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LES EXPOSITIONS PAS CONTENT

«Danser sa vie»: Le Centre Pompidou enterre la danse.

«Danser sa vie». Le titre de l’exposition est une invitation pour tout spectateur engagé à promouvoir cet art majeur. C’est au Centre Georges Pompidou à Paris, pour 13 euros. On pourrait ne pas dépasser l’entrée tant le premier tableau vivant est somptueux. Sous la protection des femmes de MatisseLa danse de Paris»), un danseur à terre nous accueille. Tantôt foetus, tantôt enfant, il crée une série de mouvements et reproduit nos gestes primitifs. Il danse déjà ma vie ! Comme au dernier Festival d’Avignon avec « This situation», l’artiste inclassable Tino Sehgal laisse une empreinte: le sens de toute oeuvre de danse est à rechercher en nous. Nous (im)portons les traces de tant de chorégraphies! Cet engagement artistique est si fort qu’il me sera bien difficile d’apprécier la suite de l’exposition.

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Différentes thématiques («danses de soi», «abstraction des corps», «danse et performance») proposent des mises en résonnance (sic) entre vidéo, dessins et peintures. Je m’étonne très rapidement que l’on m’explique si longuement le rôle de l’abstraction dans l’origine de la danse moderne. Je ne comprends pas très bien l’espace dédié à Pina Bausch où les visiteurs serrés et par terre, se ruent devant une vidéo mal filmée du “Sacre du Printemps“. Pina, réduite à une attraction de foire. Comment est-il possible d’enfermer Anne Teresa de Keersmaeker dans une vidéo où des danseurs vagabondent dans la nature, alors qu’elle est surtout une artiste de l’ombre, de la lumière du jour et des corps musicaux ?

Je conteste que l’on puisse résumer les recherches de William Forsythe à la kinésphère alors qu’il avait proposé au Festival Montpellier Danse différentes installations majestueuses au croisement de la performance, des arts plastiques et de la danse (voir la vidéo ci-dessus et mon article).  Je m’étrangle de voir l’?uvre de Jan Fabre «Quando l’uomo principale è una donna» (epoustouflante Lisbeth Gruwez couverte d’huile d’olive, mi-femme, mi-animal) côtoyer Yves Klein, Nicolas Floc’h, Jackson Pollock et Ana Alprin. Cherchez l’intrus!  J’ai compris depuis longtemps que le corps pouvait être pinceau parce qu’il puise les ressorts de sa métamorphose dans un espace où la chair se libère des contraintes psychologiques et sociales. Mais que vient faire Jan Fabre (débilement réduit à un film alors qu’il est précisément un artiste de chair et de sang !), dans le même espace que la vidéo brouillonne de Nicolas Floc’h ?

Peu à peu, l’exposition finit par me statufier. «Danser sa vie» est une lecture fastidieuse d’une histoire académique de la danse résumée à une éternelle recherche esthétique, hors de tout propos politique (le seul repère en la matière est un mur dédié aux défilés nazis!). Comment puis-je accepter l’omission de toute référence au Sida, qui a décimé tant d’artistes! Danser sa vie fut aussi un amour à mort? Comment puis-je valider l’absence de Dominique Bagouet et de tant de chorégraphes français scandaleusement gommés (mais paradoxalement présent en tête de gondole dans la librairie attenante. De qui se moque-t-on?). Pour quoi retracer l’histoire, si c’est pour la revisiter et ne servir que sa seule vision, à savoir celle des arts picturaux et plastiques ? C’est faire insulte à la danse (art qui accueille tant de disciplines) que de l’enfermer ainsi.

Comme une invitation à entrer dans la danse,  la vidéo de «The show must go on» de Jérôme Bel clôture ce parcours si linéaire. Les deux curatrices (Christine Macel et Emma Lavigne) peuvent ainsi légitimer le titre racoleur de l’exposition, quitte à donner l’impression d’instrumentaliser le propos d’un artiste pour sauver ce qui peut l’être. Ont-elles seulement vu le spectacle et perçu ses enjeux ?
Je propose de sortir la danse de cet espace poussiéreux. J’invite les directeurs de théâtre et de festivals à imaginer un nouveau musée à partir de rétrospectives pour que nous puissions vivre le mouvement de l’histoire. Et je fais un rêve. Un festival «Danser sa vie» qui débuterait par « «Pudique Acide / Extasis» de Mathilde Monnier et Jean-François Duroure puis par  «Parades And changes» d’Anna Halprin, pour se poursuivre avec «Les 20 ans de la compagnie Grenade» de Josette Baïz…
The show must go on.
À vous de compléter  la liste de vos désirs de danse.
Pascal Bély– Le Tadorne
“Danser sa vie” au Centre Georges Pompidou de Paris jusqu’au 2 avril 2012.
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FESTIVAL MONTPELLIER DANSE PAS CONTENT THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN

Pour un théâtre zombie à Marseille!

