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ETRE SPECTATEUR PAS CONTENT

A Marseille, théâtres et festivals me découragent.

19h. L’horaire est fatal. À Marseille, c’est l’heure de la congestion, des rues bloquées par des embouteillages monstrueux, faute d’un réseau vertueux de transports en commun.

19h, c’est l’heure où l’on arrive à peine chez soi.

19h, c’est l’heure choisie par certains théâtres et festivals pour programmer leurs spectacles. La Criée, le Festival Dansem, le Festival Actoral, la Minoterie y sont largement abonnés. Tout au plus, concèdent-ils parfois 20h. À plusieurs reprises, épuisé, j’ai du renoncer, prisonnier dans ma voiture. Un trajet Aix en Provence – Marseille dure en temps normal (c’est-à-dire un dimanche matin à l’aube?) trente minutes pour trente deux kilomètres. En semaine, pour être à 19h au théâtre, il faut quitter Aix en Provence à 17h45. Pour ceux qui habitent Marseille, à moins d’être à proximité d’une station de métro, le calvaire est identique.

Mais que cache cet horaire ? Une volonté des artistes ? Une revendication des professionnels ? Une convention collective ? Je n’obtiens jamais de réponse si ce n’est : «à cet horaire, nous touchons un public qui ne vient pas d’habitude». Il permet d’accueillir travailleurs à la retraite, enseignants et professionnels de la culture. Soit. Lorsque je l’ai expérimenté, le résultat n’était pas très probant : des salles à moitié vides…

19h. C’est l’horaire pour rendre service. À quelqu’un. C’est poser une continuité dans une journée de travail. Le spectateur irait donc au théâtre en sortant de l’usine et du bureau, pour se divertir. 19h, c’est prolonger la philosophie du service là où le théâtre requiert probablement un horaire décalé pour laisser du temps au temps. Dit autrement, programmer une oeuvre peut-elle s’inscrire exclusivement dans un acte de service au risque de faire entrer peu à peu la relation à l’art dans la sphère marchande ? Une diffusion à 19h est un acte de communiquant pour nous laisser croire que théâtres et festivals répondent aux besoins imposés par la société consumériste.

19h, ce pourrait être l’heure d’une performance. Mais celle du spectateur découragé.

Pascal Bély, Le Tadorne.

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ETRE SPECTATEUR LA VIE DU BLOG

Bloc-notes / Le Président et Cendrillon en DRAC Queen.

J’ai connu le chorégraphe Philippe Lafeuille en 2009 lors d’une correspondance où il saluait et encourageait mon travail de spectateur. Expert danse à la DRAC Ile de France, il pressentait que les commissions d’attribution des subventions aux compagnies s’ouvriraient tôt ou tard aux spectateurs engagés.

En janvier 2011, pour accompagner sa création «Cendrillon, Ballet Recyclable», il fonda sa compagnie «La Feuille d’Automne». Il me demanda d’en être le Président. J’ai accepté, conscient de la portée symbolique de cette proposition.

Avant l’été, Vanessa Charles (Conseillère Danse à la Direction Régionale des Affaires Culturelles en  PACA) me proposa d’intégrer la commission des “experts danse” en 2012. J’ai accepté ce signe de confiance et de reconnaissance, conscient que ma nomination pouvait faire lien entre les artistes, le public et les institutions.

Puis arriva le jour de la première de «Cendrillon, ballet recyclable» de Philippe Lafeuille à la Maison de la Danse de Lyon le 3 novembre. Président ou Tadorne, il me fallait choisir. Je n’écrirais donc pas sur cette oeuvre.

Sauf que…alors que je n’avais vu aucune répétition, je découvrais, comme le public, ce que Philippe Lafeuille préparait depuis des mois (une Cendrillon postmoderne fondue dans le plastique, matière recyclable pour rêver). À mesure que le spectacle avançait, je ressentais l’article en gestation. Le Tadorne allait écrire : ce que je voyais sur scène était exactement là où je me situais dans mon rapport à la danse. Ce soir-là, je compris qu’avec Philippe Lafeuille, j’étais devenu une Cendrillon.

Ainsi, quelques jours plus tard, je publiais l‘article. Président et blogueur…

…Qui posera son soulier de plastique sur la table, face à des “experts danse” émerveillés.

Pascal Bély, Le Tadorne.

 

 

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ETRE SPECTATEUR FESTIVAL D'AVIGNON PAS CONTENT THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN

Cet «Avignon» auquel je ne comprends rien.

