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FESTIVAL D'AUTOMNE DE PARIS FESTIVAL D'AVIGNON OEUVRES MAJEURES THEATRE MODERNE

Unique, double Angélica Liddell.

Deux heures et quarante minutes de représentation s’achèvent par une clameur. Le public réagit chaleureusement; ému, pensif, il semble avoir traversé des océans pour échouer sur une île, seul. Ce voyage est celui des hautes solitudes. La sidération laisse place au dépouillement, mélange de trop-plein et de vide. Il fait nuit dans la cour du Lycée Saint-Joseph; l’obscurité est en soi. Je me demande pourtant s’il convient d’applaudir. Aimer cette femme jusqu’à se perdre semblerait un geste plus approprié. Résister à sa fureur pour lui prouver qu’elle dispose malgré tout, de compagnons d’infortune. Être là, juste.

Longtemps, durant la représentation de «Tout le ciel au-dessus de la terre (Le Syndrome de Wendy)», je me suis dit que je ne comprenais rien. Chaos scénique (chaises renversées, monticule de terre, pétales disposés à même le sol), morcellement intérieur des caractères et fragmentation du monde empêchent toute lecture linéaire, toute reconstitution d’un récit. Mais il est impossible de décrocher. Comme par le passé, Angélica Liddell compose une beauté monstrueuse, touchant tous les registres. Personnage à la grâce ophélienne et à la blancheur diaphane, ou spectre squelettique au début de la pièce ; corps prostré de douleur et de rage en fin de spectacle. Délicates valses, foudroyantes scènes d’orgasmes onanistes. Combien sont-elles en elle ? Angélica Liddell joue Wendy, mais sur scène, son engagement personnel, à la fois physique et psychique, est tel qu’on ne sait plus si l’on a affaire à sa propre histoire ou au jeu d’une comédienne. L’ambiguïté floute les limites de la représentation. L’effet de réel est au service d’une esthétique de la terreur.

Wendy est censée s’enfuir de la réalité pour gagner, avec Peter Pan, l’île de la jeunesse éternelle. Elle échouera à Utoya, lieu du massacre perpétré par Breivik. Par la suite, elle trouvera refuge en Asie, Shanghai précisément. Wendy, cependant, n’est pas là pour apporter «un supplément de dignité», une dénonciation confortable et moralement satisfaisante des crimes commis par ce fou. Elle fusille les bons sentiments, assassine les «mères» et leur bonne conscience venimeuse. D’une certaine manière, elle semble avoir pactisé avec le mal, consciente que ce qui a été n’est plus. Je crois assister au glissement des identités : Angélica Liddell-Wendy…Peter Pan-Breivik ? Wendy, cette «meurtrière de la joie / Ton vide s’est rempli de cadavres». Qui est qui ? Qui dit quoi ? L’Espagnole donne corps au monstre, à sa folie destructrice. Elle s’offre à lui, chair et âme, parle de l’horreur en se situant de son côté, jusqu’à la nausée. Dégoût des faux-semblants et de l’hypocrisie sociale, indéfectible solitude. Le monstre vomit l’humanité, sombre dans l’abject lorsqu’il évoque ses conversations nocturnes avec des «pervers».

 

Jeunesse, beauté, tout s’effile, s’écoule et s’effondre. La littérature et le mal, une nouvelle fois réunis. Seule joie pour elle, la masturbation, épiphanie solitaire. Pourtant, tout n’est pas si simple : «nous puiserons / Nos forces dans ce qui n’est plus». Susurrés, affirmés, hurlés ou raillés lors de la représentation, ces vers de Wordsworth doivent être entendus. L’attentat poétique à l’œuvre sur scène énonce en réalité une exigence de vie…et d’amour. Wendy, d’ailleurs, est qualifiée de «monstre d’amour». Les «pervers» pensaient faire corps avec elle ; elle leur oppose son désir de «beauté radicale» et les renvoie à leur propre solitude. La beauté, c’est cette valse mélancolique interprétée par les deux danseurs de Shanghai qui, par leur âge avancé, défient le temps, l’espace et les mœurs. Ils recousent, par leurs gestes, le tissu des corps déchirés.

