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Loin du “bling bling” théâtral, le lycée Bellevue d’Albi et ses brillantes options.

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=ojB-BJDLONY&w=425&h=355]

Nos dirigeants semblent penser que l’éducation des jeunes français n’est pas une chose primordiale.
Chaque année les moyens attribués par l’Etat à nos établissements sont plus faibles.
Actuellement, devant la nécessité d’enseigner les matières obligatoires, dans des conditions toujours plus difficiles pour les enseignants comme pour les élèves, les moyens sont insuffisants pour maintenir les options facultatives dans notre lycée.
Ainsi dans l’état actuel des choses la section facultative des arts plastiques, l’option théâtre, le russe et l’italien LV3 vont être supprimés à la rentrée prochaine.
Nous avons réalisé deux vidéos qui doivent être diffusées le plus largement possible.
Nous faisons appel à vous pour faire passer le message à tout votre carnet d’adresses.
Il devient urgent que les français sachent dans quelle société ils vivent !

Les élèves du lycée Bellevue d’ALBI.

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« Gênes 01 » par Stanislas Nordey : la double peine.

C’est le dernier spectacle de l’année. Cela ne vous aura pas échappé : après le 22 décembre, tous les théâtres mettent la clef sous la porte, comme si l’art s’éclipsait pour laisser sa place aux fêtes du marché. Incompréhensible. C’est donc en Arles où je termine mes migrations avec «Gênes 01» de Fausto Paravidino, mise en scène par Stanislas Nordey. Au cours de la représentation, je fais quelques liens avec l’année écoulée. Fatal.
En 2007, j’ai rencontré avec bonheur le chorégraphe japonais Toshiki Okada au KunstenFestivaldesArts de Bruxelles avec « Five days in march ». En mai dernier, j’écrivais :
« 
Ils sont sept jeunes Japonais à nous raconter leur manifestation contre la guerre en Irak en mars 2003, prétexte pour nous immerger dans leur vie sexuelle et affective. À chaque mot, à chaque phrase correspondent un signe, une posture, un mouvement du bras, un sautillement du pied. Avec Toshiki Okada, le corps parle et c’est loin d’être un jeu de mots ».
Dernièrement, au Théâtre d’Arles, un groupe de jeunes Flamands de la Compagnie C de la B  avec « Import / Export » chorégraphiait le cauchemar de la mondialisation avec justesse, énergie et beauté.
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Ce soir, comment ne pas penser à ces deux spectacles tant ce qui m’est proposé est si contrasté? Six jeunes comédiens issus de la cinquième promotion de l’école du Théâtre National de Bretagne interprètent le texte de Fausto Paravidino écrit à la suite de la mort d’un jeune manifestant, lors du G8 à Gênes en 2001. C’est un « récit témoignage », une enquête à charge contre le pouvoir italien. À chaque phrase, les acteurs bougent leur corps comme des marionnettes tandis qu’un d’entre eux fait toujours les mêmes grimaces avec les mots. Le texte mitraille sans aucune respiration. Le décor est dépouillé, seule une rampe  éclaire les comédiens de chaque côté. Les corps ne transpirent pas, ne se touchent pas. Ils ne communiquent jamais entre eux. Sommes-nous au théâtre ou dans un cours d’art dramatique dont nous serions les juges ? Où veut en venir Stanislas Nordey avec cette gestuelle ? Mes affects ne répondent pas. Totalement en dehors. La jeunesse, sur scène, est donc sous contrôle : gestes millimétrés, mouvements en diagonale comme dans un jeu d’échecs, parole verticale. La mise en scène de Nordey est une mécanique répressive contre la vie, la créativité, l’avenir.
Le public d’Arles applaudit : il a ce qu’il est venu chercher. D’autres, interloqués, se demandent en descendant l’escalier, si le théâtre français peut encore inventer.
Question classique, mais inopportune.
Nous n’en avons pas d’autres.
Rideau.


Pascal Bély
www.festivalier.net

« Gênes 01 » par Stanislas Nordey a été joué au Théâtre d’Arles le 14 décembre 2007.

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Je n’irais pas voir Rodrigo Garcia.

