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Aux Correspondances de Manosque, Florent Marchet provoque le krach.

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A l’entrée du Théâtre Jean Le Bleu de Manosque, deux agents de sécurité surveillent. Métaphore d’une société qui n’accueille plus, même lors du pacifique festival « Les Correspondances ». Cette entrée en matière n’est rien à côté du concert littéraire, «Frère animal», écrit par Arnaud Cathrine, orchestré par Florent Marchet en compagnie des chanteurs Valérie Leulliot et Nicolas Martel. En ce dimanche soir, ils nous invitent au boulot, plus précisément à la SINOC (Société Industrielle Nautique d’Objets Culbuto), entreprise installée au fin fond de la France du journal de 13h de TF1. Différents personnages circulent (Thibault, son père, Julie la petite amie, des copains, l’agent d’accueil, le DRH), sur cette scène minuscule, à peine éclairée par des projecteurs fatigués en forme de drapeaux.
Alors que le contexte de crise financière plombe notre avenir immédiat, « Frère animal » dénonce ce que nous savons trop. L’entreprise exploite, manipule, réduit, détruit. Quand elle fait corps avec la famille de Thibault, elle en épouse le fonctionnement symptomatique. Le concert est une suite de textes chantés, où les voix cassent, cisèlent. Nos quatre trentenaires en ont gros sur leur c?ur. Leur colère sourde est palpable. Ils en veulent à la génération de leurs parents d’avoir participé à ce type de relations sociales, mélange de paternalisme et de productivisme acharné. Je ne suis pas loin d’étouffer et je m’accroche à eux, cherchant ici ou là, un geste, une intonation pour respirer.
Je ressens l’angoisse monter dans la salle. Avons-nous besoin de cela en ce moment ?
C’est Valérie Leulliot (ex « Autour de Lucie ») qui apporte une douceur contagieuse, presque mélancolique au moment où le concert quitte la SINOC pour s’immiscer dans le fonctionnement de la famille de Thibault. Chacun se métamorphose, donnant de l’ampleur à son personnage, à l’exception d’Arnaud Cathrine, attachant dans sa rigidité. Les mélodies se font plus harmonieuses, les corps empruntent des mouvements chorégraphiques. Mais le malaise persiste. « Frère animal » est un texte usé, lessivé par la logorrhée d’un Besancenot et maintes fois dépeint par les sociologues d’entreprise. Cela ne remet pas en cause la pertinence du fond, mais ce concert littéraire colle  un peu trop au propos ; le ton employé et la mise en scène sont parfois en position haute , à l’image d’une gauche bien pensante.
Seulement voilà. Le talent de Florent Marchet opère (on ne le dira jamais assez ici, c’est un musicien exceptionnel) ; Nicolas Martel libère un charisme troublant et Valérie Leulliot nous envoûte de sa voix posée. Ce quatuor ne se compromet pas dans la facilité. Raison de plus pour leur souhaiter de revenir nous chanter leurs utopies nautiques culbutantes.

Pascal Bély
www.festivalier.net


?????? “Frère animal” d’Arnaud Cathrine et Florent Marchet a été joué le 28 septembre 2008 aux Correspondances de Manosque.

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Florent Marchet sur le Tadorne:
Florent Marchet donne aux Correspondances de Manosque ses lettres de noblesse.

Florent Marchet quitte la Scène de Cavaillon.

Un reportage sur “Frère Animal” sur France 24.