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ETRE SPECTATEUR LA VIE DU BLOG

Cet article se lit en transversal.

2010…Il y a eu de beaux spectacles, 120 articles publiés, des milliers de kilomètres parcourus et un travail dans l’ombre qui éclaire…
En mai dernier, le cinquième anniversaire du blog a été l’opportunité de faire des propositions innovantes pour développer des liens qualitatifs entre le public et les institutions culturelles. L’action menée auprès de la ville d’Aubenas à partir d’un groupe de professionnels de l’éducation et du social, vu non plus comme des pourvoyeurs de spectateurs, mais comme constitué d’acteurs culturels à part entière, a permis de créer des nouvelles interactions entre la culture et la population.

Après Aubenas, est né le projet «Des spectateurs Tadorne pour Marseille Provence 2013». L’idée visait à constituer des groupes de spectateurs, de médiateurs-reporters et d’internautes pour communiquer sur la dynamique de Marseille Capitale. À ce jour, mes propositions ne seront probablement pas retenues. Mais une association, l’Union Diaconale du Var à Toulon, m’a missionné pour 2011 afin de les accompagner dans leur projet culturel vers…Marseille 2013. Tout est lié.

Il faut donc relier ce que cloisonne  une société consumériste qui enferme le lien entre le spectateur et l’oeuvre dans un rapport producteur-consommateur. Car comme le précise le philosophe Bernard Stiegler, c’est bien un modèle de relation contributive qu’il convient de promouvoir entre artistes, institutions et spectateurs pour remettre la culture dans le champ du politique. Alors, commençons par la petite enfance! Après avoir écrit un article pour la revue «Esprit de Babel»artistes, professionnels de la culture et de la petite enfance: tous ensemble!»), j’ai co-élaboré avec le Théâtre Massalia à Marseille un programme de formation-action. Il s’agira, à partir d’un cursus adossé à la programmation du théâtre, de former ensemble professionnels de la petite enfance et l’équipe de Massalia à la co-construction d’un projet culturel à destination des tout-petits. Démarrage prévu fin mars 2011.

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C’est le «côte à côte» qu’il faut promouvoir pour innover à l’image du projet «La traversée des spect’acteurs d’Avignon» proposé au Festival d’Avignon à l’automne dernier. À partir d’un groupe composé de spectateurs et de professionnels de la communication (médiateurs, chargés de communication, programmateurs), il s’agira de communiquer, tout au long du festival, sur notre traversée pour rendre compte de la force des nouveaux langages de la création. Les contacts ont été pris, des établissements culturels et des spectateurs sont déjà prêts à s’investir. À suivre…

Autre côte à côte: celui avec les artistes. La compagnie «Image Aiguë» de Christiane Véricel, basée à Lyon et ambassadeur culturel européen, m’a invité à deux reprises pour partager leurs réflexions:  en juillet avec leurs partenaires puis en décembre à Palerme au cours d’un processus de création avec les enfants. Ainsi, un spectateur a participé au projet  de la compagnie. Stimulant.

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Car, l’enjeu est là: comment créer des liens qualitatifs avec les spectateurs pour impulser ce modèle de relation contributive? Le Tadorne a donc formalisé, à partir d’un document (envoi sur demande), des propositions à destination des établissements culturels. Après avoir initié en 2010 deux débats avec le public et moi-même («Y’a des HO ! Y’a débat !»), le Théâtre des Salins de Martigues est prêt à poursuivre l’aventure en 2011, en amplifiant les processus: écouter différemment la parole des spectateurs, co-construire avec les amateurs des projets de communication autour du théâtre, faire la fête ensemble. À suivre… D’autant plus que j’accompagne  pour la ville de Martigues, la fusion du conservatoire de musique et de danse. Tout est lié…
En 2010, il a donc fallu communiquer sur cette approche, sur mon positionnement hybride. Dans un article paru avant l’été, le journal La Scène a  porté un regard positif sur le Tadorne. Deux émissions de radio ont permis de le promouvoir: «Des fourmis dans les jambes» de Gaëlle Piton sur IDFM et «Masse Critique» de Frédéric Martel sur France Culture. L’animation d’une tribune critique participative au Festival Off d’Avignon m’a donné l’occasion de  démontrer que l’on pouvait tous porter un regard critique sur les oeuvres en mobilisant ses ressentis. Les nouveaux langages de la création le permettent largement!
2010 fut une belle année pour le Tadorne. Je remercie Bernard Gaurier, Francis Braun, Laurent Bourbousson, Elsa Gomis, Sylvain Pack, Charles Buneux de s’être investis dans cette aventure en publiant à mes côtés; aux artistes (ils se reconnaîtront!) pour leur soutien et leur écoute; à tous les professionnels pour leurs encouragements et leurs conseils. A vous lecteurs, toujours plus nombreux.

2011 promet d’être bouleversante. Le Tadorne y gagnera des plumes pour opérer sa mutation.

Pascal Bély – www.festivalier.net.

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ETRE SPECTATEUR LA VIE DU BLOG

Ce blog n’est pas ce que vous croyez…

Après le bilan artistique de 2010 publié la semaine dernière, je vous propose celui du blog, proposé par Google Analytics. Premier épisode

L’audience du site.

Avec plus de 67 000 visiteurs uniques, le blog a connu une audience en hausse de 62% par rapport à 2009. Le nombre de pages vues s’établit à 118000 (+30%) et 63% des visites sont issues d’internautes venant pour la première fois (+26%). Le site a gagné en notoriété et la progression du trafic démontre qu’il s’est durablement installé dans le paysage internet de nombreux professionnels et amateurs. Les records d’audience journaliers se situent lors du Festival d’Avignon (avec 600 visiteurs uniques par jour). C’est une période où le spectacle vivant est fortement médiatisé; c’est aussi un moment important pour le Tadorne, présent tout au long du festival. Cette démarche est à l’origine de la création du blog (d’où l’adresse www.festivalier.net).

