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Saison théâtrale 2008-2009 à Marseille: vivement 2013 !

En réponse à l’article « En attendant Barack » où je m’étonnais de la morosité de la rentrée théâtrale à Marseille, les lecteurs du Tadorne ont réagit pour s’inquieter de ma santé mentale et physique. Je le reconnais volontiers : si j’ai largement décris mes échapatoires, je n’ai pas suffisament illustré mon ressenti par quelques éléments du contexte.
Lionel Vicari
l’a fait. Animateur à Radio Grenouille, libraire, il nous propose une analyse des programmations 2008-2009. Le débat est donc ouvert.
Pascal Bély.



Théâtre National de la Criée de Marseille : “SAISON SECHE”

La saison 2008/2009 de la Criée, délocalisation momentanée pour cause de travaux électriques mise à part, sera malheureusement conforme aux précédentes. La solide et indéboulonnable direction de notre cher TNM n’a pas l’air de vouloir s’accorder un peu de répit en la matière puisque la programmation est, une fois de plus, largement contestable.
Mais quid justement de cette programmation qu’on qualifiera sans hésitation de déprimante et de douteuse ? Dès l’annonce des « réjouissances » des questions reviennent incessamment : quel Mazarin établit le diagramme ? Quelle éminence décide ou ne décide pas du sort d’une saison à la Criée ? L’équipe elle-même n’en a-t-elle pas assez de (re)voir du déjà-vu ? Qui peut se satisfaire de cette donne ? Les têtes blanchies du devant de la salle qui s’assoupissent au bout d’une demie heure de chaque représentation ? Eux peut-être… Mais pas nous !

Autre chagrin « criesque », cette systématisation du directeur qui met en scène son spectacle et qui, au sein de ses murs, lui octroie un temps de diffusion incroyablement long. A la limite qu’un Olivier Py, vu le talent éclatant de l’homme, le fasse, on s’en réjouit. Mais qu’un Jean-Louis Benoit ouvertement à bout de souffle, embourgeoisé, si loin de ses aspirations du début, nous assène encore une de ses créations qui exhalent l’ennui pendant presque un mois (“De Gaulle en mai“du 07 au 31 octobre), là on dit stop. Qu’il laisse la place à d’autres qui ont l’envie, la passion, des choses à prouver. Qu’il se contente de diriger correctement le TNM… Ce sera déjà pas mal.

Mais là ne s’arrête pas la banqueroute, le naufrage présumé. En effet, 2008/2009 laissera le champ libre à la rengai… Pardon, à la tragédie puisque Corneille (“Le Cid” et “Nicomède” en octobre et novembre) et William Shakespeare (“Le Roi Lear “et “Richard III” en mai) coloniseront, artillerie lourde à l’appui, les espaces. On retrouvera aussi, au passage, un habitué des lieux – et non moins ami de la maison -, à savoir « l’immense, l’inimitable » Daniel Benoin. Le cuisinier nous a prévu deux platées, “Le Nouveau Testament” de Sacha Guitry et une adaptation du “Faces “de John Cassavetes (février). O joie ! Il faut aussi mentionner qu’à partir du 21 novembre, pour enrichir la Criée d’une irradiante fantaisie mensuelle, des soirées « cabaret » seront organisées. On sentait pourtant le Toursky en pole position pour ce genre de manifestations… Bref. Notons tout de même quelques curiosités : “Divino Amore” de l’Argentin Alfredo Arias (mars), ou encore “S’agite et se pavane” d’après Bergman (janvier).

Vous avez dit tragique ?



Théâtre des Bernardines de Marseille : “OH ! DE GAMME”

Le théâtre des Bernardines fait partie de ces théâtres marseillais qui laissent amplement perplexe. En règle générale, on ne comprend pas très bien ce qui s’y passe ni ce qu’on y subit. Déroutant mais pas perturbant (ni encombrant pour autant) puisque la large majorité des spectacles et des créations joués (et subséquemment subis) sont oubliés sitôt sorti des lieux. C’est un peu l’histoire du vent qui souffle sur les plaines, on attend patiemment que ça passe… D’un autre côté, comme on ne change pas une équipe qui gagne – c’est bien connu -, on ne voit pas pourquoi les Bernardines aurait modifié leur charte « expérimente à l’eau » et leur ligne de conduite à forte propension «intellectualisante».

Donc, pour les huit mois de programmation 2008/2009, de octobre à mai, cela donne des titres comme toujours attrayants et qui sonnent bien à l’oreille (“Purgatory Party” “NICO Medea-Icon“, “My Space“), des auteurs dont on vante les mérites dramaturgiques – et on confirme vivement – tels que le cérébral Heiner Müller, l’idéologique Pier Paolo Pasolini, l’explosif Edward Bond, Elfriede Jelinek, ou encore Vaslav Nijinski, etc. En ce qui concerne les metteurs (et metteuses, la parité étant presque respectée) en scène, c’est déjà nettement moins fringant (Angela Konrad, Eva Doumbia, Alexis Forestier…), certains d’entre eux ayant effectué dernièrement des montages scénographiques particulièrement désastreux.