Par-delà chaos et décrépitude, la demande d’amour effleure… «L’amour. L’amour. C’est mon unique sentiment»…heureux celui ou celle qui saura le saisir…

Sylvain Saint-Pierre – Tadorne

«Tout le ciel au-dessus de la terre (Le Syndrome de Wendy)» d’Angelica Liddell au Festival d’Avignon du 6 au 11 juillet 2013.
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FESTIVAL D'AVIGNON THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN Vidéos

Festival d’Avignon – “Je suis prêt à me battre pour défendre ce spectacle”

Pendant le Festival d’Avignon, j’aime nos échanges de spectateurs sur notre groupe Facebook. Ils sont sans concession. À propos de «Par les villages», mise en scène de Stanislas Nordey, Francis Braun écrit: «Je suis prêt à me battre pour défendre ce spectacle». Pascale s’impatiente: elle attend des propos plus étayés ! Nicolas, fidèle lecteur, lui répond:  «Ça va venir. Les Tadornes s’invectivent et se défient avant la bataille d’arguments».

Je n’ai pas vu la pièce, mais le texte de Francis Braun est un sacré coup d’épée. En plein cœur.

Pascal Bély.

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Les cloches n’appellent pas le temps, elles appellent l’Éternité”.

Ah bas les sculptures de racines…”

Force de constater qu’il ne reste que ce ruisseau qui ne coule plus. Force de constater que le béton bloque tout.

Comme beaucoup, ils crient. Très fort, ils pensent que “personne ne peut tout”.

La pièce de Peter Handke, «Par les villages», mise en scène de Stanislas Nordey, n’est pas silencieuse. Elle est dénuée de bruit artificiel et les comédiens, tous en ligne, respectent son écriture… Disparu, le lien tutélaire. Il y a encore moins de protection, tout est remplacé, l’eau, la terre, le feu, les écoulements, les brûlures. C’était différent avant et ce n’est pas, là, une banalité. Et ils le racontent, tous, ce changement, cette société, ce bouleversement. C’est ainsi que quatre heures durant, ils font cet effrayant constat qui nous enfouit dans un amalgame bétonné.

Stanislas Nordey, Jeanne Balibar, Emmanuelle Béart, et des superbes seconds rôles (magnifiques comédiens) sont là. Des ouvriers, maîtres d’œuvre ou artistes géniaux nous racontent sans emphase. Une mise en scène sévère, rectiligne sans artifice. On oublie l’année dernière Simon Mac Burney: il n’y a pas de vidéo, il n’y a pas de gadget.

Retour à l’admiration du verbe, du texte, des dires devant 2000 personnes, juge et partie assis tous de face, admirateurs ou obstacles, pour ou contre, public sévère d’Avignon. Stanislas Nordey veut, dit-il,  parler à l’intime de chaque regard. Metteur en scène et comédien, il est là, fougueux, volontaire, puissant convaincant, incisant poignard, truelle maçonne, outil de la persuasion.

Ils re-disent parfois….”Ah bas les sculptures de racines”….

Stanislas Nordey mène sa troupe serrée, sans gesticulation. Ancrés, ils sont debout sur ce sol quelconque et devant des baraques de chantier traditionnelles (la Carrière Boulbon aurait-elle été préférable que la Cour….je pense). Le décor insignifiant, n’ajoute rien, n’enlève rien. Dans la seconde partie, les arbres blancs que compose cette façade plaquée et végétale d’un cimetière livide ne dérangent pas plus que leurs ombres esquissées…finalement  on s’en moque un peu. C’est un lieu de fin de vie, c’est un lieu de retrouvailles, c’est le lieu extrême de la fin. Aucune intégration avec les pierres séculaires, juste une cohabitation. Catherine Ribeiro aurait aimé ce “Carrefour de la solitude”, ce lieu indéfinissable et vivant du passé et de la mort (je pense à Catherine Ribeiro grande amie de Colette Magny à qui l’intendante du chantier Annie Mercier me fait penser par la force de sa violence).

Ce décor pour moi n’existe même pas. J’arrive à l’ignorer tant les voix me harcèlent.

Les voix des hommes, les voix des femmes.

Emmanuelle Béart, plus habituée au Cinéma qu’au Théâtre est une voix rauque, coléreuse, voire parfois hargneuse. Le poing souvent serré de sa main nous dit la violence de son propos, mais  il sonne comme un écho fabriqué, comme une volonté forcée plutôt que venant d’une injonction naturelle. Sa petite taille devant le mur l’ancre sur la Terre Bétonnée. Elle aurait pu disparaître dans la terre meuble. Je doute de ce choix de comédienne.

Emmanuelle Béart est seule, Jeanne Balibar est  seule, Annie Mercier est seule, les ouvriers sont seuls  et cette aventure par les villages est un peu un chemin  de solitude, un chemin où se cognent non seulement le désarroi et les déceptions, mais aussi  les regrets et les amertumes.  La civilisation nous convie à la solitude.