Cette année, le festival d’Avignon véhicule un théâtre de concepts portés par un collectif d’artistes réunis autour de l’artiste associé Boris Charmatz, directeur du Musée de la Danse à Rennes. Il s’en dégage la désagréable impression d’un entre soi qui isole l’art des idées, pose les concepts comme une fin en soi au détriment d’un propos qui créerait les conditions d’un dialogue vivant.

La «session poster» du 14 juillet fut révélatrice de ce constat. Organisée comme une exposition itinérante, le spectateur circule dans différents espaces, occupés soit par un danseur, un chorégraphe, un chercheur…Le « clan » de Boris Charmatz est là. J’observe, mais je peine à relier. Entre la partition chorégraphique sur le rire d’Antonia Baehr et la performance de François Chaignaud (qui demande aux spectateurs de l’attacher avec des ficelles tel un Christ sur la croix), je zappe… Je ne prends pas le temps de contempler la danse de Daniel Linehan trop occupé à scruter la métamorphose de Latifa Laâbissi. Épuisant.

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Le même soir, François Chaignaud (toujours lui, omniprésent dans les festivals, voir l’analyse que j’en faisais lors des Antipodes de Brest en 2010) présente avec Cecilia Bengolea, Marlène Monteiro Freitas et Trajal Harrell, «(M)imosa». Un entre soi autour d’une question : «que ce serait-il passé en 1963, à New York, si une figure de la scène voguing d’Harlem était descendue jusqu’à Downtown pour danser aux côtés des pionniers de la danse post-moderne ?». Bonne question sauf que je ne perçois pas l’ébauche d’une réponse. Les numéros se succèdent rappelant les travestis des années 80 dans les boîtes gay. Seule Cécilia Bengolea est sidérante alors qu’elle arpente le plateau, masqué de la tête aux pieds sous un bas qui laisse apparaître un godemiché et une mâchoire. Troublant, car symbolique des années sida. Mais il manque à l’ensemble une construction dramaturgique qui dépasserait leurs égos démesurés.

Celle d’Olivia Grandville dans «Le cabaret discrépant» est plus harmonieuse. Elle mobilise des noms proches de Boris Charmatz : Sylvain Prunenec, Vincent Dupont, Pascal Quéneau, Catherine Legrand et l’acteur Manuel Valade. Ils sont réunis autour d’Isidore Isou, créateur du lettrisme («mouvement qui renonce à l’usage des mots, s’attache au départ, à la poétique des sons, des onomatopées, à la musique des lettres»). Olivia Grandville tente de revisiter cet art en l’articulant aux oeuvres radicales qui jalonnent l’histoire de la danse. Entre exposition itinérante dans le hall du théâtre (une session poster plutôt réussie car cohérente) et un cours déjanté sur scène, chacun y trouva son bonheur. Sauf qu’à trop vouloir faire le spectacle divertissant, Olivia Grandville empêche toute lecture sur le sens de ce mouvement. Ici aussi, ce qui est montré semble avoir plus d’importance que le pour quoi s’est montré…

« Levée des conflits » de Boris Charmatz a été présentée au Festival «Mettre en scène» en novembre 2010. Bernard Gaurier avait apprécié cette proposition sur ce blog. Mais au Festival d’Avignon, cette oeuvre chorégraphique jouée sur l’herbe du Stade de Bagatelle (pour un Woodstock de la danse…sic), a perdu son sens. Nous retrouvons Olivia Grandville (bien peu inspirée), Catherine Legrand ainsi que  Boris Charmatz lui-même qui décrit « Levée des Conflits” comme un ensemble où «chaque danseur est pris dans un mouvement perméable à la fois au danseur qui le précède et à celui qui le suit, pour fabriquer une chorégraphie dont toutes les parties sont vues simultanément…c’est une sculpture. La pièce est donc essentiellement méditative». Soit. Sauf que l’énergie déployée par les danseurs n’est jamais arrivée jusqu’à moi, car enfermée dans un concept finalement trop «lisible» dans ses intentions. Je me sens ignorant face  à une telle virtuosité. Alors que je m’interroge sur la page Facebook du Tadorne, un lecteur me renvoi vers les cours de Roland Barthes pour décrypter le propos de Boris Charmatz, preuve en est que l’articulation entre la recherche et l’art ne fonctionne pas.