Alors qu’en sera-t-il du résultat ? Mieux ? Pire ? Les paris restent ouverts…



Théâtre du Gyptis : “UNIVERS IMPITOYABLE”

Après une saison 2007/2008 spécialement molle, le Gyptis n’a pas l’air d’avoir reconsidéré avec un ?il attentif sa programmation pour celle à venir. On se doute que ce ne sera pas la catastrophe absolue. Mais on suppose, dans un même temps, que ce ne sera pas l’Empyrée non plus. Sur le papier en tous cas. Et qu’est-ce qui peut bien nous faire supputer cela ? Voltaire, Rousseau, Alfred de Musset, Dallas, Marivaux, Camus, Molière… De grands noms certes, mais répétés et usés jusqu’à la corde. Voilà ce qui nous met en mauvaise posture. Pour Musset et ses “Caprices de Marianne “(novembre), après Jean-Louis Benoit il y a deux ans, c’est Françoise Chatôt qui s’y colle. Si le metteur en scène change, le texte et l’histoire, eux, non. Donc, comme pour “Le Gendarme et les gendarm
ettes
” que M6 nous ressert tous les étés, on aura notre Musset. On aura aussi en mars notre Camus avec “Caligula” (au Gymnase il y a peu), notre “Seconde surprise de l’amour” de Marivaux (au Gymnase, encore, l’an passé), notre Molière (pas la même pièce mais auteur déjà au Gyptis en janvier 2008). On l’aura compris, la répétition n’est pas réservée qu’aux comédiens.



Théâtre de Lenche : “VOS GUEULES LES MOUETTES !”

On s’inquiétait, à n’en quasiment plus dormir, de savoir si oui ou non le Lenche et Ivan Romeuf allaient nous resservir du Tchékhov pour 2008/2009. Il faut tout de même savoir que ce théâtre est un haut lieu de vénération de Saint Anton… La réponse est évidemment oui. On peut, rassurés, se rendormir in pace. L’heureuse pièce élue cette année sera donc “La Mouette“. Elle sera jouée pendant presque vingt jours en février, à coup sûr par acte de charité pour ceux qui se décideraient au dernier moment. A part ça, la saison s’annonce quand même un peu remplie et certaines idées titillent notre curiosité, notamment cette carte blanche au Théâtre National Algérien qui aura lieu du 14 octobre au 08 novembre avec pas moins quatre spectacles dont une création – “Arrêt fixe“. “Le cas Quichotte” en décembre (un rêve de voyageur statique), “Les Oranges” en avril (chroniques algériennes sous occupation coloniale), Farce encore en avril (fusion critique de textes de Deleuze, Gattari et surtout Zinn) et Amado-Rimbaud en mai (hommage à la fulgurance définitive du plus grand poète) pourraient être, pareillement, de bonnes surprises.

Lionel Vicari.

A suivre, la saison du Théâtre du Merlan à Marseille et celle du Pavillon Noir à Aix en Provence.

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«Je tremble» de Joël Pommerat : deux contre un.

