels en dehors d’un lien asymétrique. L’identité, c’est un processus, c’est se nourrir et pas seulement de semoule, même si c’est exotique et qu’il y a des grumeaux.

« Terra cognita » m’embarque parce que des ballons accrochés aux grillages de nos centres de rétention, c’est joli ; que la poésie a encore ses mots à dire,

…parce que le récit d’une employée algérienne dans un taxiphone marseillais pourrait être le mien ;

…parce que Marseille est enchevêtrée avec l’Algérie, que je suis francoeuropéoalgérien d’autant plus que mes parents refusaient de parler à table de la « sale » guerre, mais étaient plus causant sur les « boches »

…parce que les textes de Claude Lévi-Strauss…

« Terra cognita » me fait tanguer parce que c’est eux et moi ;

…parce que trop de blagues racistes se sont moulées dans mon langage, se sont incrustées dans mon regard,

…parce que mes papiers ne valent plus rien tant que j’accepterais qu’un sans papier nettoie ma rue ;

…parce que les mots ont
encore un sens (n’en déplaise à E(UMP)X) et que mon identité, c’est investir le sens des mots

« Terra cognita » me fait trembler parce que ces quatre comédiens prennent tant de risques à nous embarquer là où  nous serions bien restés à quai, sur le Vieux-Port parce que « bonne mèreuhhh »…

« Terra cognita », c’est ma honte. J’ai ri pour m’en libérer.

« Terra cognita », c’est mon espace de flottaison. Car pour le moment, je ne sais plus où toucher terre.

Pascal Bély – www.festivalier.net

“Terra Cognita”, un projet de Julie Kretzschmar et Guillaume Quiquerez a été joué du 22 au 24 avril aux Bancs Publics à Marseille.