Il doit être content. Le metteur en scène argentin Rodrigo Garcia fait l’actualité. Après le Festival d’Avignon 2007 où il nous avait proposé deux oeuvres assez ternes (dont une carrément nulle), il récidive au Théâtre du Rond-Point à Paris avec « Et balancez mes cendres sur Mickey ».  Via l’ANPE spectacle, 15 comédiennes intermittentes viendront à tour de rôle se raser la tête sur scène pour 200 euros. Métaphore de la précarité, chacun peut voir justement dans ce geste le processus d’humiliation, de lente reconstruction, le parcours de l’artiste à l’ère de la Sarkozy triomphante. Comme toujours avec Garcia, son théâtre s’accompagne d’une dénonciation provocante, parfois créative. Il rencontre un public complaisant pour lui pardonner son travail souvent bâclé, à l’écriture aléatoire et au mépris affiché envers les spectateurs.
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N’a-t-il donc rien à proposer que de toujours dénoncer avec les mêmes recettes d’un système qu’il condamne ? Certes, elles lui assurent la médiatisation du landerneau culturel, mais après ? Que reste-t-il ?  C’est un théâtre du « toujours plus », où les acteurs sont assimilés à une marchandise. Rien n’est transcendé, bien au contraire. Son théâtre clive entre ceux qui ont tout compris (de gauche en général), et ceux qui ont tort de s’indigner (souvent de droite). Il fallait entendre l’autre matin sur France Culture, la suffisance et la toute-puissance de Jean-Michel Ribes (Directeur du Rond-Point) face au chroniqueur du Figaro, Alain-Gérard Slama.
Mais où est le débat ? Où est la proposition, celle qui nous aiderait à se projeter dans un monde de plus en plus illisible et incertain ? Où est la créativité, le dépassement des clivages ? Rien. Nous en restons au même point : la mauvaise pensée de la droite face à la bonne conscience de la gauche.
Je n’irais pas voir Rodrigo Garcia. J’ai besoin de perspectives. D’un regard ouvert vers le futur que nous avons à construire collectivement, et non pour se réfugier dans l’univers d’un artiste qui a tout intérêt à nous rendre claustrophobe. 

Pascal Bély – Le Tadorne

Crédit photo: © Christian Berthelot

A lire sur “Un soir ou un autre“, le compte-rendu chez Mickey.
Les articles sur ce blog des oeuvres de Rodrigo Garcia:

Au Festival d’Avignon, la défiance envers Rodrigo Garcia.

Au Festival d’Avignon, Garcia se carbonise.

Rodrigo Garcia au Théâtre des Salins: attention produit périssable…

“L’histoire de Ronald, le clown de Mc Donald’s” de Rodrigo Garcia : à voir, à éviter, à méditer…

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Au Festival d’Avignon, la défiance envers Rodrigo Garcia.

Une tortue piégée, caméra vidéo sur le dos, essaye de s’échapper d’un enclos en plexiglas. L’image projetée sur grand écran a la qualité d’une émission de télé-réalité. Soudain, une jeune fille, à moitié nue, tête en bas, se cogne contre l’image pour tenter d’y entrer. Les premiers rires d’énervement montent du public alors que je m’émeus de la solitude de cette femme. Deux hommes arrivent, et posent des poules sur scène et sur son corps. Déboussolées d’être là (comme nous), elles cherchent où aller. Ils utilisent leurs ailes pour s’y cacher et faire l’autruche. La première denrée alimentaire, le lait, est répandu sur le plateau comme pour délimiter le territoire de la mondialisation. À trois, ils replantent sur du terreau des légumes déjà coupés, métaphore de l’absurdité d’une planète qui épuise ses ressources. Je décide d’entrer dans cet univers foutraque, pour y rencontrer ces trois comédiens aux gestes désarticulés, perdus dans ce nouveau monde. file-garcia-mefiance-3798-W.jpg