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Le canard Tadorne.

Toutefois, deux chiffres posent question.

Le temps de navigation a baissé de 30% tandis que le nombre de pages par visite est passé de 2,22 à 1,77. À quoi l’attribuer? À la longueur des articles, à leur qualité, à leur compréhension? À l’ergonomie du site? Si le Tadorne a gagné en quantitatif, aurait-il baissé qualitativement? Ce mouvement s’amplifiera-t-il dans les mois qui viennent? Sans étude auprès des internautes, il est bien difficile de répondre à ces interrogations. Il est probable que les lecteurs lisent en diagonale les articles pour en connaître la teneur globale sans rentrer dans les détails. C’est probablement une tendance de fond dans la mesure où la critique est généralement réduite à une ou deux phrases accompagnées de pictogrammes sur des sites “grand public” (Allociné par exemple). À noter que la durée de lecture s’allonge dès qu’une vidéo illustre l’article…

Les pics d’audience.

En dehors de la période du Festival d’Avignon (pic le 19 juillet), 5 articles ont pulvérisé l’audience:

Le 18 octobre, une vision critique sur le fonctionnement du théâtre du Merlan à Marseille.

Le 14 juin, l’intervention d’un élu à la culture UMP de Saint-Germain-en-Laye (Benoit Battistelli) visant à déprogrammer un spectacle de danse «Méli-mélo 2 Le retour» du chorégraphe Philippe Lafeuille a provoqué un fort émoi.

Le 30 juin, un article plutôt critique sur la prestation d’Anne Teresa de Keersmaeker au Festival Montpellier Danse.

Le 28 juin, période de publication autour de Montpellier Danse, du Festival de Marseille et à quelques jours d’Avignon.

Le 12 novembre, la première chronique de Charles Buneau («Spectateur, je prends le pouvoir pour vous le rendre”)

Le 22 novembre, article au titre songeur, «Je n’entends pas, ne comprends pas, c’est très intéressant»

Ainsi, les chroniques rencontrent les suffrages des internautes (porteraient-ils leur part du scandale qui excite tant notre curiosité?). Elles démontrent l’absence d’une vision critique dans d’autres médias sur le fonctionnement du spectacle vivant, à partir d’un regard de spectateur.

Pour l’année 2010, les dix articles les plus lus

1) “A Marseille, le Théâtre du Merlan perd de l’argent par magie et se délocalise(octobre 2010)

2) “L’anus horribilis de Cecilia Bengolea et François Chaignaud” (Août 2008)

3) “Gainsbourg ? Gallotta ? Bashung: chou blanc” (novembre 2009)

4) “Le Théâtre d’Arles focalise, loin de la photographie de Lucien Clergue” (Mai 2007)

5) “L’abstention progresse“. (mars 2010)

6) “Avec Anne Teresa de Keersmaeker, nous sommes entrés dans la nuit?” (juillet 2010)

7) “Au festival d’Avignon: F. Fuer?Fuerza”  (juillet 2010)

8) “Je kiffe pour cet Hamlet-là”. <>(octobre 2010)

9) “Un dimanche avec Pina Bausch. Toute une vie” (avril 2006)

10) “En « subsistance », un chef d’oeuvre“. (mars 2010)

L’article sur le Théâtre du Merlan, en ligne seulement depuis octobre, caracole en tête pour l’année 2010. Il y avait probablement une attente qu’un média dénonce certains comportements et fonctionnements de cet établissement. À ce jour, la direction n’a jamais réagi. On notera également l’article sur Cécilia Bengoléa et Françis Chaignaud publié en 2008! La nature du spectacle et le titre de la chronique drainent les amateurs de cul…La longue tournée de Jean-Claude Galotta explique le succès de la critique sur le blog (d’autant plus que l’on y évoque Gainsbourg et Bashung). Pour le reste, les grands noms de la danse attirent toujours (mais pas ceux du théâtre à l’exception d’Hamlet!) comme certaines expressions dans le titre de l’article (“chef d’oeuvre“,  «je kiffe», «l’abstention progresse»). Une petite curiosité dans ce classement: l’article sur le photographe Lucien Clergue qui est pourtant mal classé sur sa page Google. Mystère…

Les mots clefs

Google est à l’origine de la moitié des visiteurs qui viennent pour la première fois. Par quels mots?

« Tadorne / Le Tadorne / Pina Bausch / Festivalier.net / festivalier / pascal bély / Cecilia Bengolea et François Chaignaud / Camille enceinte / pipo delbono / Thomas Ferrand»

Ouf! C’est par le Tadorne et festivalier avec de beaux noms par la suite (Pina et Pipo) qu’arrivent les nouveaux lecteurs. Seule la chanteuse Camille met un peu de people dans ce classement.

Au final, la lecture de ces statistiques donne une image quelque peu différente du site. On y ressent un blog engagé, orienté vers des grands noms de la danse et de la nouvelle génération des performeurs. Il y a encore du chemin pour que le Tadorne soit un espace de débat sur la toile (la faiblesse des commentaires en témoigne) même s’il provoque des échanges en dehors du net.

Et vous, cher lecteur? Quelle est votre analyse? Vos commentaires tout en bas seront appréciés!

Deuxième partie du bilan demain….

Pascal Bély – www.festivalier.net

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ETRE SPECTATEUR LES FORMATIONS DU TADORNE

Indisciplinons-nous!