Ces deux pièces n’ont rien en commun, si ce n’est d’avoir été vu à quelques jours d’intervalle. Et pourtant, il me plait de les inclure dans un même article pour démontrer, une fois de plus, que le théâtre est histoire de corps et que décidément, les chorégraphes sont des infatigables chercheurs.

«4.48 Psychose» de Sarah Kane par Thomas Fourneau au Théâtre des Bernardines de Marseille, déçoit par son aridité. Comment un texte d’une telle force peut-il à ce point s’assécher pour se métamorphoser en «objet» plastique (et encore que, cette matière peut s’avérer d’une grande sensibilité!). Ici, l’espace mental est dépouillé à l’extrême (seules quelques incrustations vidéos peuvent aider à s’échapper pour y puiser l’énergie de rester là). Les deux comédiennes (Rachel Ceysson et Marion Duquenne) sont aussi raides que leurs robes et leurs cheveux plaqués. Les mouvements du corps s’effacent au profit de déplacements linéaires et de gestes maniérés. À aucun moment, la mise en scène ne réduit l’abyme entre un texte d’une extrême complexité et le spectateur confortablement assis. Les mots se ferment à l’image de ces deux corps contraints comme si les pulsions de vies et de mort pouvaient à ce point s’objectiver pour gommer le chaos qu’elles provoquent. Cela se regarde. C’est tout. C’est un théâtre profondément mortifère, sans âme, qui amplifie la distance : mettre en scène un tel texte suppose probablement d’avoir travaillé. Sur soi. Pour éviter d’infliger aux autres une peur déconnectée du propos que l’on est censé servir.

À l’opposé, «Zombie Aporia» du chorégraphe américain Daniel Linehan m’a positionné dans un dedans dehors intéressant et ouvert ma réflexion alors que j’étais plutôt mitigé à la sortie de la représentation. Entourés de Salka Ardal Rosengren et de Thibault Lac, nos trois danseurs au look d’adolescent s’exercent : faire entrer la chanson pop dans le mouvement. Dit autrement, ils chantent et dansent. J’ai encore en mémoire la performance du  «Nature Theater of Oklahoma» qui, dans « Life and times» retranscrivait la vie d’une jeune adolescente tirée d’un enregistrement téléphonique. Rien ne nous avait été épargné : ni les «hum», ni les «genre». La partition fut totale: chorégraphique, chantée et musicale. Jubilatoire. Ici, paroles et musiques sont écrites par Daniel Linehan et chantées a cappella. Les Américains ont ce talent incroyable d’évoquer la jeunesse par le «mouvement musical». Et c’est plutôt bien vu : le chant véhicule ces petits «riens» qui finissent par dessiner le portrait cubiste d’un trio en recherche de liens. Cette succession de six «mini concerts» est autant de clics sur une toile qui piège une jeunesse incapable de penser en dehors d’un lien consumériste. Les mouvements  traduisent le désarroi d’une génération qui peine à trouver sa place, à se faire entendre malgré un langage global : le corps et la tête sont liés et intègrent même les nouvelles technologies qui, en imposant leurs déplacements, dénaturent le contexte (jusqu’à transformer les gradins du Centre Chorégraphique National de Montpellier en espace de jeu vidéo).

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Cette chorégraphie de l’égarement est accentuée par cette succession de tableaux qui, à force d’accumuler, me perdent. Le chant épouse la forme si particulière des mouvements où la recherche de l’unité bute sur la relation empêchée. La rupture du sens est permanente : la globalisation des corps et de la pensée, renforcée par la société de consommation et l’internet, bloque la communication. L’aspect performatif de «Zombie Aporia» amplifie le spectaculaire à l’image d’une société où la forme prime sur le fond, où le geste s’assimile au slogan pour masquer le gouffre. À mesure que le spectacle avance, un nouveau langage émerge, jamais vu et entendu ailleurs. Il percute ma façon d’appréhender la danse et crée une brèche dans mon système de représentations. Comme dans tout processus de changement, je résiste jusqu’à repenser ce que j’ai vu. J’écris avec la sensation d’avoir découvert une jeunesse qui célèbre l’hybridité et que je ne vois plus tant son contexte m’est devenu illisible. «Zombie Aporia» me propose un langage pour me reconnecter à elle . Pour penser la relation autrement. C’est peut-être à cette condition que le théâtre se régénéra à l’image du spectacle de Vincent Macaigne au dernier Festival d’Avignon qui vit la jeunesse monter sur le plateau pour y fêter l’absurde et le pessimisme, ode à la créativité.