Bienvenue dans la deuxième création de Rodigo Garcia, « Approche de l’idée de méfiance » présentée au Cloître des Célestins. Mais l’intimité a des limites. Très vite, le discours anti-européen refait surface, les accusations contre ses citoyens reviennent comme une rengaine (« nous sommes aisés ; comment pourrions-nous aider les peuples dans le besoin ? »). Ses approches binaires de l’état du monde se répètent et je ressens le mépris de Garcia à l’égard des spectateurs « compromis ». Cette façon verticale d’interpeller, culpabilisante, rend le public quasiment muet à la fin du spectacle. Pour ma part, je finis par n’éprouver qu’une distance polie et le dernier tableau où le trio patine dans le miel (qui n’est pas sans rappeler « Quando l’uomo principale è una donna» de Jan Fabre où danse dans de l’huile d’olive une femme nue) les conduit sur la pente glissante de l’imposture.

À la sortie, je tente un dialogue (impossible) avec certaines spectatrices qui trouvent chez Garcia de quoi conforter leur vote contre la constitution européenne de 2005. La discussion tourne en rond. Le clivage n’est plus entre la droite et la gauche, mais entre une conception ouverte de l’Europe dans la mondialisation et une approche fermée, verticale, repliée sur des dogmes usés. Garcia joue sur ce clivage : il croisera toujours un public paresseux pour gober ce prêt à penser.

Pascal Bély
www.festivalier.net

« Approche de l’idée de méfiance » de Rodrigo Garcia a été joué le mercredi 25 juillet 2007 dans le cadre du Festival d’Avignon.

Crédit photo: © Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon

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Au Festival d’Avignon, “Claire” de René Char, vachement lourd…

Alors qu’une vidéo projette sur les comédiens un troupeau de vaches, une spectatrice ose faire « meuh, meuh? ». « Claire » de René Char, mise en scène par Alexis Forestier, finit par agacer une partie du public, lassé par tant de prétentions. Comme avec Frédéric Fisbach et ses controversés « Feuillets d’Hypnos », Alexis Forestier pense jouer René Char en ajoutant de la poésie à un texte qui n’en manque pas. À ce jeu-là, il faut avoir beaucoup de talent, illustrer le texte par une puissante présence d’acteurs « poètes » et utiliser avec parcimonie la métaphore pour ne pas alourdir le propos. Ici, rien de tout cela.
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« Claire » est une juxtaposition de scènes où les guitares saturent, les corps s’affaissent dès que l’on s’improvise danseurs. La scénographie (lumières, décors, mouvements sur le plateau) est incapable de restituer l’atmosphère particulière portée par la figure symbolique de Claire, femme et rivière à la fois. Le plus troublant est le jeu des acteurs plus proche d’une thérapie de groupe que d’une troupe de théâtre ! Comme avec Fisbach, les mots de René Char sont systématiquement appuyés par des effets de scène provocants, lourds, grossiers : plus c’est beau, plus les acteurs en font trop. À ce rythme, je perds le texte de Char, le contexte dans lequel il a été écrit (la résistance) et je finis par me concentrer sur le pianiste, seul musicien manifestement habité par la poésie. Ce texte est vache, mais je suis fatigué d’être pris pour un mouton.

Pascal Bély
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 « Claire » par Alexis Forestier a été joué le 25 juillet 2007 dans le cadre du Festival d’Avignon.

Crédit photo: © Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon

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Au festival d’Avignon, la perte du sujet.

