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ETRE SPECTATEUR LA VIE DU BLOG PAS CONTENT

En réponse à la lettre recommandée du Théâtre du Merlan de Marseille envoyée au blog le Tadorne.

Il y a quelques semaines, Nathalie Marteau, Directrice du Théâtre du Merlan, Scène Nationale à Marseille, m’a envoyé une lettre recommandée (lire ici). C’est probablement une première : un établissement public culturel mobilise du temps, de l’argent public et un service de communication pour intimider un spectateur.

Depuis 2007, j’écris mon inquiétude autour du projet artistique de la Scène Nationale du Merlan où une politique de communication «branchée» masque un travail de proximité comme en témoigne les nombreux échecs de ses actions dans les quartiers:

– L’échec du «Quartier créatif» à la Busserine dans le cadre de Marseille Provence 2013 dont le Merlan est l’un des coproducteurs (lire ici, la lettre à Aurélie Filippetti).

– La menace de licenciement à l’encontre d’une des salariées du Merlan (lire ici).

– Les articles du Tadorne depuis 2007: http://www.festivalier.net/?s=merlan

Encore dernièrement, dans le cadre de «Cirque en capitales», la majorité des spectacles proposés «vagabondent» de la Criée, au Gymnase, d’un temple protestant à une banque, loin de son port d’attache, le quartier du Merlan.

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En juin 2012, j’avais écrit un article questionnant ouvertement la dérive de ce théâtre (le mot faillite étant entendu au sens financier et moral du terme).

Ma parole libre de spectateur dérange Nathalie Marteau…Il semblerait que ce dernier article ne lui ait pas plu jusqu’à faire l’objet de ce courrier recommandé où elle me menace à demi-mot de poursuites dans le cas où je n’accepterais pas l’entretien qu’elle propose.

Je suis prêt à me prêter à cet exercice, à condition qu’il soit médiatisé, en présence d’un journaliste afin de:

1) Porter à la connaissance du plus grand nombre les questions légitimes d’un spectateur sur l’abandon d’un quartier et les réponses que Nathalie Marteau apportera pour éviter les «contre-vérités».

2) Faire entendre une parole singulière de spectateur qui s’inquiète de la dérive d’un théâtre dont la programmation est monopolisée par la «magie» et quelques artistes régulièrement invités au détriment d’autres esthétiques (danse, théâtre, …) pourtant incluses  dans son cahier des charges.

3) Permettre à Nathalie Marteau d’expliciter sa politique de communication, son coût, son sens, dans un contexte de restriction budgétaire où artistes et équipements culturels participent à l’effort de redressement des comptes publics.

Je compte sur le professionnalisme du service de communication du Théâtre du Merlan pour organiser ce rendez-vous public.

Ainsi, les intimidations d’un théâtre envers un spectateur quitteront la sphère privée pour nourrir le débat autour d’une politique qui, jusqu’à preuve du contraire, relève du domaine d’un Service Public.

Pascal Bély – Le Tadorne

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A Marseille, le Théâtre du Merlan perd de l’argent par magie et se délocalise.

Le Théâtre du Merlan est une Scène Nationale, dirigé par Nathalie Marteau. Situé au nord de la ville dans le centre commercial Carrefour, cet établissement culturel peine depuis quelques saisons à s’implanter dans le quartier comme en témoignent ses nombreux « vagabondages » et l’incohérence de sa programmation (voir l‘article à ce sujet du 12 juin 2009).

L’expression « vagabondage », empruntée au vocabulaire des travailleurs sociaux pour désigner ceux qui n’ont plus de domicile fixe, sert la politique de communication de ce théâtre.  Le territoire est ici vu comme un terrain de jeu où l’errance fait sens. Chacun appréciera. Le Merlan vagabonde, se «délocalise » à la Friche Belle de Mai, au muséum d’Histoire Naturelle, au Théâtre du Gymnase. Il y installe parfois des chapiteaux (malgré les promesses, à sa réouverture suite à des travaux, d’en faire “une maison ouverte commune à tous, un camp de base”. A écouter l’interview sur France Info). Qu’est-ce qui justifie socialement et artistiquement de tels déplacements que l’on suppose fort coûteux ?  Le cynisme va jusqu’à programmer le collectif Berlin (qui propose des portraits de capitales à l’articulation du documentaire et du théâtre) loin des quartiers nord alors que l’on serait en droit d’attendre du Merlan qu’il relie les habitants au reste du Monde?
Ce théâtre connaît une deuxième difficulté, plus structurelle : sa programmation. Certains, par paresse intellectuelle, la jugent éclectique. Programmer « Description d’un combat » de la chorégraphe Maguy Marin en 2009 puis une « Semaine de la magie » en octobre 2010 (« magic week »…sic), serait une preuve d’ouverture et de curiosité. Sauf que cette diversité est au service d’une politique de communication (le Merlan est «branché») mais dessert tout projet visant à créer des liens durables avec les habitants. Comment leur proposer des traversées dans une programmation qui érigent des murs au lieu de passerelles, qui multiplient les esthétiques pour finalement composer un labyrinthe? Comment guider le  public en lui offrant coup sur coup danse contemporaine et formes spectaculaires ? Là où la danse ne fait pas spectacle, la magie s’appuie sur les ressorts du spectacle (elle fait même un retour en force à la télé cf.« Vivement dimanche » sur France 2). À la culture du divertissement qui finit par pervertir la société française, une Scène Nationale devrait proposer une programmation certes diverse, mais au service d’une vision. Comment le public peut-il entrer en communication avec une équipe artistique qui lui enlève toute possibilité de s’émanciper de la société du divertissement ?