Pascal Bély, Le Tadorne.

“4.48 Psychose” de Sarah Kane par Thomas Fourneau au Théâtre des Bernardines de Marseille du 12 au 22 janvier 2012.

“Zombie Aporia” de Daniel Linehan à Montpellier Danse le 23 janvier 2012.

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PAS CONTENT

Maguy Marin, «may be» not.

La chorégraphe Maguy Marin est en tournée dans toute la France jusqu’en juin. La critique est unanime sur «Salves», spectacle jugé majeur. J’ai rediffusé dernièrement l’article élogieux que j’avais publié en septembre 2010 lors de la Biennale de Lyon. Depuis quelques jours, des amis m’envoient des retours plus mesurés.  Francis Braun, contributeur pour le Tadorne, m’a transmis son regard. À la lecture de son article, je m’interroge. Serions-nous saturés de propos dénonciateurs ? Peut-on aujourd’hui penser une nouvelle société à partir de nos décombres ? N’avons-nous pas besoin d’un bordel poétique pour reconstruire sur d’autres bases (d’où le récent succès de Vincent Macaigne avec «  Au moins j’aurai laissé un beau cadavre »)?

Pascal Bély

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RECOLLER LES MORCEAUX et REMETTRE LE COUVERT?…Par Francis Braun

 On va courir, couvrir, se transformer, se travestir, se dénuder, s’illuminer, s’éteindre, s’asperger, se ridiculiser….À force de tout expliquer, on va se faire chier….et ceci dès les premières quinze minutes. On nous mâche le travail avec ces images convenues et évidentes. Si bien qu’on n’imagine plus. On est à l’école, et à force de nous démontrer, on ne rêve plus. On va finir par s’ennuyer avec ces répétitions qui n’en finissent plus de se répéter. On ne va pas danser, non, on va seulement bouger, courir, sauter, faire du mouvement, gesticuler…On va écouter des bandes-sons hachées….On va regarder à la condition absolue de pas nommer le nom de danse, ni de celui de longue performance.

La description sera facile, mais Maguy Marin nous ment: on tend un fil de part en part de la salle. On fait semblant de choisir des gens au hasard pour le dérouler.

Premier mensonge : ce ne sont pas des anonymes que l’on sélectionne,  mais des danseurs.

Deuxième mensonge: ce sera un fil (est-il imaginaire ?) qu’ils vont se repasser.

À ce moment-là, on réalise la supercherie :….ce fil sera le fil de l’histoire que l’on va dérouler sous vos yeux !

Ouah!!! En voilà une belle prouesse métaphorique (au point où nous en sommes, imaginons une danseuse déguisée en Araignée!)

Maintenant que le spectacle a commencé, sachez  qu’il fait a moitié nuit dans le Pavillon Noir d’Aix-en-Provence…un noir parfois éclairé, éteint à nouveau…ré allumé puis ré éteint…ce n’est pas involontaire, c’est voulu…ce sont des clairs-obscurs, des contrastes….des épisodes, des instants , des impromptus…Mon oeil a du mal à s’habituer à cette lumière séquentielle, utile, mais pas indispensable, surtout fatigante pour ne pas dire lassante.

Aix-en-Provence transformée en “Sons et Lumières” par Maguy Marin.

Maintenant, examinons le contenu…plutôt le contenant…Il va falloir “recoller les morceaux” et “remettre le couvert”…puis entre-temps, faire défiler les strates de la Mémoire.

Tout y passe…tout y trépasse. La Religion, les Papes, les Curés, les Artistes, la Peinture, la Sculpture, les Monuments, la Statue de la Liberté, la Venus de Milo, le Vase de Soissons…

Les évènements tragiques et populaires se succèdent,  le racisme bien sûr, la parodie peut-être, le cynisme certainement…Tout s’éclate, se brise et se sépare. Le désarroi gicle sur les murs; la catastrophe nous tombe dessus.

