Catégories
HIVERNALES D'AVIGNON PAS CONTENT

Aux Hivernales d’Avignon, le Hip Hop s’affranchit du sens.

“L’inéluctable solitude de l’homme, voilà le point de départ de cet étonnant duo“, telle est la présentation de “Seuls, ensemble” de la compagnie Clash 66. A l’issue de cette représentation,  ce sera aussi le point d’arrivée pour bon nombre de spectateurs à l’exception du public jeune, enthousiaste, qui acclame ce duo de hip-hop.

L’histoire est celle de la confrontation à l’autre. Elle prend place ici et là-bas, grâce aux techniques de projections sur écran. Le tout a un côté kitsch assez déconcertant. Le savoir-faire de ces deux danseurs de hip hop (Raphaël Hillebrand et Sébastien Ramirez) est au rendez-vous, il n’y a rien à redire.

Mais, mais…

L’écriture dramaturgique est épaisse comme une brindille. C’est un enchaînement de bravoure hip hopienne et l’on finit par lâcher prise. Les prouesses techniques sont là, mais le hip hop, en se déplaçant de la rue au théâtre, se doit d’être exigeant avec lui-même. Il devrait s’affranchir du geste pour aller au-delà. Le discours retenu (la confrontation à l’autre puis l’entraide) aurait mérité un travail de fond pour dépasser les images toutes faites (celles des ombres qui se donnent la main, par exemple).

En s’adressant à la jeunesse, qui est le futur public de danse, les programmateurs doivent faire preuve de plus de discernement. Avec “Seuls, ensemble”, Clash 66 laisse place à une danse sans fondement et valide l’idée que le hip hop n’a plus rien à dire.

Laurent Bourbousson – www.festivalier.net

“Seuls, ensemble”, au Studio des Hivernales, jusqu’au 26 juillet à 15h30. Relâche le 21 juillet.

Catégories
FESTIVAL D'AVIGNON PAS CONTENT

Au Festival d’Avignon, avec “Angelo, tyran de Padoue”, la tyrannie de FranceTelevisions.

La pièce est mineure, peu jouée et pourtant. “Angelo, tyran de Padoue” de Victor Hugo est programmée pour quatorze représentations à l’Opéra d’Avignon jusqu’à la fin du festival. Pour sa première création théâtrale, le cinéaste Christophe Honoré à droit à tous les honneurs, avec FranceTelevisions comme l’un des coproducteurs. Avignon semblait protégé de l’incursion de l’industrie télévisuelle dans la production du spectacle vivant. Cette année, une digue vient de tomber.

Angelo, personnage tyrannique et angoissé, incarné par Martial Di Fonzo Bo a donc une femme (Emmanuelle Devos) et une maîtresse (Clotilde Hesme). Une énigme abracadabrantesque permet aux amants et aux gardes du corps de jouer à cache-cache. Les deux comédiennes peinent à habiter une scène de théâtre, tout au plus seraient-elles plus à l’aise sur un plateau de cinéma. Quant à Martial Di Fonzo Bo, il hésite entre « la cage aux folles » et « Hamlet ».

Christophe Honoré brouille les pistes. Où sommes-nous? Quel sens dégage cette forme artistique hybride où théâtre, 7ème art, télévision s’enchevêtrent? Les effets visuels sont de toute beauté avec ce décor fait d’échafaudages de fer où un habitat sur roulettes se déplace tel un traveling et nous conduit de la cave au septième ciel, ou en enfer. L’imaginaire homosexuel est omniprésent : l’atmosphère suinte l’odeur de sexe des backrooms, les femmes sont ici fatales et fragiles, solidaires dans l’épreuve. Ce parti pris englue la mise en scène dans un jeu proche du soap opéra avec des acteurs qui frôlent souvent l’amateurisme. La télévision s’en contentera. Comme elle sera ravie d’une incursion chantée, déplacée et pour tout dire ridicule : Honoré recycle « les chansons d’amour », son dernier film musical à succès.

