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FESTIVAL ACTORAL FESTIVAL D'AUTOMNE DE PARIS PAS CONTENT Vidéos

Voyage théâtral en Hollandie (ou en Sarkozye, suivant votre sensibilité).

« Pourquoi n’écris-tu plus sur le Tadorne ? ».

« Parce que le théâtre ne me donne plus la parole »…

Depuis la rentrée (le processus avait déjà commencé au festival d’Avignon, génération Py), je suis un spectateur passif, en attente d’une expérience qui ne vient pas. Je ressens un fossé, un gouffre, entre des gestes artistiques verticaux et ma capacité à les accueillir, avec mes doutes, mes forces et mes questionnements. Je reçois des propos qui ne me sont pas adressés, juste pensés pour un microcosme culturel qui adoube, exclut, promeut. A lui seul, il a souvent été public d’un soir…notamment lors du festival de création contemporaine Actoral à Marseille. Ce que j’y ai vu m’est apparu désincarné, hors de propos parce que sans corps. Le spectacle dit « vivant » s’est révélé mortifère: le rapport au public n’est plus LA question.

Il y a bien eu le metteur en scène japonais Toshiki Okada avec « Super Premium Sof Double ». Son écriture où se mêlent mouvements et mots est une avancée pour relier corps et pensée visant à nous décrire l’extrême solitude des travailleurs japonais qui trouvent dans les supermarchés ouverts la nuit de quoi puiser l’énergie d’un espoir de changement. Je suis resté longtemps attaché à ces personnages à priori automatisés dans leurs gestes, mais où se nichent des interstices où la poésie prend le pouvoir.

Il y a bien eu « La noce » de Bertolt Brecht par le collectif In Vitro emmené par Julie Deliquet au TGP dans le cadre du festival d’Automne à Paris. Une table, un mariage, une famille et des amis. C’est magnifiquement joué, incroyablement incarné pour décrire cette époque (les années 70) où la question du corps était politique. Mais une impression de déjà vu (Gwenaël Morin, Sylvain Creuzevault) me rend trop familier avec le jeu des acteurs pour que j’y voie un théâtre qui renouvellerait sa pensée.

Avec Vincent Macaigne à la 12’45mn – Le Before du 23/10

Il y a eu Vincent Macaigne avec “Idiot! parce que nous aurions dû nous aimer“, chouchou des institutions et de la presse depuis son dernier succès à Avignon. À peine arrivé au Théâtre de la Ville à Paris, le bruit est une violence. Vincent Macaigne et ses acteurs s’agitent dans le hall et dans la rue. Les mégaphones nous invitent à fêter l’anniversaire d’Anastasia, l’une des héroïnes  de « L’idiot » de Fiodor Dostoïevski. En entrant dans la salle, nous sommes conviés à monter sur scène, « pour boire un verre »…Ainsi, le public est chauffeur de salle, réduit à un élément du décor. Il règne une ambiance insurrectionnelle: quelques spectateurs sont sur scène tandis qu’un acteur (le Prince) observe, immobile, illuminé par un faisceau de lumière. C’est fascinant parce que le sens du théâtre s’entend. Mais cette force va rapidement s’épuiser. Parce que Vincent Macaigne s’amuse comme un gosse à qui l’on aurait donné tout l’or du monde (ici, l’argent public coule à flot) pour transposer cet Idiot en évitant de passer par la case politique. Car il n’a aucun sens politique : on se casse la gueule pour faire diversion (genre humour plateau de télé), on gueule pour habiter les personnages, on noie le propos dans une scénographie d’un type parvenu au sommet parce que les professionnels culturels sont aveuglés par le pouvoir de la communication. Macaigne leur rend bien : tout respire la vision d’un communicant. Jusqu’à cette scène surréaliste à l’entracte où, face au bar, il pousse un caisson tandis que se tient debout le Prince. Macaigne pousse…invite le public à applaudir (mais qui ne répond pas). La scène aurait pu faire de l’image, mais Macagine est pris à son propre piège : il fait du très mauvais théâtre de rue. Mais qu’importe, le jeune public et une classe sociale branchée y trouvent leur compte : le théâtre peut aussi faire du bruit et de l’image, célébrer le paraître et la vacuité de l’époque. On se perd très vite dans les personnages parce que l’effet prend le pas sur la relation (souvent réduite à un geste, une interpellation), parce que les dialogues sont à l’image d’un fil de discussion sur Facebook.