Deux difficultés qui bien évidemment produisent des incidents. Le premier eut lieu en février 2009 avec le chorégraphe Alain Buffard. La programmation de «  (Not) a love song»,  déconnectée d’une politique globale de relation avec les publics, a provoqué une « crise » avec les spectateurs. Dénonçant les rires au début de la représentation, Alain Buffart fit expulser de la salle un groupe de jeunes sans que la directrice du Merlan n’y trouve rien à redire…(à lire le compte-rendu du journal La Marseillaise).
Le deuxième incident, bien plus inquiétant, a eu lieu début octobre 2010, après la programmation pour deux soirées de P.C. Sorcar Jr., « la plus grande figure de la magie orientale ». Face au fiasco artistique, Nathalie Marteau propose de rembourser les billets au public mécontent (voir le courrier en fin d’article). Dans sa lettre, elle précise que le risque est partagé (je suis d’accord sur ce point: toute programmation implique une prise de risque du programmateur et du spectateur), que le spectacle génère de «la frustration» (c’est souvent la fonction de la création contemporaine de ne pas répondre aux attentes !). Et que propose-t-elle ? Un remboursement comme le ferait un commerçant (“Satisfait ou remboursé”)! Pourtant, après la crise de l’intermittence, cette direction affirmait que « la culture n’était pas une marchandise”. Le cynisme est à son comble lorsque pour s’excuser, Nathalie Marteau reporte la faute vers les artistes (ils ont eu carte blanche) et se pose en victime au même titre que les spectateurs. Pour devancer la critique, elle disqualifie les artistes, s’exclut du processus, dilue la responsabilité et se repositionne à partir d’un geste « risqué » pour les finances publiques, mais tellement généreux. Cela ne vous rappelle-t-il rien ?
Quelle vision a donc le Merlan de sa relation avec les spectateurs pour proposer ce remboursement ? Comment s’articule-t-il avec le travail des chargés de relation avec le public qui travaillent probablement dans la durée, l’inclusion des habitants dans un lien à la culture non marchande?

Le remboursement est la conséquence d’une politique de communication ; en aucun cas, d’un projet culturel global.
Le Merlan justifie-t-il son label de Scène Nationale ? Remplit-il au moins trois missions :
–  “s’affirmer comme un lieu de production artistique de référence nationale, dans les domaines de la culture contemporaine
–   organiser la diffusion et la confrontation des formes artistiques en privilégiant la création contemporaine,
–   participer dans son aire d’implantation (voire dans le Département et la Région) à une action de développement culturel favorisant de nouveaux comportements à l’égard de la création artistique et une meilleure insertion sociale de celle-ci”
Ces trois missions sont incompatibles avec un lien “producteur – consommateur” entre le théâtre et le public. Elles requièrent une relation respectueuse, permettant à chacun d’évoluer au grès des propositions exigeantes, pour s’éloigner des formes spectaculaires qui figent.
Le Merlan est aux mains de communicants. Il est grand temps de le doter d’un projet global. Loin d’être une formule magique, c’est une exigence.

Au vagabondage, préférons la divagation…
Pascal Bély – Le Tadorne

Lettre de Nathalie Marteau aux spectateurs:

Madame, Monsieur, Chers spectateurs,

Le spectacle vivant est une chose fragile, pas toujours prévisible, et qui peut même parfois nous décevoir. Cela fait partie du risque, que nous partageons avec vous, public.