Le malaise est profond, car la tyrannie d’Angelo envers ses conquêtes est à peine incarnée, tout au plus caricaturée. Honoré ne dirige pas les acteurs : il les incruste dans le décor, fruit de son imaginaire. Telles des marionnettes, les comédiens semblent jouer leur propre rôle (Devos en Devos, Martial en Martial, …) comme si le « people » prenait le pas sur l’acteur de théâtre (Le Monde dans son édition du 12 juillet s’essaye même au storytelling : « Les ruses de Christophe Honoré pour trouver son casting de rêve »).
La dernière scène où descend un écran plat de cinéma, voire de télévision, signe la toute-puissance de l’image et tyrannise le spectateur : “gens de théâtre, la télévision va vous imposer une esthétique. Il en va de votre survie ». Ainsi, de façon subversive, le théâtre de Christophe Honoré sidère par l’image et inquiète par sa tyrannie rampante. En phase totale avec le projet politique du pouvoir en place qui fait de la télévision le vecteur des esthétiques à la mode et des discours autoritaires.
Pascal Bély – www.festivalier.net

A l’heure où cet article a été écrit, je n’avais pas d’informations précises sur le rôle de FranceTélévisions. La revue Mouvement, en date du 25 juillet, donne quelques précisions.

“Angelo, tyran de Padoue” par Christophe Honoré jusqu’au 27 juillet 2009 dans le cadre du Festival d’Avignon.

Photo: Christophe Raynaud de Lage.

 

Catégories
FESTIVAL D'AVIGNON PAS CONTENT THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN

Au Festival d’Avignon, Jan a disparu, mais Isabella revient.

Jan a disparu. Un  par un, ses amis arrivent sur scène pour témoigner du lien particulier qui les unissait à lui. Ils n’ont pas encore la trentaine, ont une drôle de dégaine, un peu triste, à peine  heureux. À l’équilibre.

Jan a disparu et avec lui la synthèse : hétéro et homo, aimant et détestable, distant et proche. Il vient et va. A l’équilibre.

Jan a disparu. Ce n’est pas le groupe qui pleure, mais les parties qui le composent. Neuf témoignages complémentaires qui reliés s’annulent. Avec leurs égos démesurés, ils se font mal entre eux. Ce n’est pas dit, juste ressenti. À l’équilibre.

Jan a disparu. Il n’était pas un homme de théâtre, mais un plasticien, peintre, performeur. Ses amis reprennent le flambeau sur scène. Maladroitement. Les artistes flamands semblent les inspirer, l’improvisation domine, mais ça tient. Sur la corde raide. À l’équilibre.

Jan a disparu et avec lui tout un monde vivant en autarcie, socialement uniforme, blanc de couleur. Leur environnement fait de baies vitrées et de murs blancs est assez ennuyeux. Chacun a un petit malheur à raconter, une anecdote (dont la savoureuse «merde qui se coince dans le cabinet »). Chacun est capable de rejouer à l’infini une scène de dispute. À l’équilibre.

Jan a disparu. Celui qui le connaît à peine, occupe le devant de la scène avec son numéro d’équilibriste sur « on ne fait pas d’omelettes sans casser des oeufs ». On ressent qu’il est à la bonne école. Il est garant de l’héritage amical et artistique. Cela promet pour la suite. À l’équilibre.

Jan a disparu et il laisse deux malheureux. L’un fume des pétards volumineux (lumineux Elie Hay) et se jette dans le vide ; l’autre chante à tue-tête « ma déclaration » de France Gall (charismatique Elina Löwensohn). On y croit. Mais le monsieur de l’omelette casse tout. A l’équilibre.

Jan a disparu et le théâtre ne sait plus très bien comment lui rendre hommage. L’homme n’est ni une star, encore moins une figure mythique de notre époque. Pour tout dire, son absence ne nous laisse aucun manque. On perçoit à peine l’espace vide, juste une curiosité qui s’émousse (mort, disparu, caché ?). À l’équilibre.