En mai dernier, le Théâtre du Merlan à Marseille, programmait “Je tremble (1)” de Joël Pommerat. A l’affiche du Festival d’Avignon, j’ai donc revu le (1) pour voir le (2). Joël Pommerat a de la suite dans les idées, mais semble s’égarer dans ce deuxième épisode très convenu et pour tout dire, sans intérêt majeur.
J’ai de nouveau rendez-vous avec lui, avec eux. Je les reconnais quasiment tous depuis notre dernière rencontre mémorable lors du Festival d’Avignon en 2006. Lui, c’est Joël Pommerat, metteur en scène. Eux, de la compagnie Louis Brouillard, c’est peut-être vous, c’est sûrement une partie de moi, c’est à coup sûr un fragment animé de notre lien social. C’est une troupe de comédiens qui jouent avec nos maux, nos parts d’ombres et de lumières, pour remettre en mouvement ce que nous figeons, faute d’espace et de liens. «Je tremble (1)» m’essore, me plie et me déplie, comme un processus d’inclusion et d’exclusion permanent.
Cela n’échappe plus à personne. Le politique se fond dans la société du spectacle. Encore une fois au cours de cette saison théâtrale, un animateur (télévisé?) ouvre le bal sur fond de rideau pailleté. Sur un ton décomplexé et détaché, il nous annonce qu’il va mourir ce soir, sous nos yeux. Puis se met à danser sur «Sex bomb». Nous voilà donc positionnés en voyeur d’une tragédie humaine que nous feignons tous d’ignorer à force de fusionner le lien social dans le lien économique et médiatique. Joël Pommerat pose d’emblée le contexte en insinuant, «regardez ce que nous avons fait de notre vivre ensemble». Il accentue le malaise quand une jeune femme s’approche du micro pour hurler son besoin vital de rêver, de se projeter, de faire appel à son imaginaire. Elle finit par dénoncer le silence des intellectuels et des politiques.
«Je tremble (1)» est une succession de tableaux, qui en disent long sur la déliquescence du lien social. Joël Pommerat allume les projecteurs, les éteint puis remet la lumière là où nous aurions bien remis une couche de paillettes. Avec empathie, il nous montre une souffrance à la fois intime et sociétale, loin du misérabilisme marchand de nos médias et de l’humanisme calculé de nos politiques. Ce modèle que nous co-construisons depuis une vingtaine d’années fait souffrir parce que nous ignorons «le vivre ensemble», nous enfermons l’autre dans une lecture comportementaliste, nous marchandons notre corps, nous censurons l’utopie. Il ressent notre impuissance alors que nous sommes habités d’intentions honorables (issus des idéaux de mai 68) mais qui ne peuvent plus rien face à ce modèle économique destructeur du lien social groupal. La force de Joël Pommerat est d’offrir un bel espace à l’expression de cette souffrance tout en suggérant, par sa mise en mouvement des mots et des corps, que nous pourrions imaginer un autre futur en nous appuyant sur le collectif comme force transcendante. Il positionne constamment le spectateur dans un dedans – dehors troublant, entre introspection, interpellation, mise à distance, dans un mouvement perpétuel entre le «moi» et le «nous», propice pour inventer nos utopies.
«Je tremble (1)» est la magnifique fresque d’un homme profondément à notre écoute. Joël Pommerat est un clinicien du sociétal, un peintre impressionniste d’une société déprimée.
Mais «Je tremble (2)» casse ce bel équilibre entre le «nous» et le «je». L’animateur du cabaret devient central et nous propose sa descente aux enfers, dans les entrailles du «mal». À partir de cette métaphore, Joël Pommerat met en lumières ses représentations du «mal» mais on finit par se perdre dans une confusion des niveaux logiques. Entre la scène du tribunal où les témoins sont corrompus, les petits meurtres entre amis, la mutilation du corps des femmes par soumission au désir des hommes, les trahisons dans le couple, le spectateur ne sait plus comment relier ces instantanés. Joël Pommerat met au même niveau des scènes du réel, d’autres plus symboliques où il questionne les paradigmes dominants. Mais on cherche la cohérence de l’ensemble. Le texte se désincarne, ne dit rien de bien nouveau comme si l’auteur et le metteur en scène n’étaient plus en lien, comme si le réel n’était plus transcendé. Joël Pommerat répète son propos en tentant de conceptualiser ce qu’il positionnait  auparavant sur un terrain beaucoup plus «résonnant». «Je tremble (2)» se refroidit sans qu’une pensée émergente puisse nous stimuler.
Comme beaucoup d’artistes, Joël Pommerat bute lui aussi à dessiner les contours d’une nouvelle société, d’un nouveau monde. Il semble tourner en rond et je me surprends à m’ennuyer.
«Je tremble (1)» se suffisait à lui-même. Le (2) n’est qu’un tremblement, là ou j’attendais la secousse.

Pascal Bély. www.festivalier.net

Je tremble” (1) et (2) de Joël Pommerat a été joué le 24 juillet 2008 au Festival d’Avignon.

 

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Emio Greco fait le spectacle. A côté.

La danse au Festival d’Avignon serait-elle condamnée? Après le consensuel Jan Fabre, le spectaculaire «Sutra» de Sidi Larbi Cherkaoui, voici Emio Greco et son «(purgatorio) POPOPERA», oeuvre dont je cherche encore l’articulation avec le projet des Directeurs du Festival d’Avignon : « solliciter l’intelligence du spectateur…respecter sa liberté de regard face aux spectacles…résister aux tentations de simplification qui nous entourent ». La danse n’aura donc pas cet honneur de me rendre moins réducteur.
Et pourtant. Ils sont beaux ces six danseurs dans ce purgatoire à se tenir groupé ainsi. Une superbe énergie, une danse impeccable dans l’ampleur des mouvements. Le rythme est entraînant et l’on basculerait presque sur sa chaise pour les accompagner vers le paradis. La musique de Michael Gordon ne démérite pas avec un son de guitare à la fois strident et mélodieux. On est tout autant attiré par cette belle mise en espace qui voit circuler en fond de scène une étrange dame brune puis blonde. L’image pourrait paraître idyllique, mais le purgatoire est aussi pavé de mauvaises intentions…
Les danseurs sont aussi guitaristes. Pour quoi ? Pour faire corps avec l’instrument ? Sauf que la guitare l’encercle. Elle danserait presque à sa place et l’ensemble patine sur ce sol si bien lustré. On quitte le purgatoire pour s’approcher tout doucement vers une danse «spectaculaire» dont le propos m’échappe. « POPOPERA » ne stimule en aucun cas mon intelligence : au mieux, elle l’endort par une esthétique irréprochable ; au pire, elle l’empêche de se déployer par une chorégraphie qui ne connaît que la diagonale sur scène et répète inlassablement les mêmes mouvements collectifs.
Le Festival d’Avignon a toujours positionné la danse comme un art porteur de sens, qui préfigure bien souvent l’évolution scénographique à venir dans le théâtre.
Cette année, elle ne précède plus.
Faute de nous éclairer, elle court après la mode.Pascal Bély – www.festivalier.net

“(purgatorio) POPOPERA” d’Emio Greco et Pieter C.Scholten a été joué le 20 juillet 2008 dans le cadre du Festival d’Avignon

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L’imposture Superamas.

