Catégories
FESTIVAL MONTPELLIER DANSE Vidéos

Le maudit gazon de Mathilde Monnier à Montpellier Danse.

La force d’un festival, c’est de tisser des liens invisibles entre les oeuvres. Quitter Christian Rizzo à 20 heures au Chai du Terral pour retrouver Mathilde Monnier à 21 heures au Théâtre de Grammont est une invitation pour le festivalier à chercher une cohérence, tel un jeu de pistes. D’un puissant solo à neuf danseurs, le défi est excitant ! Mais au final, un grand écart, un mal de tête et une profonde déception couronnent mes efforts. Habité par la vision sublime de Rizzo, j’atterris sur le gazon de « Tempo 76 » chez Monnier sans parachute. Inutile de préciser que ce n’est pas sans douleur !


Et pourtant…Avec Mathilde Monnier, je me suis toujours senti en confiance même lors du très controversé « Frères et s?urs » au festival d’Avignon 2005. J’entends et je ressens profondément sa pensée, qui prône continuellement l’ouverture comme mode de communication, la transdisciplinarité comme projet artistique. Pour s’en convaincre, je vous invite à lire « Allitérations », une suite de conversations avec le philosophe Jean-Luc Nancy où elle explique avec justesse et intelligence, sa vision d’une danse exigeante et vivante. Elle y évoque notamment son lien complexe avec l’institution puisqu’elle est directrice du Centre Chorégraphique National de Montpellier. Si bien qu’à l’issue de la représentation de « Tempo 76 », je m’interroge: pourquoi cette danse si normative ? Seul le dernier tableau (qui aurait pu être le premier) me réconcilie : les danseurs démontent plaque par plaque le gazon, font éclater des ballons, aidés par une meute de taupes bien décidées à voir le jour pour jeter vers le public, leur regard interrogatif.

À l’unisson (puisque tel est le thème de cette pièce), le groupe déconstruit, dans le chaos. Mathilde Monnier, nous donne alors toute la puissance de son talent lorsqu’elle est à la marge (souvenez-vous du puissant « 2008 vallée » avec Philippe Katerine ou de l’émouvant «la place du singe » avec Christine Angot). Mais pour déguster le dernier tableau, il m’a fallu ingurgiter les précédents où domine l’impression d’un déjà vu qui nous colle au raz du gazon pendant plus de cinquante minutes. L’unisson dansé par Monnier ressemble à ces formes groupales le plus souvent fusionnelles, qu’elle restitue avec talent, drôlerie, rythme et créativité ! Mais qu’apprenons-nous? Certes, je peux toujours admirer la scénographie d’Annie Tolleter qui n’a pas son pareil pour transformer une scène de théâtre en agora, pour la prolonger au-delà des murs, pour nous donner cette subtile sensation d’un dedans-dehors. Je peux toujours fixer l’un des danseurs, grand et massif (loin des stéréotypes) pour me convaincre que « Tempo 76 » est raffiné en s’appuyant sur la différence. Je tente bien de me laisser aller à ces mouvements où ils apparaissent et disparaissent comme au temps de notre enfance où nous rêvions du groupe comme échappatoire à l’enfermement de la famille. Je peux continuer à vous décrire ces différents moments où l’on sourit avec légèreté, mais où l’on finit tout de même par se demander : pour quoi ? On pourrait y voir une société uniformisée qui, à l’unisson, choisit un projet politique plutôt qu’un autre (suivez mon regard…) et qui se déconstruit à force de ne plus penser. On pourrait…

Mais alors, quel est ce langage chorégraphique pour qu’il me laisse à ce point désemparé, sans élan?

« Tempo 76 » signe peut-être une inclinaison dans la danse de Mathilde Monnier. À l’unisson, nous crions  notre peur : « Non,  elle aussi ??».

Pascal Bély
www.festivalier.net

«Tempo 76» de Mathilde Monnier a été joué les 25, 26 et 27 juin2007 dans le cadre du Festival Montpellier Danse.