Mais les soirées indiennes des 8 et 9 octobre de P.C. Sorcar, proposées par la compagnie 14:20 dirigée par Raphaël Navarro, à qui nous avions donné carte blanche, ne furent pas à la hauteur de ce qui avait été annoncé.
Nous reconnaissons avec vous que les 15 minutes de magie présentées ne font pas un spectacle, et face à cette situation exceptionnelle, nous nous engageons à rembourser toutes les personnes qui en feront la demande auprès de la billetterie au 04 91 11 19 20 (du lundi au vendredi de 13h a 18h). 
Nous nous adressons particulièrement à ceux qui venaient pour la première fois au Merlan et nous espérons qu’ils n’en resteront pas à cette désagréable impression de frustration.
Toute l’équipe du Merlan se joint à moi pour vous souhaiter de belles soirées à venir et restons à votre disposition.
Nathalie Marteau, directrice”

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Le Théâtre du Merlan vagabonde et se perd.

Pour clôturer sa saison, le Théâtre du Merlan à Marseille, scène nationale, « vagabonde » pour y faire « résonner » des oeuvres sur l’amour. Direction le Vieux-Port. Le quartier populaire où il est installé n’est sûrement pas assez glamour, mais cela ne l’empêche pas d’utiliser un vocabulaire emprunté à la précarité. Car « vagabonder » n’est quand même pas le sport favori des riches.  Avec une telle politique, les publics des quartiers nord souvent exclus de la programmation du Merlan, le sont encore plus. Mais quel sens peut donc avoir ce déplacement forcé ? Loin de mixer les publics, cette opération n’a qu’un seul but : faire de  la communication publique.

  

 Le Fort Saint Jean, à l’entrée du Vieux Port, n’a pour ouverture que la mer. Le Merlan souhaite le transformer « en lieu de vie, de bien-être, d’échanges ». Est-ce sa mission ? Comment est-il possible de tolérer une telle dérive de langage et de projet ? Quelques transats nous attendent et le rouge, couleur du logo du Merlan, est partout. La rhétorique publicitaire fait office d’oeuvre culturelle. Bientôt, les responsables de la communication s’occuperont des relations avec le public. Les nombreux artistes plasticiens marseillais qui auraient pu s’emparer du lieu devront patienter.

À notre arrivée, le « camp » est étrangement désert. Glacial. Sans ambiance. À côté, le Théâtre National de Chaillot à Paris est un dancefloor.  La directrice du Merlan, Nathalie Marteau, n’a pas son pareil pour accueillir ses hôtes. À croire que c’est elle qui “reçoit”. L’estrade, qui longe la bâtisse, donne l’impression au spectateur qu’il est l’acteur d’un défilé.

Parle-t-on seulement d’amour du théâtre ? Jamais. Ce n’est pas dans le vocabulaire de la maison. L’amour est mis à distance. Cela se ressent et se voit. Nous entrons dans un bâtiment où l’intérieur de la salle fait plutôt penser à une MJC des années 70 en voie de désamiantage. À l’heure où de nombreuses communes en France s’interrogent sur l’opportunité de construire un équipement culturel, ici on quitte ce que l’on a pour aller vers ce que l’on ne voudrait plus subir: une scène minuscule pour un confort minimaliste. Seule l’architecture métallique qui supporte les lumières semble neuve (combien d’euros ?). Le lieu manque de profondeur. Qu’importe. La thématique sur l’amour fait sens. La com’, toujours elle, est toute puissante.

Nous commençons la soirée avec « Manteau long en laine marine sur un pull à l’encolure détendue avec un pantalon peau de pêche et des chaussures pointues en nubuck rouge » de et par Delgado Fuchs (comprenez Nadine Fuchs et Marco Delgado). Cette chorégraphie est un moment à la fois amusant et apprenant. Elle positionne la danse au coeur du corps social en prenant pour figure Barbie et Ken. Tout n’est que mécanique, le désir n’est que jouet et la peau forme la pellicule de nos clichés. Notre couple s’acharne à véhiculer du sens, mais semble perpétuellement rattrapé par son incapacité à faire du mouvement un geste dansé. C’est alors que cette oeuvre résonne particulièrement avec les choix artistiques du Merlan et la relation qu’il entretient avec son public : la forme touche le fond et la tendance se confond avec l’émergence.  

Le deuxième spectacle de l’italien Massimo Furlan (« Make Noise, Be a girl ») est un ovni théâtral qui s’écrase en plein vol. Le public décroche littéralement au bout de vingt minutes et laisse dériver cette troupe dans son délire « bo bo », entre provocation facile et désinvolture.

Ce soir, nous avons tout perdu en route.

La rencontre,

L’errance,

L’amour.

Ce soir, le Théâtre du Merlan pense qu’il est à lui seul objet de désir. Il se regarde vagabonder. Tel Narcisse, il tombe amoureux de son propre reflet.

Il ne sait pas encore qu’il dérive.

Pascal Bély – Le Tadorne

“Manteau long…” de Delgado Fuchs et “Make noise, be a girl” ont été présentés dans le cadre du cycle “Parlez-moi d’amour’, en vagabondage, par le Théâtre du Merlan le 5 juin 2009 à Marseille.