Le collectif Franco-Viennois Superamas salue de loin le public et balance une vidéo comme générique final d’«Empire (Art et Politics)“. Les spectateurs bougent à peine, passifs. Il ne manque plus que les popcorns ou la part de pizza, c’est selon les goûts, pour se croire devant la télévision. Vision terrible d’une absence totale de réactivité face à une proposition présentée comme subversive alors qu’elle n’est qu’un enfilage de fausses perles disponibles au rayon bobo du BHV. Il me revient d’expliquer cette métaphore, seul refuge pour le blogueur de donner un peu de sens à sa posture de spectateur engagé, afin de dénoncer cette vision misérabiliste du théâtre.
L’idée de départ est séduisante et répond à un besoin de politique dans le spectacle vivant : comment se fabrique et se propage un empire? En reconstituant une bataille Napoléonienne (celle d’Aspern qui fit 40 000 morts pour rien, Français et Autrichiens revendiquant chacun la victoire) comme un vulgaire son et lumière, Superamas joue déjà avec les limites : ce n’est qu’un tournage de film. Je suis soulagé face à tant de médiocrité théâtrale. Les professionnels du cinéma apprécieront !
Mais ce n’est pas tout…L’ensemble des comédiens (dont le producteur de Superamas) est invité à fêter la fin du tournage chez l’ambassadeur de France (genre publicité pour les chocolats Ferrero Roche d’or). Les dialogues volent bas : nous sommes au coeur de la Sarkozie ! Le milieu culturel n’est pas épargné, de même que les professionnels de l’humanitaire. On sourit, mais la piètre qualité artistique du projet laisse perplexe. Pour en rajouter dans la subversivité, on nous impose un (long) film sur une expédition de Superamas en Afghanistan afin de rencontrer une cinéaste iranienne immergée dans la guerre.
On finit donc par se perdre dans ce dédale même si l’on comprend l’intention : la société du divertissement, alliée aux humanitaires médiatiques et aux professionnels de la culture asservis au pouvoir politique,  créée un empire d’une violence inouïe, générateur de guerres et de génocides. Soit. On peut adhérer au propos. Mais cela suffit-il à faire une oeuvre de théâtre ? Les moyens dont semblent disposer Superamas, la faiblesse esthétique de leur proposition, les positionnent au c?ur de cet empire. Il se dégage de l’ensemble une suffisance d’une gauche bien pensante. Pris à leur propre piège, il ne leur reste plus qu’à s’éclipser  une fois les lumières allumées pour éviter d’affronter un public de théâtre. Cette position obscène devrait suffire pour que le Festival d’Avignon cesse cette gabegie. Présents déjà l’an dernier avec « Big 3rd épisode » Superamas avait refroidi le public.
Guy, auteur du blog «
Un soir ou un autre » écrivait alors pour commenter mon article :
« Imiter ne suffit pas pour dépasser la sottise du modèle, manque la distance et autre chose de plus indéfinissable »
Superamas ne connaît que ce qui est défini. C’est leur façon de prendre le pouvoir sur le public et d’écraser l’utopie.
L’empire Superamas vacillerait-il ?

Pascal Bély
www.festivalier.net

“Empire (Art et politics)” de Superamas a été joué le 20 juillet 2008 dans le cadre du Festival d’Avignon.

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François Tanguy me largue en rase campagne.

À peine arrivé au Lycée Mistral d’Avignon, une jeune femme nous tend un épais journal de publi-reportages vantant la programmation du Centre National d’AngersFrançois Tanguy et son Théâtre du Radeau sont en résidence.
Gaspillage.
Plus tard, la bible de « Ricercar » inclut un texte de 25 pages sur dont je ne comprends rien. Pas grave. C’est de la poésie.
L’écrit n’est pas mon fort aujourd’hui, mais le théâtre devrait faire son oeuvre.
Avant même que débute le spectacle, mon voisin (et lecteur du Tadorne !) me fait remarquer que la scène a autant de profondeur que la longueur des gradins. « J’aime quand spectateurs et acteurs sont sur le même pied d’égalité ». Pas si sûr que cela soit vrai ce soir…
A l’issue des dix premières minutes, cette profondeur finit par m’engloutir. Noyé dans cette mise en scène où l’on voit défiler des corps vêtus de vieux habits et de longues robes, des chaises sur des tables, où glissent de longs panneaux du décor pour créer du mouvement. Le langage des comédiens est poétique, déstructuré et le plus souvent murmuré en Français, en allemand, voire même en italien. Car la musique sature l’espace et mes oreilles, alors que l’on balance un extrait de Beethoven, de Rigoletto et d’autres airs inconnus. Plus les personnages s’animent, plus je plonge dans un rêve éveillé, pendant que mon voisin somnole gentiment. Mon corps s’alourdit et je comprends vite que ce théâtre n’est pas fait pour moi. François Tanguy le confirme quand il déclare dans la bible du spectacle vouloir “chercher les fréquences propices aux circulations des résonances, rappelant de la pointe extrême du présent aux gestes peints dans les grottes, les plis et les ressorts de l’en commun des sens“. :( :( :(  ? ? ? « Ricercar » est donc un théâtre “fondamental”, comme me le rappelle dans la file d’attente une spectatrice avisée. Pour filer la métaphore, nous serions plus proche d’une recherche sur la physique des particules que d’une découverte transférable dans le quotidien.
À la sortie, je m’approche d’une spectatrice pour échanger avec elle sur ses ressentis. Elle se prête gentiment au dialogue. Elle n’a rien compris, mais s’est laissé porter par la poésie de l’ensemble.
Puis d’un air compatissant, me lance : « mais je ne peux rien faire de plus pour vous ».
Je suis définitivement largué.