Elvis se multiplie, Marco Ferreri s’annonce, Fellini s’approche…C’est alors qu’un tout petit Christ rédempteur arrive après la bataille…J’aurais aimé entendre Bashung et son saut à l’élastique…imaginer la figurine se fracasser sur la Table dressée,…

Un effet terrible sur  tragico-burlesque banquet ridicule.

Tragédie ou Comédie? Ce simulacre pseudo fellinien….Nature morte grotesque déguisée….À force de trop dire, on perd toute la poésie. À force d’expliquer, on dilue le contenu.

Avec un peu d’humour et beaucoup de dérision…voilà l’amertume et le regret de ma détestation.

Que j’ai aimé Maguy Marin et son “May B“. Universel.

Je ne digère pas ma déception.

Francis Braun – Le Tadorne

“Salves” de Maguy Marin au Pavillon Noir d’Aix en Provence du 11 au 13 janvier 2012.

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FESTIVAL ACTORAL PAS CONTENT

À Marseille : Montévidéo fermé, Tadornes déplumés?

À Marseille, rares sont les lieux dédiés à la création contemporaine. Montévidéo fait partie du paysage culturel de ce blog : j’y ai vu des oeuvres intéressantes qui m’ont permis de me forger un regard plus ouvert sur les formes théâtrales. Depuis quelques mois, le lieu est fermé sans que le public en connaisse précisément les raisons. Très concrètement, cela a des répercussions pour la vie de ce blog: la fermeture de Montévidéo m’a un peu plus éloigné de Marseille, de la création contemporaine et des artistes émergents.

Je publie un appel de l’association « les amis de Montévidéo ». Je vous invite à signer la pétition.

Pour eux. Pour nous.

Pascal Bély, Le Tadorne

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Nous, public, artistes, amis de Montévidéo, nous nous inquiétons de l’avenir et du développement de ce lieu qui nous est cher. Par sa singularité et sa liberté artistique Montévidéo, centre de création contemporaine et de résidence d’artistes à Marseille, a su prendre une place tout à fait particulière dans le paysage de la culture, que nous souhaitons voir perdurer. Nous nous inquiétons du temps qui passe et de constater qu’à ce jour Montévidéo ne puisse pas réouvrir pleinement ses portes. Nous sommes informés que Montévidéo traverse depuis quelques mois de grandes difficultés qui l’empêchent de fonctionner comme le lieu de découvertes et de création artistique qu’il est depuis dix ans, favorisant l’émergence de nouvelles formes.

Or, si nous savons que Montévidéo continue d’accueillir régulièrement des résidences d’artistes, les limitations d’ouverture dont il fait l’objet sont pour nous, amis de Montévidéo, très préjudiciables : c’est un espace rare d’expression artistique qui risque de disparaître. Un réservoir de découvertes qui se tarit à Marseille. Depuis 10 ans, Hubert Colas et Jean-Marc Montera, ses deux directeurs, ont su décloisonner les formes consacrées du théâtre et de la musique. Ils ont su bousculer les paroles et les sons, éprouver les rythmes et les silences, les espaces et les signes. En accueillant des artistes français et étrangers, ce lieu de convivialité propice aux échanges artistiques et à la proximité avec son public, s’est forgé une identité singulière, reconnu en France et à l’étranger.

Montévidéo est également un lieu déterminant à Marseille pour l’accompagnement des projets d’artistes régionaux, nationaux et internationaux, un lieu qui ouvre des perspectives de travail, de recherche et d’expérimentations essentielles au développement des démarches artistiques. Nous savons que les mois qui viennent sont d’une importance capitale.

Nous savons que d’importantes décisions relatives à sa pérennité doivent être prises. Nous y serons vigilants et y apporterons notre plein soutien.

Nous, artistes et spectateurs, fidèles du lieu, nous sommes persuadés que Montévidéo doit être sauvé. Nous souhaitons que Montévidéo soit pérennisé.

Nous interpellons et attendons de toutes les collectivités territoriales, qu’elles fassent tout ce qui est en leur possible pour  garantir la reprise et la poursuite des activités de Montévidéo, et qu’elles permettent à ce lieu emblématique de la création et de la scène contemporaine d’occuper toute la place qui doit être la sienne lors de l’année Capitale en 2013, et bien au-delà.

Les amis de Montévidéo. Pétition: ici

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ETRE SPECTATEUR PAS CONTENT

A Marseille, théâtres et festivals me découragent.

19h. L’horaire est fatal. À Marseille, c’est l’heure de la congestion, des rues bloquées par des embouteillages monstrueux, faute d’un réseau vertueux de transports en commun.