Depuis 1994, je suis « profession libérale ». Au coeur de ce statut, j’ai rapproché mon métier (je suis consultant et formateur auprès des institutions publiques et privées) et mon environnement (personnel, social, sociétal et terrien). Loin de cloisonner vie privée et professionnelle, j’ai au contraire amplifié les liens pour nourrir mes identités et donner du sens à mes actions de conseil et formation.

Changer mon rapport à la culture s’est naturellement imposé lorsque j’ai orienté mes interventions pour accompagner les collectifs à questionner les valeurs, délaissant les recettes managériales centrées sur la recherche de « la » solution. En 2005, en créant le blog «Le Tadorne»  pour écrire autour des formes contemporaines de l’art, j’ai puisé les ressorts créatifs pour dépasser ma posture de “spectateur consommateur” . Ceci m’a permis d’ouvrir mes pratiques de consultant en posant la transversalité comme vecteur de sens et de communication.

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En faisant le pari d’exposer ma subjectivité sur les oeuvres de danse, de théâtre et d’art contemporain, je savais qu’elle s’articulerait tôt ou tard avec mon métier.  Après une période où j’ai volontairement  très peu communiqué sur lui pour laisser le temps au Tadorne d’être légitimé, des ramifications apparaissent peu à peu. Aujourd’hui Tadorne et mon cabinet Trigone se relient à partir de deux axes qui s’inscrivent pleinement dans les principes de l’Agenda 21 de la Culture tels qu’ils ont été définis en 2004 à Barcelone par le premier Forum Universel des Cultures . Ils répondent aux souhaits des spectateurs qui sont pour certains d’entre eux des professionnels du lien social :

« L’appropriation de l’information et sa transformation en savoir par les citoyens est un acte culturel. Par conséquent, l’accès sans distinction aux moyens technologiques, d’expression et de communication, ainsi que l’élaboration de réseaux horizontaux, renforce et alimente la dynamique des cultures locales et enrichit le patrimoine collectif d’une société fondée sur le savoir. »

 Développer une communication créative autour du spectacle vivant.

La culture n’est pas un produit. Elle crée du processus. Or, la communication des institutions culturelles, orientée vers des transactions de masse, est majoritairement axée sur du contenu, du visuel, du résultat alors que les formes pluridisciplinaires, les propositions théâtrales interactives modifient en profondeur la relation entre le public et la scène. Il convient d’amplifier la communication créative pour rendre visible et lisible ce qui n’entre pas dans les codes classiques de l’information et qui pourtant légitime dans la durée tout projet de développement culturel. Dit autrement, il faut  substituer à la liste descendante du générique d’un film, la vision dynamique de sa production.

La programmation des institutions culturelles peut se lire comme un roman, un poème, une épopée. Elle provoque chez chacun de nous des réactions engagées. Elle suscite des choix, nous positionne comme spectateur actif. Nous programmons aussi! Mais comment dynamiser ce processus au-delà des présentations de saison et des rencontres après spectacle avec les équipes artistiques? N’est-il pas temps de créer des espaces de communication créative entre spectateurs, artistes et professionnels (aller au-delà des logiques binaires) à partir d’un cadre contenant et souple?

Pourquoi ne pas imaginer à l’instar des artistes associés, un groupe de spectateurs associés chargé de restituer une vision dynamique d’une programmation à partir d’un imaginaire partagé ? Comment développer un langage de spectateurs (par le corps ?) pour ne plus entendre « je n’ai pas les codes pour en parler » à la fin de tant de représentations ? Tadorne peut alors créer l’espace pour faciliter l’expression tandis que Trigone accompagne l’équipe de professionnels de la structure à s’approprier la démarche dans le cadre d’un projet global de développement des publics.

N’est-il pas temps d’écouter le public sur la place qu’occupe l’art chorégraphique dans notre société (le moins médiatisé et probablement le plus fragilisé par le contexte de crise) ?  Des «Etats Généreux de la danse” peuvent s’organiser où spectateurs, professionnels, artistes échangent leurs souvenirs, leurs représentations, leurs pratiques, leurs projets autour d’un art qui relie, quoiqu’on en dise. Tadorne créé le concept avec chaque institution et supervise l’animation tandis que Trigone accompagne le comité d’organisation pour impulser la dynamique de réseau, socle du projet.

Ces deux actions amplifieront des processus qui permettront aux institutions culturelles de communiquer en horizontalité à partir notamment des outils numériques (blogs et réseaux sociaux). Tadorne peut apporter son expérience de blogueur tandis que Trigone forme une équipe pluridisciplinaire à s’approprier les processus d’un internet chaleureux.

Saisons, festivals et écoles: pour de nouveaux espaces de formation continue.

Alors que la société de la connaissance requiert d’articuler créativité, savoirs et expertises, il nous faut inclure les institutions culturelles dans des réseaux plus larges comme le recommande  l’Agenda 21 de la culture :

– Amplifier les relations entre les équipements culturels et les organismes travaillant dans le domaine de la connaissance.

– Favoriser la mise en place d’instances de coordination entre les politiques culturelles et les politiques éducatives.

–  Encourager le développement de la créativité et de la sensibilité ainsi que le lien entre la vie culturelle du territoire et le système éducatif.

Il est également précisé que « le travail est un des principaux espaces de la créativité humaine. Sa dimension culturelle doit être reconnue et développée. L’organisation du travail et l’implication des entreprises dans la ville ou sur le territoire doivent respecter cette dimension, comme un des éléments fondamentaux de la dignité humaine et du développement durable ».

Ces principes généraux peuvent inspirer des politiques de formations innovantes. Ils sont au coeur du croisement entre un Tadorne et un Trigone !