Pascal Bély
www.festivalier.net

“Ricercar” de François Tanguy et le Théâtre du Radeau  a été joué le 21 juillet 2008 dans le cadre du Festival d’Avignon.

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FESTIVAL D'AVIGNON LE THEATRE BELGE! PAS CONTENT

Le théâtre sans objet de Benjamin Verdonck…

Trois jours après la première, la presse n’a pour l’instant rien écrit sur «Wewillliverstorm» du Belge Benjamin Verdonck. Serait-elle en panne d’écriture, d’inspiration ? Désintéressée ? Pour le blogueur, cette création aurait pu inspirer (à chacun son « je »).
Aurait pu…
Pour Benjamin Verdonck, les objets ont une âme comme le démontrait déjà son exposition au KunstenFestivalDesArts de Bruxelles en mai dernier. Elle avait laissé bon nombre de spectateurs circonspects. Au Festival d’Avignon, c’est sur scène qu’il nous invite à entrer dans un univers d’adolescent un peu attardé, sous l’oeil dubitatif de son vrai père, tandis qu’un musicien tire les cordes d’instruments pour le moins étranges. Avec «Wewillliverstorm », bienvenue en Verdonckie.
Je suis resté à la porte. J’ai bien tenté de regarder par le trou de la serrure : je n’ai vu que des objets manipulés par des ficelles où l’on passe de l’un à l’autre sans comprendre ce qui les relie à part le fétichisme de Verdonck et sa maîtrise d’un espace très personnel. En écoutant à la porte, je n’ai entendu qu’un son étiré de la scène au fond de l’église.
En forçant un peu la poignée pour entrevoir, j’ai observé la relation père-fils. Elle ne manque pourtant pas d’intérêt. Observateur la plupart du temps, il est transformé avec détermination par son fils, en objet statufié bancal. Je m’interroge encore sur l’espace choisi pour métaphoriser leur filiation. Benjamin se questionne à l’égard de son père. Soit…
«Wewillliverstorm » est un espace de résonances pour Benjamin. Pour être resté si loin, il devait l’être également pour moi…

Malgré tout, dans la « bible » distribuée à l’entrée, Benjamin Verdonck ne dit rien de tout cela et semble nous prendre de haut quand il écrit :
« C’est un spectacle sans paroles
mon père et moi, nous sommes debout en scène
mon ami le musicien est assis sur le côté
il y a beaucoup de bricolages qui bougent avec des ficelles
nous ne parlons pas
il n’y a pas d’histoire non plus
c’est joli à regarder
»
Même pas.Pascal Bély
www.festivalier.net
“Wewilllivestorm” de Benjamin Verdonck  a été joué le 20 juillet 2008 dans le cadre du Festival d’Avignon.Un extrait vidéo ici.

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Au Festival d’Avignon, Stanislas Nordey, dépassé par le système.