Catégories
EN COURS DE REFORMATAGE

Les sublimes « Talons Aiguilles » de Christian Rizzo à Montpellier Danse.

rizzo.JPGJe l'attends. Après le Festival d'Avignon en 2005 où il fit scandale, Christian Rizzo est de retour et offre à Montpellier Danse sa dernière création, « B.c, Janvier 1545, Fontainebleau ». Ce titre, toujours plus énigmatique, est à l'image de sa danse : ailleurs. Ce chorégraphe est unique tant ses projets ne correspondent à aucun courant, à aucune génération. Il est poète.
Imaginez?Une scène blanche avec des figures en tissu et mousse qui pendent du plafond (animaux génétiquement modifiés, reliques du grenier transformées par l'air du temps ?). Elle arrive, en talons aiguilles argentés (si fins qu'ils “transperceraient le c?ur des filles” dirait Gainsbourg) : c'est Julie Guibert, danseuse exceptionnelle par sa beauté et sa grâce. Un homme, coiffé d'une tête de lapin, est présent tel un élément du décor qui se déplacerait à mesure des transformations de l'?uvre. La danse devient avec Christian Rizzo une calligraphie, où l'espace trouve ses profondeurs et sa surface par le jeu des lumières et l'ombre des mouvements. Une heure extraordinaire. A vous couper le souffle.
Elle est là, toute de noir vêtu, peau blanche telle une encre posée sur la feuille vierge de l'écrivain. Ses gestes, lents, précis, articulés et non saccadés me plongent ailleurs comme hypnotisé. Parfois, le corps n'a plus de tête, ni de pieds : il est une forme, à l'image du sens que prendraient les mots couchés sur la page. Elle avance, comme dans une Église, pour s'approcher de l'objet, de sa quête d'absolu. L'homme à la tête de lapin la suit ou la précède pour lui ouvrir de nouveaux espaces que sa danse, toujours plus complexe, réclame. Je la suis des yeux et je ressens avec empathie la solitude de cette femme : elle seule peut arpenter cet espace comme le ferait un patient avec son psychanalyste pour déconstruire et reconstruire.
Mais ce corps, cette plume, cette note de solfège sont aussi un étendard contre tous les obscurantismes. Je l'entends crier en silence pendant qu'elle s'émancipe à mesure que les objets du plasticien Rizzo disparaissent.
Alors que l'homme à la tête de lapin tire les ficelles (au sens propre comme au figuré) pour mieux s'éclipser, cette danse calligraphique arrive à son point d'orgue : assise, les fins talons aiguilles de la femme en noir projettent sur les murs de la lumière. La danse est alors faisceau, constellation d'étoiles, cosmique. Le solo, par sa fonction introspective, crée un nouveau lien avec le spectateur et le guide à conceptualiser, même si seul Christian Rizzo a les clefs pour le faire.
Mais qu'importe, je suis dedans et dehors, je vois pour ne plus rien voir. Ses talons n'ont pas fini de me transpercer.


Pascal Bély
www.festivalier.net


?
?
?
??? « B.c, Janvier 1545, Fontainebleau » de Christian Rizzo a été joué le 25 juin 2007 dans le cadre du Festival Montpellier Danse.

Vous avez vu ce spectacle? Nous vous invitons à participer au palmarès du blog Scènes 2.0 en votant ici!


A lire aussi un autre regard sur le blog “Danse à Montpellier“.

Crédit photo: Christian Rizzo.

Catégories
EN COURS DE REFORMATAGE

A Montpellier Danse, Dominique Bagouet entre dans l’histoire.