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Jeanne Balibar est seule. Seule à talons, yeux dans le vague, bouche haletante. Nova de sa hauteur parle. Elle monologue. Linéaire ses paroles, comme sur un fil, droite, parallèle à ce qu’elle doit dire, toujours rectiligne. Des hauts dans sa voix, des bas trémolos inquiétants. Pas de morale dans les syllabes, des conseils plutôt, des dires sur l’Art salvateur. Elle est implacable. Elle me fascine par sa ténacité verbale et la persuasion de son rictus. Elle se parle à elle-même comme si elle parlait aux Dieux  d’une Tragédie. J’aurais pu l’écouter longtemps, plus longtemps parler de la création, de la source bienfaisante de l’Art,  des démarches créatrices.
L’Art intemporel, l’Art solution extrême, seule échappatoire, l’’Art au dessus de toutes les contingences mercantiles ( ??? !!!). L’Art pour les humbles, l’Art pour les oppresseurs, l’Art pour les opprimés. L’Art, l’issue évidente.

Quatre heures bien sûr, c’est long, c’est envoutant, mais l’esprit parfois s’en va, nous laisse à la dérive. Seule, la puissance de la mise en scène, seul le talent de ces hommes et de ses femmes nous emporte, nous tient éveillés…Je suis resté accroché à Balibar.

Il est maintenant presque 1.30. On ne plaisante plus. La gardienne du cimetière se lève, les autres aussi, l’enfant fil conducteur a les yeux qui clignotent. Bas les masques, ou plutôt, mettez vos masques, continuez ainsi, les masques vous protègent, ils sont l’image de votre cachotterie, de la notre, de la leur….

Rien ne sert à rien, les masques ne tombent pas…on n’y peut  rien…

Toute la troupe, à la fin se lève, ils nous regardent, se regardent, portent à la main des masques de bois, dont il recouvre leurs visages…j’allais dire leurs VILLAGES !

Debout. Applaudissements.
Jeanne Balibar est grande et émue, il semble qu’Emmanuelle Béart pleure….

Francis Braun – Tadorne

“Par les villages” – Peter Handke, mise en scène de Stanislas Nordey à la Cour d’Honneur  - Festival d'Avignon – 6.7.2013
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FESTIVAL D'AVIGNON LE THEATRE BELGE! Vidéos

Avignon Off 2013 – Nous avons compris.

«Je vous ai compris!» dit-il de sa voix solennelle. Cinquante ans après, cette expression inaugure notre Festival Off d’Avignon à travers la pièce de la compagnie Groupov. Elle résonne avec l’ouverture de l’In, où l’Espagnole Angelica Liddell dans «Ping pang qiu», nous avait interpellés sur les mots utilisés par les politiques…

Cinquante ans après, deux comédiennes, Valerie Gimenez et Sinda Guessab, nous font vivre de l’intérieur cette allocution mythique. Elles incarnent un couple improbable, celui de leurs parents: un gendarme pied-noir (militant du Front National) et une Algérienne naturalisée française. Leur histoire originelle est différente et distanciée, mais le contexte politique actuel les relie: face à nous, elles font ce travail d’introspection que la France ne veut pas entamer.

Les tons sont rapidement campés. L’homme est un peu timide, maladroit et pose ses valeurs nationalistes. Ses bégaiements en disent long sur ces mots de l’Histoire qui butent sur l’intime douleur…La femme est souriante, généreuse, pétrie de forces et d’émotions. Mais ses rires ne sont que barrières de défense qui peu à peu cèdent…Les mots «tirs» de l’un traversent les sourires «tics» de l’autre.

La mise en scène se construit derrière elles, grâce à l’excellent coup de crayon du dessinateur Samir Guessab. La chorégraphe Mathilde Monnier, au dernier festival Montpellier Danse, avait su tirer parti de cet outil, dans sa proposition d’amateurs «Qu’est-ce qui nous arrive ?»… La main précise de François Olislaeger nous avait dévoilé petit à petit les détails de ce territoire inconnu. Même démarche ici comme si le dessinateur chorégraphiait les mots. Là où l’image vidéo perd souvent le spectateur dans une opposition plateau/écran, ici les dessins font lien entre les deux personnages. Les plis de la veste du gradé apparaissent en quelques traits noirs et le propos transpire. Le crayon glisse sur l’écran et nous ouvre le regard sur ce pays, sur les actes des indigènes et des colons. Chacun est enfermé dans ses représentations et tente de construire un pays hybride. Les processus d’hier continuent de séparer notre société d’aujourd’hui, provoquant le malaise d’une incommunicabilité sectaire: qui est l’indigène, qui est le Français de souche? Qui colonise qui et quoi?