Avec Vincent Macaigne, le théâtre est un produit de surconsommation. C’est pathétique parce que les acteurs se débattent en gueulant et que cela ne fait jamais silence; parce que Macaigne se fait une étrange conception du public: à son service. C’est pathétique parce que ce théâtre du chaos ne crée aucun désordre: il profite juste de nos errances.

Il y a bien eu « Impermanence » du Théâtre de l’Entrouvert, spectacle dit « jeune public » co-diffusé par le Théâtre Massalia et la Criée de Marseille. Dans la salle, une fois de plus, beaucoup de professionnels. Il y a très peu d’enfants. Au cœur de la Belle de Mai, il n’y a aucune famille de ce quartier très populaire. Jeune public ou pas, la fracture sociale est la même. Le théâtre dit contemporain ne s’adresse plus au peuple. S’adresse-t-il seulement aux enfants alors que mon filleul de 9 ans ne voit pas toute la scène parce qu’il est trop petit (le théâtre ne dispose d’aucun coussin pour lui)? La feuille de salle est un texte très hermétique à l’image d’une pièce qui reprend tous les poncifs de la création contemporaine. Au cours de ce voyage théâtral sans but, l’artiste évoque « la perte de sens » (on ne saurait mieux écrire). Ici se mélangent musique vrombissante, images, numéro allégé de cirque, marionnette inanimée. Tout est mortifère à l’image d’un pays pétrifié dans la peur de faire. Toutes les esthétiques sont là pour satisfaire les programmateurs. C’est décourageant de constater que les logiques de l’entre soi sont maintenant imposées aux enfants.

Dans ce paysage morose, il y a une lueur d’espoir. Elle vient d’un metteur en scène, Jacques Livchine, qui répond José-Manuel Gonçalvès, directeur du 104 à Paris après son interview dans Telerama. Un paragraphe a retenu mon attention : « Il y a quelque chose qui ne va pas dans le théâtre, il n’y a pas de projet commun, rien ne nous relie les uns les autres, On est dans le chacun pour soi, le ministère de la Culture est incapable de nous donner le moindre élan. Les petites sources de théâtre ne deviennent pas des ruisseaux ou des rivières qui alimenteraient un grand fleuve, non, c’est le marché libéral, la course aux places, aux contrats, les symboles se sont envolés, nous sommes tous devenus des petits boutiquiers comptables. Il faudrait se mettre tous ensemble pour dire qu’on en a marre, qu’il faut que nos forces s’additionnent pour une seule cause, celle de retrouver “la fibre populaire”. On a besoin d’un défi collectif, le théâtre ne doit plus s’adresser à un public, mais à la ville toute entière. »

Ce défi ne se fera pas avec le ministère de la Culture et ses employés obéissants. Il se fera à la marge, par la base, par un long travail de réappropriation de l’art par ceux qui veulent que la relation humaine soit au centre de tout. Les théâtres subventionnés ont depuis longtemps abandonné ce centre-là pour jouer à la périphérie afin de maintenir leurs pouvoirs et leurs corporatismes.

Pascal Bély – Le Tadorne.

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KLAP, MARSEILLE L'IMAGINAIRE AU POUVOIR LE GROUPE EN DANSE OEUVRES MAJEURES Vidéos

“Tutu” de Philippe Lafeuille: Et si la danse m’était contée?

Le Festival OFF d’Avignon va remettre le prix du public 2015 à  “Tutu”  de Philippe Lafeuille.

Sylvie Lefrère revient sur cette oeuvre, vue en avant première à Marseille le 1er octobre 2014.