La scène de la Cour des Ursulines est à l'image d'un chantier. Des gravats et des morceaux de plastique font office de décor comme si tout était à (re)construire. Ce soir, deux pièces de Dominique Bagouet (« Une danse blanche avec Éliane » et « F et Stein – réinterprétation ») s'y jouent pour peut-être tout remettre en chantier? C'est un moment important : je n'ai jamais connu ce chorégraphe, mais je me souviens de sa mort comme d'un tremblement de terre dans le milieu culturel et d'un choc pour les homosexuels frappé par le Sida. Je suis donc assis dans les gradins de ce lieu mythique où ma propre histoire (le souvenir de mes amis emportés par cette maladie) rencontre celle de Montpellier Danse qui doit tant à Dominique Bagouet.
Quand arrive Grégory Beaumont pour « Une danse blanche avec Éliane », accompagné de l'accordéoniste Jean Didion, j'ai le souffle quasiment coupé. Quinze minutes où le temps est totalement suspendu, où ses sauts d'ange font deviner ses ailes. C'est beau comme une danse intemporelle qui franchirait toutes les cloisons. Elle est intergénérationnelle et le Ballet de Lorraine assure la transmission avec brio. Nous sommes le public de Dominique Bagouet et je ressens intérieurement le bonheur d'être devenu un passeur.
3fesjga.JPG« F et Stein » est d'un tout autre registre. Le mot contemporain accolé à la danse prend tout son sens. Un guitariste de rock (surprenant Sven Lava) rencontre un chorégraphe (Christian Bourigault, ancien danseur de Dominique Bagouet). A deux, ils vont fusionner l'électrique et le fragile, la partition balisée avec le chaos des mouvements du corps. C'est une course poursuite haletante entre le sage et le fou, entre le fou et le délirant, entre le paysage et le territoire ! Dominique Bagouet donne au rock l'espace qu'il n'a peut-être jamais eu sur une scène, le plus souvent cantonné au groupe, aux projecteurs et à la foule en délire. Ce soir, le rock est l'énergie vitale, la danse est le sens pour ne pas mourir. La force de cette ?uvre n'est plus à chercher dans la beauté technique du geste (sur ce point, les puristes du mouvement sont déçus) mais dans cette co-construction où l'art émerge à chaque coin du plateau. Alors que tout est fini, je m'étonne d'être transporté par ce rock qui continue de se diffuser, à l'image d'un sablier renversé par la chorégraphie de Dominique Bagouet. Sublime.

Pascal Bély
www.festivalier.net


?
?
?
??? “Solos pour Bagouet” ont été joués le 24 juin 2007 dans le cadre du Festival Montpellier Danse.

Crédit photo: Jean Gros-Abadie

Catégories
EN COURS DE REFORMATAGE

Montpellier Danse explore la FranceAlgérie.

2.JPG

Il est plasticien et performer (Patrickandrédepuis1966) ; elle est chorégraphe (Christine Jouve). Ensemble, ils nous convient au Théâtre du Hangar pour l'ouverture du Festival « Montpellier Danse » et pour explorer un lien : celui de la France et de l'Algérie.
De chaque côté de la scène, comme en écho, toute une série d'objets posés à terre comme autant de reliques, de matières prêtes à être transformées pour expliquer la complexité de ce lien qui n'en finit pas de nous traverser intimement et collectivement. Cette recherche est d'autant plus « explosive » que la France n'a fait aucun travail introspectif lui permettant de construire un avenir commun avec ce pays pas tout à fait comme les autres.
La danseuse (troublante Antonia Pons Capo) et le performer s'accrochent pour créer ce nouveau territoire où le lien peut s'entendre, se voir, s'explorer. Ils le cherchent à l'image des deux drapeaux qu'ils superposent (et par miracle de l'art, le croissant algérien se fond dans le blanc, couleur de paix) pour rapidement les mélanger dans un geste de rage. Se succèdent alors des petites scènes où les objets se métamorphosent comme des bouts d'histoire qu'ils arrivent à nous rendent si contemporains. Mais l'ensemble de l'?uvre est celui d'un plasticien : les objets portent le sens, mais s'inscrivent peu dans un jeu relationnel incarné par la danseuse. L'espace-temps du spectacle vivant semble devoir se caler sur celui de la performance (où l'effet doit être immédiat pour passer à autre chose). C'est ainsi que la danse se fait objet et ne permet plus de toucher nos affects. Tout paraît sur la défensive dans un espace qui se réduit à mesure que le territoire s'explore. Est-ce à l'image d'un lien de plus en plus distancé entre la France et l'Algérie ? Est-ce le poids de l'histoire qui les empêche de se projeter dans un lien ouvert entre l'Europe et le Maghreb? Pris dans sa propre réduction, « France ? Algérie » pourrait poursuivre son travail avec les danseurs de l'autre rive. Nul doute que Montpellier Danse finira par relever ce fabuleux défi.

Pascal Bély
www.festivalier.net

Ps: autre regard à lire sur le blog “Danse à Montpellier”

?????? France – Algérie” de Christine Jouve et Patrickandrédepuis1966 a été joué le 24 juin dans le cadre de Montpellier Danse.

Crédit photo: François Lagarde

Catégories
EN COURS DE REFORMATAGE

D’Aix à Montpellier Danse, le souffle glacial de l’eldorado des Ballets Preljocaj.