– De nombreux professionnels sont aujourd’hui propulsés dans des ensembles «englobant» (pôle, réseau, intercommunalité,…), dont ils finissent par perdre la finalité. Les organisations créent de l’hyperstructure, sans travail d’amplification du sens. Or, définir le projet global de ces ensembles revient à développer la  vision globale des professionnels. Ils puiseront dans leurs liens à l’art et la culture un sens unificateur, capable de rapprocher les «cases». Dès lors, une formation «Créativité et développement de projets transversaux» peut s’articuler aux programmations des théâtres et des festivals et relie les lieux de cultures aux domaines de la connaissance.

– Mon expérience de consultant et de spectateur me conduit à formuler l’hypothèse que les professionnels en lien direct avec le tissu social (travailleurs sociaux, éducateurs, médiateurs) sont tout aussi «intimidés» par l’art que les personnes qu’ils accompagnent, d’autant plus que le langage du social n’est pas celui des professionnels de la culture. J’ai expérimenté avec la ville d’Aubenas, un dispositif de formation-action (« le partage des médiateurs ») dont la finalité a été de créer un réseau d’acteurs capable de développer des projets permettant d’accompagner vers la culture des publics éloignés. L’intervention d’artistes dans le cursus et les sorties théâtrales les jours de formation ont introduit un travail sur le positionnement tout en ouvrant le regard sur l’articulation entre le travail social, l’éducatif et la culture. Auparavant «pourvoyeurs de publics», ce réseau est aujourd’hui partie prenante des projets culturels de la ville.

– Les écoles de musique et de danse sont des lieux d’apprentissage et de lien social. L’apparition sur la scène européenne de formes pluridisciplinaires devrait pouvoir se traduire par une sensibilisation aux formes hybrides. À partir de mon expérience avec les établissements de la ville de Martigues dans le cadre d’un rapprochement des deux écoles, Tadorne et Trigone proposent des séminaires destinés aux enseignants, aux enfants et aux parents autour d’un «projet pédagogique indisciplinaire» qui traverserait les cursus.

Au croisement du Tadorne et du Trigone, il y a des ponts pour traverser nos archipels de créativité.

Au plaisir de vous y croiser…

Pascal Bély

www.festivalier.net / www.trigone.pro

06 82 83 94 19 / pascal.bely@free.fr

 

 

 

 

 

 

 

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ETRE SPECTATEUR PETITE ENFANCE THEATRE MODERNE

Avec la Compagnie Image Aiguë, vers un mouvement européen théâtral.

Le spectateur est-il « condamné » à rester sagement assis, l’Europe à s’éloigner du citoyen? Tous deux  peuvent se lever, s’approcher, se mettre en marche, en mouvement comme le suggère la metteuse en scène Christiane Véricel. Avec sa compagnie « Image Aiguë », elle parcourt l’Europe afin que l’enfant et l’adulte soient spect’acteurs de leur devenir dans un ensemble politique aux frontières certes définies, mais qui s’interroge sur son élargissement à partir de son identité. Or, elle requiert un langage commun. La force du théâtre de Christiane Véricel est de le mettre en scène après l’avoir longuement écouté, entendu, métaphorisé lors de ses résidences dans les quartiers des villes d’Europe. La dynamique de l’identité européenne trouve ses ressorts dans la co-construction d’un projet culturel entre artistes, citoyens et institutions incarnée par cette compagnie qui s’affirme comme un « Ensemble Théâtral Européen ».

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En juillet 2010, un groupe composé d’adultes, d’enfants et d’adolescents, venus d’Italie, de Suède, de Turquie, de France, du Portugal s’est fondu dans la troupe permanente pour un «workshop» de deux semaines à l’espace Tonkin de Villeurbanne. J’étais invité le 17 juillet 2010 pour le « bouquet » final comme de nombreux partenaires européens qui ont échangé le lendemain sur l’articulation entre leur projet et celui de la compagnie. Cartout est lié: si le langage du corps sur scène est politique, alors la dynamique de la compagnie induit le réseau.
Christiane Véricel a donc métamorphosé sa création « les ogres ou le pouvoir rend joyeux et infatigable » présentée en mars dernier à Lyon. Est-ce pour « donner chair » à cet ensemble théâtral européen ? L’oeuvre y a gagné en fluidité, car on y danse les premiers pas de la relation ouverte, celle des valeurs d’accueil; on y joue avec les codes hiérarchiques pour développer la créativité ; on y interroge le lien à la nourriture (source de tant d’inégalités) pour se relier à la “terre patrie” si chère à Edgar Morin. Ici, le théâtre s’affranchit des cloisons entre « texte » et « corps ». Tout est langage et le collectif créé le mouvement pour nous permettre de l’entendre. En l’écoutant sur scène, j’entends les valeurs du jeu, du plaisir, de la diversité d’autant plus que les hommes et les garçons portent des jupes pour danser, identité hybride pour libérer leur créativité ! Je savoure les liens qu’enfants et adultes créent pour avancer en marchant, accompagnés par une musique qui évoque celle des gens du voyage. Avec Image Aiguë, le théâtre accueille le spectateur pour qu’il puisse emprunter ses chemins de traverse. 
Ces quinze jours de travail pour nous proposer une heure d’Europe, est un ratio qui n’entre dans aucune comptabilité ! Et quel travail ! À la précision du geste répond la force d’un propos, celui de nous rappeler qu’au jeu du pouvoir, nous pourrions lui substituer le pouvoir du jeu. Cette heure d’Europe, à Villeurbanne, vise à ne rien lâcher sur la nécessité de promouvoir cette aventure politique unique au monde. 
C’est ainsi que de la scène à la table ronde du lendemain, il n’y a qu’un pas. Christiane Véricel et son équipe nous ont réunis. Avec eux, nous avons tenté de mettre en mots, les processus d’un ensemble théâtral européen. Nous avons en commun d’avoir croisé la compagnie jusqu’à l’accompagner  dans certains pays (Allemagne, Suisse, Bulgarie, Portugal, Suède, Belgique, Égypte, …). Nos positionnements professionnels sont «hybrides», au croisement ! Me voilà donc spectateur-blogueur (j’avais écrit un article en mars dernier sur «Les ogres ») accueilli en territoire ami. Aucun ne sait précisément ce qu’il doit dire, ni présenter. Notre lien est d’avoir ressenti le spectacle de la veille et de savoir que le processus (à savoir celui de s’implanter dans un quartier pour créer) est aussi important que l’oeuvre elle-même ; que le « local » métamorphose, transforme le «global» pour créer un cercle vertueux du changement en lieu et place des seules logiques descendantes qui écrasent la créativité des territoires.
La réunion est alors animée comme le serait un workshop ! Chacun s’avance, écoute, tandis que Christiane Véricel reformule, précise, guide avec l’aide de Nicolas Bertrand, l’administrateur, le traducteur de sens ! «Comment chacun voit-il l’articulation entre son projet et celui de la compagnie ? » ; « comment l’identité européenne peut-elle se nourrir de l’artistique par le réseau ? » ; « Comment articuler le local (Lyon) et le global (l’Europe)? Cela passe-t-il par un lieu (la compagnie n’a pas d’espace physique de création à ce jour) ? À mesure que nous avançons, je perçois la réunion en miroir avec le spectacle de la veille. Je tente même une métaphore : les projets d’Image Aiguë et du « Tadorne » sont liés (ils mutent à partir de leurs migrations).
Les corps en  mouvement  sur scène se nourrissent aussi de la vision dynamique des partenaires (spectateurs inclus). Non pour s’immiscer dans le propos artistique, mais pour l’amplifier en maillant les projets. Ainsi, certains artistes ont compris que la qualité des liens de leur réseau vaut tout autant que la pérennité de leur financement. À se demander si ce n’est pas lié. À désirer que l’Europe politique soit aussi cela…
Pascal Bély – www.festivalier.net
A lire le carnet de route de Sandrine Charlot Zinsli, animatrice du site “auxartsetc” (webzine sur l’actualité culturelle Zurrichoise) qui était présente à Lyon.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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ETRE SPECTATEUR FESTIVAL D'AVIGNON

