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Aux Rencontres Photographiques d’Arles, la ballade de la rupture.

Cette année, on n'habille pas les vieux murs des entrepôts désaffectés de la Sncf du chic de l'an passé. Lorsqu'on descend les escaliers vers ces lieux, un vent chaud souffle sur le désert de l'endroit. Les pans de ruines, d'ordinaire habillés, baillaient du néant de traces graphiques ou spatiales invitant à entrer. Cette année, pas de tenture, pas de photos d'accueil, juste le portrait géant d'une grand-mère édentée, tentant de nous souhaiter la bienvenue. On épure. A moins que l'ironie ne soit de mise.
Marchez tout droit. Prenez un ticket. Faites-le valider et descendez à gauche en enfer.
Et très vite, on s'immerge. Hall 13. On visite ou revisite pour ceux qui l'auraient déjà fait, la non moins célèbre Ballad of sexual dependancy“, ramenée à 45 minutes sur sa durée initiale de plus de deux heures trente en version initiale. Plus qu'un comportement physique, cette ballade se détermine en fresque sociologique d'une époque perdue et troublée par des questions d'existence et de mort. On se rêve un éden qui garantirait un amour sans romantisme et pur, hors contexte de sida, sans angoisse et naturel. En quatre photos, Nan Goldin fabrique un cercueil dans lequel elle jette l'obscur pour mieux voir et s'espérer sincèrement autrement. Une ode à l'Idéal parfait.
L'introduction à la ballade faite, on se jette (et c'est bien là le terme) aux ateliers mécaniques ? hall 16- où nous attendent les invités de Nan Goldin. Treize comme une scéne. Un jugement prochain ? On avance inquiet et dubitatif. Et c'est le clash sur l'intime poussé au plus cru de son expression où l'inceste, la naissance, l'errance et la mort se voit exposées. Jean-Christain Bourcart nous le prouve bien en nous attirant malgré nous dans le pays où l'on ne va jamais, sorte de cour des miracles américaine, au c?ur du New Jersey à deux heures de New-York. Et ses photos semblent nous dire : ici mais pas plus loin. On veut se retourner et repartir. Pour où ? Pour là, ce là, si confortable d'où l'on vient. La chaleur de la saison accentue le malaise de la visite. Et pourtant on continue. On erre dans un univers qui ne s'apparente en rien à celui de nos quotidiens rangés et sages. J'étouffe et m'insurge. Cependant, je sais qu'en cela le pari de Nan Goldin est gagné.
A retenir toutefois, le travail de David Armstrong, faisant parti au même titre que Nan Goldin du groupe des cinq de Boston, même si ce dernier ose avouer ne savoir si son travail valait piécette. On retient l'étrange du dandysme dans une sorte de « no man's land » de par son installation où le désordre organisé, ordonne l'atmosphère pour inviter le curieux dans son atelier ainsi transféré. Et le bel acte de la photo romanesque du « beaux gosses » s'étale façon Boston group. On lit l'image dans l'importance de la relation avec le sujet photographié qui ira jusqu'au petit panneau originel de l'entrepôt, en haut de la porte de l'espace d'exposition : Local Banc d'essai.
Je souris. L'illusion est parfaite.
Diane Fonsegrive – www.festivalier.net

 Photo : Nan Goldin

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À la Fondation Maeght, Miró et son jardin extraordinaire.

À la fondation Maeght parmi les pins et le soleil de la côte, mon imagination vogue à l'âme de Joan Miró. Ce lieu fut son espace de travail, d'inspiration et de réflexion. Deux cent cinquante ?uvres y sont exposées dont certaines pour la première fois. L'opportunité poivre la curiosité. Il s'agit donc de découvrir un environnement de création lié intimement à Joan Miró et d'en révéler l'alchimie inventive.  Tout le monde a dans le coin de son imagination une ligne rouge, bleue ou noire extraite d'une toile de Miró, mais l'approcher de prés oblige l'?il à objecter, à rencontrer l'univers de l'artiste.  D'abord les jardins qui provoquent l'évasion, puis la chaleur de l'été qui nous fait jouir d'une lumière exceptionnelle sur les ?uvres.  Le rayonnement autour du Minotaure de  Miró, la fraîcheur exaltée de la fontaine de Bury, les sculptures longilignes de Giacometti forment l'ombre ludique au sol. Il est agréable de se laisser aller à cette épopée forte du surréalisme, faisant appel aux lectures des grands noms de l'époque.