François Verret dans «Courts-circuits» propose un dispositif qui se suffit à lui-même (écrans vidéos, homme orchestre et chanteuse au centre, deux espaces scéniques, des danseurs et des circassiens). Le chaos est savamment orchestré pour narrer la catastrophe. François Verret dévoile ses références dans la note d’intention pour les accumuler dans une «session poster» d’images, de cris et de chansons. Je n’ai strictement rien compris si ce n’est que François Verret ne parvient pas à donner une force poétique à son propos en dehors de la dénonciation tant entendue ailleurs.

J’aimerai que l’on ne me rétorque pas que je manque de ces connaissances tant étalées. Les concepts et les penseurs dont il est question alimentent ma curiosité, mais la proposition n’arrive pas à ouvrir le sens à partir de ma sensibilité, me rendant incapable d’inviter ces artistes à nourrir le projet de ce blog.

Pascal Bély, Le Tadorne.

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ETRE SPECTATEUR

Portrait du Tadorne sur Arte, le dimanche 10 juillet 2011.

En juillet 2010, la documentariste Hélène Ricome entreprenait un film sur des spectateurs du Festival d’Avignon. J’étais dans la liste. Pendant trois semaines, caméra sur l’épaule, elle m’accompagna de spectacle en spectacle puis posa son micro pour une série d’entretiens. Sa présence m’était peu à peu familière. J’ai le souvenir qu’elle capta certains débats enflammés à la sortie des théâtres, mais aussi mon émotion alors que j’évoquais «La casa de la fuerza» d’Angelica Liddell.

Quatre portraits seront donc diffusés sur Arte le dimanche 10 juillet (celui du Tadorne à 17h15) lors de la journée spéciale consacrée au Festival d’Avignon. Le site de la chaîne ne précise pas ce programme : position étrange et pour tout dire incompréhensible?

Je le découvrirai en même temps que vous. En espérant qu’il puisse éclairer sur mes intentions de spectateur engagé que l’on ne saurait résumer à des qualificatifs réducteurs.

Pascal Bély, Le Tadorne.

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ETRE SPECTATEUR FESTIVAL D'AVIGNON

Il nous faut un projet pour le Festival d’Avignon.

A la veille de l’ouverture du Festival d’Avignon, quels sont ses enjeux? Petit rappel en forme de manifeste…

Nous apprenons peu à peu à distinguer l’artiste de l’homme. C’est presque un enjeu de civilisation. Mais cela reste fragile comme l’ont montré les derniers débats enflammés autour de l’écrivain Louis-Ferdinand Céline et du chanteur Bertrand Cantat. Cette frontière poreuse dévoile nos intentions, une part de nous-mêmes, notre capacité à différencier l’acte de créer avec celui de faire. Entre l’art et la morale, la scène et la salle, le conscient et l’inconscient, l’éducation et la sauvagerie, le spectateur est sur le fil, mais il tisse la toile de ses liens artistiques pour ne pas sombrer dans les propos caricaturaux. Car tout est complexe.
Le spectacle vivant pose la frontière. Il nous permet d’entendre le corps comme un langage, de nous construire une réalité qui n’est pas la vérité. Mais tout cela reste bien fragile. Les conditions peu démocratiques de la nomination d’Olivier Py à la tête du Festival d’Avignon confirment une hypothèse : le jeu du pouvoir efface la frontière. La personne et la grandeur de l’artiste ne font plus qu’un. Qu’importe les convictions (Olivier Py n’a jamais  été tendre avec le pouvoir actuel) : la carrière prime avant tout. Ainsi, l’homme de culture aurait pu refuser cette «promotion» en faisant valoir l’absence d’un processus démocratique. Mais l’homme de pouvoir en a décidé autrement : la forme (la manière) n’a plus aucune importance (cela revient à dire qu’un mouvement dans la danse n’aurait aucun sens tant que la technique est sauvegardée). Le corps ne serait donc plus signifiant face aux mots. Le projet disparaîtrait au profit de l’acte. Comment faire confiance à la politique quand un artiste ne se questionne même plus sur le SENS de sa décision? Ainsi, les spectateurs observent de loin cette comédie du pouvoir sans pouvoir interagir et signer le début d’une autre partie.