« Le sujet à vif » est un festival au sein du festival. Un danseur commande un solo à un chorégraphe et le résultat est souvent étonnant. L’an dernier, Olivier Dubois avec « Pour tout l’or du monde » avait enchanté ce public exigeant. Cette année, c’est Julie Guibert qui fait l’évènement avec « Devant l’arrière-pays ». Trois autres propositions sont programmées, mais semblent à côté du projet.
« Take it away » dansé par Andréya Ouamba est une longue déambulation, sans but précis, comme l’écrit le chorégraphe Opiyo Okach : « Nous partageons le même intérêt, le même désir d’improviser, de se confronter et d’habiter le vide, d’ouvrir une fenêtre sur nos espaces et histoires intérieures ». Je reste circonspect sur le résultat : qu’ais je vu ? Le vide. Où est le projet ?
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« À nous deux » dansé par Dominique Uber et chorégraphié par Fanny Chaillé est un pari puisqu’elles sont ensemble sur scène. On hésite entre l’indulgence et la consternation. Dans la première hypothèse, nous pourrions y voir le lien fragile, empreint de timidité, entre deux artistes aux statuts différents. C’est pauvre artistiquement comme une relation qui ne peut s’épanouir. Soit. Dans l’autre cas, rien n’empêche d’y déceler une chorégraphie « baba cool » (des années 70) où deux femmes découvrent leur homosexualité. C’est assez fleur bleue et le message politique (l’une crie des mots, l’autre la bâillonne d’une main) est à répertorier dans l’histoire du féminisme. Bref, un duo daté pour une danse sans beaucoup d’intérêt.
« La descendance », « dansée » par Yves-Noël Genod et « chorégraphiée » par sa compagne, l’écrivaine Hélèna Villovitch est un monument du kitch, du mauvais goût et de la bêtise facile. Ici aussi, c’est une proposition déjà vue et sans risque ! Il est sur scène, pantalon descendant et bite à l’air. Il débite des phrases toute faîtes sur le milieu culturel (qui font toujours marrer le public), s’en prend à Warlikowski qui présente dans la cour d’à côté, « Angels in América ». Pendant ses déambulations, une comédienne bouffe des courgettes et du bambou pendant qu’un gosse, se croyant à la fête de l’école, nous propose ses pitreries. A la fin, Hélèna Villovitch offre une part de gâteau aux spectateurs du premier rang. C’est une provocation à l’égard de la manifestation (quitte à choisir un chorégraphe, « je propose ma femme »). Je pourrais en rire. Sauf que le contexte ne s’y prête pas du tout. Sarkozy et son équipe de néolibéraux se délecteraient d’un tel spectacle (il y a toute la pensée réactionnaire de la droite). D’autre part, en insultant certains artistes (ceux qui finalement ont usés de la provocation comme forme artistique), en se moquant des institutions, Genod nous vomis dessus. Il faut être très naïf pour y voir « une critique du milieu » (phrase glanée à la sortie). Désolé, mais je ne suis pas d’humeur à supporter l’insulte surtout avec si peu de talent (n’est pas Gainsbourg qui veut). Genod joue avec les institutions (fragiles). Il n’y a plus qu’à espérer qu’elle lui présente une note de frais pour avoir abîmé le bambou du jardin de la vierge du Lycée Saint-Joseph.
En quittant les gradins, j’ai renvoyé sur scène une assiette en carton. Le geste est à l’image de ce que je suis devenu à l’issu du spectacle: pas très malin.
Pascal Bély
www.festivalier.net

 « Take it away » d’Opiyo Okach a été joué le 21 juillet 2007 dans le cadre du “Sujet à vif”.

« À nous deux » de Fanny Chaillé a été joué le 21 juillet 2007 dans le cadre du “Sujet à vif”.

 « La descendance » d’Hélèna Villovitch a été joué le 21 juillet 2007 dans le cadre du “Sujet à vif”.

Crédit photo: © Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon
 (pourquoi n’existe-t-il aucune photo pour Genod??)

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Le Festival d’Avignon, espace d’expérimentation raté du futur “104” de la Ville de Paris.