Et Miró.

L'introduction étant happée, nous pouvons entrer à l'intérieur du bâtiment, d'une architecture très 60', et l'on pense à un certain oncle de Tati. Avant de comprendre, il faut laisser la théorie graphique nous envahir.  Ne pas penser, pas encore, se retenir à l'extrême et voir, rien que la ligne qui se courbe, se tend, danse ces corps de femmes, ces mythes et les peurs de l'artiste.  Qu'il s'agisse de lithographies, de sculptures, de céramiques, de peintures, surtout suivre la ligne, qu'elle soit brossée, grattée ou simplement tracée en eaux fortes, ne pas la quitter des yeux et attendre que la poésie de Miró vous submerge. Et elle chante vite, en profondeur ;  les histoires défilent. Ces femmes belles, à la courbe forte par leur féminité,  leur puissance à l'enfantement, passionnément  toutes, que l'on pourrait retrouver chez Picasso ;  ces étoiles qui frustrent l'artiste de ne pouvoir les toucher, et plus loin ces monstres qui réveillent nos cauchemars passés. Les mots se bousculent alors dans nos pensées, d'abord séparés puis groupés. Et plus loin de relire Apollinaire : « Avant tout les artistes sont des hommes qui veulent devenir inhumains. Ils cherchent péniblement les traces de l'inhumanité, traces que l'on ne rencontre nulle part dans la nature. Elles sont la vérité et en dehors d'elles nous ne connaissons aucune réalité. Mais on ne découvrira jamais la réalité une fois pour toutes. La vérité sera toujours nouvelle. »


C'est en cela la clef du monde surréaliste et fou que Miró nous a laissé en héritage. Afin que les rêves extraordinaires de chacun rejettent le mot fin et puisent leur pérennité dans la régénérescence de nos actes.

Diane Fonsegrive ? www.festivalier.net

 

Exposition Miro en son jardin Du 26 juin au 8 novembre 2009- Fondation Margueritte et Aimé Maeght à Saint Paul

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Aux Rencontres Photographiques d’Arles, Naoya Hatakeyama: pas vu, pas pris.

Naoya Hatakeyama est exposé au cloître Saint-Trophime.  Au début, je n’ai pas vu. J’ai lu le panneau informant le voyeur d’exposition du contexte de travail de l’artiste. Naoya Hatakeyama opte pour la « réalité », au coeur d’un processus social très actuel qu’il positionne dans l’environnement citadin. Il en appelle à Levy-Straus (« La connaissance du tout précède celle des parties »), point de départ de sa problématique. D’accord. Je ne lis guère plus et décide d’entrer dans son univers, faisant confiance à mes acquis et risquant la confrontation visuelle pour happer l’apport.

De grands formats estimés rapidement à des 60×80 dans leur majorité, noir et blanc,  pour le choix des nuances.  La lumière du cliché à son importance géométrique, mais elle éclaire aussi la réflexion. Puis je me balade sur la réalité cognitive de Naoya.  Nous sommes des homos sapiens urbains qui devons faire appel à notre connaissance scientifique en lien à notre environnement proche. Je laisse aller. J’avance, reviens sur mes pas. Plonge dans l’image. Recule. Avance. Digère, et ne voit rien venir. Scales, titre de la série. Oui et en fait, c’est l’histoire d’une boîte qui, ouverte, nous offre un monde bien connu : la réalité dite cognitive qui  fait l’écho à Pascal, l’infiniment grand et l’infiniment petit. On doit donc se positionner : où sommes-nous dans cette réalité? Pour ma part, nulle part. Je ne fonctionne pas à la théorie exposée. J’ai la sensation de voir d’autres photographes, des souvenirs picturaux me reviennent qui, de façon plus forte, ont signifié cette réalité cognitive, et m’ont révélée, homo sapiens, dans mon environnement urbain. Je me trouve décidément hors de l’image. Je note : la série Scales est une commande accordée par le Centre Canadien d’Architecture. Deux mots clef tuent définitivement le vu : commande et architecture. Où est passée la spontanéité de l’oeuvre ? L’histoire ne me raconte rien en additionnant tous les éléments. Même la donnée « architecture » ne s’ouvre pas et pourtant, le monde de la cité est vaste.