Jan a disparu et l’on finit par l’oublier. Qu’importe. Nous, c’est Isabella que nous recherchons. Nous n’en avons toujours pas fait le deuil. Héroïne de Jan Lauwers (Jan ?), « la chambre d’Isabella » avait reçu une ovation dans ce même Cloître des Carmes. C’était en 2004. Depuis, le public d’Avignon, cherche son histoire où il pourrait se perdre dans les étoiles. On nous dit qu’Isabella revient au Festival d’Avignon. Cela s’équilibre.

Jan a disparu et je finis par ne pas aimer cet homme. Je n’y crois pas. Il n’a peut-être jamais existé. Allez savoir. Il n’est qu’une apparition, qu’une incarnation d’une partie de nous même. Désolé, je n’en veux pas. Je n’ai rien demandé. Il n’est pas de mon monde. Il est aquatique, je suis terrien. J’aime le théâtre, il en joue.

Jan a disparu et je m’en fous.

À l’équilibre.

Pascal Bély – www.festivalier.net

Le livre d’or de Jan” d’Hubert Colas jusqu’au 17 juillet 2009 à 22h dans le cadre du Festival d’Avignon.

Hubert Colas présentera aussi (à ne pas manquer):  “Mon képi blanc” (les 24, 25 , 26 juillet) et “Chto, interdit au moins de 15 ans” au Festival Contre-Courant à Avignon le 15 juillet.

Photo: Christophe Raynaud de Lage.

Catégories
FESTIVAL D'AVIGNON LE THEATRE BELGE! PAS CONTENT

Jan Fabre fuck, avec préservatif, le Festival d’Avignon.

Ainsi, le metteur en scène – chorégraphe- plasticien Jan Fabre est ovationné par les spectateurs du Festival d’Avignon. Il leur a vomi une bêtise crasse, avec “Orgie de la tolérance” mais le public en redemande, après avoir sifflé quelques heures auparavant la courageuse Maguy Marin.

Mais ce soir, Jan Fabre a perdu. Il est adoubé en Avignon, alors qu’en 2005, nous l’aurions volontiers crucifié. Entre temps, il a vieilli. Il approche l’âge où l’on est reconnu par les institutions qui le lui rendent bien. Ici, il a quasiment sa case, sa rente, d’année en année. S’il continue sur cette voie, il aura droit à une nuit entière au Palais des Papes où le public finira bien par monter sur scène pour branler les acteurs. En ces temps de grippe porcine, masturber un inconnu sera un geste artistique et citoyen très fun.

Mais en 2009, il faut coûte que coûte garder la place comme tant de têtes grisonnantes qui ont tout intérêt à désespérer la jeunesse. Jan Fabre est efficace: discours binaire (la société de consommation, ce n’est vraiment pas bien), vision réactionnaire de l’art contemporain (ces salops de commissaires qui se branle du travail des artistes), le fascisme est partout (ouh ! ouh !), les américains sont de gros pédés, et le sexe est une marchandise ! À côté, Besancenot est proche du Modem. Ce discours fournit la liste des clichés bien pensants qui assure à chacun de nous, l’estime et la reconnaissance de son prochain. Généreux Jan Fabre ! Ses cochonneries sur scène ne font même plus fuir le public : pensez donc, se mettre un fusil dans le derrière, se raser les couilles, prendre un godemichet comme nez de clown ne fait plus peur. Ces codes sont entrés dans le langage courant du festivalier. Jan Fabre est dans la norme qu’il a lui-même imposé à son public depuis tant d’années !

Artistes, politiques, citoyens sont nombreux en France et en Europe à se complaire dans cette dénonciation : elle leur assure de garder le pouvoir puisqu’elle s’adresse à notre partie rationnelle du cerveau. Le monde n’étant pas complexe, le public est prié de le voir, de le ressentir à partir de jugements descendants. C’est exactement le même processus qui conduit nos systèmes à leur perte, à leur dégénérescence. Ainsi, Jan Fabre en utilise les règles pour les dénoncer. Piteux.