Notre Festival d’Avignon.

Avant de débuter le Festival d’Avignon, je leur ai demandé un texte (pourquoi y allez-vous comme spectateur Tadorne ?).  Leur décision de s’engager avec moi, de rejoindre Laurent Bourbousson dans cette aventure, est un acte à la fois « politique » et «poétique». Je savais qu’ils me répondraient de leurs plumes délicates et engagées. Et j’ai osé croiser leurs textes pour un dialogue imaginaire. Parce qu’en Avignon, l’imagination peut prendre le pouvoir.

Bienvenue à Bernard Gaurier et Francis Braun (texte en italique)

Pascal Bély-www.festivalier.net

Retrouver d’autres Tadornes, cette migration est l’occasion de se voir en chair et en  paroles autour d’une de nos passions.

Y voir le voyage, embarqués que nous sommes, sur les gradins du Théâtre….

Armés de nos petites boîtes à écriture, essayer de porter nos regards et nos émotions à la rencontre d’autres spectateurs migrateurs. S’immerger l’espace de quelques semaines dans un ailleurs où la création sera notre horizon de vue et de pensée. 

Trouver le pourquoi de sa  propre curiosité. Nous regarder à travers le théâtre ? Transfer ? Identification ? On est rassuré ou effrayé par ce qui nous est donné à voir.

“L’âme, aussi, si elle veut se reconnaître, devra regarder une âme” …Platon. 

Se prêter à recevoir la lecture des mondes que les artistes ont mis en vie au fil de leur travail et leurs images, essayer d’en porter un sens relié au vivant quotidien ; qu’il soit du champ politique ou poétique.

Ne pas y voir que de la politique, que du social, que de la théorie. Tout cela néanmoins est important. Il ne faut pas l’occulter. Dans un spectacle y voir la part de création,  voir l’hypothétique filiation, y voir son référencement, y chercher l’allusion, mais aussi discerner son détachement, son “hors les normes », faire  éclore sa  nouveauté…il faut bien avoir des parents.

S’appuyer sur l’artiste pour élaborer du lien entre le réel et l’imaginaire.

Y voir les allusions, les clins d’oeil, replacer la pièce dans l’histoire du Théâtre, dans l’histoire du Festival. Fils de qui, père de qui….Voir pourquoi le succès, y voir les raisons de l’échec. Comprendre le choix des protagonistes.

Le choix du metteur en scène, le choix des comédiens, le choix du spectateur, pourquoi cette pièce et pas une autre?

Peut-être aussi tisser, par la parole et l’écriture, la toile qui témoigne de la place essentielle de la création vivante dans une démocratie, de la nécessité de l’échange et du débat comme ouverture, déplacement et source de vitalité. Re-rêver quelques jours avant à un vent de liberté qui porterait le souffle de spectateurs engagés qui sortent  de leur place de consommateurs pour se faire acteurs de ce qu’ils reçoivent.

Découvrir  dans le théâtre l’universalité. Y voir ce que l’on cherchait en y allant, y voir ce qui nous a surpris, analyser ce à quoi nous ne nous attendions pas. Nous surprendre voilà.

Espérer des colères, des coups de coeur, des coups de foudre, des frissons, des découvertes?  qui s’ouvrent  au consensuel  ou à la polémique. Retrouver des espaces où la relation est possible, où l’échange, le partage et la rencontre sont maîtres mots.

Être à la fois, surpris, dérangé, déstabilisé, inquiet, déboussolé au sens propre du terme….ne plus avoir de lieu, ne plus savoir, n’avoir plus de référence. Avoir de nouveaux repères. Ou avoir ses  propres références et être déstabilisé au point tel que nous doutons de tout.