La Maison Jean Vilar propose deux expositions: au rez-de-chaussée, un espace est dédié à Fréderic Fisbach, l’artiste associé. Au premier étage, une installation pour célébrer le 60e anniversaire du Festival d’Avignon par une jolie série de portraits suspendus dans le temps et la projection d’un film sur Jean Vilar. Entre les deux, un escalier. C’est tout. Pas de pont, ni de passerelles. La Maison est fragmentée. Pourtant, Fréderic Fisbach est un conteur d’histoire (il aurait pu au moins nous raconter son parcours de festivalier au fil du temps). Il préfère accrocher sa prose dans des cadres vissés au mur, mettre un lit au centre (pour s’y coucher? Devant tout le monde?). Une installation nous permet de marcher sur des petits coussinets en caoutchouc et nous asseoir (ou s’allonger) pour écouter avec des casques les explications de Fisbach sur la genèse de ses pièces, sur ses tournées…L’endroit est idéal pour se reposer, mais vide de tout contenu. Quel peut bien être le sens de cette installation qui ne relie rien, ne suggére rien si ce n’est de la radio en conserve? En sortant, je suis un film sur la construction du “104” (un lieu d’art pour tous de la ville de Paris). Aucun intérêt. Aucun.
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Je quitte la Maison Jean Vilar pour le gymnase du lycée Mistral où Robert Cantarella (co-animateur du futur 104!) propose “Hyppolyte” de Robert Garnier . La jauge est minuscule (à peine 50 spectateurs). En entrant, j’ai la surprise de me trouver à nouveau dans un appartement (après le loft dans “Les feuillets d’Hypnos et le plumard de la Maison Jean Vilar, je me lasse de cette proximité!). Quelques casques sont posés sur les sièges, mais pas assez pour tout le monde (on y écoute la voix des acteurs accompagnée par une guitare électrique). Le musicien est d’ailleurs présent devant son ordinateur (je ne verrais jamais son visage) et un technicien filme la pièce (où il sera possible de la visionner sur grand écran dans une salle adjacente!). Vous l’aurez compris, nous sommes face à un déluge de moyens. Mais servent-ils au moins une recherche autour du théâtre? Donne-t-il au texte de Garnier (c’est une langue du 16e siècle) une force, une méta- compréhension… À moins qu’ils ne permettent aux comédiens de poser un contexte si porteur qu’ils innoveraient dans leur jeu sur scène (ou sur le lino, c’est au choix)?

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Rien de tout cela. “Hyppolyte” est ennuyeux, mal interprété (Nicolas Maury, déjà remarqué dans “les feuillets” est toujours aussi insupportable à écouter), où les objets de la vie moderne (un micro-ondes) ne servent strictement à rien si ce n’est à occuper un espace laissé vide par des comédiens qui clame leur texte avec application (c’est quand même une performance). Ils sont desservis par une mise en scène clostrophobique, entravée par le mobilier d’Ikea et surtout gêné par la présence d’un chien qui se contente de leur courir après (le sens m’échappe à la même vitesse que l’animal). Fatigué par ce théâtre prétentieux, je ne pense qu’à partir. Impossible. J’ai peur du chien et cela se voit. Je me contorsionne, ouvre un livre, penche la tête en avant, en arrière. Je souffre. Et j’ai toujours peur de ce chien pas du tout sympathique. Pourquoi n’ai-je pas de casque? A quoi rime cette discrimination? Mes questionnements volent haut…
Ainsi, je deviens le spectateur-acteur dont rêve tant Fréderic Fisbach.
En partant, je n’ose pas lui dire à quel point je me suis trouvé convaincant dans mon rôle.
Je cavale vers la sortie de peur de tomber sur le maître-chien.

Pascal Bély
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“Hyppolyte” par Robert Cantarella a été joué le 20 juillet 2007 dans le cadre du Festival d’Avignon.

Crédit photo: © Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon

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Au Festival d’Avignon, Superamas superpose.

Au gymnase Aubanel, le collectif franco- autrichien Superamas propose dans une indifférence polie “Big 3rd episode”. Cela aurait pu faire l’événement tant le style de cette proposition est étonnant, mais je cherche encore sa finalité. Je n’oublie pas que nous sommes au Festival d’Avignon.
Tout commence par une jolie chanson et les frontières se brouillent déjà. Certains spectateurs tapent dans les mains, d’autres ne bougent pas dans l’attente qu’il se passe quelque chose. Entre fond et forme, je choisis de rester à ma place: j’observe et je n’ai nullement envie de me laisser manipuler par des effets de style plutôt vains alors que je suis matraqué en longueur de journée par la publicité et autres pressions médiatiques bien pensantes. Superamas, collectif composé de quatre jeunes hommes et quatre (très) belles filles entreprennent donc de nous aider à réfléchir sur les vanités de notre époque. Pour cela, ils jouent en play-back les dialogues débiles de séries américaines qu’ils répètent, entrecoupées d’un film où le psychiatre Boris Cyrulnik évoque le lien amoureux dans le couple, d’un feuilleton sur la tournée américaine du collectif pris dans les filets d’une secte, d’un texte de Jacques Derrida. Ce zapping vise à brouiller les pistes (où sont le réel, la fiction, le médiatique, le théâtre?), à mettre en réseau des champs artistiques habituellement cloisonnés.