Comment ne pas repenser à «Méditerranées» film de 35min d’Olivier Py. On y retrouve la même senteur des orangers, la même beauté des montagnes, l’immensité de l’horizon que découpe la mer, la même mélancolie de ces êtres humains confrontés à la perte de leurs racines; la même odeur de la torture et de la mort qui les laissent marqués au fer rouge pour toujours tels de simples moutons.

«Je vous ai compris» est une œuvre forte, car elle célèbre la liberté d’expression: ouvrir la parole intime de chacun pour penser une politique pour tous. Il faut un sacré courage pour oser un tel rendez-vous avec l’Histoire et accompagner le spectateur à faire ce travail d’introspection. Car ne nous y trompons pas: cinquante après, l’expression de De Gaulle agit comme un secret de famille.

De génération en génération, elle détonne comme une mine antipersonnel.

Sylvie Lefrère – Pascal Bély – Tadornes

« Je vous ai compris » par la compagnie Groupov à la Manufacture jusqu’au 27 juillet à 11h.
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L'IMAGINAIRE AU POUVOIR

Viens voir les psychanartistes. Voir les comédiens. Voir les magiciens. Qui arrivent.

Il m’en faut de l’énergie pour faire le voyage jusqu’à Saint Paul de Vence. À cet instant, je ressens ce même désir mêlé de crainte et de courage quand, pendant dix années, je partais vers ma psychanalyste.  À Saint-Paul, des «psychanartistes» donnent rendez-vous à une assemblée de spectateurs pour une après-midi «hors cadre», savamment intitulée «du réel à la performance par la dérision». Tandis que le cynisme fait office de pensée et se propage à la vitesse d’une contamination virale, il est vital d’entendre une théorie en mouvement; nécessaire de ressentir la psychanalyse comme acte de création; urgent de décloisonner et de relier l’art à ce qu’il y a de plus complexe: l’humain. Organisé par l’A.E.F.L de Nice (Association d’études de Freud et de Lacan), ce rendez-vous qui réunit sur le plateau psychanalystes et artistes dans une ambiance cabaret des années folles, se veut un brin provocateur.

DCF 1.0

Précédée par la danseuse Vanessa Lou Zouan, Catherine Méhu, psychanalyste, s’avance vers nous, sort d’un cadre en veillant à ne pas trébucher:

«Le rire, c’est sérieux / La dérision, c’est… vital / Le réel, c’est…/Le cadre, ha ! Le cadre/ Le cadre, c’est incontournable / Et c’est contournable / Ça se lit entre les lignes. / Entre les lignes, Qu’est-ce que c’est? / Entre les lignes/ C’est une création / Un hors cadre de psychanalystes / Un hors cadre d’artistes / Un hors cadre anarchiste? / Pour des psychanalystes ? / Pour des artistes ? / Pour des « psychanartistes » alors /Pour des psychanartistes »

Ce rendez-vous verra se succéder textes, danse, musiques, chants, performances. Il est un  « cadre vide / On l’invente toujours / On le traverse / Et on le déplace/ Un espace de liberté ». Cette rencontre entre la psychanalyse et l’artiste souvent suggérée sur les scènes de théâtre européennes, prend ici corps sur ce divan du monde, dans cette « liberté créatrice / Comme une circularité / Entre matière et forme / Entre rigueur et ouverture / Entre les lignes…D’une position hybride / afin que quelque chose surgisse à l’intersection. Ils s’émancipent de leurs disciplines / Pour aller vers cette démarche créatrice. Le psychanartiste est un créatif en puissance il mène une recherche outreligne /…/C’est une recherche  / C’est une mise en commun  / C’est une réflexion autour d’un thème.  / C’est une mise en acte de textes /…/ Une performance de psychanartistes. »

Tout est dit sur cette rencontre entre l’art et la manière, entre mots et gestes, du non-dit dans du dit, du ça dans le sur moi ! Très rapidement, la jubilation me gagne tandis que vient toquer à mes rationalités, la langue déconstruite de Valère Novarina interprétée avec  profondeur par Olivier Lenoir. N’est-elle pas métaphore du langage du patient, de ces associations d’idées et de mots qui éclairent la réalité psychique ?

DCF 1.0

Quelques séquences plus tard surgit une image. L’Image. Nora Lomelet et Jean-Louis Rinaldini font un arrêt sur hommage à Jean-Luc Godard en interprétant le dialogue improbable entre le cinéaste et une femme égarée dans un néant d’apparence troublée par ses ailes du désir…À cet instant précis, je ressens les forces contraires qui nous propulsent vers l’émancipation, la liberté, «le renoncement de soi pour l’avancement de soi-même» (Louis Jouvet)

L’acteur Fabien Duprat est exceptionnel en oiseau quand il s’inclut dans le film de nos images dissociées . Sa farandole de mots empruntés à Boby Lapointe redessine son visage qu’une heure plus tard, son corps  est “irradié” et désarticulé par les logiques des systèmes totalitaires. Il  y a urgence à rappeler que le corps est langage.