Pour vous dire la vérité, je me sens bien au-dessus de cette proposition. Je remercie certains artistes et chercheurs de m’avoir « élevé » pour comprendre et ressentir la complexité de ce monde. Je les remercie de me donner la force d’être un sujet autonome et de développer mes dépendances lorsque la nécessité du sens le dicte.

Alors ce soir, je regarde amusé cet artiste sur le déclin, car je n’ai pas besoin d’une orgie pour faire preuve d’intolérance à la bêtise.

Pascal Bély – www.festivalier.net

“Orgie de la tolérance”, par Jan Fabre jusqu’au 15 juillet 2009 dans le cadre du Festival d’Avignon.

Photos : © Christophe Raynaud de Lage

A lire la blogosphère, moins complaisante que tant de journalistes institutionnalisés: Images de Danse, Un soir ou un autre,

Catégories
FESTIVAL D'AVIGNON PAS CONTENT

Au Festival d’Avignon, Amos Gitai fait son cinéma.

Le bus (payant…) qui nous ramène vers Avignon est étrangement calme. Aucune passion, ni amertume de la part du public à l’égard de « La guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres » d’Amos Gitaï adaptée du texte « la guerre des juifs » de Flavius Josèphe.

Il raconte la grande révolte des juifs de Galilée et de Judée contre l’Empire Romain au 1er siècle. La rébellion fut écrasée par le Général Vespasien et son fils Titus, qui deviendront tous deux empereurs. Cet événement signe la fin de la souveraineté juive et le début d’un exil qui durera près de deux mille ans.

Jeanne Moreau s’assoit et tient dans ses mains un cahier, tel un livre de contes et  de légendes. Son charisme sert la fonction de l’historien Flavius Josephe qui, fait prisonnier, assista du côté des Romains à l’écrasement du peuple juif.  Elle assume ce rôle d’observateur-acteur même ici, où elle participe, impuissante, au naufrage d’une mise en scène qui  immobilise les spectateurs pris au piège d’une forme hybride (entre théâtre, lecture et travelling de cinéma) et resserre notre vision vers elle.

Le jeu se réduit à des mouvements en coulisse, à des happenings d’acteurs. La carrière de Boulbon n’est qu’un décor de cinéma plaqué sur une scène théâtrale où des échafaudages se déplacent sur des rails imaginaires qui ne mènent nulle part. Un orchestre joue les intermèdes à défaut d’être inclus dans une dramaturgie. Au final, la forme impose une vision du martyr juif si verticale qu’elle empêche au théâtre d’offrir un espace de transcendance.

Nous sommes quatre à débattre dans le bus du retour. Notre frustration est palpable, mais pas pour les mêmes raisons. Sylvie et Christine saluent la beauté du texte où les faits de l’histoire se noient dans les « larmes de l’historien ». La figure mythique de Jeanne Moreau habite Flavius Josephe avec distance et empathie et sert le parti pris d’Amos Gitaï : rendre hommage au peuple juif à partir d’une histoire peu connue, ensevelie par le conflit israélo-palestinien. Ainsi, paradoxalement, ce mythe fondateur fait ce soir « l’actualité ». Pour Martine, l’adaptation d’Amos Gitaï s’appuie sur le dialogue intérieur de l’historien où les échos, les apparitions, les mots s’entrechoquent. Hantée par la profondeur des paroles de l’historien, Jeanne Moreau incarne avec justesse le martyr du peuple juif.

Mais je m’interroge sur la fonction de notre frustration. Que nous dit-elle ? J’avance une hypothèse : aux larmes de l’historien, Amos Gitaï ajoute la défaite du spectateur qui ne peut composer son propre poème. Positionné dans une interaction maître-élève, dans une logique abrutissante de la cause et de l’effet renforcée par les déplacements rectilignes du décor et des comédiens, nous sommes dans l’incapacité de nous émanciper. Or, si la fonction de l’historien est d’ouvrir notre conscience, l’acteur de théâtre peut autoriser notre autonomie.