Cinq heures, trois actes et une évidence : je n’aime pas être caressé dans le sens du poil. Cela me donne des démangeaisons.
« Das System », de l’auteur allemand Falk Richter, mise en scène par le Français Stanislas Nordey, est une immersion dans « un théâtre politique de notre époque », celle des images en boucle de l’effondrement des tours du World Trade Center, celle où les Allemands ont envoyé leurs militaires en Afghanistan. Alors que nous vivons une dépression économique, sociale et écologique, Stanislas Nordey nous balance un texte sur la guerre en Irak, contre Bush, à partir d’un triptyque qui voit se succéder un pamphlet anti-américain, une fable et une fiction percutante sur le consulting moderne.
Face à l’agression des Américains, Nordey répond sur le même registre (quelle paresse…): pas d’image (adieu le théâtre post-moderne), corps quasi statique (à l’exception d’une danse ridicule et sans objet sur un air de Françoise Hardy; les américains, eux, cachent le corps des morts) mais surtout un texte d’une violence inouïe (les faucons de Bush ont la même rhétorique).
Les comédiens (tous exceptionnels) semblent jouer sous la contrainte d’un metteur en scène tout puissant qui leur fait débiter des mots ciselés, sans autre échappatoire que de nous regarder longuement dans les yeux, de faire un petit tour par l’arrière-scène ou de se coucher pour en finir. La durée assomme car, sous couvert de changer la forme du propos, il nous répète à trois reprises la même chose: putain d’américains, salope de Merkel, connards de consultants d’entreprise. En prime, une petite fable sur l’homme dépendant de sa voiture qui fait les courses à sa place! Et comme si cela ne suffisait pas, on fait dire des paroles d’adultes à un enfant. Éthiquement contestable.
Le plus inquiétant dans cette proposition, c’est qu’elle utilise les mêmes armes du système dénoncé: mise en scène verticale, approche manichéenne du monde (la complexité n’effleure même pas Nordey qui se contente de coller au texte de Richter. J’ai rarement vu un metteur en scène aussi dépendant d’un auteur!), approche culpabilisante (« nous savons ce que vous ne pouvez pas savoir»). Cette approche géopolitique bipolaire (les gentils et les méchants… Sur ce registre, « Les guignols de l’Info » sont plus drôles) confortent les spectateurs de gauche dans leur vision bloquée d’un monde bien plus lisible quand il n’y avait que l’Est et l’Ouest. Nordey pense que le théâtre politique est l’espace pour exprimer la colère. Cela le conduit à répéter inlassablement la même mise en scène quelque soit le contexte (à lire ma critique sur « Gênes 01 » sur l’assassinat d’un manifestant lors du sommet du G8 en 2001). Soit. À ce rythme, il nous proposera demain, avec son décor dépouillé, ses rampes de lumières, ses acteurs mortifères, la dénonciation de la gauche socialiste française de 2007!Sauf que le monde va bouger bien plus vite que la pensée linéaire de Falk Richter.  À peine dénonce-t-il Bush que les Américains s’apprêtent peut-être à voter pour un candidat noir. À peine décrit-il la toute puissance de la voiture dans une de ses fables, que le pétrole cher va obliger toutes les sociétés à revoir leur dépendance aux énergies ; à peine évoque-il le modèle dictatorial de l’entreprise, qu’émerge ici et là des assemblées d’actionnaires avides de démocratie et où la crise des subprimes fait vaciller le système. À coller à l’actualité, Richter et Nordey font comme les chaînes d’information continue: des images en boucle, une incapacité à prendre de la hauteur pour nous offrir un nouveau paradigme.
« Das System » est un théâtre de texte inscrit dans un modèle sociétal archaïque. Il empêche le spectateur de penser par lui même, de créer son propre système de représentation. La fonction du théâtre politique consiste à dépasser les clivages tout en dénonçant les barbaries ; à ouvrir l’espace de l’imaginaire dans lequel chacun va pouvoir se projeter dans une utopie.
Oublions donc ce théâtre de sensations et souvenons-nous. C’était à Avignon, l’été dernier. « Le silence des communistes » mis en scène par Jean-Pierre Vincent à partir d’un dialogue entre Vittorio Foa, Miriam Mafai et Alfredo Reichlin. Trois comédiens exceptionnels ont incarné un syndicaliste et deux anciens responsables communistes s’interrogeant sur l’avenir de la gauche italienne en période Berlusconienne. Ce fut un triomphe, un moment inoubliable de théâtre qui a redonné aux citoyens de gauche un espoir dans la refondation (cette pièce sera en tournée à partir de l’automne 2008) :

« Notre avenir est incertain, mais peut-être que l’incertitude, personnelle et collective, est la condition dans laquelle nous devons nous habituer à vivre » Myriam Mafai.

« Je suis toujours plus convaincu qu’il y a quelque chose de plus important que la redéfinition de la gauche à travers son identité présumée : il faut chercher une identité nouvelle, ouverte sur des thèmes qui vont au-delà de notre monde politicien. Pour réformer la res publica, nous devons avant tout nous réformer nous-mêmes. Commençons par le langage . » Vittorio Foa

Pascal Bély – Le Tadorne

 «Das System» par Stanislas Nordey a été joué le 18 juillet 2008 au Festival d’Avignon.

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Au Festival d’Avignon, Jan Fabre, normé ISO 9000.

Je suis au premier rang et j’ai le nez dans le décor d’ « Another sleepy dusty delta day », dernière création du chorégraphe plasticien Jan Fabre. Des monticules de charbon sculptés par un circuit de trains miniatures sont disséminés sur scène. Du plafond pendent des oiseaux. L’ambiance est quelque peu mortifère et le contexte n’est pas propice pour ouvrir leurs cages. De jaune vêtu comme les volatiles enfermés, Ivana Jozic s’approche du micro pour lire une longue lettre qu’elle déplie délicatement. Le bruit du papier caresse mes oreilles comme un secret prêt à s’ouvrir. Elle nous prédit son prochain suicide, en haut d’un pont. Le texte est limpide, glacial. Le corps parle peu, mais la voix se met à chanter « Ode to Billie Joe » de Bobby Gentry. Cette chanson évoque un repas familial où la mère annonce le suicide de Billie Joe d’un pont. Elle entre en résonance avec la vie de Jan Fabre qui a perdu sa mère dans d’horribles souffrances. C’est ce saut dans le vide qu’Ivana Jozic danse, où le corps devrait se dissoudre dans la matière. Sauf que la chute se fait sur un trampoline, sans risque, pour un public conquit d’être guidé vers une mort qu’on effleure.
Jan Fabre a du mal à admettre que sauter d’un pont, cela fait mal et éclabousse. Pour éviter d’y aller, il fait diversion : la bouteille de bière qu’elle se met dans la culotte pour uriner comme un mec (on aurait pu imaginer autre chose que ce touche pipi ridicule), les allusions à des slogans publicitaires. D’autres scènes viendront ponctuer cette chorégraphie où cette petite fille s’amuse à jouer à l’obscène: le charbon est touché, mais elle se salit à peine. Où est donc la dissolution avec la matière ? « Another sleepy dusty delta day » me donne l’étrange sensation d’un tableau que l’on peint la tête ailleurs, où le modèle ne cesse de bouger joliment pour éviter que l’on remarque un bouton disgracieux.
Jan Fabre est donc pardonné de ces outrances du Festival 2005, année où il fit scandale avec sa programmation.
Il n’y a donc rien d’étonnant à applaudir cette belle danse : elle est de qualité. On pourrait néanmoins attendre une autre vision que ce saut qui ne tombe pas.
Désolé pour la chute, mais elle ne vient pas.