L’Image du Théâtre….Pourquoi l’image du Théâtre tellement sectorisée…Essayer de percevoir les raisons de la peur qu’engendre le Théâtre. Le Clivage. Pourquoi “Au Théâtre ce soir”…..pourquoi des pièces “de  boulevard”.

Pourquoi plus de Laure Adler. Pourquoi Guillaume Galliène … (ceci sans aucun esprit critique…juste savoir pourquoi plus de …au lieu de L.A. ET G.G)

Éprouver la force des convictions et la vivacité des potentiels créatifs, l’ouverture à de l’autre comme source multiple d’émotions et d’acquisitions de nouveaux savoirs en mouvement.

Au théâtre, la communion entre les gens ; au festival d’Avignon, les gens se parlent si facilement

Les Images restent gravées dans la tête, donc le Théâtre est fédérateur. Le blog en est l’exemple frappant.

Et que, de tout cela, quelque chose puisse se mettre en chemin pour un demain partage.

Je veux  y ajouter un peu d’humain, un peu de “à fleur de peau…dans ce monde de brutes”…Y voir de la poésie, de l’épidermique, du senti…

Y voir le voyage,  embarqués que nous sommes sur des gradins.

Bernard Gaurier – Francis Braun – www.festivalier.net

 

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ETRE SPECTATEUR Marseille Provence 2013

Des spectateurs Tadorne pour Marseille Provence 2013

Après cinq années d’écriture sur le Tadorne où j’ai travaillé mon positionnement de spectateur, le projet de Marseille, capitale européenne de la culture en 2013 s’est imposé comme une évidence. Au coeur de la démarche, des oeuvres participatives irrigueront la programmation et le territoire d’Arles à Toulon. Le spectateur sera acteur. Sera-t-il Tadorne?

Dès septembre 2009, la question de déposer un projet émerge. Mais l’intimidation est encore grande. Il faut cheminer. En janvier 2010, la décision est prise: j’ai six mois pour rédiger une proposition. Des rencontres avec des artistes et des professionnels ont été déterminantes (merci à eux) pour clarifier mes intentions et m’encourager. Des amis écoutent, reformulent, soutiennent (merci et encore merci).

Le projet est ici, en ligne. Il s’articule autour d’un triptyque spectateurs Tadorne, le partage des médiateurs et le réseau des blogueurs de la cité radieuse.

Après le dépôt du projet le 30 juin 2010, je poursuis aujourd’hui mes réflexions; je noue des contacts qui me permettent d’amplifier le sens du projet.

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Parce ce que cela n’arrivera qu’une fois dans ma vie. Parce que c’est Marseille. Parce que l’utopie, c’est un désir en mouvement.

Et vous savez à quel point, cher lecteur, la question du mouvement est capitale sur ce blog.

Pascal Bély – Le Tadorne

 

 

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ETRE SPECTATEUR

Laurent Terzieff.

Laurent Terzieff est mort  hier

Le Festival d’Avignon va débuter mercredi.

Il est parti et par lui, le Théâtre incarné disparaît.

Sa voix, son ombre, l’homme qu’il était voulait incarner les hommes.

Si frêle, qu’il semblait être de verre, si grand qu’il semblait fait de fibres, ses mains se baladaient dans l’air, ses yeux brillants regardaient le ciel, son sourire était le sourire du monde.

Les Pitoeff  l’avaient formé et il était devenu le héros des steppes enneigées. On le voyait dans la Cerisaie comme si ce lieu lui appartenait pour toujours. On l’écoutait, sa voix traînant la nostalgie des hivers russes qui ne finissent jamais.

Derrière lui, sa biographie le suit…Cet homme fut et sera toujours  intègre et fidèle, exigeant et intransigeant.

Il jouait et faisait jouer les auteurs.

Il est devenu  aujourd’hui à la fois le texte, la voix et le passager des mots.

Il est devenu l’icône, le mythe, le seul.

On l’entend maintenant….C’est drôle, on l’aperçoit même, à pas lent venir du fond de la Cour, spectre admirable, inoubliable.

Pour toujours, c’est certain.

Francis Braun – www.festivalier.net

 

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Mai 2005-Mai 2010, « www.festivalier.net » a cinq ans : Êtes-vous un «spectateur Tadorne»?

«www.festivalier.net » est l’adresse de ce blog. En mai 2005, j’envisage d’écrire exclusivement à partir de la programmation des festivals de Marseille, d’Avignon et d’Aix en Provence (« Danse à Aix »). Mon positionnement est celui d’un « spectateur festivalier », appellation peu engageante et qui s’inscrit dans un temps bien défini. « Tadorne » sera le nom du blog et rares sont ceux qui le retiennent encore aujourd’hui ! À l’époque, j’ignore que cette métaphore me guidera bien au-delà festivals…

Petit rappel.

Le Tadorne est un grand canard (clin d’oeil aux journalistes qui ont vu pendant longtemps le blogueur comme une menace), c’est-à-dire une espèce protégée. Sa particularité « c’est qu’au cours du mois de juillet, il effectue une migration de mue qui regroupe des adultes nicheurs et des non-reproducteurs. Ces regroupements réunissent sur les bancs de sable plusieurs dizaines de milliers d’individus qui, une fois la mue terminée, regagnent leurs pays d’origine. Les tadornes ont des moeurs à la fois diurnes et nocturnes et sont très sociables ». Je suis donc un Tadorne ; les théâtres sont mes bancs de sable et mes déplacements, mes mues régulières. Au coeur de cette métaphore, c’est tout un lien à la culture, et particulièrement au spectacle vivant, que je mets en mouvement.