Ce soir, la leçon est belle, mais aura écrasé une troupe de comédiens.

Amos Gitaï n’entrera pas dans l’histoire du Festival d’Avignon.

Pascal Bély – www.festivalier.net

“La guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres”, par Amos Gitaï du 7 au 13 juillet  2009 à 22h à la Carrière de Boulon dans le cadre du Festival d’Avignon.

Photos : © Christophe Raynaud de Lage

Catégories
FESTIVAL MONTPELLIER DANSE LA VIE DU BLOG LES JOURNALISTES! PAS CONTENT

Montpellier Danse « l’hétérosexualité », le Festival d’Avignon la diversité.

J’avais prévu d’écrire sur le dernier spectacle vu à Montpellier Danse, « Do you remember no I don’t » de François Verret. Il est préférable de ne plus s’en souvenir. Certains artistes continuent d’infantiliser le public en leur proposant le discours antilibéral dernier cri. Cela se veut moderne, ce n’est que recyclage de “souffleries” déjà vues, de numéros d’acteurs usés jusqu’à la corde, d’influences artistiques si évidentes qu’on frôle le plagiat.

J’avais prévu de réagir aux propos douteux de Jean-Paul Montanari, Directeur de Montpellier Danse depuis 1983, qui déclarait sur France Culture le 3 juillet dernier : « C’est la fin d’une certaine forme de  danse contemporaine…le sida l’a tué. Il n’y  a plus de danse de pédés, mais une danse d’hommes, d’hétérosexuels ». Le journaliste (et artiste) Laurent Goumarre  n’a pas pipé mot (conflit d’intérêts ?), pas plus que la chorégraphe Héla Fattoumi. Ce propos purement réactionnaire et clivant ne correspond nullement à la vitalité de la danse aujourd’hui (renie-t-il l’édition 2009?) même si l’on peut regretter le consensus des créations des Centres Chorégraphiques Nationaux (sur ce point Monsieur Montanari a raison). Mais en proclamant, tel un tribun face au peuple affamé, qu’il fallait créer un autre festival, Mr Frêche (Président de la Région et cofinanceur de Montpellier Danse) donne une bien triste image de la démocratie française.

J’avais prévu d’évoquer la piteuse émission de France Culture, « le grain à moudre », consacrée à l’avenir de la critique dans le spectacle vivant. diffusée le 29 juin.  Ici aussi, la même génération pleure le temps passé, tient des propos réactionnaires, nie la créativité émergente dans le pays. Tels des rois déchus, ces critiques regrettent leur palais doré voué aux vents et marées de la nouvelle vague !

J’avais prévu…

Mais à  la veille de l’ouverture du Festival d’Avignon, la première plate-forme de  blogs en France, Over-Blog (1,5 million de visiteurs par jour), publie un éditorial du Tadorne ! Se positionnant comme un média alternatif, Over-blog promeut  les figures d’amateurs éclairés et apporte sa contribution au renouvellement des formes d’écritures sur le spectacle vivant.  Sur sa une, Over-Blog ouvre un dossier regroupant les articles de la blogosphère présente en Avignon. Enfin de l’air ! Vive la diversité !

Au même moment, le Festival Off énonce les prémices d’une réflexion globale sur l’articulation entre blogueurs et journalistes et choisit d’accréditer certains blogs (dont le Tadorne). Enfin des ouvertures !

De son côté, Martine Silber, ancienne journaliste au Monde pose  sur son blog les bonnes questions et ouvre le débat.

Demain, je serais sur Avignon pour trois semaines. J’ai déjà tout écrit sur le projet : ici et .

Envahissons les théâtres ! Le temps d’un été, nul besoin d’un emprunt national pour créer la relation créative.