Pascal Bély
www.festivalier.net

 «Another sleepy dusty delta day» de Jan Fabre a été joué le 16 juillet 2008 au Festival d’Avignon.

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Au Festival d’Avignon, Roméo Castellucci n’entend rien.

« Je m’appelle Roméo Castellucci ». L’homme s’habille, enfile une combinaison. Une meute de chiens se jette sur lui. Bienvenue dans l’«Inferno» de l’artiste associé du Festival d’Avignon 2008. Sur l’immense scène du Palais des Papes, j’assiste pendant plus d’une heure et cinquante minutes à une divagation nombriliste, tachetée de quelques références au texte de Dante, parsemée de beaux effets, pour ne retenir finalement qu’une performance. Nous sommes loin d’un théâtre qui éclaire sur le monde, mais recentré sur le petit territoire de l’artiste (aussi joli soit-il). «Inferno» sonne terriblement creux, mais c’est une œuvre en phase avec son époque où la forme est une «pensée». Avec Roméo Castellucci, Nicolas Sarkozy, Silvio Berlusconi et Hu Jintao peuvent dormir tranquilles.

«Inferno» est une succession de tableaux sur l’univers artistique de Roméo Castellucci. Après les chiens, un homme escalade la façade du Palais pour atterrir sur le toit (à noter le silence du public sidéré par l’exploit). Il pourrait dominer le monde, nous montrer ce que nous ne pouvons voir. Arrivé là-haut, il balance un ballon de basket à un enfant. Consternant.
Une troupe d’hommes et de femmes arpente la scène où chacun finit par zigouiller un proche. L’enfer, c’est les autres.
La bande-son ? Des bruits d’accidents de voiture. La torture en Chine, la dictature en Birmanie, l’enfer médiatique, ne doivent pas faire assez de tapage pour les oreilles manifestement obstruées de Castellucci.
Quoi d’autre ?
Des gosses enfermées dans un caisson transparent. La crèche, c’est l’enfer surtout pour les parents qui n’y trouvent pas de place pour leur cher chérubin.
Un piano qui brûle (référence à Dante j’imagine…les vrais rockeurs, eux, balancent leurs guitares).

J’oubliais Andy Warhol qui sort d’une voiture broyée (spot pour la prévention routière ?) pour signifier sa descente aux enfers. Quand l’art contemporain occupe la scène pour écraser les comédiens.
Imparable.
Stop.
Les images s’accumulent et je cherche toujours le propos. Roméo Castellucci est un homme libre, il a le panache de celui qui sidère par les formes. Il s’est affranchi de Dante pour explorer ses pistes. De cet espace de liberté exceptionnel, il n’en a rien fait. Le Festival d’Avignon a perdu une belle occasion de faire un peu de raffut alors que la démocratie vit des temps troublés en France, en Europe et dans le monde.
Au cours d’ «Inferno», me revient une image. Celle de Daniel Cohn Bendit apostrophant Sarkozy au Parlement Européen : «Vous êtes minable d’aller à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques ».
À mon tout petit niveau, je me suis senti un peu minable de payer 30 euros pour le spectacle raté d’un enfant gâté du Festival.

Pascal Bély – www.festivalier.net

 © Christophe Raynaud de Lage.

«Inferno» par Roméo Castellucci a été joué le 12 juillet 2008 au Festival d’Avignon.

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La « rhangardise » du Festival de Marseille.