Si l’on veut maintenir la frontière, encore faut-il poser le cadre qui permet de la sauvegarder. Or, rien ne vient réguler les rapports de plus en plus incestueux entre le milieu politique et l’artiste. Avec une telle vision monolithique du pouvoir, le milieu de la culture serait-il l’un des secteurs les plus archaïques? Peut-on compter sur la presse ? Elle se contente d’énumérer les règles du jeu. Comme en politique, elle s’amuse des stratégies plutôt que de réfléchir sur le fond. Peut-on s’appuyer sur les élus locaux, à qui l’on impose un homme (sans projet pour l’instant) ? Ils sont eux aussi prisonniers d’un jeu de poker menteur. Peut-on alors faire confiance aux professionnels du spectacle vivant ?  Certains ont signé la pétition en faveur du maintien d’Olivier Py à la tête de l’Odéon puis l’ont regretté après qu’il est accepté le Festival d’Avignon en «réparation». Habitués au positionnement du bas vers le haut, ils pétitionnent dès que la barre verticale montre des signes de faiblesse. Beaucoup d’entre eux confondent d’ailleurs l’acte de programmer avec un geste personnel (il suffit de lire certains éditoriaux dans les présentations de saison pour s’en convaincre) : là aussi, la frontière n’existe plus. Programmer est un acte de pouvoir quasi monarchique aux mains d’une seule personne.

Que proposer? Il faut desserrer le jeu à partir du transversal, puisque perte de la vision il y a. Plutôt que de regarder vers le haut, commençons peut-être par structurer le bas, le côte à côte. Pour mettre fin à ce  pouvoir ridicule de nomination qui infantilise, ouvrons en créant un collectif incluant des  spectateurs éclairés (après tout, ils sont nombreux ceux qui par fidélité s’abonnent, s’engagent dans des projets artistiques participatifs, font de la médiation, ?), des membres de la société civile, des artistes et des professionnels du spectacle vivant. Il serait une force d’appui auprès des décideurs pour positionner le projet global au centre. À l’image du jury du livre Inter, les participants à ce collectif feraient acte de candidature, en le motivant. Ils seraient consultés sur les projets présentés (sans pouvoir de décision, laissé aux politiques) et proposeraient une évaluation qualitative en milieu de mandat. À la statue désignée par le fait du prince, préférons le mouvement du collectif pour nommer le projet. Appliqué pour Avignon, ce processus serait un signe fort : juste retour pour ces milliers de spectateurs profondément attaché au Festival et qui pour l’instant n’ont rien à dire, sinon de sortir leur carnet de chèques.
L’enjeu du théâtre populaire n’est-il pas aussi de créer les conditions pour qu’ensemble nous nous émancipions du pouvoir monarchique. Une réévolution en quelque sorte !
Pascal BélyLe Tadorne
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ETRE SPECTATEUR FESTIVAL D'AVIGNON

Nos recommandations et rendez-vous pour le Festival Off d’Avignon.

Nous y travaillons depuis deux mois. Laurent Boubousson, Bernard Gaurier et moi-même. Nous avons mobilisé les amis sur Facebook (merci à eux). Nous avons lu les nombreux dossiers de presse reçus par mail. Il y a des lieux avec lesquels nous avons un lien de confiance (Le Théâtre des Halles, La Manufacture, La Condition des Soies, les Hivernales,le Théâtre Des Doms, Présence Pasteur) tandis que d’autres nous accueilleront pour la première fois, curieux de découvrir certaines propositions. Création contemporaine, danse, jeune public et tout-petits constituent la carte de ce voyage.

Nous sommes donc prêts pour le Festival d’Avignon. Voici notre sélection pour le « Off » (cliquer ici. Fichier PDF).

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Nous n’irons pas voir les 69 spectacles, mais suffisamment pour pouvoir échanger avec  vous les 17, 19, et 21 juillet 2011 à 11h au Village du Off dans le cadre de « Paroles Publiques » : « Le principe de ces rendez-vous est de réunir des blogueurs expérimentés et ceux qui souhaitent exprimer, faire partager les émotions et les réflexions que leur inspirent les spectacles du OFF. Au terme d’une heure passée ensemble les billets critiques du public, rédigés avec le conseil des chroniqueurs de trois grands sites et blogs de spectacle vivant, pourront être mis en ligne. À chaque séance, seront annoncés les spectacles retenus pour la séance suivante. L’entrée est libre, et vous pouvez assister aux Paroles Publiques même si vous n’avez pas envie d’écrire ! C’est une bonne manière d’entendre parler de ce que les spectateurs du OFF ont aimé. Rencontre animée par Christophe Galent. »

Nous vous communiquerons le 15 juillet sur le blog et sur la page Facebook du Tadorne, les spectacles qui feront l’objet d’un regard critique pour notre rencontre du 17.

Nous vous souhaitons un excellent festival.

La sélection du Tadorne off La sélection du Tadorne off

Pascal Bély ? Bernard Gaurier ? Laurent Bourbousson – Les Tadornes.

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ETRE SPECTATEUR FESTIVAL D'AVIGNON

Nos premières offinités pour Avignon.