Autre rencontre…fictive cette fois-ci entre Adolf Hitler et Sigmund Freud. À partir d’un extrait de «Vienne 1913» d’Alain Didier-Weill, les comédiens Frédéric de Goldfiem et Jonathan Gensburger incarnent les liens entre la psychanalyse et l’art. On y décèle le regard que portait Hitler sur le rapport entre contenant et contenu, signifié et signifiant,  forme et matière…

À ce duo d’hommes, répond celui de deux femmes irradiantes : l’actrice Gianna Canova et la psychanalyste Nora Lomelet. L’une est complice d’un pouvoir totalitaire ; l’autre en est la victime. Côté à côte, seuls leurs visages sont éclairés. Tout les oppose…et pourtant. Entre dictature et résistance, qu’entendons-nous de cette humanité qui se débat avec ses démons et ses forces vitales ? Elles sont côte à côte et ne forment qu’une seule entité : le théâtre, espace unique, capable de convoquer des spectateurs pour ressentir la dualité entre dictature et liberté.

Saluons la performance tout au long du spectacle de la psychanartiste  Michèle Zuntini guitariste  classique qui s’est collée à la retranscription à la guitare de Boby Lapointe, à l’accompagnement de la mezzo soprano Isabelle Gioanni, au tango avec Gianna Canova, et d’autres créations musicales mais surtout saluons la pour son texte “Silenzio” lu par “l’irradié” qui montre son talent d’écriture.

À quelques minutes de la fin, ensemble, attablés, les psychanartistes commandent leur repas à partir d’un menu concocté avec les œuvres de DaliLes entre-plats sodomisés» (viandes), «Les spoutniks astiqués d’asticots statistiques»). Je me lèche déjà les babines à l’idée de déguster ces mets et d’y retrouver mon enfant créateur. Il est ici, là, plus loin…Mais, croyez-le, bien réel.

Pascal Bély – Le Tadorne.

«Du réeel à la perform ance par la dérision», une mise en scène de Fabien Duprat avec Élisabeth Blanc, Catherine Méhu, Vanessa Lou Zouan De, Olivier Lenoir, Michèle Zuntini, Herns Duplan, Isabelle Gioanni, Daniel Cassini, Nora Lomelet, Jean-Louis Rinaldini, Fabien Duprat, Frédéric de Goldfiem, Jonathan Gensburger,  Roger Holtom, Gianna Canova, Catherine Fava-d’Auvergne. Au Centre Culturel de Saint-Paul-de-Vence le 29 juin 2013.
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ETRE SPECTATEUR FESTIVAL D'AVIGNON

Le 12 juillet, du matin à la nuit…rejoignez les spectateurs Tadorne sur les chemins du OFF

Le vendredi 12 juillet, de 10h à minuit, nous vous invitons à un parcours avec l’équipe des spectateurs Tadornes. Nous serons rhyzomes sur le territoire d’Avignon, de la ville intra-muros à l’ile Piot.

Nous vous proposons une sélection de cinq spectacles qui pourrait susciter votre curiosité. Différentes formes seront au rendez-vous : le théâtre Belge de David Murgia dés le matin, le cirque décapant de Ludor Citrik, un doux clin d’œil à la performeuse Sophie Calle, une pièce de danse théâtre où la performance comme forme narrative d’expression avec la Cie Brigitte Nielsen Society et pour finir  une soirée unique «NightsShots» avec la compagnie Akté.

Entre chaque spectacle, nous échangerons nos ressentis, nos visions. Nous tisserons peu à peu des liens entre nous et les œuvres pour stimuler notre regard critique.

Ensemble, nous ferons nos retours le dimanche 14 juillet de 11h30 à 13h dans le bar couvert du village du Off pour faire éclater un feu d’artifice d’émotions et de débats.

Le groupe des Tadornes vous attend.

Le groupe est limité à 10 personnes : pour vous inscrire, pascal.bely@free.fr / 06 82 83 94 19

Le programme

10h40 – La Manufacture – “Discours à la Nation  d’Ascanio Celestini par le Festival de Liège / Théâtre National de Bruxelles.

15h30 – Espace Vincent de Paul Ile Piot – “Qui sommes je?” de Ludor Citrik.

17h55 – La condition des Soies – “Absente: rendez-vous avec Sophie Calle” de Shakespeare’s Wild Sisters Group.