Mais Superamas se piège lui-même: pour dénoncer la perte du sens de nos sociétés marketing, il utilise les mêmes ficelles qui justement nous le font perdre! Big 3rd episode propose une belle scénographie qui fait écran (c’est le moins que l’on puisse dire) à une réflexion globale sur la place de l’art dans un monde globalisé, en perte de repères idéologiques, où la philosophie ne sert même plus à élever les consciences. En ouvrant pour multiplier les angles de vue, Superamas pense que  le spectateur peut tisser lui même les liens porteurs de sens. Outre le fait qu’il surestime nos capacités de reliance dès que nous sommes happés par des jolies formes (sic), il suggère peu pour dépasser le paraître et la vacuité de l’esthétique. À eux seuls, Cyrulnik et Derrida n’ont jamais fait une oeuvre d’art, même reliés dans un réseau créatif!
Il ne suffit donc pas de dénoncer joliment, encore faut-il créer ces sublimes transpositions qui font parler d’elles, au-delà du Festival d’Avignon.

Pascal Bély
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Big 3rd episode de Superamas a été joué le 20 juillet 2007 dans le cadre du Festival d’Avignon.

Crédit photo: © Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon

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Au Festival d’Avignon, “L’échange” poussiereux de Julie Brochen.

Le Cloître des Célestins accueille Julie Brochen et son Théâtre de l’Aquarium pour « L’échange »  de Paul Claudel. Le décor fait de planches, de bidons, de tapis et de linges étendus sur une corde, évoque la précarité. En fond de scène, un étrange musicien (Fréderic Le Junter), crée un environnement sonore à partir d’instruments pour le moins originaux, tel un scaphandrier plongé dans les profondeurs obscures de la musique contemporaine. À lui seul, il va donner à cette pièce ennuyeuse les raisons qui justifient sa programmation dans le Festival d’Avignon. Car, pour le reste…
Deux couples (Marthe – Louis Laine / Thomas Pollock – Lechy Elbernon), socialement et culturellement différents, vont s’affronter lors de jeux de séduction et de pouvoir, où alliances et coalitions brouillent les cartes pour mieux les redistribuer. L’argent sert de monnaie d’échange pour posséder l’autre, mais conduit le quartet à sa perte. Nous sommes au coeur d’une tragédie jouée avec les rites d’un opéra à partir d’une mise en scène aussi lourde que le poids d’un secret. file-3955W.jpg
J’attends patiemment que la pièce se termine pour quitter au plus vite cet espace clostrophobique. Tout est incohérent : à l’intensité du drame, Julie Brochen y répond par une distance physique incompréhensible entre les acteurs (la scène est si longue que notre regard ne suffit même pas pour suivre les liens). Tout se joue aux extrémités du plateau, rarement au centre, d’où l’étrange sensation que l’oeuvre s’incarne « à la marge ».  Le Cloître est utilisé pour produire des effets « sensationnels » en totale contradiction avec le décor comme si Julie Brochen hésitait entre une scène de théâtre et l’espace d’un opéra ! Dans le rôle de Lechy, l’actrice Cecile Péricone habite laborieusement le rôle de la rivale réduite, par des effets de voix appuyés insupportables, à une méchante commère. Les autres rivalisent de gesticulations pour donner de la consistance, mais je les ressens vide de l’intérieur. Ce quartet ne fonctionne pas : je ne vois ni les couples, ni les amants. J’assiste à des chemins parallèles qui ne croisent jamais. Le tout est tellement à distance que mes affects le sont aussi, restreignant mon écoute aux mots de Claudel, noyés dans le jeu rigide des comédiens.
Le tout est figé, ampoulé, ennuyeux comme un repas dans une bonne famille bourgeoise. J’entends le travail de Julie Brochen, mais je ne trouve pas d’engagement chez les acteurs comme s’ils étaient à côté pour scruter les réactions du public à leur jeu égocentré.
« L’échange » s’avère être une pièce à sens unique. J’ai connu des théâtres plus circulaires.
Pascal Bély
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« L’échange » par Julie Brochen a été joué le 16 juillet dans le cadre du Festival d’Avignon.

