Écoutez plutôt cette phrase : « Là où je vais, je suis déjà ». Ce n’est pas un slogan creux. Ni le thème d’une programmation théâtrale. C’est une invitation, ouverte, chaleureuse, émouvante. Elle recouvre les affiches du Festival de création contemporaine, « Le Printemps de Septembre », à Toulouse. Ces mots résonnent encore, quelques jours après avoir arpenté les différents lieux d’exposition d’une ville décidément trop rose. Elle part de nous, parle de moi, viens vers vous. Le Directeur artistique, Christian Bernard (actuel directeur du MACMO à Genève), a créé l’un des itinéraires les plus ouverts qu’il soit, où l’art ne nous disqualifie pas, mais puise dans nos ressorts créatifs pour que chacun soit capable de créer sa route, prendre des chemins de traverse, se perdre dans le réseau. Nous ne sommes plus statique mais toujours au centre dans une communication circulaire entre l’artiste et nous. L’immatérialité se matérialise par le lien que chaque spectateur peut entretenir avec l’?uvre. Avec cette édition, « Le Printemps de Septembre » guide chacun d’entre nous à se repérer dans cette époque post-moderne naissante alors que la crise financière actuelle enterre une certaine approche de la modernité. Petite sélection d’un grand festival populaire.
À l’Église des Jacobins, certains visiteurs pleurent, tandis que d’autres se déplacent pour mieux coller leur oreille aux enceintes du ch?ur polyphonique de Janet Cardiff, «The Forty Part Motet». Nous sommes inclus dans les processus complexes de la musique (« Spem in Alium » de Thomas Tallis, 1573) : c’est le corps tout entier qui fait caisse de résonance. Jamais je n’ai écouté à ce point mes ressentis. La postmodernité est là : l’émotion peut-être un vecteur d’épanouissement, dépouillé des croyances religieuses et sociétales qui dicteraient ce qu’il faut entendre et éprouver. Un grand moment.
Tout comme l’exposition de Claude Lévêque, à la Maison Éclusière. Avec «Rendez-vous d’Automne», attendez-vous à ressentir un espace particulier. Alors que l’on marche sur un sol de brindilles et



Ces trois voyages nous conduisent tout naturellement à l’Hôtel Dieu pour oser toucher les objets glissants et usés par la société de consommation de Laurent Faulon; à nous exposer, grâce à l’artiste suisse Delphine Reist, à la brutalité d’un pouvoir masculin pour ressentir avec émotion la détermination féminine. Et comme nous en voulons encore, nous allons à l’Espace Ecureuil regarder le film « Shifting » d’Alex Hanimann où un chien plutôt dangereux a priori devient peureux par le seul fait qu’une caméra le braque. Vingt minutes où l’on se surprend à vouloir zoomer avec la focale alors que nous sommes simplement voyeur de nos peurs. Époustouflant.

Même en Afghanistan. Pour le croire, rendez-vous à l’Espace EDF Bazacle. Quatre vidéos vous attendent, filmées par Lida Abdul. On peut s’asseoir au centre et visionner en même temps ces quatre moments volés à la guerre. Cette mise en abyme donne l’espoir que même l’automne de Claude Lévêque puisse effacer les traces d’un printemps noir.
Pascal Bély
www.festivalier.net
1. « Dans l’archipel de l’art contemporain, rares sont devenus les artistes qui se réclament du moment moderne. Presque tous se vivent comme relevant de la « condition post-moderne » ou mieux, désormais, comme ressortissant d’un destin mondialisé, plus déterminé anthropologiquement et géographiquement qu’historiquement. Pourtant, beaucoup des formes proposées au nom de l’art (d’)aujourd’hui sont manifestement très informées des lexiques et des scansions majeures de la modernité. Certes, elles en jouent au moins au second degré, mais les échos ou les réactivations décalées qu’elles en proposent montrent que subsiste un régime « anamnésique » de l’art, une forme de prospective nostalgique qui continue de relever le paradoxe des modernes, condamnés, comme le pointait Roland Barthes, à faire du nouveau avec de l’ancien ».
Revenir au sommaire | “Le Printemps de Septembre” jusqu’au 19 octobre 2008. Sur Le Tadorne, les articles de l’édition 2007: La jeunesse se réfugie au ?printemps de septembre? de Toulouse. |