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Cinq années plus tard, le Tadorne est une « espèce de spectateur » où le lien à la culture lui permet de décloisonner  vie privée et vie professionnelle, d’assumer un statut hybride entre homme et oiseau, spectateur engagé et blogueur à distance. Il est « et » avant d’être « ou ».


Si l’art crée du lien, le Tadorne pense que tout se relie à l’art. Il ne peut donc plus être consommateur, mais créateur des reliances entre l’oeuvre, le contexte sociétal et l’évolution des paradigmes. L’extrait d’une interview de Bernard Stiegler dans la Revue Mouvement l’y encourage «Il faut cesser d’opposer la technologie, l’industrie et la modernité à la culture… Il faut se battre pour que la culture vienne au coeur de la lutte économique…Je me bats beaucoup pour la renaissance des figures de l’amateur. Nous nous sommes habitués à avoir des publics de consommateurs : que le public consomme nos produits, et nous voilà satisfaits…Mais ce public, on a perdu toute relation avec lui, et c’est pourquoi ce n’est pas un véritable public. » (à partir de 2’31, Stiegler ne parle-t-il pas du Tadorne?)

Le Tadorne veut donc appartenir au « véritable public ». Il met en place les conditions de son émancipation pour n’entrer dans aucune « case ». Qu’importe qu’il ne comprenne pas tout, l’important c’est qu’il soit touché, qu’il puise dans son ressenti les ressources pour explorer son imaginaire. Le Tadorne s’éloigne des formes classiques de la critique à partir d’analyses inscrites dans un cheminement. Aux regards binaires sur les oeuvres, il préfère des approches engagées où le politique se lie avec la poésie, où l’individu, la communauté et le devenir de l’humanité s’enchevêtrent. Le Tadorne tente des bilans (souvent à partir des festivals), des mises en résonance, des prolongements, des traversées loin des thèmes imposés dans les programmations. Il se pose localement (Aix-Marseille) mais ressent le besoin de « migrer » sur d’autres territoires (l’art contemporain au Printemps de Septembre à Toulouse ou à Munster, les spectacles petite enfance à Reims, le cirque,…) pour créer ses chemins de traverse (jongler n’est-ce pas danser ?). C’est d’ailleurs son regard sur la danse qui lui permet d’approcher les oeuvres à partir de leur dynamique : toute mise en scène est un langage des corps. C’est par la danse qu’il questionne la communication pour se mettre en mouvement. C’est de la danse qu’il puise le désir d’entrer dans des processus participatifs avec les artistes et les institutions pour s’éloigner de posture statique du « spectateur-consommateur ».

Le Tadorne milite pour une politique culturelle globale, au croisement du social, de l’accueil de l’enfant et de sa famille, de l’économique et du développement durable pour un nouveau contrat social entre artistes, citoyen et institutions pour en finir avec les prises de pouvoir de quelques-uns au profit d’articulations créatives. Il préconise une plus grande ouverture des structures culturelles vers le spectateur et son environnement afin de substituer aux logiques « industrielles » de remplissage des salles, une approche globale de la communication. Le réseau plutôt que les cases, car le Tadorne pense que l’art peut nous aider à libérer la créativité, ressource indispensable pour affronter les défis d’un monde globalisé.

L’enjeu est de permettre au Tadorne de « nidifier » et à l’ensemble de la société d’accueillir la culture comme moteur de son développement. Cela suppose des programmations qui « énoncent » plutôt que d’enfermer notre lien à l’art dans un « prêt à penser » sous prétexte de dénoncer.

Le Tadorne est une espèce protégée.

C’est un drôle d’oiseau. 

Pascal Bély- www.festivalier.net

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Mai 2005-Mai 2010, le Tadorne a cinq ans : aux origines…

Il y a mon enfance. Fils d’ouvriers, la culture ne vient pas à moi. Mais un metteur en scène me remarque (François-Henri Soulié ). Premiers pas sur les planches, premier court métrage. J’ai 12 ans. Je serais banquier comme mon grand frère pour financer le théâtre !

Il y a ma vie étudiante et le Théâtre Garonne à Toulouse. Éternelle reconnaissance pour ce lieu culturel qui m’a ouvert aux formes contemporaines de l’art. De l’option « économie privée », je bifurque vers une maîtrise « économie publique ».

Il y a un trou noir. Le sida est « passé par ici, il repassera par là ». Je tiens la main des amis qui s’en vont. Je ne vais plus au théâtre.

Il y a  le concert de Barbara à la Halle aux Grains de Toulouse en 1987. Elle chante « Sid’ amour à mort  ». Le public debout ne quittera la salle qu’à deux heures du matin. À ce moment précis, je sens que l’art est politique.

Il y a le festival « Danse à Aix » en 1997. Bernard me prend par la main pour « Paysage après la bataille » d’Angelin Preljocaj. J’ai 33 ans et c’est mon premier spectacle de danse. Le choc. Je ressens  que la danse peut-être démocratique.

Il y a la crise de l’intermittence en 2003. Ça hurle de toute part. Le public en veut pour son argent. Moi, j’erre dans les rues d’Avignon à la recherche d’un espace de parole. Au cours des saisons théâtrales qui suivirent, les spectateurs sont priés d’être solidaires et de ne pas trop bousculer le protocole : lecture d’un tract de la CGT ou du Syndeac, spectacle, applaudissements et ainsi de suite. Je bouillonne d’être aussi passif. Du haut vers le bas.


