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Aux Rencontres Photographiques d’Arles, Naoya Hatakeyama: pas vu, pas pris.

Naoya Hatakeyama est exposé au cloître Saint-Trophime.  Au début, je n’ai pas vu. J’ai lu le panneau informant le voyeur d’exposition du contexte de travail de l’artiste. Naoya Hatakeyama opte pour la « réalité », au coeur d’un processus social très actuel qu’il positionne dans l’environnement citadin. Il en appelle à Levy-Straus (« La connaissance du tout précède celle des parties »), point de départ de sa problématique. D’accord. Je ne lis guère plus et décide d’entrer dans son univers, faisant confiance à mes acquis et risquant la confrontation visuelle pour happer l’apport.

De grands formats estimés rapidement à des 60×80 dans leur majorité, noir et blanc,  pour le choix des nuances.  La lumière du cliché à son importance géométrique, mais elle éclaire aussi la réflexion. Puis je me balade sur la réalité cognitive de Naoya.  Nous sommes des homos sapiens urbains qui devons faire appel à notre connaissance scientifique en lien à notre environnement proche. Je laisse aller. J’avance, reviens sur mes pas. Plonge dans l’image. Recule. Avance. Digère, et ne voit rien venir. Scales, titre de la série. Oui et en fait, c’est l’histoire d’une boîte qui, ouverte, nous offre un monde bien connu : la réalité dite cognitive qui  fait l’écho à Pascal, l’infiniment grand et l’infiniment petit. On doit donc se positionner : où sommes-nous dans cette réalité? Pour ma part, nulle part. Je ne fonctionne pas à la théorie exposée. J’ai la sensation de voir d’autres photographes, des souvenirs picturaux me reviennent qui, de façon plus forte, ont signifié cette réalité cognitive, et m’ont révélée, homo sapiens, dans mon environnement urbain. Je me trouve décidément hors de l’image. Je note : la série Scales est une commande accordée par le Centre Canadien d’Architecture. Deux mots clef tuent définitivement le vu : commande et architecture. Où est passée la spontanéité de l’oeuvre ? L’histoire ne me raconte rien en additionnant tous les éléments. Même la donnée « architecture » ne s’ouvre pas et pourtant, le monde de la cité est vaste.

Naoya s’explique « En fait, la photographie comprend non pas une véritable connaissance du tout, mais l’aspiration à la connaissance de tout, identique à la progression pesante de notre vie quotidienne ».  Je reste quoi sur l’antonymie de la définition. Au départ, n’étions-nous pas supposés flirter du regard la réalité que nous connaissons  et la connaissance qui s’y rapporte, pour faire ressurgir nos facultés à survivre et communiquer dans cet espace synthétique et esthétique ? Or dans le quotidien, nous vivons la répétition et donc le rite même de l’absurde, où la réflexion s’affaiblit devant l’action automatisée. Je ne me place donc pas dans un univers observable, mais dans le vide, et cela n’est absolument pas un élan vers un idéal, quel qu’il puisse être. Et la réalité dans tout cela ?

Nous sortons alors en cherchant terriblement cette aspiration qui saurait défendre une beauté cognitive qui s’échappe donc tout naturellement.

Diane Fonsegrive – www.festivalier.net

“Scales” de Naoya Hatakeyama Japon – au Cloître Saint Trophime dans le cadre des Rencontres Photographiques d’Arles. Jusqu’au 13 septembre 2009.