19h, c’est l’heure où l’on arrive à peine chez soi.

19h, c’est l’heure choisie par certains théâtres et festivals pour programmer leurs spectacles. La Criée, le Festival Dansem, le Festival Actoral, la Minoterie y sont largement abonnés. Tout au plus, concèdent-ils parfois 20h. À plusieurs reprises, épuisé, j’ai du renoncer, prisonnier dans ma voiture. Un trajet Aix en Provence – Marseille dure en temps normal (c’est-à-dire un dimanche matin à l’aube?) trente minutes pour trente deux kilomètres. En semaine, pour être à 19h au théâtre, il faut quitter Aix en Provence à 17h45. Pour ceux qui habitent Marseille, à moins d’être à proximité d’une station de métro, le calvaire est identique.

Mais que cache cet horaire ? Une volonté des artistes ? Une revendication des professionnels ? Une convention collective ? Je n’obtiens jamais de réponse si ce n’est : «à cet horaire, nous touchons un public qui ne vient pas d’habitude». Il permet d’accueillir travailleurs à la retraite, enseignants et professionnels de la culture. Soit. Lorsque je l’ai expérimenté, le résultat n’était pas très probant : des salles à moitié vides…

19h. C’est l’horaire pour rendre service. À quelqu’un. C’est poser une continuité dans une journée de travail. Le spectateur irait donc au théâtre en sortant de l’usine et du bureau, pour se divertir. 19h, c’est prolonger la philosophie du service là où le théâtre requiert probablement un horaire décalé pour laisser du temps au temps. Dit autrement, programmer une oeuvre peut-elle s’inscrire exclusivement dans un acte de service au risque de faire entrer peu à peu la relation à l’art dans la sphère marchande ? Une diffusion à 19h est un acte de communiquant pour nous laisser croire que théâtres et festivals répondent aux besoins imposés par la société consumériste.

19h, ce pourrait être l’heure d’une performance. Mais celle du spectateur découragé.

Pascal Bély, Le Tadorne.

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LA VIE DU BLOG LES JOURNALISTES! PAS CONTENT

Bloc-Notes / 3615 France3

Quand France 3 créé en 2009 la plate-forme «Culturebox», je me suis réjoui. Le projet vise à mettre en ligne les reportages élaborés par les stations régionales. Souvent d’excellente qualité,  ils proposent un focus sur la vitalité culturelle en région. Pour le Tadorne, c’est une opportunité pour illustrer et prolonger un article. Grâce à Culturebox, l’écrit et l’image s’articulent au profit de la visibilité d’un propos artistique.

Mais depuis quelques semaines, ce lent travail de mise en lien est détruit. En effet, la chaine a décidé de revoir l’architecture du site et son design. Je ne m’étendrais pas sur la qualité graphique, aussi joyeuse que celle d’une entreprise de pompes funèbres. Le problème est ailleurs: Culturebox en a profité pour changer tous les codes d’intégration des vidéos. Dit autrement, les reportages en ligne sur Le Tadorne sont dorénavant illisibles. À la place, un gros carré blanc (à titre s’exemple: Bertrand Cantat, «le condamné» d’Avignon). Postées depuis deux ans, il faudra du temps pour tout réinitialiser. À aucun moment, les techniciens n’ont envisagé que Culturebox était un outil pour les artistes, les institutions et les blogueurs. Ils ont pensé la rénovation du site sans prendre en compte son environnement.

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France 3 ne comprendrait-elle rien à la philosophie de l’internet, où tout est lié? Ils ont redéfini leur site dans une logique descendante et non horizontale. J’y vois la métaphore d’un système où la technique prime sur les dynamiques des liens. Sauf que ce modèle de pensée ne fonctionne plus.

Carré blanc. Carton rouge.

Additif au 10 décembre 2011:

Suite à la publication de l’article et à un message sur le mur Facebook de CultureBox, France Télévisions a réagi pour s’étonner de ce dysfonctionnement puis de reconnaître le problème et le régler.

Toutes les vidéos marchent correctement aujourd’hui.

Merci aux techniciens.

Pascal Bély

Pascal Bély ? Le Tadorne.

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BIENNALE DE LA DANSE ET D'ART CONTEMPORAIN DE LYON LES EXPOSITIONS PAS CONTENT

Bloc Notes / Urgent, la Biennale de Lyon perd ses plumes.

Les 13 et 14 septembre 2011, j’ai visité les expositions de la Biennale de Lyon dans le cadre des rencontres professionnelles. L’accueil y était chaleureux et la déambulation plutôt agréable. Deux mois plus tard, j’y accompagne un ami, mais le contexte a changé : de nombreux visiteurs sont venus. Quelques oeuvres majeures sont détériorées quand ce n’est pas leur sens qui est détourné. Quelques exemples..

– Les céramiques de Katinka Bock sont dorénavant protégées par une ligne blanche et un cordon. Cette oeuvre, libérée des contraintes d’exposition, puisait sa puissance dans son environnement fragile et sombre. Le visiteur pouvait passer à côté ou s’agenouiller. Deux mois plus tard, plus personne ne semble s’arrêter. Sous prétexte qu’on y marchait dessus, la sécurité impose sa vision, détourne le sens. Tout est verrouillé, sous l’oeil d’un agent très amont-bock-24biennale-copie-1.JPG

pointilleux. Qu’importe la finalité pourvu que l’on préserve.  La Biennale ne devrait-elle pas plutôt recruter un garant du sens?

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– Il n’y a plus personne pour accueillir les spectateurs vers l’installation «Breath» de Samuel Beckett par Daniel Thomas. Cette oeuvre théâtrale de quelques secondes nous plonge dans un environnement sonore et visuel saisissant. Mais aujourd’hui, on y entre comme dans un supermarché pour y prendre des photos avec flash. Dans ces conditions, le théâtre n’est plus qu’une attraction.

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-L’oeuvre d’Eduardo Basualdo est monumentale. Mystérieuse. L’artiste a désiré que les spectateurs puissent marcher dans l’eau, seule manière d’en ressentir la profondeur. Cela ne semble plus possible. Sécurité oblige?

– L’oeuvre de Robert Kusmirowski interpelle. En septembre, de cette forteresse, des livres se consumaient laissant s’échapper une fumée saisissante qui enveloppait les oeuvres avoisinantes comme pour les protéger. Mais le personnel et certains artistes se sont plaints. Plus de brouillard. Maintenant, tout est sain. Principe de précaution ?

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– Les oeuvres de Michel Huisman sont fragiles. Nous le savions en septembre. Toutes reposent sur une mécanique. Rien d’étonnant à ce qu’elles tombent en panne. Sauf qu’elles ne sont pas réparées. Circulez, il n’y a plus rien à voir. Les organisateurs ont-ils la volonté de recruter un horloger, un artiste-artisan pour réparer et veiller sur ces magnifiques oeuvres ?

– L’installation de Diego Bianchi est une métaphore d’un chaos créatif. Un agent d’accueil interpelle un parent : «merci de faire attention à votre enfant, il va abimer l’oeuvre». Le père réplique : «À l’entrée, vous m’avez interdit de venir avec une poussette. Il faudrait être clair sur votre position à l’égard des enfants». Dialogue de sourds. La tension monte. La Biennale a-t-elle  intégrée que des adultes étaient aussi parents ?

– L’installation de Sarah Pierce et la vidéo de ZBynek Baladran sont en anglais. Je n’y comprenais rien en septembre. Deux mois après, aucune traduction n’est proposée. Je questionne une nouvelle fois un agent de surveillance sur cette étrangeté. Mais il me réplique avec aplomb : «mais tout le monde parle anglais maintenant“. Désolant.

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– Les poules de Laura Lima étaient flamboyantes en septembre. Deux mois après, elles ont perdu quasiment toutes leurs plumes colorées. Je m’en inquiète auprès d’un agent de sécurité : «ben non, en septembre elles étaient comme cela». Je sors mon iPhone pour démontrer le contraire. Peine perdue. Les gens disent n’importent quoi, c’est bien connu. Je réitère mon observation à l’accueil du site de l’Usine Taste. Deux agents trop occupés à communiquer vers l’extérieur font semblant de s’en inquiéter avant de répliquer : «de toute manière, ce n’est pas mon taf de m’occuper des poules».

La commissaire argentine Victoria Noorthoorn se questionnait dans les colonnes des journaux : «comment l’art parle-t-il de la condition humaine et de celle de l’artiste ? Quel pouvoir de transformation a-t-il ? L’utopie y est-elle encore possible?» Nul doute que la marchandisation accrue de l’espace relationnel entre le spectateur et l’artiste lui donne quelques éléments de réponses?

Pascal Bély, Le Tadorne.

La Biennale de Lyon sur le Tadorne:

Extra-terrestre Biennale de Lyon.

Arnaud Laporte de France Culture se moque de La Biennale de Lyon.

La Biennale de Lyon donne le vertige.

Tu n’as rien vu à la Biennale de Lyon?

La Biennale de Lyon, jusqu’au 31 décembre 2011.

 

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Bloc Notes / C’est un directeur, adjoint.

Elle est assise face à nous. Avec son micro, elle nous cherche du regard puis nous interpelle : «j’ai besoin de vos retours, même si vous vous êtes ennuyé». La chorégraphe Danya Hammoud a confiance dans le cadre posé par Michel Kelemenis pour “Questions de danse” à Marseille: présenter une étape d’un processus de création puis ouvrir un dialogue avec le public.

Il prend la parole. Il est directeur adjoint d’un festival local. Il évoque le  travail antérieur de Danya Hammoud. Personne dans la salle n’a vu l’extrait du spectacle auquel il fait référence. Il regrette de ne pas retrouver ce qu’il avait semble-t-il aimé au mois d’avril dernier. Il précise même les points techniques qui font défaut ce soir. Implicitement, il fait comprendre à Danya Hammoud qu’elle ne sera pas programmée dans son festival.

De dos, du haut de son petit pupitre de jury, ce directeur adjoint joue à la Star Académy. La scène est d’une violence sociale inouïe (même dans le secteur privé, c’est un peu plus doux). Plutôt que de partager un ici et maintenant, ce professionnel exerce son pouvoir de vie et de mort sur les artistes.

Que ce directeur adjoint sache que mon émotion est à la hauteur de l’insulte.

Pascal Bély, Le Tadorne.

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COMMUNIQUE de ROMEO CASTELLUCCI

Le contexte de ce communiqué: iciLe spectacle dont il est question: ici.

Je veux pardonner ceux qui ont essayé par la violence d’empêcher le public d’avoir accès au Théâtre de la Ville à Paris.
Je leur pardonne car ils ne savent pas ce qu’ils font.
Ils n’ont jamais vu le spectacle ; ils ne savent pas qu’il est spirituel et christique ; c’est-à-dire porteur de l’image du Christ. Je ne cherche pas de raccourcis et je déteste la provocation. Pour cette raison, je ne peux accepter la caricature et l’effrayante simplification effectuées par ces personnes. Mais je leur pardonne car ils sont ignorants, et leur ignorance est d’autant plus arrogante et néfaste qu’elle fait appel à la foi. Ces personnes sont dépourvues de la foi catholique même sur le plan doctrinal et dogmatique ; ils croient à tort défendre les symboles d’une identité perdue, en brandissant menace et violence. Elle est très forte la mobilisation irrationnelle qui s’organise et s’impose par la violence.
Désolé, mais l’art n’est champion que de la liberté d’expression.

Ce spectacle est une réflexion sur la déchéance de la beauté, sur le mystère de la fin. Les excréments dont le vieux père incontinent se souille ne sont que la métaphore du martyre humain comme condition ultime et réelle. Le visage du Christ illumine tout ceci par la puissance de son regard et interroge chaque spectateur en profondeur. C’est ce regard qui dérange et met à nu ; certainement pas la couleur marron dont l’artifice évident représente les matières fécales. En même temps, et je dois le dire avec clarté , il est complètement faux qu’on salisse le visage du Christ avec les excréments dans le spectacle.
Ceux qui ont assisté à la représentation ont pu voir la coulée finale d’un voile d’encre noir, descendant sur le tableau tel un suaire nocturne.

Cette image du Christ de la douleur n’appartient pas à l’illustration anesthésiée de la doctrine dogmatique de la foi. Ce Christ interroge en tant qu’image vivante, et certainement il divise et continuera à diviser. De plus, je tiens à remercier le Théâtre de la Ville en la personne d’Emmanuel Demarcy-Mota, pour tous les efforts qui sont faits afin de garantir l’intégrité des spectateurs et des acteurs.

Romeo Castellucci
Sociétas Raffaello Sanzio

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En 2011, en France : des insultes antisémites contre le Tadorne, les spectateurs et Roméo Castellucci.

Premier acte, premier choc, à la lecture des témoignages de spectateurs publiés sur Facebook et confirmés par la Direction du Théâtre de la Ville de Paris:

« Les premières représentations du spectacle de Romeo Castellucci «Sur le concept du visage du fils de Dieu» au Théâtre de la Ville, ont été gravement perturbées par des groupes organisés au nom de la religion chrétienne.  Leur demande d’interdiction du spectacle par voie de justice ayant été déboutée par une décision du Tribunal de Grande Instance en date du 18 octobre 2011.