L’exercice est toujours périlleux : comment présenter en une heure une programmation tout en éveillant le désir et la curiosité? Beau pari pour le collectif de la Manufacture à Avignon qui réussit, par ses choix pluridisciplinaires, à dépasser la frontière entre le festival «In» et «Off». Pas moins de quatre lieux pour croiser l’esprit manufacturé : la Manufacture (intra-muros), la Patinoire (extra-muros), l’Espace 40 (librairie et rencontres en tous genres avec des journalistes, rue Thiers) et le parking du Marché d’Intérêt National (pour vivre des expériences insolites avec la compagnie Appel d’Air pour le premier Drive in de danse !).

La programmation semble s’articuler autour d’un projet à forte dimension sociale. Citons d’abord, trois oeuvres très appréciées et déjà chroniquées par le Tadorne : «  LIFE : RESET/Chronique d’une ville épuisée » de Fabrice Murgia, succès du dernier KunstenFestivalDesArts de Bruxelles et «Les rêves» de Ivan Viripaev du Théâtre de l’Alibi / Centre dramatique itinérant de Corse et “La grammaire des mammifères” de William Pellier. Nous suivrons particulièrement trois autres propositions : «Un homme debout» de Jean-Michel Van Den Eeyden et Jean-Marc Mahy; «Fait(s)divers à la recherche de Jacques B» par La Volige, compagnie de Nicolas Bonneau;  le «Quand m’embrasseras-tu ?» du poète Mahmoud Darwich, par la compagnie Brozzoni. Autant de formes représentatives de la création artistique contemporaine dont le visage polymorphique permet à la programmation de la Manufacture de sonner juste. Son envie de s‘a-grandir légitime une présence à l’année sur le territoire avignonnais. Les projets sont nombreux et innovateurs. À noter celui de la Web Tv qui impliquera des jeunes des quartiers d’Avignon autour des métiers du spectacle vivant (thème retenu pour cette année). Les actions pédagogiques ont aussi leur droit de cité avec les ateliers menés avec la compagnie Appel d’Air autour de la danse contemporaine. À souligner aussi que l’Espace 40 devrait se pérenniser.
Comme pour tout bon festival, la Manufacture aura son espace de rencontre : les AfterNightschots seront très courus comme le sont les soirées au Bar du In.
Pour résumer: une inscription sur le territoire, trois lieux de spectacles, une librairie, un lieu pour se montrer et démontrer, des partenaires tels que Radio Nova et le magazine Mouvement pour des discussions et autres émissions en direct?
Un souffle de contre festival va se lever.
Laurent Bourbousson – www.festivalier.net
Festival de la Manufacture du 8 au 28 juillet dans différents lieux : Manufacture, 2 rue des écoles, Patinoire, Espace 40, 40 rue Thiers, Parking du MIN.
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ETRE SPECTATEUR PAS CONTENT THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN Vidéos

En Provence, le théâtre fait front.

Inoubliable saison 2010 -2011 ! Est-ce possible de poursuivre l’aventure de ce blog à partir des programmations proposées dans ma région (Provence)? Après le stimulant Festival d’Avignon, l’accueillante Biennale de la Danse de Lyon, et le généreux Festival d’Automne de Paris, mon écriture de spectateur engagé a buté au cours de l’hiver. Il s’installe un profond décalage entre les ambitions affichées par les festivals et la frilosité des théâtres où les mêmes noms reviennent associés aux mêmes esthétiques enrobées dans des politiques de communication aux slogans creux. Pour la première fois depuis six années, j’ai failli jeter l’éponge. La quasi-disparition de la danse contemporaine, en dehors de la programmation policée du Centre Chorégraphique National d’Aix en Provence, a accéléré mon dépit. Malgré tout, il faut poursuivre, même si c’est pour s’émouvoir du déclin culturel de ma région. Il y a pourtant de quoi espérer : une maison pour la danse emmenée par Michel Kelemenis ouvrira à l’automne prochain à Marseille, tandis que l’année capitale 2013 finira bien par créer une émulation…
Mais en attendant, programmateurs et artistes s’accrochent à l’Histoire, non pour réinventer les valeurs de l’avenir, mais pour nous transmettre les idéaux d’une modernité dépassée. J’ai cru au théâtre engagé d’Ariane Mnouchkine en me rendant à Lyon pour ses «Naufragés du fol espoir». Naufrage total pour une nostalgie gluante. Qu’importe ce présent pourri, pourvu que soit célébrée la France de grand-papa! Avec François Cerventes, «le voyage de Penazar» proposa de traverser neuf siècles pour finalement me  perdre dans des détails historiques insignifiants. Malgré la performance de Catherine Germain, je m’interroge : à quoi sert le théâtre s’il doit nous donner une approche linéaire de l’histoire, là où j’attends qu’il la transcende?

