Ces dix ?uvres furent essentielles en 2007. Elles tissent la toile fragile d'un patrimoine chorégraphique d'où se dégage un humanisme qui donne sens à notre quête d'absolu dès que nous entrons dans un théâtre.
« May B » de Maguy Marin (cf. photo) a repris la route en 2007 après avoir été créée en 1981. Avec cette pièce intemporelle, la danse nous invite au c?ur de l'humanité pour continuer à défendre la « terre patrie » si chère à Edgar Morin. Je ne peux m'empêcher d'y voir une filiation avec la compagnie « Kubilaï Khan Investigations » qui nous a offert avec « Gyrations of barbarous tribes », l'une des ?uvres les plus puissantes pour redessiner les contours d'un monde dépassant les clivages nord-sud. C'est ainsi que la danse puise dans l'humanité une force pour créer les ponts entre l'orient et l'occident qu'Héla Fattoumi et Eric Lamoureux ont traduit avec talent dans « La danse de Pieze », puis Joseph Nadj et Dominique Mercy dans « Petit psaume du matin ».
De son côté, le Festival Montpellier Danse a opéré pour les générations futures, une transmission essentielle en programmant un hommage à Dominique Bagouet puis en diffusant « Meinwärts » de Raimund Hoghe. Le sida s'est donc invité en 2007, sans tapage, mais avec la ferme intention de rappeler sa place dans l’histoire de la création chorégraphique.
2007 a permis à quatre chorégraphes de dépasser la frontière entre le beau et le sublime comme une invitation pour le spectateur à se surpasser. Tandis qu'Anne Teresa de Keersmaeker avec « Steve Reich Evening » nous propulsait au c?ur de la musique chaotique de Steve Reich, Paco Décina avec « Indigo » nous proposait une itinérance pour explorer le corps dansé. Fulgurant ! Magnifique pari d'avoir su faire confiance au lâcher-prise du public pour le laisser se “trans-porter” !
Dans la même veine, Gilles Jobin avec « Double-Deux » nous immergé dans le couple, sans jamais nous y enfermer, mais pour nous y inclure. Majestueux.
Christian Rizzo avec « B.c, janvier 1545, Fontainebleau » n'est pas seulement un chorégraphe. C'est le plasticien de l'inconscient. La danseuse Julie Guibert nous a tous « trans-percés » avec ses talents aiguilles. SUBLIME.
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Les 10 ?uvres d’un patrimoine chorégraphique.
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10- Kubilaï Khan Investigations. « Gyrations of barbarous tribes ». Théâtre des Salins. France.

120 spectacles, dix festivals, des milliers de kilomètres en France et en Europe pour faire vivre ce blog et rendre visible sur la toile internet la richesse de la scène française et européenne. 2007 fut une année difficile: festivals en panne de projet, institutions culturelles dépendantes de l'audimat, création française égocentrée. Il en aura fallu de l'énergie pour repérer un souffle, un nouvel espace, une interpellation !
Cette vision du corps ne fait pas partie de ma culture. L'outil vidéo, omniprésent, décompose, décuple à l'infini le geste, et me plonge dans le vide. La caméra structure le ressenti du spectateur, réduit la focale de son regard, cadre la forme là où l'on aurait envie d'interroger le sens. Découflé est talentueux pour projeter la pauvreté de son écriture chorégraphique vers des espaces inattendus.

Les danseurs se croisent sur la musique fabuleuse de Cristian Vogel et leurs mouvements sont d'une apparence douceur. Ils se jettent souvent au sol, mais sans bruit, léger comme un désir de rencontre, lourd comme l'espace confiné de leurs exigences. Le tout donne une énergie enveloppante, sécurisante, car profondément humaine. Tout est suspendu à la rencontre, où se fait et se défait le lien si fragile de la séduction. Tels des aimants – amants, ils s'emboîtent pour mieux se séparer et finissent par laisser des traces qui forment la toile de leurs relations, où l'un n'existe que dans le désir de l'autre. Je me ressens en apesanteur et mes nerfs lâchent, pris dans leur réseau virtuel. Je flotte malgré les baffes qu'ils se donnent tant elles claquent comme un acte sensuel, à la limite du sado-masochisme présent dans tant de couples !
C'est alors que ces « double deux » éclatent. La colère et le cri (silencieux) accompagnent le ralenti des mouvements. Le groupe se forme peu à peu et
Le metteur en scène François Rancillac prend le public du Théâtre de Cavaillon par surprise. A l'issue de « Retour à la citadelle » de Jean-Luc Lagarce, les applaudissements peinent à venir, comme si les spectateurs avaient du mal à saluer le miroir qui leur est tendu. Cette pièce nous renvoie à nos jeux de pouvoir dans une période où sa forte personnalisation au plus haut niveau de l'État nous ferait presque oublier les manipulations et les révérences qui ponctuent nos quotidiens au sein de nos institutions.
Dans « Retour à la citadelle », le pouvoir d'un homme (qui revient mystérieusement dans la province, mais en habit de futur gouverneur) est le fruit d'un système qui échappe aux rationalités (est-ce pour cela que nous ne connaissons jamais les raisons par lesquelles il accède à cette fonction ?). Cet homme est attendu, lors d'un cocktail, puis d'un dîner où ses parents, sa s?ur, l'ancien gouverneur et sa femme, un fonctionnaire zélé et un ami d'enfance (ignoré tel un rejeton) prennent chacun la parole pour nous donner les ressorts de cette mystérieuse ascension. François Rancillac nous montre par un jeu d'acteur habile (quand l'un parle, les autres illustrent non verbalement la stratégie implicite) comment le pouvoir est la conséquence d'un enchevêtrement de rancoeurs familiales, d'un fonctionnariat servile et d'une « démocratie » autocratique. Cette pièce est une caisse de résonances où je souris à mesure que je transpose à mon milieu professionnel. C'est euphorisant à l'image de cette scène qui tourne sur elle-même. Je me surprends à diriger les acteurs, tel un chef orchestrant la symphonie des mots de Lagarce !
Mais que me reste-t-il ? Eux, Les Ballets C de la B. Ils m'envahissent. Ils sont Le Monde où tout se croise, s'enchevêtre parce que multiculturel. C'est dans cette force collective que Koen Augustijnen a puisé la créativité pour décrire la mondialisation illisible. On pourrait lui reprocher un discours radical qui laisse peu d'ouvertures et d'espoir, mais le propos est peut-être ailleurs : si le monde change, alors changeons le monde. Cette énergie qu'il propage par le corps vers le corps social est une magnifique perspective pour qu'ensemble nous puissions créer les nouveaux espaces qu'aucun marchand ne pourrait animer. C'est en puisant dans la force du lien que nous imaginerons les élargissements capables de nous rendre autonomes.