Naoya s’explique « En fait, la photographie comprend non pas une véritable connaissance du tout, mais l’aspiration à la connaissance de tout, identique à la progression pesante de notre vie quotidienne ».  Je reste quoi sur l’antonymie de la définition. Au départ, n’étions-nous pas supposés flirter du regard la réalité que nous connaissons  et la connaissance qui s’y rapporte, pour faire ressurgir nos facultés à survivre et communiquer dans cet espace synthétique et esthétique ? Or dans le quotidien, nous vivons la répétition et donc le rite même de l’absurde, où la réflexion s’affaiblit devant l’action automatisée. Je ne me place donc pas dans un univers observable, mais dans le vide, et cela n’est absolument pas un élan vers un idéal, quel qu’il puisse être. Et la réalité dans tout cela ?

Nous sortons alors en cherchant terriblement cette aspiration qui saurait défendre une beauté cognitive qui s’échappe donc tout naturellement.

Diane Fonsegrive – www.festivalier.net

“Scales” de Naoya Hatakeyama Japon – au Cloître Saint Trophime dans le cadre des Rencontres Photographiques d’Arles. Jusqu’au 13 septembre 2009.

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Aux Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles, on se bouscule pour Duane Michals.

« Lorsque vous regardez mes photographies, vous regardez mes pensées ».

On ne présente plus Duane Michals. Ses jeux espiègles d’images qui allument  l’intérêt de quiconque regarde. On trotte dans la rêverie. Je m’illusionne sur la technique du cliché, m’interroge, et ma réflexion me renvoie à Picasso. La ligne donne le ton du sentiment. Picasso travaillait le négatif pour susciter le sentiment. Duane Michals travaille le sentiment dans la matière du négatif. La fascination est bleuffante sur le savoir-faire. On reconnaît la trace de ses imaginaires de la photo qui raconte, à l’instar du cinéma muet , des scènes rêvées et soufflées à nos yeux. On en appelle aux mythes, aux histoires collectives. Il est si ludique de vagabonder sur les murs de l’Archevêché, sur le fil de la philosophie de vie Michals. C’est drôle, grave, tendre et sublimant. J’ai l’impression de regarder l’intimité de l’autre  au travers d’un kaléidoscope. Un temps d’antan. Je souris et m’échappe.

Cependant, la lecture n’est pourtant pas aisée. J’entrechoque d’autres lecteurs d’images. On court après l’histoire. Oui les clichés sont petits,  on fuit le reflet du verre du cadre. On scrute alors de prés. On se pousse, se sourit pour s’excuser et poursuit l’histoire avant d’être à son tour bousculé. Je me recule et tente de comprendre l’accrochage. Déception. L’espace mural n’est pas très bien pensé. Le confort a été oublié au profit d’une esthétique d’espace. Ou alors avait-on prévu moins de visiteurs ? Mauvais calcul. Je voudrais, car c’est un voeux formulé, avoir ces lectures toutes à moi, une seconde, une minute, en parfaite invitée de cet univers. Et me voici à bagarrer  devant une photo, puis une autre plus loin.

On finit par quitter l’exposition, enchanté mais pas conquis.

Diane Fonsegrive – www.festivalier.net

Exposition présentée au Palais de l’Archevêché du 7 juillet au 13 septembre. 

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Aux Rencontres Internationales de la Photographie en Arles, douloureuse Nan Goldin.

Rien de tel pour commencer son périple photographique en Arles que l’Église des Frères  Prècheurs : la profondeur du lieu est une intersection idéale  pour croiser ma vision et celle de Nan Goldin, commissaire d’expositions.

A l’entrée, l’endroit surprend par le vide. Rien. La projection va débuter. J’avance, le regard alentour. C’est en haut que cela se passe, au coeur de la nef, habillée pour la circonstance en temple de l’image. Salle obscure pour pêcheurs.

J’accède à la hauteur et domine en contre bas. Un mannequin, allongé les yeux ouverts, le torse dénudé semble perdu au coeur de la rédemption. Le photorama commence sur trois écrans qui nous affrontent. NOUS SERONS TOUS JUGES. Les images de peintures médiévales défilent, crient, décrient notre faute à chacun: nous sommes tous coupables. Et Nan Goldin de nous parler de sa descente dans l’enfer, de sa vie cruellement si réelle dans  la douleur, de savoir que de toute manière tout est écrit, que l’on ne peut  échapper à son propre dérapage. Tout est là sur de la pellicule couleur. Et d’autres encore,  âmes en quête de normalité dans ces lieux de réadaptation où la désintox se veut frapper  la réalité des douleurs. Nan Goldin shoote sa dimension pour symboliser le shoot que la vie lui a administré.  Un refuge en extase. 