Pour ouvrir le bal de cette nouvelle saison, je n’ai pas hésité à faire l’aller et retour entre Montpellier et Marseille. La compagnie «Les Chicos Mambos», emmenés par Philippe Lafeuille,  fait son grand retour après «Méli-mélo», succès planétaire. Pour fêter ses 20 ans, elle m’a emporté dans une vague ! Après les intempéries d’il y a quelques jours, la scène de Klap, Maison pour la danse, va m’inonder de flots émotionnels. J’ai rangé ma robe de sirène pour la troquer avec celle en tulle.

Pour ce spectacle, la costumière Corinne Petitpierre a créé les plus beaux tutus que la danse n’ait jamais vu. Ils peuvent être une fine corolle scintillante, ou longs et ronds; en forme de chapeaux, de cygnes; des pompons, en plissé. Ce sont toutes les diversités d’enveloppes qui recouvrent le corps des danseurs. Le tutu en tulle, symbole de la danse, est aussi cette matière fine, transparente, perforée, comme les alvéoles d’une ruche. Le groupe de six danseurs (Anthony Couroyer, Loic Consalvo, Mikael Fau, Pierre-Emmanuel Langry, Julien Mercier, Alexis Ochin) symbolise nos abeilles nourricières, jeunes artisans faits de force et d’humour, magnifiquement célébrés par la  création lumière de Dominique Mabileau. Chacun laisse éclater sa singularité à travers ses muscles tendus, l’expression de son visage. Ils sont uniques et ils font corps, choeur de danseurs qui nous entrainent dans le mouvement de l’histoire de la danse.

Une succession de scène m’enthousiasme. Pour cette avant-première, le public est composé majoritairement de professionnels du spectacle : je le sens vibrer, à l’image d’un mouvement qui s’immisce entre les fines couches de tulle. Les spectateurs respirent de plaisir, laissent éclater librement leurs rires, jusqu’à saluer par leurs applaudissements les notes d’humour jubilatoires et culottées. « Tutu » célèbre la danse, art vivant qui montre depuis quelque temps un propos épuisé sur scène. Ici, les schémas esthétiques habituels explosent pour nous faire entrer dans un lâcher-prise libératoire. Philippe Lafeuille use de sa liberté d’expression sans se soucier de plaire, sans laisser la moindre place au consensus mou. Dans cette course effrénée, la danse se met dans tous ses états. Elle relie, croise, superpose toutes ses formes, classiques, internationales, temporelles, urbaines, sportives, sensationnelles. Elle nous touche dans ce que nous avons été, ce que nous sommes. Le futur s’accroche à l’énergie des danseurs.

«  Tutu » restera gravé dans ma mémoire, car au-delà d’une fresque de tous les états du geste, je traverse mon histoire de danse (adolescente,  le « Boléro» de Béjart m’a ouvert mes émotions dansées). Avec «Tutu», le végétal et l’animal rejoignent l’humain. Je me frotte contre l’ourson bienveillant, je caresse les cygnes omniprésents, je ressens la liberté de l’oiseau migrateur. Je frôle le dos musclé de l’ange qui nous tourne le dos pour mieux nous faire front. L’humour est palpable dans les moindres froufrous, mais il reste toujours sur une ligne fine, à la lisière du cabaret, sans jamais franchir la vulgarité et le déjà vu.

La danse n’est plus le monopole de l’esthétique féminin. Philippe Lafeuille est un chorégraphe qui bouleverse les codes, mélange les genres. Il ose et devient le magicien d’un jardin extraordinaire. Les références au passé valsent, tournent entre les âges et les modes . J’y observe ces corps d’hommes qui se transforment. La grâce des jeux de jambes dans un tango endiablé, qui se confondent  avec celles du rugbyman Néozélandais qui exprime une danse tribale pour se donner du courage et impressionner l’adversaire. Force et séduction deviennent poreuses jusque dans ses représentations les plus classiques. La part du féminin/ masculin est en chacun de nous et nous oscillons dans le paradoxe.

Le lendemain matin, me revient la sublime scène des bébés tutus, premiers corps dansants. Françoise Dolto disait « tout est langage». Philippe Lafeuille prolonge le propos : «tout est tutu…je tutu nous…tout est corps!». Je garde l’image finale des ces boules de tulles colorées déposées sur le plateau comme les cailloux du petit poucet pour éclairer un chemin. La musique du film de Wong Kar-Wai, «In the mood for love»,  flotte dans l’air et pulse le mouvement du cheminement.