Les Ballets Preljocaj ne manquent pas de courage : à vouloir présenter trois créations d'époques différentes la même soirée (1995, 1998 et 2007, pour “Eldorado”), le spectateur risque de chercher la cohérence, de repérer les évolutions. D'autant plus que ces trois ?uvres clôturent leur première année au c?ur du Centre Chorégraphique National, «Le Pavillon Noir ». Cette soirée sonne le bilan d'un Ballet enfermé dans sa tour d'ivoire, acquis à son public aixois qui lui pardonne tout (même la piètre qualité de la saison).

 

Tout débute avec « Annonciation », duo de vingt minutes crée en 1995. L'épisode de l'annonce faite à Marie, célèbre thème sacré de l'iconographie catholique, trouve ici une traduction osée par la confrontation de deux danseuses, de deux mondes, de deux approches du lien. L'une quasiment statufiée rencontre l'autre, ange provocant. Entre elles, l'amour côtoie la haine et ce paradoxe chorégraphie leurs interactions. La rencontre s'avère esthétiquement magnifique, mais la complexité des sentiments humains se perd dans ce contraste et finit par donner une sensation étrange d'enfermement. Dansée comme un rêve tel un ange, cette annonciation m'apparaît trop ancrée dans un réel un peu daté.

C'est un duo masculin qui s'avance pour « Centaures », crée en 1998. Ils sont torses nus et crânes glabres, à mi-chemin du cheval et de l'homme pour quinze minutes de lutte pour le pouvoir. Les formes sont inédites et le regard se perd à vouloir chercher l'homme ou l'animal. Mais les deux danseurs paraissent à côté comme s'ils empruntaient leurs gestes sans les habiter : leurs corps sont parfaits, mais l'émotion est contenue. Belle performance, mais la danse m'habitue généralement à plus d'engagements.

5E.JPG Il faut donc attendre la dernière création d'Angelin Preljocaj (« Eldorado – Sonntags Abschied-) pour donner à cette soirée une cohérence que je ne vais pas tarder à trouver. Ils sont douze danseurs, pris chacun dans la scénographie de l'artiste plasticienne Nicole Tran Ba Vang. La musique de Karlheinz Stockhausen confère à la scène un aspect « sectaire » effroyable alors qu'Angelin Preljocaj y voit la quête « d'un paradis perdu ». Cette scène fermée est l'objet d'agitations, de mouvements vides de sens, d'allers – retours pour l'occuper coûte que coûte. La danse est cruellement pauvre en l'absence de tout lien humain. Tout est symétrique, rationalisé, froid comme une mécanique où rien n'est en lien. Cette danse clive à la fois l'espace et les corps. Elle ne crée jamais le lieu de la rencontre, mais préfère les formes groupales vide de contenu. Les bras brassent pendant que les jambes enjambent. À ces corps désarticulés, s'ajoutent un décor et des costumes d'une telle laideur qu'il doit y avoir un sens caché. Mes voisins semblent pétrifiés devant ce spectacle glacial, prétentieux, qui nous exclut de toute réflexion. On se sent mal à l'aise pour ces danseurs manipulés comme des marionnettes, dans une absence de coordination entre la scénographe et le chorégraphe comme s’ils étaient pris dans une lutte de pouvoir pour s’arroger la paternité de la pièce.
Cet « eldorado » est le Pavillon Noir lui-même : à côté du sens, vide de tout projet artistique, métaphore de tout ce que l'on a pu voir lors de cette saison. Un lieu fermé à la controverse, à la danse qui questionne, à la nouvelle Europe. C'est un « eldorado » soutenu par un public peu regardant, car rarement guidé vers autre chose que son désir d'une danse divertissante.

C'est ainsi que deux ?uvres majeures d'Angelin Preljocaj sont ce soir coulées dans le moule d'un Pavillon, pris en otage par un artiste « institutionnalisé » qui n'a peut-être plus grand-chose à nous dire et qui cherche son « paradis perdu » alors qu'il a déjà tout.

Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? “Annonciation” d’Angelin Preljocaj (1995)
?????? “Centaures” d’Angelin Preljocaj (1998)
?????? “Eldorado (Sonntags Abschied)” (création 2007).

Ces trois pièces ont été jouées au Pavillon Noir d’Aix en Provence le 26 mai 2007 et le 23 juin 2007 lors du Festival Montpellier Danse.