Nous serons tous jugés. Nous aurons tous une Nan Goldin  qui entrera dans nos existences, nous faisant étouffer les petits bonheurs pour signifier les grands malheurs. Celui de perdre un être cher. Car il s’agit bien de la perte ici, perte dans l’amour, perte de repères, perte de soi, perte de la perte.

On dit que tout suicide tue plus d’une personne.

Ma mère dit aux policiers : Dites aux enfants que c’était un accident. Qui essayait-elle de protéger ? Ce fut le moment de clarté qui décida ma vie, ma rupture avec ma famille, j’avais 11 ans. La tyrannie du révisionnisme même à l’instant de la plus grande angoisse. Banlieue résidentielle. Que les voisins  ne l’apprennent pas. Ou même les enfants. Réécrivez l’histoire immédiatement avant qu’elle ne soit écrite.

Nan Goldin, 2004

Et je suis sortie au soleil, heureuse de respirer. Simplement de respirer.

Diane Fonsegrive- www.festivalier.net

Nan Goldin, « Soeurs, saintes et sybilles » jusqu’au 13 septembre 2009 aux Rencontres Photographiques d’Arles.

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A Apt, l’Afrique illuminée.

Il faut oser se perdre dans la zone d’entreprises de la ville Apt à la recherche de la Fondation Blachère, lieu d’art contemporain africain. Oser pour se laisser surprendre par le contraste : au c?ur de ces bâtiments industriels, un bus est posé là. Il déborde de partout. Signe d’une époque devenue folle : il nous faudrait peut-être prendre le temps de poser nos valises.

On entre, persuadé qu’il va se passer quelque chose. Une intuition. L’exposition « Animal Anima» va bel et bien chercher l’animalité qui est en nous. Et pas qu’un peu ! Mais avec retenue et délicatesse, à l’image de ces rideaux qui voilent des animaux empaillés à l’entrée. Serions-nous à ce point cachés ? Il est donc temps de lever le voile.

Tout commence par une histoire. D’ailleurs, « Animal Anima» expose les contes pour mieux les faire résonner. Tous les sens sont stimulés à partir d’une scénographie où tout est lié. Ici, on lit et ce n’est pas fastidieux.  Nous retrouvons l’émotion de l’enfance quand, avant de dormir, nous peuplions l’imaginaire de la somnolence par d’étranges créatures animales. Du lièvre et de la panthère (Frédéric Bruly Bouabre), nous retenons que les animaux ont aussi des troubles de l’identité. En posant notre regard sur d’extraordinaires vaches miniatures, nous comprenons que la place que nous leur réservons, parle du monde que nous créons (Cheikhou Ba). A ressentir les « femmes surchargées » du Pasteur Bobo, nous rêvons de monter aux arbres pour les alléger. Tout un programme. A se glisser dans les jambes étoilées de papillons d’Amal Kenawy, nous nous perdons à imaginer qu’elles appartiennent à la « femme debout ». Émouvant.

Un espace plus loin, nous retrouvons le temps où, enfant, nous construisions des tentes et des cabanes. Celle d’Aimé Mpané est de toutes les couleurs et habitée par des gorilles étincelants : véritable moment de grâce pour nous rappeler que notre ancêtre est une espèce menacée qui pourrait bien éteindre notre civilisation. Majestueux.

Je me souviens encore des hippopotames de Daniel Dewar et Grégory Gicquel vus au « Printemps de septembre » à Toulouse en 2007. Fait d’une terre humide, leur effritements parlaient de notre époque en voit de dislocation (quand l’art est prémonitoire). Ici, à Apt, c’est un éléphant de bois, sculpté par Andries Botha. Loin de s’effriter, il campe solide sur ses certitudes. Nous l’observons sous toutes ses coutures pour nous rassurer : l’ami animal ne nous veut aucun mal.

Ainsi, en quittant cette exposition fragile et enivrante, nous reprenons la route en veillant à ne pas klaxonner derrière le bus.

Pascal Bély

www.festivalier.net

« Animal Anima » à la Fondation Blachère à Apt (384 avenue des Argiles – 04 32 52 06 15) . Jusqu’au 11 octobre 2009, du mardi au dimanche, de 14h à 18h30 (entrée : 3 ?).