19h50- Présence Pasteur – “La jeune fille et la morve” de Brigitte Nielsen.

21h45 – La Manufacture – “Nightshots 4″– Compagnie Akté.

 

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ETRE SPECTATEUR FESTIVAL D'AVIGNON

Nos 100 spectacles pour le Festival Off 2013.

Nous sommes 5: Sylvie Lefrère, Bernard Gaurier, Sylvain Saint-Pierre, Laurent Bourbousson, Pascal Bély. Ensemble, nous avons élaboré le projet des Offinités Publiques pour le Festival Off d’Avignon où nous désirons créer la relation interactive entre publics, artistes et animateurs du Tadorne. La parole des spectateurs sera au centre des débats. Chaque Offinité dessinera des portraits pour révéler l’histoire de chacun avec le festival.

Ces Offinités auront lieu les jours pairs de 11h30 à 13h, à partir du 10 juillet, au chapiteau en bois du village du OFF.

Tout au long de ces trois semaines de festival, vous pourrez suivre ces rendez-vous à partir de la page Facebook du Off, du blog du Tadorne et du groupe «les Offinités des spectateurs».

Deux Offinités auront une démarche particulière :

Le 11 juillet à 16h : des professionnels de la toute petite enfance feront un retour de leur journée au Off pour révéler, «le grand Off du tout-petit».

– Le 12 juillet, nous animerons une Offinité, «La performance des spectateurs». Nous proposerons à un groupe de spectateurs de suivre avec nous un parcours théâtral de 5 spectacles du matin à minuit. Nous échangerons entre les spectacles, n’hésiterons pas à faire part de nos ressentis aux spectateurs de passage puis relaterons cette journée le 14 juillet à 11h30 au Village du Off (programme en ligne).

Pour établir la sélection des 100 spectacles du Off, nous nous sommes inspirés des thèmes des Offinités Publiques mais aussi de nos désirs d’aller à la rencontre de compagnies, d’auteurs, d’artistes dont le propos nous a interpellés.

Le programme des Offinités.

10 juillet, «Notre ciel d’Avignon» ou comment l’exposition «Nuage» au Musée Réattu d’Arles évoque le spectateur d’Avignon.

11 juillet, 16h, « Le grand off du tout-petit ».

12 juillet de midi à minuit, «Une performance de spectateurs».

14 juillet à 11h30, le retour sur notre performance de spectateurs du 12 juillet

18 juillet,  «Le Off, théâtre monde?», avec la participation d’Amnesty International et des metteurs en scène Catherine Graziani et Julien Bouffier.

20 juillet, «Quelles écritures du réel au Off ? »

22 juillet, “Danse, Théâtre : tous dans le même mouvement !»

24 juillet, «Être spectateur co-producteur : pour quels projets ? » avec les spectateurs et compagnie adeptes du crowdfunding.

26 juillet,   “Merveilleux festival Off ?” avec le chorégraphe Philippe Lafeuille.

28 juillet, «Spectateur, quel programmateur êtes-vous ?» avec la participation de deux spectateurs (Marie-José Mas et Daniel Le-Beuan).

 

Notre sélection de spectacles.

Nous précisons que cette sélection évoluera au cours du Festival au hasard des rencontres et des coups de coeur de chacun. Cet article sera donc régulièrement modifié.

Maison du Théâtre pour enfants.

Papa est en bas” par la compagnie La Clinquaille.

Camion à histoires” par l’Ardenois et Compagnie.

Le jour de la fabrication des yeux” par la Compagnie pour ainsi dire.

Voyage sonore interactif” par PhiléMOI-les Sculpteurs de sons (Sélection Offinité du 11 juillet, “Le grand Off du tout-petit“)

Concert-tôt” par la compagnie Ensemble FA 7 (Sélection Offinité du 11 juillet, “Le grand Off du tout-petit”)

“C’est dans la poche” par la compagnie Jardins Insolites (Sélection Offinité du 11 juillet, “Le grand Off du tout-petit“)

Le papa-maman” par la compagnie la Parlote (Sélection Offinité du 11 juillet, “Le grand Off du tout-petit”)

Les Hivernales – Programme Danse.

Une douce imprudence” d’Eric Lamoureux et Thierry Thieu Niang.

N. l’étoile dansante” d’Aurélien Kairo.

Altérité” de Bouzianne Bouteldja et Coraline Lamaison.

Hidden et Choice” d’Olga Cobos et Peter Mika.

My god” d’Hassan Razak.

Trajets de ville” d’Anne le Batard et Jean-Antoine Bigot.

Weltanschauung” de Clément Thirion et Gwen Berrou.

La Parenthèse.Programme Danse.