Crédit photo: J. C. Carbonne


Vous avez vu ce spectacle? Nous vous invitons à participer au palmarès du blog Scènes 2.0 en votant ici!

A lire mes regards sur les oeuvres proposées au Pavillon Noir au cours de la saison 2006-2007:

?????? “Empty Moves” Angelin Preljocaj
?????? « First Draft / Opus 8 » – Richard Siegal-
?????? “N” – Angelin Preljocaj.
?????? “Les 4 saisons’ – Angelin Preljocaj.Pavillon Noir.
??????Des gens qui dansentJean – Christophe Gallotta – Pavillon Noir.
?????? (« Est-ce que je peux me permettre d'attirer votre attention sur la brièveté de la vie ? » – Philippe Saire.
?
?????
« ErsatZtrip »- Christian Ub
?
?????
“Noces” – Angelin Preljocaj –
?????? “One more time / Un rêve” – Ballet d’Europe.
?????? “Metapolis II” – Fréderic Flamand.
?
?????
Et maintenant il colle son oreille au sol – Thierry Baë
?
?????
L’histoire des enfants des voisins d’à côté – Pascal Montrouge
?
?????
“Duplex – Josette Baïz

Catégories
EN COURS DE REFORMATAGE

Du Festival de Marseille à Montpellier Danse, la danse résiste.

Etant un non professionnel, cette période festivalière m’oblige à faire des choix à la fois culturels et économiques. À ce jeu, le perdant est sans aucun doute le Festival de Marseille (du 19 juin au 13 juillet). Le prix des places s'envole (frais de location de 2 euros par billet si vous passez par internet, 1 euro par téléphone) et la multiplication des « pass » (on se croirait à Carrefour) ne favorise guère la transparence. Ce festival semble toujours orienté vers une certaine classe de la population (je m'en étais ému, l'an dernier). Mais surtout, je cherche la cohérence de cette programmation malgré la création de Kelemenis, « Paso doble ». Mon choix n'est donc guère audacieux et s'appuie sur les valeurs sûres de ce festival (Larrieu, Pierre Rigal et Aurélien Bory, Heiner Goebbels). En conclusion, une programmation sans ambition et sans risque notable (à part si vous souhaitez vous aventurer vers le triste “Konnecting Souls” de Franck II Louise). On peut donc se rendre à Marseille, les yeux fermés et le portefeuille bien ouvert !  

Heureusement, il reste l'incontournable « Montpellier Danse ». La  programmation me semble audacieuse et très ouverte (même si l’on peut oublier la dernière création d’Angelin Preljocaj). De beaux rendez-vous en perspective avec le magnifique Raimund Hoghe, la surprenante Mathilde Monnier, le créatif Christian Rizzo et la décalée Robyn Orlin. L'hommage à Dominique Bagouet est prometteur et des noms pourraient enrichir ma culture chorégraphique (Jouve, João Fiadeiro, Philipp Gehmacher, Buffard). Montpellier Danse reprend des couleurs après une édition 2006  morose. Il va falloir profiter de ce moment unique au moment où la danse semble déserter la programmation des grands théâtres de la région pour la saison 2007-2008.
Nul doute que mes migrations enrichiront le palmarès de Scènes 2.0.

La sélection du Tadorne.

Du 19 juin au 13 juillet, le Festival de Marseille.
 

Mercredi 20 juin / 22h00 – Daniel Larrieu – Waterproof.

Mercredi 27 juin / 20h00 – Pierre Rigal et Aurélien Bory – Arrêts de jeu.
Samedi 30 juin / 20h00 – Fabrice Lambert – Gravité.
Samedi 30 juin / 21h00 – MIchel Kelemenis – Pasodoble.
Jeudi 5 juillet / 21h00 – Heiner Goebbels – Max Black.
 