« Tutu », c’est nos liens intimes à la danse.

C’est l’image d’une révolution éclatante.

Nous sommes en marche.

Pour une réévolution en tutu.

Sylvie Lefrère – Tadorne.

Photos: Michel Cavalca.

« Tutu » de Philippe Lafeuille. A Klap, Maison pour la Danse à Marseille, en avant-première le 1er octobre 2014 dans le cadre du festival « Questions de danse ».
 
En tournée dans toute la France en 2015-2016
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LES EXPOSITIONS Vidéos

Sa mère, ma tante, nous autres.

Pippo Delbono, Avignon, ma Tante, Sophie Calle, la Rage, Pina Bausch, la Mère de Pippo, son souffle, la mélancolie, son corps, la mort, ses cris, chaque année ou presque depuis sa découverte, l’oeuvre de Pippo Delbono est là, en moi. Mais pour de multiples raisons qui s’entremêlent de façon abrupte, évidente et troublante, il me faut assister à l’exposition qu’il propose à la Maison Rouge, à Paris,  “Ma Mère et les autres”. Que ce soit ce jour-là, jeudi 18 septembre.

Dans les entrelacs de l’existence, l’art est un phare qui oriente le parcours des démunis, égarés face aux énigmes de la vie et de la mort. Il joue de clair-obscur pour révéler l’éclat de la noirceur, transforme les ombres en signes révélateurs.

Depuis plusieurs jours, des images, flashs, explosent dans mon esprit, mais peu de mots, peu d’idées. Démuni.

Nous sommes là, petit groupe de fidèles, à attendre l’ouverture de l’exposition. Il faut inscrire son nom sur une feuille pour y assister.

Ce moment suspendu permet à l’esprit de vagabonder : “Ma Mère et les autres” de Pippo Delbono – Rachel, Monique, de Sophie Calle au Festival d’Avignon en 2012 ; La Maison Rouge – le Cloître des Célestins d’Avignon ; septembre 2014 – juillet 2012 ; Armelle Héliot du Figaro (Eh oui elle était là !) – mes amis Tadorne (Pascal Bély et Sylvie Lefrère) ; la Mère de Pippo Delbono – ma Tante.

C’est le moment de descendre…dans les profondeurs de la Maison Rouge. Il faut baisser la tête, il fait sombre. Nous entrons dans un ventre maternel ou bien sommes-nous au purgatoire…Un long couloir mène à une salle de déjeuner. La Maison Rouge se transforme en hôpital psychiatrique italien. Gauche, droite, le long du couloir, des voiles blancs et flottants empêchent d’entrer dans les pièces et même de percevoir ce qui s’y trouve. Il me revient à l’esprit cette image de La Belle et La Bête de Jean Cocteau, où la Belle toute en grâce ophélienne, court le long d’un couloir en flottant sur le sol pour rejoindre la Bête. Elle est effleurée par les voiles blancs qui couvrent les fenêtres. Elle craint la Bête morte, faute d’être revenue à temps au palais. Pippo – sa Mère ; la Maison Rouge – le château ; la Belle – la Bête ; la mort causée par l’oubli – la vie renaissante grâce à la beauté.

On nous demande de nous asseoir à la table. Des assiettes et des gobelets en plastique (signes d’un temps de crise, nous dit Pippo Delbono), un vieux poste de télévision ne diffusant rien d’autre que du gris. Nous, apôtres psychiatriques, élus dérisoires, attablés pour vivre un repas de nourritures célestes. Nous sommes à l’écoute de Pippo. Sa parole est un corps qui nous enveloppe et nous contraint. Son souffle est peut-être encore plus beau que ses mots. Il nous raconte son histoire, celle de Bobo, et nous fait vivre des coups d’accélérateurs émotionnels. Des blocs d’intensité qui reposent sur des affects à la puissance démultipliée. Les hautes solitudes, la pauvreté, la misère. De la vieillesse, de la maladie. Des hommes et femmes abandonnés, perdus. Pippo nous dit que c’est précisément au moment où il était le plus mal, dans la nuit de la maladie, étreint par l’idée de ne plus parler, qu’il a fait la découverte de Bobo (enfermé en 1952 un hôpital psychiatrique, Pippo Delbono l’en fait sortir en 1996. Il est depuis l’acteur principal de ses créations). Il en a tiré ce trésor : les épreuves les plus douloureuses révèlent et métamorphosent les individus. Tout est relation, mouvement, durée vécue qui se déploie et transforme le donné, même le plus atroce. Sans maladie, pas de Bobo. Je pense alors longuement à ma tante d’Avignon.