Catherine Marnas avec “Lignes de faille” du roman de Nancy Huston a fait pire : elle a tué toute possibilité de transcendance en nous offrant un voyage dans le 20e siècle à partir d’une vision transgénérationnelle, mais en empêchant l’imaginaire du spectateur de fonctionner. Au total quatre actes d’une heure chacun pour quatre périodes (2000, 1980, 1960, 1944) où l’enfant raconte (avec mimiques enfantines à l’appui) tandis que les adultes s’affairent. On plaque sur le plateau des images vidéo de l’époque pour mieux signifier que tout est sous contrôle : avalanche de texte, même dramaturgie et effets de scène répétitifs. Comme avec Ariane Mnouchkine et François Cerventes, le spectateur n’a plus qu’à se laisser porter. Tout est donné au détriment d’une recherche partagée entre artiste et public. Le théâtre célèbre le visible, le linéaire, à partir d’une scénographie signifiante qui fait totalement l’impasse sur le complexe (l’espace de la résonance). À l’image du discours politique qui peine à se renouveler et à embrasser la complexité, ce théâtre-là s’accroche au texte aux dépens du corps, souvent déguisé. Il perd en intimité et semble incapable de parler de la douleur du monde.

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Quid alors de la création «pluridisciplinaire» ? Julien Bouffier a mis en scène Marguerite Duras avec «Hiroshima mon amour». J’attendais que le corps évoque le drame collectif. Sauf que la scénographie fait office de mise en scène et les différentes esthétiques (documentaire, cinéma, chanson, théâtre, danse) visent à remplir le vide provoqué par la tragédie. Pendant que je regarde le film sur un mur (une visite du musée d’Hiroshima probablement pour que le spectateur comprenne enfin ici aussi, le théâtre fait oeuvre de transmission!), je ne vois plus ce qui se joue à ma droite et à ma gauche. On me perd vraisemblablement pour que je me retrouve. Finalement, je  ne ressens plus le corps de l’acteur, comme si toute cette machinerie prenait le pouvoir. À quoi sert le pluridisciplinaire si c’est pour propager la même idée du progrès : accumuler de la technique pour reposer l’homo spectator de la turbulence (un comble alors que le Japon est au bord de l’implosion). Et s’il me plaît de ressentir le vide sous mes pieds ?
C’est ainsi que l’hiver 2010-201 m’aura frigorifié. Alors que le monde connaît des soubresauts encore inimaginables il y a quelques mois, j’ai l’étrange impression que certains lieux culturels s’en protègent, véhiculant ainsi la croyance que tout ceci n’est que “feu de paille”, que la globalisation n’a rien à voir avec l’émancipation des peuples. Je me sens pourtant totalement traversé par ces chaos, mais le théâtre qu’il m’a été proposé reste sourd. Probablement parce qu’il manque d’empathie. Sûrement, parce que l’entre soi produit un théâtre suffisant.
Pascal Bély- Le Tadorne.

« Hiroshima, mon amour » de Marguerite Duras par Julien Bouffier à la Scène Nationale de Cavaillon les 17 et 18 mars 2011.
« Le voyage de Penazar » par François Cervantes au Théâtre Massalia de Marseille du 8 au 26 mars 2011.
« Lignes de faille » de Nancy Huston par Catherine Marnas au Théâtre des Salins de Martigues du 23 au 25 mars 2011.

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ETRE SPECTATEUR Marseille Provence 2013

Devenir un spectateur émancipé: conclusions et avant-propos.

Ce jeudi 24 février 2011, Bernard Latarjet, directeur de l’Association Marseille Provence 2013 s’apprête à dévoiler le programme, tant attendu. Mais auparavant, pendant plus d’une heure, Jean-Claude Gaudin, Maryse Joissains et Hervé Schiavetti (respectivement maires de Marseille, d’Aix-en-Provence, d’Arles), Michel Vauzelle (Président de la Région PACA), Michel Pezet (conseiller général au département des Bouches-du-Rhône) nous ont présenté leur politique culturelle réduite à l’affichage de leurs trophées. Parce qu’ils se fréquentent depuis longtemps, ces politiques finissent par mettre en scène leur connivence et cet entre soi qui positionne la France comme une vieille démocratie, autocrate et oligarque. Ont-ils seulement une vision de la place de l’art dans la société lorsqu’on sait que le cumul des mandats les éloigne durablement des lieux culturels? À deux ans des festivités de 2013, le gouffre est visible: entre citoyens, chercheurs, éducateurs, politiques et professionnels de la culture, la rencontre ne se fait pas. Les jeux de pouvoir dans lesquels nous sommes enfermés démontrent notre impuissance à penser un monde complexe, où tout est enchevêtré. La présentation du nouveau logo (réduit à une signalétique) confirme cette hypothèse: la communication a pris le pouvoir au détriment du sens d’un projet culturel partagé.