En 2004, il y a « The show must go on », du chorégraphe Jérôme Bel au Théâtre des Salins de Martigues. Confortablement installé, les projecteurs se retournent vers la salle. Les danseurs nous regardent. L’attente est interminable. Les cris fusent, les insultes aussi. La culture se mêle à l’intime…J’en sors bouleversé, avec cette question lancinante : « mais pourquoi vais-je au théâtre ? »

En 2004, il y a le théâtre du Gymnase qui organise un festival des jeunes créateurs. Je prends le bus entre Marseille et Aix en Provence avec des spectateurs. On échange. « J’aime », « je n’aime pas ». Mes arguments ne vont pas bien loin.

Il y a  le « non » au référendum en mai 2005. À Bruxelles, j’assiste dans un bar à un débat sur le traité constitutionnel. Les Français, rivés sur le rétroviseur, me mettent mal à l’aise, enfermés dans leurs cases. Je veux être acteur de l’ouverture plutôt que spectateur passif de la contestation permanente.

Il y a le KunstenFestivalDesArts de Bruxelles. Capitale de l’hybridité, je respire. Les spectacles « pluridisciplinaires » m’ouvrent.

Il y a Peggy, journaliste, européenne enthousiaste. Elle me dit : « toi qui vas tant au spectacle, tu devrais créer ton blog ».

22 mai 2005, 14h22. www.festivalier.net  est né.

Pascal Bély – www.festivalier.net

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ETRE SPECTATEUR OEUVRES MAJEURES

Ceci est mon papier d’identité.

Il y a ce ministère « de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire ».

Des virgules et un « et ».

Des virgules pour ne pas s’appesantir sur la question et un « et »  pour s’excuser.

Il y a ce ministère de la République, nous et eux.

Virgule, « et ».

Nous, on signe quelques pétitions pour se soulager, on ferme les yeux quand ils balayent nos rues et nettoient nos bureaux.

Nous, virgule, eux.

On prend parfois l’avion pour traverser la méditerranée parce que c’est exotique. On aime bien leur restaurant typique parce que ce n’est pas cher (c’est étrange d’ailleurs qu’il n’y ait pas d’établissement marocain quatre étoiles en France).

On, (entre parenthèses), eux.

On apprécie ces artistes venus de là-bas, si courageux. On leur consacre même des festivals.

On, si, même.

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Depuis 2007, on me cause d’identité nationale. « Soulagé quelque part » chanterait Maxime. Ce n’est pas de moi dont on parle, mais d’eux. Pas d’eux ET moi, mais d’eux. Je me révolte que l’on puisse causer d’EUX ainsi, que l’on enferme l’identité nationale dans une logique d’exclusion. Mais c’est E(UMP)X avec euX. Tant que ce n’est pas de moi.

Moi, j’ai une carte d’identité nationale. 

Moi, je suis né à Moissac, dans le Tarn et Garonne. Circulez, il n’y a rien à voir.

POINT.

Sauf que…Le théâtre remet une virgule, trois petits points de suspension et s’exclame.

Retour paragraphe.

Aligné à gauche, centré, aligné à droite.

C’est aux Bancs Publics  à Marseille, « lieux d’expérimentations culturelles ». Rien qu’avec une telle appellation, sûr que ce n’est pas du Feydeau. C’est « Terra Cognita » de la compagnie « l’Orpheline est une épine dans le pied ». Ça pique.

Eux ET moi.

Ils sont donc quatre comédiens (troublante Julie Kretzchmar, émouvante Sharmila Naudou, époustouflant Eric Houzelot, énigmatique Samir El Hakim) à investir les différentes facettes de ce lien pour qu’une fois, juste une fois, le spectateur puisse ressentir le chaos provoqué par la question de l’identité qui ne se réduit pas à un lieu de naissance. L’identité ce n’est plus eux mais eux et moi. Et ce n’est pas un hasard, si nos quatre éclaireurs incarnent ce lien identitaire à partir de Marseille vers l’Algérie. C’est dans ce « vers » qu’ils nous embarquent. Et ça tangue. Je tremble. Ni une, ni deux, comme dirait Joël Pommerat. Avec ce quatuor, la carte n’est pas le territoire ; l’identité n’est plus une somme d’éléments historiques, sociaux et géographiques. L’identité c’est aussi comment nous parlons à l’autre, comment nous sommes fraternels en dehors d’un lien asymétrique. L’identité, c’est un processus, c’est se nourrir et pas seulement de semoule, même si c’est exotique et qu’il y a des grumeaux.

« Terra cognita » m’embarque parce que des ballons accrochés aux grillages de nos centres de rétention, c’est joli ; que la poésie a encore ses mots à dire,

…parce que le récit d’une employée algérienne dans un taxiphone marseillais pourrait être le mien ;

…parce que Marseille est enchevêtrée avec l’Algérie, que je suis francoeuropéoalgérien d’autant plus que mes parents refusaient de parler à table de la « sale » guerre, mais étaient plus causant sur les « boches »

…parce que les textes de Claude Lévi-Strauss…

« Terra cognita » me fait tanguer parce que c’est eux et moi ;

…parce que trop de blagues racistes se sont moulées dans mon langage, se sont incrustées dans mon regard,

…parce que mes papiers ne valent plus rien tant que j’accepterais qu’un sans papier nettoie ma rue ;

…parce que les mots ont
encore un sens (n’en déplaise à E(UMP)X) et que mon identité, c’est investir le sens des mots

« Terra cognita » me fait trembler parce que ces quatre comédiens prennent tant de risques à nous embarquer là où  nous serions bien restés à quai, sur le Vieux-Port parce que « bonne mèreuhhh »…

« Terra cognita », c’est ma honte. J’ai ri pour m’en libérer.

« Terra cognita », c’est mon espace de flottaison. Car pour le moment, je ne sais plus où toucher terre.

Pascal Bély – www.festivalier.net

“Terra Cognita”, un projet de Julie Kretzschmar et Guillaume Quiquerez a été joué du 22 au 24 avril aux Bancs Publics à Marseille.