On nous convie dans la deuxième pièce : quelques sièges, un fauteuil vide, mal éclairé par une lampe récalcitrante, et un écran. La séquence vidéo projetée est celle du film “Amore e Carne” et de la pièce “Orchidées”. La mère de Pippo est filmée agonisante sur son lit d’hôpital. Il filme au plus près, la petite caméra mouvante est à l’image de la vie qui tente d’absorber la mort : « Il faut regarder la mort pour regarder la vie ». Plonger dans le corps souffrant pour y trouver la beauté humaine. Lorsque leurs mains se croisent et se caressent, on croirait voir la croix du Christ. Il n’y a pas de négatif, il n’y a que des regards. Cette vieille femme mourante déploie la vie comme personne. En elle, je vois ma Tante d’Avignon.

Il nous faut à présent entrer dans le troisième tableau du triptyque. Pris dans la boucle, nous revenons sur nos pas et nous retrouvons le couloir. Les voiles blancs sont désormais relevés et ne masquent plus les pièces. Elles sont meublées d’écrans de télévisions qui donnent tous à voir Bobo. Bobo clownesque, farcesque. Bobo-Charlot, Bobo-Sindy Sherman, singeant les grands archétypes : héros de western, de policier, etc., exhibant tout son talent. L’exposition était tombeau de la mère ; elle devient sacre de Bobo. Ce qui relie les deux est la puissance de vie, l’amour, incarné par la danse de Bobo, ultime hommage à Pina Bausch.

Je ne cesse de penser à ma Tante.

Ma Tante habitait Avignon. C’était une femme pauvre, malade, qui vivait seule, après avoir accompagné jusqu’au bout son mari, malade d’un cancer de l’estomac. Elle n’avait pas fait d’études supérieures, se disait volontiers inculte bien qu’elle connût parfaitement la littérature et qu’elle aimât tout particulièrement Giono, Hugo, et Céline, par-dessous tout. Elle aurait eu sa place parmi les personnages célébrés par Pippo Delbono, d’une générosité incroyable, d’une humanité bouleversante, orageuse bien que démunie. Elle m’a fait aimer le Festival d’Avignon, me parlant des premières pièces de Villar, avec Gérard Philippe, Maria Casares jusqu’à Béjart. Ensuite, la maladie, la vieillesse l’empêchèrent d’assister aux pièces. Elle perdait la vue mais pas le sens des choses, des êtres et des valeurs. Ma tante, le Festival d’Avignon, la recherche de deux théâtres intimes humains, qui se reliaient parfaitement dans mon esprit. Voilà trois jours, elle s’est éteinte, laissant blanches derrière elle les pages du livre Avignon, détachant les fils multiples qui nous unissaient.

D’Avignon à Paris, de la Mère de Pippo à Bobo, de Pippo à ma Tante, tout s’achève et s’ouvre dans un même mouvement paradoxal et nécessaire, d’extinction et de redéploiement.

En cet instant si particulier, la vieille du vendredi 19 septembre, jour qui verra cette papesse quitter définitivement la cité terrestre, Pippo Delbono est pour moi ce que Bobo fut pour lui : « Dans le moment le plus sombre et noir de la vie, ce qui permet de surmonter le désespoir, c’est la relations aux autres, l’amour, la vie. » (Pippo Delbono).

Sylvain Saint-Pierre – Tadorne

 

L’Exposition de Pippo Delbono, Ma Mère et les autres – 5 au 21 septembre à la Maison Rouge – Fondation Antoine de Galbert.