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Au cours de cette conférence de presse, pas un mot sur le public, juste n’attend-on de lui qu’il réponde présent et paye (d’autant plus s’il est touriste). Mais après tout, est-ce si différent du sort qu’on lui réserve dans les établissements culturels? Le philosophe Bernard Stiegler peut bien promouvoir un modèle contributif: nous restons accrochés à une approche descendante où les experts de la culture savent ce qui est bon pour le peuple d’en bas. Ils déploient leurs stratégies de communication massive à coup de plaquettes, de newsletters et de pages Facebook transformées en panneau publicitaire où le débat sur les oeuvres est souvent censuré. Quant au «spectateur émancipé» si cher à Jacques Rancière, force est de constater qu’il n’est manifestement pas intégré dans la plupart des politiques et programmes culturels (les directions de relations avec les publics faisant souvent barrage). J’ai pour ma part, et très modestement, proposé à Marseille Provence 2013 et au Festival d’Avignon, des espaces de co-construction entre spectateurs engagés, professionnels du lien social, du spectacle et artistes pour penser des modèles de relations contributives pour la culture. Les enjeux sont de taille:

– développer des liens qualitatifs pour rendre lisible ce que les logiques quantitatives finissent par masquer,
– réinterroger la fonction symbolique de la culture dans notre société((«quel est notre désir de théâtre?»), pour ne pas s’enfermer dans des dogmes répétés que plus personne n’écoute,
– créer de nouvelles pratiques de médiation ouvertes et partagées pour un développement qualitatif des publics autour d’enjeux sociaux territoriaux.
Ces propositions ont probablement fait écho. Elles feront peut-être leur chemin. C’est à la marge qu’elles émergeront dans des espaces où:
– contribuer est le modèle relationnel qui crée du sens,
– articuler permet de penser global  et efface les schémas tout tracés,
– traverser pour créer du sens plutôt que seulement hiérarchiser,
– mettre en puissance pour s’éloigner des prises de pouvoir.

Pour ma part, je poursuis mon parcours de spectateur engagé et contributeur, en privilégiant les lieux où cet engagement est reconnu, valorisé, promu. Je vais continuer d’introduire inlassablement, la question du lien à l’art dans mes  actions de formateur et de consultant. Pour que la culture ne soit pas réduite à une étagère où l’on poserait des livres, mais où l’on oserait la métamorphoser pour mettre en dialogue les auteurs et créer l’Oeuvre. Par plaisir.

Pascal Bély- Le Tadorne.

Remerciements tout particuliers à :

Michel Kelemenis, créateur de “Klap! Maison pour la danse” à Marseille pour la profondeur de son écoute et ses conseils éclairés.

Philippe Lafeuille, chorégraphe, soutien des premiers jours, qui s’est toujours engagé pour que des spectateurs contributeurs aient une place dans ses projets.

Elsa Gomis, fidèle parmi les fidèles.

Graziella Végis et Nathalie Dalmasso du Théâtre Massalia à Marseille pour leur engagement dans le projet de formation autour de “l’art et les tout-petits”: dès avril 2011, un groupe de professionnels de la petite enfance et du spectacle vont co-construire un projet global d’accueil d’artistes dans les crèches.

Florence Lloret et Michel André de “La Cité, Maison du Théâtre” à Marseille pour m’avoir inclus comme «spectateur complice» et donner l’opportunité de réfléchir à leurs projets.

Marion Bati, directrice des “Éclats chorégraphiques” pour ses conseils éclairés.

Renaud Cojo pour ses encouragements répétés.

Pauline Coppée du Festival Lattitudes Contemporaines à Lille pour son accueil et ses engagements futurs.

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ACCUEIL DES LIEUX CULTURELS ETRE SPECTATEUR LES FORMATIONS DU TADORNE

Chroniques d’un spectateur engagé et contributeur: Le projet avec la Scène Nationale de Martigues.