Du 8 au 14, à 10h: “Helder“, “Gerro, minos and him“, “Autarcie

Du 15 au 21, à 10h, “Abois“, “Désastre“, “Let it be me“, “Toi et moi

Du 8 au 14, à 18h, “Les frères et les lions“.

La Manufacture

Discours à la Nation” , Théâtre National de Bruxelles (Sélection “Une performance de spectateurs” le 12 juillet)

Risk” de John Retallack.

End/Igné” de Mustapha Benfodil.

Hold On” de la Compagnie Le Laabo.

J’ai apporté mes gravats à la déchetterie” d’Anne Lefevre.

La putain de l’Ohio” de Hanokh Levin.

Je suis/ tu es Calamity Jane”  de Nadia Xerri-L

Je deviens Jimmy Hendrix“, Eric Da Silva.

Miss Knife” d’Olivier Py.

Silence encombrant” par la compagnie Kumulus.

Je vous ai compris” par la compagnie Groupov (Sélection Offinités du 20 juillet, «Quelles écritures du réel au Off ? »)

Italie-Brésil 3 à 2″ par la Compagnie Tandaim.

Addictions(s): Paroles d’Artistes” par la compagnie Akté (Sélection “Une performance de spectateurs” le 12 juillet)

Théâtre des Halles.

King Lear Fragments” de Shakespeare par le collectif Mains d’Oeuvre.

Blanche Aurore Celeste” de Noëlle Renaude par Alain Timar.

übü kiraly” d’Alfred Jarry par Alain Timar.

Illumination(s)) par Madani Compagnie ( (Sélection Offinités du 20 juillet, «Quelles écritures du réel au Off ? »)

Closer” par le Poche, Genève.

Théâtre le Girasole.

Vivarium” de Thierry Simon-Lansman Editeur.

Bruits d’eaux” par Catherine Graziani (Critique du Tadorne)

Savez-vous que je peux sourire et tuer en même temps” de François Chaffiin.

Théâtre Arto.

Les ratés” par la compagnie Roketta.

Le Théâtre des Doms.

Ici s’écrit le titre de la pièce qui nous parle d’Ante” d’Ivor Martinic.

Combat avec l’ombre” par la compagnie Frederic Dussenne.

La petite évasion“, Théâtre de la Guimbarde.

Smatch (1)), si vous désespérez un singe, vous ferez exister un singe désespéré” par le Corridor (Critique du Tadorne)

Théâtre de la condition des soies. 

Absente: rendez-vous avec Sophie Calle” par Shakespeare’s Wild Sisters Group (Sélection “Une performance de spectateurs” le 12 juillet)

Debout dans le vide” de Damien Ricour.

Sei Solo suivi de Moments d’Absence” par Raphaël Cottin et Cécile Loyer (du 8 au 13)

rock identity” de Katalin Patkaï (du 15 au 21)

Milf” de Katalin Patkaï (du 16 au 20)

Les Rois suivi de Souffle”  par Nicolas Maloufi et Pierre Pontvianne.

Présence Pasteur

Frozen” de la compagnie Théâtre du Centaure.

Pinocchio” par la compagnie Caliband Théâtre.

Frères de sang” par la compagnie Dos à deux.

L’héroïsme au temps de la grippe aviaire” par la compagnie des ils et des elles.

La petite fille et la morve” par Brigitte Nielsen Society (Sélection “Une performance de spectateurs” le 12 juillet)

Grenier à sel

Les règles du savoir-vivre dans la société moderne” par la Compagnie Ici comme ailleurs.

Le mardi à Monoprix” par la compagnie Le Théâtre Dû.

Mooooooo-onstres” par le collectif Label Brut.

Terre rouge” par la compagnie Bottom Théâtre (Sélection Offinités du 18 juillet,  «Le Off, théâtre monde?»)

Enfatillages” par la compagnie d’Air.

La Chapelle du Verbe Incarné.

Dansez” par la compagnie Boukousou.

La loi de Tibi” par la compagnie de l’Autre Souffle.

Terre Sainte” par le Théâtre du Passeur.

Les irrévérencieux” par la Compagnie du Théâtre des Asphodèles.

L’Adresse.

Jacques le fataliste” par la compagnie Hirsute.

Le boxeur” par la compagnie Troupuscule Théâtre.

Le Thanatologue” par la compagnie Tchoutchak.

Le réveil” par la compagnie Trésor de Sophie.

Quelque chose de commun…” par La Nivatyep Compagnie (Sélection Offinité du 22 juillet, “Danse, Théâtre : tous dans le même mouvement !»)

Le stabat mater furiosa” par la compagnie Frament de m’onde.