 


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Admission free.

J’ai été récemment interrogée en visitant la  Whitechapel Gallery à Londres. La crise a eu pour effet positif de faire redécouvrir l’opportunité artistique de proximité, à peu de frais, en offrant aux visiteurs la gratuité de lieux d’expositions. Ainsi, l’âme peut flâner à plaisir devant des ?uvres, en des lieux, pour l’ambiance, pour être ensemble. Même si nous savons tous que ces lieux sont des lieux de grande sociabilité, en plaise à Bourdieu, la Culture de l’art reste un domaine à démocratiser. La représentation d’une ?uvre appartient à tous, mais sa connaissance en reste un langage savant. Là les institutions s’imposent : faire naître l’intérêt et la compréhension d’une ?uvre, jusqu’à tirer le novice dans la perversion du besoin de voir toujours plus loin.

Mes pas s’égarent dans la Whitechappel . Je ne suis pas saisie de ces potentielles offres, plutôt intéressée par d’étranges scènes. Mon regard, de ce qui m’était offert de voir, a glissé vers ceux venus voir. Des familles aux enfants intrigués, le solitaire ruminant sa rêverie devant sa contemplation, le pas éteint de celui qui se promène, et simplement celui qui regarde les autres pour comprendre. Jolie toile dans la toile ! Et si l’art était ce qui tirait la réflexion vers la résurrection d’une société en péril, en quête d’identification? Rappelons aimablement que Warhol a décrié l’acte absurde de consommer, au travers de toiles pop. Outre le fait d’extase devant une couleur criarde, à effet décoratif pour certains, vivons le propos peint. Nous sommes dans l’outrance d’un système de consommation invisible et perverse, qui a su habillement polluer l’essentiel de nos quotidiens. Traçons Basquiat. Nous ne pilotons plus nos propres désirs. On les décide pour nous jusqu’à nous faire taire ce que nous sommes.

L’art nous permettra-t-il de nous regarder au plus profond de nous-mêmes ? De nous sauver de cette crise sociale en attente de mutation ? Utopie ? J’ose y croire et  m’interroge encore.

Diane Fonsegrive

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Au musée de la vie romantique, sublime Marc Riboud.


Le Musée de la vie romantique à Paris est un lieu charmant, un brin désuet. Et c’est à pas calfeutrés pour ne pas réveiller le temps que l’on avance dans une ambiance proustienne où l’immuable paraît conserver teneur.

Il pleuvait ce jour  au fond de la cour. Là, 110 tirages photographiques originaux témoignent de presque un siècle d’existences, issues des scènes que Marc Riboud a su capter lors de ses nombreux voyages, jusqu’à l’émulsion autour de l’élection du Président Obama en 2008. D’abord curieux, votre ?il se plonge dans cet univers, puis le respect naît, car vous effleurez  le travail d’un grand ; le frisson par la justesse de la prise de vue. Comment être à ce moment précis derrière l’objectif, dans un angle propice par couchés, en variation de nuances, afin de saisir ces scènes de vie qui se racontent ?

On s’accroche aux années mentionnées, datant le cliché. Nous sommes invités dans l’image. On remarque le coin de la photographie un peu usé. On sublime le temps d’une respiration ;  nous sommes intemporels et ébahis. La proximité exacerbe notre sensibilité.  Et puis plus loin, ces lettres exposées sous vitre, comme un trésor, dévoilent un caractère en mots. On s’étonne de la signature. Henri Cartier Bresson. Ainsi  imagine-t-on Marc Riboud, pareil à ces ?uvres offertes que nous avons pu intimement contempler.

Diane Fonsegrive

www.festivalier.net


Exposition Marc Riboud au musée de la vie romantique – Paris – Du 3 mars au 26 juillet 2009.

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A Arles, lumineux Ambroise Tézenas.

Une envie simple. Celle de recroiser le regard d’Ambroise Tézenas, jeune photographe primé en 2006 lors du « Leica European Publishers Award for Photography », pour reconnaissance d’un formidable travail d’images saisies à Pékin. A l’époque, je n’avais pas retenu le regard sociologique dépeint dans cette ville en pleine activité précipitée pour accueillir les JO de 2008. J’avais gardé le souvenir d’une lumière qui émanait de ces clichés où la luminosité du soleil faisait foi sur une réalité de chantier, d’une projection d’identité offerte plus tard au monde. Je me souviens de cette autre lumière, happée en chambre 4×5, voile de pastels sombres, irréels, oniriques, féeriques, colorant la réalité quotidienne. Le peuple. De cette lumière feutrée, vos yeux interpellent le détail global d’une vie désenchantée qui ravit alors votre perception. Le contraste crée le merveilleux et vous voilà transporté dans cet ailleurs offert.