J’inaugure cette semaine une série d’articles autour de mes rencontres avec des établissements culturels. Depuis 2009, j’ai proposé différentes actions visant à développer un modèle de relation contributive entre  professionnels du spectacle, de l’éducation, du social, artistes et spectateurs. Premier retour avec la Scène Nationale de Martigues.

C’était au départ une idée originale et courageuse. Préoccupée par la volatilité des spectateurs, Annette Breuil, directrice du Théâtre Des Salins de Martigues, souhaitait engager un dialogue différent avec le public en posant un cadre sans expert et hiérarchie pour l’écouter. Dès 2009, je proposais d’organiser une série de débats participatifs (“que voulons-nous faire ensemble ?”). Je formulais une première  hypothèse : renforcer un service public de la culture suppose de privilégier des relations contributives entre professionnels, artistes et spectateurs (de plus en plus « cultivés » et en réseau via internet notamment). La première saison de «Y’a des Ho! Y’a débat!» pouvait commencer! Le premier rendez-vous en septembre 2009 sur la place du spectateur et du programmateur a quelque peu déçu : il n’a pas réussi à dépasser le schéma descendant entre le public et Annette Breuil. Malgré tout, le besoin de libérer une parole autour des choix de programmation était palpable.

Quelques semaines plus tard, le débriefing a permis de formuler une seconde hypothèse: ouvrir la relation à l’externe suppose d’amplifier la communication à l’interne. J’ai proposé à l’équipe de s’approprier le projet (qu’il ne soit plus centré sur Annette Breuil ou moi-même) et de partir à la rencontre des spectateurs avec une caméra vidéo et une question en tête, thème du deuxième débat («le Théâtre des Salins est-il un lieu d’échanges?»). Un émouvant reportage a fait l’ouverture de la rencontre et permit à l’équipe de créer les conditions d’un échange sincère avec le public. L’intervention par téléphone du chorégraphe Michel Kelemenis sur sa conception d’un théâtre ouvert a offert une perspective passionnante. Au final, la forme de ce rendez-vous (film, débat, interview téléphonique) a multiplié les angles, fluidifié la communication et renouvellé le genre.

Lors d’une réunion bilan, l’articulation «Y’a des Ho ! Y’a débat!» avec un travail d’équipe a été validé (cela crée le «ciment» à partir d’un temps collectif où la recherche du sens  par le langage symbolique et métaphorique garantit la vision globale). La réflexion sur le lien entre nouvelles technologies et théâtre a été jugée pertinente, car elle permet de réfléchir sur le sens de la communication. La dynamique autour de ces débats a interrogé le positionnement des professionnels en envisageant des ouvertures dans un contexte où la relation avec les spectateurs évolue en permanence (billetterie sur internet, nouvelles pratiques culturelles, concurrence accrue de l’offre de spectacles).

Mais pour penser les futures actions envers les spectateurs, l’équipe devait consolider ses fondements à partir de trois axes :

1. Identifier les valeurs de son projet et savoir le communiquer en interne et en externe

2-Travailler  sa dynamique relationnelle pour décloisonner les fonctions et les métiers.

3. Relier les actions de médiation et de communication pour créer des passerelles, des mises en réseau, susceptible de développer qualitativement les publics.

A ce stade du projet, j’ai formulé une troisième hypothèse : un formation pourrait accompagner l’équipe à  définir son socle de valeurs à partir des processus du management participatif.

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Celle-ci n’a pas vu le jour. J’ai proposé à Annette Breuil de poursuivre la démarche en redéfinissant la relation avec le public par l’artistique et le festif. Ainsi est né, «Faire la fête à la Scène». Profitant de la semaine où les Scènes Nationales vont fêter leur 20ème anniversaire en mars 2011, j’ai suggéré d’enclencher avec l’équipe une série d’actions symboliques pour libérer la créativité des spectateurs et des professionnels. En étroite collaboration avec un collectif pluridisciplinaire d’artistes et l’Ecole de Danse de la ville, chacun expérimenterait de nouvelles modalités de communication (Flash mob, bal, mapping vidéo, parcours artistique au sein du théâtre, ateliers d’écriture avec un plasticien et mise en mouvement par un chorégraphe). A ce jour, le Théâtre des Salins a retenu la journée du 18 mars 2011 pour qu’on lui fasse la fête.

L’équipe vivra une expérience unique qui lui donnera, sans aucun doute, l’énergie pour penser un projet global de développement : qualitatif, ouvert, inscrit dans la durée, innovant et démocratique.

Pascal Bély -Le Tadorne.