Cela ne peut continuer ainsi. Il est temps pour le Fes
tival de Marseille d’arrêter la gabegie et de passer à autre chose. Chronique d’une mort annoncée pour renaître autrement…« Zeitung », chorégraphie d’Anne Teresa de Keersmaeker, est au programme de ce dimanche soir. Cette année, le festival nous donne rendez-vous au Hangard J 15 du Port Autonome, inaccessible en voiture! Deux possibilités pour s’y rendre : le bus ou le bateau. Métaphore d’une divagation possible entre terre et mer, je me prête à l’exercice, comptant sur cet espace pour lâcher-prise et découvrir peut-être un nouveau champ artistique.
19h30. Le bateau amarré au Vieux-Port embarque les passagers – spectateurs. Quarante minutes d’une traversée qui symbolise l’intention de ce festival, son rapport à la ville et son projet politique. À peine avons-nous quitté notre port d’attache, qu’un homme au micro évoque le passé du Vieux-Port, le présent et le futur du Port Autonome de Marseille, inscrit dans l’ensemble « Euroméditérannée ». Il n’en faudrait pas beaucoup pour que l’on salue le bilan de Jean-Claude Gaudin.
Arrivé à quai, je m’étonne : des transats, des tapis posés à terre et des barrières pour délimiter l’espace, vigile en embuscade. Avec des amis, nous prenons notre pique-nique. Je suis stupéfait d’être parqué ainsi. J’y vois une métaphore : une fois de plus, le public est déconnecté de la ville. Je suis dans une réserve d’Indiens et le projet culturel de Sarkozy trouve ici sa traduction : marginaliser, isoler les amateurs d’art, réduire leur possibilité d’interactions pour progressivement réserver le spectacle vivant à une élite de « bobos ».
Mais ce n’est rien à côté de ce qui nous attend à l’intérieur du hangar : c’est un déluge de communication à la gloire du Port Autonome de Marseille (qui doit bien avoir besoin de redorer son blason alors qu’il perd chaque année sa place dans le palmarès des ports européens). L’aménagement a coûté manifestement de l’argent pour au final donner des conditions d’accueil inacceptables pour les artistes et le public. Plus de 35° à l’intérieur, bruits métalliques incessants, public indiscipliné. L’espace est inapproprié : doit-on une fois encore rappeler à Apolline Quintrand, directrice du Festival, que la danse est un art fragile. Qu’importe. Chaque année, elle reproduit le même schéma : c’est la communication d’entreprise qui impose la relation entre l’oeuvre, son environnement et le public. Celui-ci de plus en plus indiscipliné consomme de la culture (après tout, c’est le seul positionnement qui lui est proposé). L’art n’est qu’un faire-valoir pour promouvoir un micro territoire et des intérêts exclusivement économiques. Je n’ai quasiment rien vu de « Zeitung », écrasé par la chaleur, dérangé constamment par le bruit, démoralisé par tant d’irrespect. Quelques jours plus tard, le même scénario se répète : le public est convoqué à l’autre bout de la ville au Théâtre Nono (à une heure du centre). Le spectacle prévu à 22h, commence avec 30 minutes de retard pour attendre le public pris dans les bouchons !

Mais je devine la suite pour 2009: Apoline Quintrand nous baladera à nouveau pour en rajouter sur le « sens » caché de ces vagabondages et regretter les espaces passés qu’elle a elle-même imposés. Sauf que cette fois-ci, cela se fera sans moi. À moins qu’une nouvelle direction soit donnée à ce festival.
Treize années après sa création, il n’a pas trouvé sa place sur la scène culturelle française et internationale. Il ne fédère pas sur la ville, car quasiment inconnu de la population. Son projet est faible au regard des courants artistiques émergents qui traversent le spectacle vivant. Plus proche d’une approche bourgeoise de l’art, il suit le mouvement plus qu’il ne le précède.
Le Festival pourrait être un outil de maillage entre toutes les structures culturelles de la ville : créer de nouvelles reliances entre les acteurs professionnels et le public (faciliter des liens plus transversaux), promouvoir de jeunes talents locaux, diminuer les charges de fonctionnement (en diffusant les spectacles dans les salles déjà existantes) et accompagner des formes artistiques pour investir dans l’économie de l’intelligence. Faire en sorte que la programmation ne soit plus aux mains d’une seule équipe monolithique dans ses origines sociales, mais une co-construction entre plusieurs partenaires issus des quartiers de la ville. L’idée est de doter Marseille d’un Festival qui relie les territoires plutôt que de les isoler à partir d’oeuvres artistiques qui travaillent le lien entre couches sociales. Cela préparerait Marseille à affronter les défis majeurs de la globalisation. Tout un programme pour être à la hauteur en 2013 dans le cas où Marseille serait capitale européenne de la culture.
Si rien n’est fait, le Festival disparaîtra de lui-même, faute d’un projet global. Les valeurs marchandes qu’il promeut l’isoleront dans la sphère de la communication d’entreprise qui, jusqu’à preuve du contraire, n’a jamais produit du sens et éclairé la société.
La parole est maintenant aux artistes qui, pour reprendre les propos du philosophe Bernard Stiegler dans la revue Mouvement, doivent « participer à l’avenir du pays» :
«Il faut cesser d’opposer la technologie, l’industrie et la modernité à la culture… Il faut se battre pour que la culture vienne au coeur de la lutte économique…Je me bats beaucoup pour la renaissance des figures de l’amateur. Nous nous sommes habitués à avoir des publics de consommateurs : que le public consomme nos produits, et nous voilà satisfaits…Mais ce public, on a perdu toute relation avec lui, et c’est pourquoi ce n’est pas un véritable public. »

Pascal Bély – www.festivalier.net