 

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Au Festival d’Avignon, Char écrasé, Fisbach dissocié, public complice.

J’arrive dans la Cour d’Honneur. Le choc. Alors que le public s’installe comme si de rien n’était, je scrute le décor des « Feuillets d’Hypnos » de René Char mis en scène par Frédéric Fisbach avec angoisse et déjà colère. Imaginez, un long loft, quasiment dessiné par la production de TF1, sur la scène d’un lieu mythique. Cette imposante baraque, avec ses appartements, sa place, ses petits gradins, envahit toute la cour. Fisbach se fout du passé. Il l’écrase de sa suffisance et de son bon droit d’artiste associé du Festival d’Avignon, à l’image d’un directeur des programmes d’une chaîne publique qui n’a que le vocable « audimat » comme argument. Mais personne autour de moi pour s’en émouvoir. J’ai envie de vomir. La suite va confirmer mon dégoût…
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Deux centre trente-sept feuillets, poèmes, de René Char se mettent en scène dans cette ambiance trash. Les comédiens dégueulent leurs mots (mention toute particulière à Nicolas Maury, caricature de lui-même), gesticulent, prennent une douche, aboient. Ils déconstruisent les vers de René Char, les rendent quasiment incompréhensibles. Une entreprise de démolition est en marche. René Char, l’enfant du pays, le résistant est ridiculisé, avec l’accent. Je commence à protester. À côté de moi, la clameur monte, mais la présence des proches des amateurs nous empêche d’aller plus loin. Certains partent bruyamment en imitant le bruit des bottes…Quarante-cinq minutes qui font honte au théâtre français, mais toujours aucune manifestation d’un public que l’on a connu bien plus sévère en 2005, lors des spectacles de Jan Fabre.
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Après ce premier carnage, une centaine d’amateurs disséminés dans les gradins atteignent la scène. Ils l’occupent pour mieux noyer ces comédiens. L’effet masse est impressionnant. Les textes retrouvent leur consistance malgré les quelques happenings déplacés de la troupe de Fisbach. Soudain, la fumée envahit les pièces du loft, le lieu même où un homme nu prenait sa douche, où une femme se maquillait quelques miniutes auparavant. Fisbach simule les chambres à gaz. En l’espace d’une heure, il transforme le décor pour manipuler l’histoire à sa guise, utilise des amateurs pour revenir au théâtre, enferme le public dans la passivité (comment peut-il protester alors qu’il est métaphoriquement sur scène ?). Resister aurait été de descendre, de monter avec les amateurs pour mettre fin à cette mascarade. Nous sommes plusieurs en avoir envie mais le courage nous manque. Lors des applaudissements complaisants d’une partie du public, alors qu’une autre reste silencieuse comme sidérée, je me dirige vers les comédiens pour leur tendre un poing vengeur (« c’est une honte »).
Je quitte la cour. Je repense aux leçons de résistance données par Edgar Morin dans l’après-midi lors du « Théâtre des Idées » devant un nombreux public. Je pense à son sourire, à sa pensée lumineuse. Je l’imagine aux côtés de René Char. Mais j’ai mal partout. Deux amis me rejoignent dans un café. Miracle du Festival, nous entamons un débat avec un couple d’Allemands. Ils sortent de la Cour d’Honneur. Ils y ont vu une « bonne lecture publique » (Fisbach perd son statut de metteur en scène !), s’attristent sur les chambres à gaz, saluent les amateurs pour avoir procuré du corps au texte. Nos échanges sont beaux, lumineux. Edgar Morin est là,presque parmi nous.
Monsieur Fisbach n’existe déjà plus. Il peut ranger son loft. Il n’aura même pas les honneurs de l’histoire. Juste la honte de l’avoir bafoué.

Pascal Bély
www.festivalier.net
« Feuillets d’Hypnos » de René Char par Fréderic Fisbach a été joué le 17 juillet 2007 dans le cadre du Festival d’Avignon.

Crédit photo: © Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon.