Les projecteurs s'éteignent. Je me retourne vers le public pour voir si je n'ai pas rêvé. Nous sommes plusieurs à nous regarder, éberlués. « Super ! » de la Belge Maria Clara Villa ? Lobos est une pièce consternante de bêtise. C'est surtout l'irruption du racisme dans ce festival « humoristique ».
Tout commence par une scène mal jouée, lourde comme une blague qui tombe à plat lors d'un repas bien arrosé : un homme et deux femmes, nus, miment la séance de photo humiliante des prisonniers Irakiens torturés à Abou Ghraib. Deux « superman » photographient. Malaise.
Les autres scènes sont sur le même registre. Passons.
« Super ! » est un spectacle paresseux, car il réduit tout ! La chorégraphe peut toujours prétendre qu'elle s'attaque au « monde globalisé » : sa cible, ce sont les États ? Unis. Elle amalgame sans cesse les règles du modèle libéral et les déterminants culturels comme si l'un entraînait automatiquement l'autre. Alors qu'elle ne cesse de dénoncer dans sa note d'intention, un monde binaire où s'affrontent « super forts et super faibles, super riches et super pauvres », elle structure sa pièce selon le même modèle de pensée ! Le spectateur est alors mis dans une position d'accusé (on n'hésite pas à nous scruter avec des lampes de poche) alors que les danseurs détiennent la vérité, eux qui savent avec talent se moquer de ce monde libéral aux mains des Américains. Mais, cette pièce aux propos huilés et mécaniques va chuter sur un imprévu?Alors qu'un danseur prend dans ses bras un enfant de deux ans situé au premier rang (on saura plus tard que c'est le fils de la chorégraphe), celui-ci hurle sur le plateau et refuse de coopérer. Les danseurs insistent. L'ambiance devient alors glaciale et la suite du spectacle patine.
Le monde, loin d'être binaire, est complexe. Le réduire à un anti-américanisme primaire, est dangereux. Je remercie cet enfant d'avoir mis fin à ce mauvais spectacle que même José Bové n'accepterait pas comme film de campagne électorale.
Super, ce gosse !
?????? “Super!” a été joué le 28 février 2007 dans le cadre du Festival “Les Hivernales” d’Avignon.>



Une heure plus tard, la Compagnie de Thomas Lebrun nous invite dans la grande salle de la Chartreuse pour une soirée « What yo want ? ». La photo ci-dessus donne une idée de l'espace scénique. Nous sommes accueillis par des danseurs qui, verre de vin à la main, vous accompagnent à votre table où quelques tartes salées nous attendent. Le spectacle commence sur un air de jazz où neuf danseurs se déambulent gentiment. C'est une danse d'apéritif. Cohérent.
Le chorégraphe et danseur Denis Plassard propose «
Le Festival nous donne rendez-vous à la Maison Jean Vilar pour « U.I.A.R une intense action restructurante ». Le titre sonne comme une publicité pour un produit cosmétique dont nous serions les heureux acheteurs, chanceux spectateurs que nous sommes de cette édition édifiante des Hivernales ! Andréa Sitter, telle une one woman show, se propose de revisiter l'histoire de la danse sur des musiques de Schubert, Jimi Hendrix et Tom Waits. Avec un seau rouge rempli de tomates cerise, elle joue des épisodes à la fois classiques et contemporains de la danse. La couleur contraste avec le blanc du sol à l'image du nez d'un clown. C'est parfois drôle quand elle évoque les démarches pour le moins hermétiques de la danse contemporaine et quelquefois ennuyeux quand elle s'enferme elle-même dans la pauvreté de sa chorégraphie. Si bien qu'on ne sait plus très bien ce que l'on voit : entre dérision de la création et création sur la dérision, Andréa Sitter me perd comme si ,de regarder d'en haut l'histoire de la danse, elle a oublié qu'elle en était une de ses protagonistes. 
Six danseurs sont donc sur scène, requins gonflables au sol, table de massage pour ostéopathe bien en vue. Cinq patients vont défiler dans ce cabinet imaginaire pour faire sortir la bête qui sommeille en eux. Vous l'aurez compris, ces Suisses ne voient le mal qu'incarné dans l'animalité. Mais surtout, tout n'est que clichés, caricatures lentement distillées depuis des années par le café ? théâtre, par les émissions de jeux et autre talk-show. Dans « I want to go home », la femme est un appât (elle mort à l'hameçon). Elle est bien sûr hystérique (tiens revoilà cette notion aujourd'hui abandonné quand elle est associée à la féminité). Elle castre l'homme tout en s'accrochant à lui, mais il est toujours là pour lui poser des limites. Mais je n'ai pas encore tout vu ! Un homme avec ses bottes de chasseur entreprend de la déshabiller avec une fourchette et un couteau ! La voilà réduite à de la chair. La femme est ainsi ridiculisée pendant plus d'une heure, soumise au désir de l'homme. Son corps n'est que liquide, à l'image d'une pisseuse qui emmerde ce petit monde masculin. L'homme n'est pas mieux servi, mais il au moins du souffle, il tient la canne à pêche pour prendre sa proie, et maîtrise les techniques de l'ostéopathie pour remettre les individus d'aplomb.
À ce stade de bêtise, le public rit de ce qu'il entend (car on y parle beaucoup dans cette pièce sur le ton des comiques de plateau télé). Il est conforté par les mots et les images d'une société qui déverse son machisme dans les médias, les cours de récréation et autres fêtes entre amis, pour maintenir en l'état ses bons vieux principes judéo-chrétiens. Cette danse me dégoûte ; elle fait régresser un public qui n'en demande pas tant pour éviter de se poser les questions, pour « ne pas se prendre la tête ».
À peine entré dans le Théâtre d'Arles que nos papilles sont chatouillées. Au fond de la scène, un cuisinier prépare le repas. Une table est dressée pour accueillir deux invités qui vont déguster en direct ces plats mitonnés avec délicatesse, face à un public attentif et envieux. La pièce a été créée en 1988 à partir du scénario « My dinner with André », film de Louis Malle, sorti en 1981, où André Gregory et Wallace Shawn jouaient leur propre rôle. Vingt-cinq années plus tard, deux compagnies d'Anvers s'associent pour rejouer sur scène ce dîner d'une durée aussi longue qu'un repas de fête des Mères (3h 20). Deux conceptions du théâtre s'affrontent (l'une quasi mystique, l'autre matérialiste) et je me surprends à rire de leurs escalades verbales et autres jeux de mots. L'odeur de la cuisine ajoute à ce repas une atmosphère chaleureuse où le public est quasiment à table. Nos deux comédiens (Damiaan De Schrijver et Peter Van den Eede) n'hésitent pas à jouer une pièce dans la pièce quand ils se perdent dans leur texte pour prendre à partie le public. Le jeu en dérision des acteurs accentue la caricature des deux conceptions du théâtre d'autant plus que la diction abandonne certaines phrases entre deux crevettes (sic).