Pascal Bély

www.festivalier.net

 

Catégories
FESTIVAL ACTORAL PAS CONTENT THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN

Au Festival ACTORAL, David Bobee réchauffe les hétéros. A La Villette, pas si sûr.

Acte 1: Au Festival Actoral à Marseille, en octobre 2008, par Pascal Bély

En entrant dans la salle, on nous distribue une bouteille d’eau. «Nous allons avoir chaud», nous prévient-on. «Warm» de David Bobée sur un texte de Ronan Chéneau dégage une chaleur torride, eu égard au nombre de projecteurs latéraux qui illuminent la scène. Le présentateur nous informe que cette pièce s’inscrit dans un cycle sur « Les écrits du cirque » qui devrait aboutir en 2013 par la création de la biennale des Arts du Cirque. La barre est placée bien haute pour une oeuvre qui n’atteindra pas des sommets.

Elle est enceinte de quelques mois. Elle dépose trois bouteilles d’eau sur la scène puis, de dos, récite un texte. Dans ses mots, il fait déjà chaud et la belle fantasme, alors que la canicule s’installe dans les rues de la ville. Les mots montent en puissance. C’est joliment dit, mais le texte colle à la peau comme le journal intime d’une adolescente à la recherche de sensations interdites. Soit. Cela s’entend sans problème. J’ai chaud, mais pas pour les mêmes raisons.

Les deux hommes arrivent. Ils sont beaux. L’un brun. L’autre blond. Parfait. L’un pantalon moulant. L’autre jean’s style hétéro cool. La jeune fille est contente. Elle poursuit ses délires sous l’effet probable du cannabis ou de l’extasie. Les deux mecs se regardent comme s’ils faisaient connaissance dans un sauna gay ; se suivent comme s’ils marchaient dans les jardins des Tuileries. L’imaginaire homosexuel fait monter la température et leurs emboîtements ne laissent aucun doute sur leurs intentions. Soit. Sauf qu’ils n’en ont aucune. Et alors ? Alors ? Rien. Ça se voit, c’est tout. Tout droit échappés d’un casting de mode, nos deux tourtereaux font ce que l’on leur demande. Elle peut toujours fantasmer, ils assurent le spectacle. Un Point, c’est tout. Ici, on est au cirque.
Les peaux dégoulinent. Après ? L’un asperge l’autre avec la bouteille. L’eau finit sur le sol. Ça patine. Et puis ? Et puis…ça continue de patiner.
Ne manque plus qu’un coup de vapeur et nous y sommes presque.
Ou plutôt, deux jeunes ados qui s’amusent sur un plumard. L’image a dû traverser l’auteur.
Soit.
Après ?
Bien après, il faut bien que cela se termine. Alors, les lumières baissent et la jeune fille se calme après une crise qui a fait trembler les glaces du décor.

À cet instant précis, mon écriture colle aussi.

Pause.

Analyse.
Un peu de hauteur. Je suis blogueur. Je dois faire attention à ne pas hypertrophier mon commentaire.

Je cherche l’écriture que l’on nous promettait au début du spectacle. Les corps collés aux mots gluants de Ronan Chéneau ne suffisent pas à dépasser l’illustration d’un fantasme calculé et prévisible. C’est effrayant de contrôler ainsi le désir. Effrayant cette écriture qui ne laisse aucune place à l’imaginaire.

J’ai froid.
….
La scène finale où l’on devine nos jolis garçons en train de se masturber n’ira pas jusqu’au saut final.
….
Ouf.
J’ai eu chaud.Acte 2: A La Villette, à Paris, en juin 2009, par Elsa Gomis.« De la douleur naît le désir ».Malgré la chaleur, malgré la transpiration qui empêche leurs portées, ils continuent.

Leurs corps se tendent sous l’effort, rougeoient sous l’effet des projecteurs. Pourtant, ils continuent.

Dans “Warm“, David Bobée semble vouloir montrer le dépassement et l’oubli de soi jusqu’au délire.