Du 23 juin au 6 juillet,  Festival Montpellier Danse.
 Dimanche 24 juin / 17h30 – Christine Jouve – France-Algérie
Dimanche 24 juin / 19h00 – Alain Buffard – (Not) a love song.
Dimanche 24 juin / 22h30 – Solos pour Bagouet / Une danse blanche avec Eliane – F. et Stein.
Lundi 25 juin / 19h00 – Christian Rizzo – B.c, Janvier 1545, Fontainebleau
Lundi 25 juin / 21h00 – Mathilde Monnier – Tempo 76
Mardi 26 juin / 19h00 – Philipp Gehmacher – Like there’s no tomorrow
Mardi 26 juin / 20h30 – Robyn Orlin – We must eat our suckers with wrappers on…
Vendredi 29 juin/ 19h00 – João Fiadeiro Où va la lumière quand elle s’éteint?
Vendredi 29 juin / 21h00 – Raimund Hoghe ? Meinwärts.
Catégories
EN COURS DE REFORMATAGE

« Waterproof » de Daniel Larrieu se coule dans le moule du Festival de Marseille.

waterproof1.jpg

A l'image du Théâtre du Merlan, le Festival de Marseille vagabonde pour l'ouverture de sa programmation. Le rendez-vous est pris au Cercle des Nageurs pour célébrer le vingtième anniversaire de la création du chorégraphe Daniel Larrieu, « Waterproof ». La piscine est bondée : 28° dans l'eau, 30° dans l'air et je jubile de voir l'art investir des lieux improbables. Ils sont neuf danseurs que l'on distingue à peine et trois écrans vidéo comme autant d'intermèdes de ce voyage aquatique d'une heure.. Entre eux et nous, il y a l'eau, un univers artistique qui nous échappe, que nos sens habituels ne peuvent appréhender. Est-ce cette position étrange qui me tiendra éveillé alors que l'ennui n'a cessé de m'envahir?
Tout commence par l'immersion lente des corps. Je plonge. Ils fusionnent l'eau et le corps comme pris dans un liquide amniotique. On les perçoit à peine et les mouvements maintiennent le bassin dans une platitude déconcertante. Je suis déjà ailleurs et je me débats entre un monde et un autre. Magnifique.
Fin de la première séquence.
La  vidéo prend le relais pour nous montrer ce que l'on aurait dû voir : ils dansent sous l'eau et nous voilà réduits à des spectateurs de cinéma. L'alternance entre le bassin et l'écran casse le rythme et crée un malaise comme si Larrieu nous sortait de l'eau (il est grand temps de rentrer maintenant !). Mais la vidéo maintient suffisamment à distance pour que l'on puisse aller chercher ailleurs le sens de nos résonances.
L'ennui, c'est que l'eau a coulé sous les ponts depuis 1987, date de la création de « Waterproof ». Le sens semble se fondre dans un moule conventionnel alors que la danse a exploré depuis vingt ans tant de territoires. Est-ce cela qui donne à cette mise en scène l'aspect désuet d'une station balnéaire des années trente ?
Malgré tout, « Waterproof » reste une ?uvre essentielle. Elle maintient le spectateur dans un entre-deux, entre le réel et l'inconscient, dans une recherche de l'autre, de l'objet perdu. Ce qui tient éveillé, c'est cette recherche perpétuelle du sens à l'image du décryptage d'un rêve, d'un souvenir d'enfance qui remonterait à la surface, d'un lapsus qui nous plongerait dans la confusion.
C'est ainsi qu'à la sortie du bain, on se surprend d’être un peu mouillé, comme éclaboussé par tant de ronds dans l'eau.

?????? Waterproof” de Daniel Larrieu a été joué au Festival de Marseille le 20 juin 2007.

Catégories
EN COURS DE REFORMATAGE

D’Avignon à Paris, Joseph Nadj et Miquel Barcelo s’argilisent.

Deux chroniques sur une même oeuvre: l’une écrite lors du Festival d’Avignon en 2006, l’autre du Théâtre des Bouffes du Nord à Paris en juin 2007.

Il y a des moments dans une vie où l'on est fier de clamer : « J'y étais ». C'est la dernière journée du Festival, autant dire que le corps commence à lâcher, les jambes et la tête se font lourdes. Il fait 39° et le ciel me plombe alors que je marche vers l'Église des Célestins. « Paso Doble » du peintre espagnol Miquel Barcelò et du chorégraphe Josef Nadj est l'un des événements majeurs de la 60e édition du Festival d'Avignon.
La scène est faite d'un mur d'argile rouge, celle de Kanizza, ville natale de Nadj. À travers ce dispositif, le peintre accueille le chorégraphe pour qu'il «entre dans le tableau». Derrière ce mur, nos deux hommes en costume noir commencent à frapper. Le mur se transforme lentement comme une terre au printemps, retournée par des végétaux à la recherche du soleil.