Nous considérons qu’il ne s’agit pas de la simple perturbation d’un spectacle, mais d’actes violents visant à interdire l’accès du public au Théâtre de la Ville en s’en prenant aux personnes et aux biens :

Jeudi 20 octobre

– Tentative violente d’intrusion par des militants organisés, avec usage de gaz lacrymogènes.

–  Enchaînement des portes de la salle dans le but d’en empêcher l’accès.

–  Utilisation de boules puantes

– Distribution de tracts dénonçant le prétendu caractère « christianophobe » du spectacle, reposant sur des allégations entièrement mensongères.

– Envahissement de la scène du théâtre par 9 activistes interrompant la représentation.

Devant les nombreuses menaces collectives ou personnelles que nous avons reçues depuis plusieurs semaines, faisant suite à l’odieuse campagne menée par Civitas, j’ai demandé à la Mairie de Paris de prendre des mesures susceptibles de garantir la sécurité du public, du personnel et des artistes tout en nous permettant d’assurer le maintien des représentations.

La présence des forces de police a permis de neutraliser les militants les plus violents. Lors de l’envahissement de la scène, devant l’impossibilité d’obtenir un départ dans le calme et sans violence et afin de prévenir un affrontement entre les manifestants et le public, j’ai demandé l’intervention de forces de l’ordre. Après l’évacuation des perturbateurs, la représentation a pu reprendre et se poursuivre jusqu’à son terme.

Vendredi 21 octobre

–  Jet d’huile de vidange et d’oeufs sur le public lors de l’entrée pour la représentation

–  Distribution de tracts

 Dans l’attente de l’intervention de la police pour déloger les agresseurs qui étaient juchés sur une corniche située au-dessus des portes d’entrée et interdisant l’accès au hall du théâtre, nous avons aménagé l’entrée du public par une issue de secours. Mais cela a pris énormément de temps et entraîné un retard de plus d’une heure de la représentation qui s’est finalement déroulée sans troubles.

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Samedi 22 octobre

Démarrage de la représentation avec 30′ de retard.

Nouvel envahissement de la scène du théâtre par un groupuscule interrompant la représentation.

Évacuation dans le calme. Reprise du spectacle.

Avant d’arriver en France, le spectacle a été présenté en Allemagne, en Belgique, en Norvège, en Grande-Bretagne, en Espagne, en Russie, aux Pays-Bas, en Grèce, en Suisse, en Italie et en Pologne. Il n’a pas suscité la moindre réaction analogue à celles que nous déplorons aujourd’hui. Ces agissements à caractère fascisant sont absolument inadmissibles.

Mes collaborateurs et moi-même, en plein accord avec Romeo Castellucci et son équipe, ainsi que l’ensemble du personnel du théâtre, ne céderons sous aucun prétexte à ces menaces et à cette intimidation. Nous entendons défendre la liberté d’expression, les droits du théâtre, et la mission qui est la nôtre face à cette terreur. Nous entendons exercer pleinement nos droits et réclamer aux fauteurs de trouble réparation des dommages et préjudices importants qu’ils nous occasionnent. Je tiens également à saluer l’attitude du public lors des deux premières représentations. Face à l’agression verbale, puis physique dont ils étaient l’objet, ils ont réagi avec calme et ont observé avec patience les mesures de contrôle que nous avons été contraints de mettre en place.

Les représentations du spectacle se poursuivront jusqu’au 30 octobre au Théâtre de la Ville. Je souhaite que le public continue à venir découvrir le travail d’un grand artiste que nous sommes fiers de soutenir et d’accompagner.

Emmanuel Demarcy-Mota

Directeur du Théâtre de la Ville »

Deuxième acte, deuxième choc.  Je ne m’y attendais pas. Suite à la publication de mon article sur le spectacle de Roméo Castellucci, un site me traite de “juif qui a payé pour aller voir le spectacle et qui a bien aimé la merde”. Il  s’en prend aux artistes, aux spectateurs avec des expressions d’une violence inouïe.

Comment de tels propos sont-ils possible en France ? À quoi sert la loi Gayssot qui punit de tels agissements (sur se site, on conteste aussi l’holocauste) ?

J’ai pour ma part écrit à SOS RACISME, à la LICRA, au MRAP et au Théâtre de la Ville pour les informer de cette situation et les inviter à porter plainte.

Troisième acte, troisième choc : je rêve d’une tournée de Romeo Castellucci en France.

Pascal Bély, Le Tadorne.