Les paroles de Ronan Chéneau, dites par une comédienne vibrante, sont au départ détachées des gestes des deux acrobates, puis elles les accompagnent, les commentent, les dirigent.

Sa voix est ferme. En dépit de la chaleur de l’atmosphère, son ton reste froid, parfois brutal, souvent dur.

Ici le sexe n’est ni doux ni drôle, il est affaire de juxtapositions physiques précises, d’un déroulé convenu, d’un scénario immuable. Un enchaînement que rien ne semble pouvoir rompre. A part la chaleur.

On reste fascinés par cette persistance, effrayés par les risques pris, intimidés par la brutalité des directives, mais pas émoustillés.

Comme dans Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue, nous assistons à une montée en puissance progressive, mais le propos n’apparaît pas clairement.

Il est sans doute question, au travers de cette scénographie, de montrer le sexe instrumentalisé.

A mon niveau, je ne perçois pas “Warm” autrement.

J’ai encore faim…

Catégories
ACCUEIL DES LIEUX CULTURELS PAS CONTENT

Le Théâtre du Merlan vagabonde et se perd.

Pour clôturer sa saison, le Théâtre du Merlan à Marseille, scène nationale, « vagabonde » pour y faire « résonner » des oeuvres sur l’amour. Direction le Vieux-Port. Le quartier populaire où il est installé n’est sûrement pas assez glamour, mais cela ne l’empêche pas d’utiliser un vocabulaire emprunté à la précarité. Car « vagabonder » n’est quand même pas le sport favori des riches.  Avec une telle politique, les publics des quartiers nord souvent exclus de la programmation du Merlan, le sont encore plus. Mais quel sens peut donc avoir ce déplacement forcé ? Loin de mixer les publics, cette opération n’a qu’un seul but : faire de  la communication publique.

  

 Le Fort Saint Jean, à l’entrée du Vieux Port, n’a pour ouverture que la mer. Le Merlan souhaite le transformer « en lieu de vie, de bien-être, d’échanges ». Est-ce sa mission ? Comment est-il possible de tolérer une telle dérive de langage et de projet ? Quelques transats nous attendent et le rouge, couleur du logo du Merlan, est partout. La rhétorique publicitaire fait office d’oeuvre culturelle. Bientôt, les responsables de la communication s’occuperont des relations avec le public. Les nombreux artistes plasticiens marseillais qui auraient pu s’emparer du lieu devront patienter.

À notre arrivée, le « camp » est étrangement désert. Glacial. Sans ambiance. À côté, le Théâtre National de Chaillot à Paris est un dancefloor.  La directrice du Merlan, Nathalie Marteau, n’a pas son pareil pour accueillir ses hôtes. À croire que c’est elle qui “reçoit”. L’estrade, qui longe la bâtisse, donne l’impression au spectateur qu’il est l’acteur d’un défilé.

Parle-t-on seulement d’amour du théâtre ? Jamais. Ce n’est pas dans le vocabulaire de la maison. L’amour est mis à distance. Cela se ressent et se voit. Nous entrons dans un bâtiment où l’intérieur de la salle fait plutôt penser à une MJC des années 70 en voie de désamiantage. À l’heure où de nombreuses communes en France s’interrogent sur l’opportunité de construire un équipement culturel, ici on quitte ce que l’on a pour aller vers ce que l’on ne voudrait plus subir: une scène minuscule pour un confort minimaliste. Seule l’architecture métallique qui supporte les lumières semble neuve (combien d’euros ?). Le lieu manque de profondeur. Qu’importe. La thématique sur l’amour fait sens. La com’, toujours elle, est toute puissante.