J’avais très envie de recroiser ce regard envoûtant qui m’avait emmenée dans ces univers qui échappent à mon environnement habituel. Et, pour la seconde fois, pleinement, je fus séduite. Effectivement, « le jour est brutal et bruyant » (titre de l’exposition sur Ambroise Tézenas en Arles), car chaque cliché saisi en nuitée, expose cette clarté filtrée, où les couleurs se poudrent faussement pour mieux nous fixer le vrai de ce qui échappe. Encore des paysages urbains, qui grâce à cette technique se lisent pareils à un calendrier de l’avent. Chaque centimètre de la photo se compose telle une saynète. Aucune forme humaine, mais des essences de vie, lettrée au travers de leur rythme d’activité. Là, une fenêtre allumée ;  un bureau vide éclairé. On regarde voyeur. Des plantes. Une table. Une chaise. Personne. Mais on ressent l’électricité d’un quotidien. Un centimètre d’existence pour en fixer un autre ici. Le jeu s’active sur l’échiquier de la façade du building photographié. Les lignes s’exposent pareilles à un théorème de géométrie afin de nous contraindre à reconnaître nos vies absurdes de répétition des jours. Je sublime la volonté de l’artiste de nous administrer le rêve pour décoller de cette dimension.

Reconnaissons que si chacun de nous ose poser simplement un regard  sur la magie des choses, alors la vie apparaît. Le jour est sûrement brutal, mais pas si bruyant.


Diane Fonsegrive – www.festivalier.net


Ambroise Tézenas, “Le jour est brutal et bruyant”. Exposition à la chapelle du Méjan à Arles, du 21 novembre au 31 décembre 2008.

A voir son magnifique site internet.

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A Montpellier, quand l’Art Vidéo fait tourner la tête.

Nous vivons dans un monde d’image, où nous subissons le plus souvent l’absence d’esthétique, presque résignés. Mais à  l’ère du numérique, nous en produisons nous-mêmes, pour tenter de démocratiser le regard de tous. Certes, nous capitalisons l’image, mais dans quel espace et sur quel support ? C’est ainsi que l’Art Vidéo joue sa fonction, comme tente de nous la faire ressentir, l’exposition Vidéo, un art, une histoire (1965-2007)” au Musée Fabre de Montpellier.

Ces arts visuels de toutes les époques  du XXe sont pour moi le plus beau jardin d’acclimatation jamais offert, où l’on est propulsé à la croisée de plusieurs dimensions : nous, l’espace, l’image vidéo et l’artiste. Le contexte se démultiplie où l’art plastique accompagné de sa réflexion spatiale, s’articule avec la diffusion de l’image. L’exemple ludique de la caméra vidéo de surveillance illustre efficacement ce propos : on dédouble une image saisie dans son mouvement, d’une réalité passée d’action dans une réalité présente de visionnage. Nous sommes alors sur deux tableaux, compliquant le jeu en capturant celui qui visionne le regardé. Bienvenue dans un monde tridimensionnel, où l’on s’invente à l’infini de l’espace. Votre propre corps devient l’élément d’interface d’une extase sensorielle. Les yeux offrent à l’ouïe leur fonction et réciproquement. On perd les repères d’équilibre pour mieux certifier aux plus grands scientifiques que la copie semble révisable. Sol. Plafond. Miroir. Écran. Blanc. Noir. Couloirs. Chambres. La symétrie du champ de vision se donne là, en tout point, en toute ligne. Le propos de l’image est ici second, n’est important celle que l’espace suscitera en vous.

Et interminablement nous recréons le monde, comme l’artiste lui-même en son protocole a souhaité se rapprocher de cette nature qui lui pose inlassablement la même question: dans quel monde vit-on ?

Alors faites-vous plaisir! Allez regarder et jouer au musée Fabre un jour de grande déprime pour en ressortir plus vivant qu’en entrant.


Diane Fonsegrive- www.festivalier.net


“Vidéo, un art, une histoire (1965-2007)” au Musée Fabre à Montpellier.

Du 25 octobre au 18 janvier 2008.