En repassant devant, nos deux hommes provoquent le chaos : avec les outils d'un jardinier céleste, il modifient le sol, le mur. Une musique sourde accompagne le travail : quand l'un soulève la terre comme s'il y avait la guerre, l'autre dessine de jolis traits comme au temps des cavernes. Deux hommes, deux époques, trois mouvements : le spectateur s'éblouit devant la métamorphose de l'?uvre. Le contraste entre la terre blanche et l'argile rouge, entre le sol et la terre, entre le terroir et les racines est éblouissant.
Petit à petit, le peintre et le chorégraphe jouent à se transformer : chacun pose sur l’autre une poterie en argile. En s'effondrant sur les visages, elles deviennent masque. Ils sont la création. C’est alors que le mur d'argile est une fresque vivante, habitée par des créatures venues tout droit de l'inconscient de l'adulte, de l'imaginaire de l'enfant, de la folie créative de l'homme.

Mais le peintre ne peut pas abandonner son statut : il dépose le masque, reprend les armes et transforme le chorégraphe en objet de sa création. C'est alors que le peintre fait du corps sa toile ; le chorégraphe ne bouge plus ; nous le distinguons à peine. J'ai peur pour lui, de le voir disparaître. Il est la toile.
Le peintre, tel un toréro, envoie ses piques. Avec un pistolet, il recouvre la fresque d'une peinture blanche : l'?uvre est immortalisé le temps de quelques minutes. Mais le peintre n'oublie pas sa promesse faite au chorégraphe d'entrer dans le tableau. Il faut préparer ce passage d'un monde à l'autre, de la vie vers la mort (l'?uvre est détruite après la performance). C'est alors que le corps reprend ses droits et la danse se fait mouvement, pinceau du peintre.
La musique élève l'?uvre et les deux hommes, ensemble, traversent le mur. Le temps d'un instant suspendu, l'Église des Celestins devient le temple de la création. La fresque est offerte au public d’Avignon.
Pour la première fois de ma vie, un chorégraphe et un peintre m'ont offert l'impensable : une peinture peut se traverser. Mon regard en a aujourd'hui le pouvoir.
Pascal Bély.
Festival d’Avignon 2006.

De retour du Théâtre des Bouffes du Nord, je me demande ce que je viens de voir ?Performance?…Argileuse ? ?J'avoue que ce n'est pas évident, tant ce que nous venons de voir est unique. Unique au sens où la « scénographie – sculpture » créée par Miquel Barceló et Josej Nadj est différente chaque soir. Unique aussi par le choix de cette mise en scène qui ne ressemble à rien de connu. Ai-je ce sentiment parce que j'ai assisté à une ?uvre réalisée sous mes yeux par deux « géants » de la scène artistique mondiale ? Je m'interroge. C'est vrai après tout. Est-ce que Paso Doble m'aurait autant plu s'il avait été interprété par deux parfaits inconnus ?
Oui, parce que le sens est partout. Colonisation d'une terre vierge, naissance, retour à la terre, découverte de l'altérité, négation de l'autre, parabole de l'acte créateur? Il y a tant à y voir, tant de sens à y trouver que j'aurais été sensible à ce Paso Doble s'il avait été interprété par deux inconnus.
Et pourtant. Le tandem fonctionne si bien. Le sourire narquois de Barceló quand il se présente couvert de terre aux spectateurs. Le sérieux de Nadj. Sa solennité.
Non, ces deux artistes sont bien géniaux. Au sens de génies. Surtout, leur duo est fécond.
Comme quoi le meilleur de l'art vivant est décidémen
t toujours dans la rencontre des disciplines! Voir même, dans la rencontre entre spectateurs et artistes. Puisqu'à la fin du spectacle, descendus de tous les balcons du Théâtre, les gens sont venus sur scène, pour toucher la terre, l'emporter, la photographier.
Les deux compères terreux, les deux terriens terreux, ne se sont pas enfouis dans les coulisses. Ils ont souri. Et, à son tour, Miquel Barceló les a photographiés.
Je retente une définition en deux mots. Echange. Magique.

Elsa Gomis – Paris.
Juin 2007.
 

Pour réagir, cliquez ci-dessous sur “ajouter un commentaire“. Une fenêtre s’ouvre alors. Tapez votre texte puis recopiez les trois lettres qui vous sont proposées dans la petite case. A bientôt de vous lire.Pour revenir à la page d’accueil, cliquez ici.