Nous commençons la soirée avec « Manteau long en laine marine sur un pull à l’encolure détendue avec un pantalon peau de pêche et des chaussures pointues en nubuck rouge » de et par Delgado Fuchs (comprenez Nadine Fuchs et Marco Delgado). Cette chorégraphie est un moment à la fois amusant et apprenant. Elle positionne la danse au coeur du corps social en prenant pour figure Barbie et Ken. Tout n’est que mécanique, le désir n’est que jouet et la peau forme la pellicule de nos clichés. Notre couple s’acharne à véhiculer du sens, mais semble perpétuellement rattrapé par son incapacité à faire du mouvement un geste dansé. C’est alors que cette oeuvre résonne particulièrement avec les choix artistiques du Merlan et la relation qu’il entretient avec son public : la forme touche le fond et la tendance se confond avec l’émergence.  

Le deuxième spectacle de l’italien Massimo Furlan (« Make Noise, Be a girl ») est un ovni théâtral qui s’écrase en plein vol. Le public décroche littéralement au bout de vingt minutes et laisse dériver cette troupe dans son délire « bo bo », entre provocation facile et désinvolture.

Ce soir, nous avons tout perdu en route.

La rencontre,

L’errance,

L’amour.

Ce soir, le Théâtre du Merlan pense qu’il est à lui seul objet de désir. Il se regarde vagabonder. Tel Narcisse, il tombe amoureux de son propre reflet.

Il ne sait pas encore qu’il dérive.

Pascal Bély – Le Tadorne

“Manteau long…” de Delgado Fuchs et “Make noise, be a girl” ont été présentés dans le cadre du cycle “Parlez-moi d’amour’, en vagabondage, par le Théâtre du Merlan le 5 juin 2009 à Marseille.

 

 

Catégories
PAS CONTENT

“Culture de la liberté, liberté de la culture”.

Pour sourire un peu…Ces photos sont celles de la Médiathèque du Cannet, ville UMP des Alpes-Maritimes, dont le Maire Michèle Tabarot se fait une haute idée de la culture. Merci à Evelyne Biausser pour sa promptitude à photographier l’état de nos institutions culturelles dans le sud de la France !

Pascal Bély

www.festivalier.net


Catégories
PAS CONTENT

Les « Singularités Ordinaires » du Théâtre d’Arles!

Le collectif GdRA, animé par Christophe Rulhes, Julien Cassier, Sébastien Barrier, semble placer au coeur de leurs  “Singularités ordinaires”(série de trois portraits) une pensée de Paul Ricoeur : les individus ont tous une histoire qui, pour être viable, doit être simple pour ne pas la subir.

Il y est question de corps, de cadre identitaire, de personnalité, de quotidien, d’usure du temps, de rêverie ; le tout est acidulé de créations vidéo, d’envolées musicales, de chants et de trampoline. Tout se prêtait à faire de ce spectacle, une fiche de lecture, mais alors que je rassemblais mes idées sur le contenu…le grand vide.

La mise en lumière des trois portraits (un cultivateur fou de musique, une ancienne danseuse étoile retraitée qui trouve sa voie dans le post-modernisme, une femme d’origine algéro-togolaise des quartiers nord de Marseille qui refonde sa famille avec les personnes du bar où elle travaille), avec pour chacun un titre en forme de question (Folklore ?, Classique ?, Populaire ?) me laisse perplexe.

Pour un spectacle bravant la transdisciplinarité, le classement des individus selon des critères sociologiques flirte avec une politique de quotas. Même si le quatrième volet nous propose une vision commune (fabuleuse performance de Christophe Rulhes), sommes-nous tous des « Muriel » pour autant (titre de la conclusion), attendant un quelque chose, un meilleur, un mieux ou un pire?

“Singularités Ordinaires” laisse entrevoir  la possibilité de faire des individus des stars d’un soir, tel un Loft Story, et de les renvoyer à leur condition, sans rien en retour, juste de nous avoir montré ce que nous savons déjà : “c’est la vie”.

Une vidéo ici.

Et un article de “Clochettes” .

Laurent Bourbousson
www.festivalier.net

“Singularités Ordinaires”, par le collectif GdRA (C. Rulhes, J. Cassier, S. Barrier) a été vu au Théâtre d’Arles, le 23 janvier 2009.