Jardin Ceccano – Médiathèque Ceccano

A l’ombre des Ondes – Siestes audio-parlantes” par la compagnie Kristoff K.Roll.

L’entrepôt.

A peine une sensation...” par la compagnie Anitya.

Espace Vincent de Paul.

Qui sommes je?” de Ludo Citrik ( Critique du Tadorne)

Les beaux orages qui nous étaient promis“, Collectif Petit Travers.

Théâtre du Roi René

La mouette“, compagnie Laboratoire de l’Acteur.

Made in France” par la Compagnie Kalisto (Sélection Offinités du 24 juillet, «Être spectateur co-producteur : pour quels projets ? » avec les spectateurs et compagnie adeptes du crowdfunding).

Théâtre le Chêne noir.

Tom à la ferme”  par le Théâtre de l’Héliotrope.

Une journée particulière” avec Corinne Touzet et Jérôme Anger.

Journal de ma nouvelle oreille” et “La compagnie des spectres” par le Théâtre Vidy Lausanne.

Hotel Paradiso” par la compagnie Familie Flöz.

Théâtre du Bourg Neuf.

Le chemin des passes dangereuses” par la Compagnie de la Salamandre.

Théâtre les trois soleils.

La mort de Marguerite Duras” par la Compagnie du Pas Sage.

Je suis un prophète, c’est mon fils qui l’a dit” d’Abel Aboualiten.

Tremplin.

Subway plage” par la compagnie Univers Scène Théâtre.

Pitchoun Théâtre.

Jean Cocteau / Anna Prucnal” par la compagnie Atypik.

Théâtre de l’Observance.

Music Hall” par la Compagnie 21.

 Théâtre de l’Albatros.

Barbara, j’ai peur mais j’avance” par la compagnie du Théâtre du Tropic.

Fabrik Théâtre.

Il suffit d’un train pour pleurer” par le Théâtre Petit Comme un Caillou.

Théâtre Golovine.

A l’ombre de Coré” par la Compagnie Baktus.

Shadowrama” par la Compagnie Les Eponymes.

Ballet Bari” par la Compagnie Pyramid.

Théâtre du Collège de la Salle.

“Jongle” par la compagnie Théâtre Bascule.

L’Alizé

Mangez le si vous voulez” par la compagnie Fouic Théâtre.

Lignes” par la compagnie Artizan.

Espace Alya.

Tapage dans la prison d’une reine obscure” par la compagnie l’Echapée.

Le nez dans la serrure” de la Compagnie du Dragor.

Caserne des Pompiers.

Perf” par la compagnie Marinette Dozeville.

Théâtre des Barriques

Ressemblance” par la Compagnie Et Lounda.

Théâtre de l’Oule.

Le secret de la petite chambre” par la compagnie Collectif Zone Libre.

La’ad” par la compagnie Natya.O’

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Avignon Off 2013 – Chercheurs-artistes: le nouveau monde.

« Smatch » de Dominique Roodthooft a été joué du 17 au 23 mai 2009 dans le cadre du KunstenFestivalDesArts et sera joué au Théâtre des Doms dans le cadre du Festival Off d’Avignon du 7 au 28 juillet 2013.
Il y a des spectacles que l’on n’est pas prêt d’oublier. « Smatch » de Dominique Roodthooft est de ceux-là. Présenté au KunstenFestivalDesArts de Bruxelles puis à Avignon, on se prend à rêver qu’elle trimbale sa machinerie et ses chercheurs-artistes aux quatre coins de l’hexagone. Car, il y a urgence. La France n’écoute que sa plainte; les corporatismes n’ont jamais été aussi puissants ; l’émiettement est devenu une stratégie pour bloquer les processus d’innovation. La recherche, stigmatisée par le pouvoir, se coupe progressivement de la société. Après avoir été le moteur de la modernisation du pays après la guerre, elle ne sait plus très bien quel rôle « politique » jouer dans un environnement mondialisé, au coeur d’une crise systémique. De son côté, la Belge Dominique Roodthooft nous propose une articulation prometteuse entre artistes et chercheurs pour nous aider à ouvrir les possibles, à penser différemment le complexe autrement qu’en utilisant les modèles rationalistes usés de l’ère industrielle.

La première scène donne le ton. Trois comédiennes et un vidéaste-performeur se penchent sur une carte de la Belgique, projetée sur grand écran. La partie supérieure, coloriée de couleurs chaudes, est divisée entre les provinces flamandes, tandis que le côté inférieur (la Wallonie) est d’un bleu uniforme et imprécis. Est-ce la mer, un lac ? Avec les frontières, l’un d’eux s’amuse à dessiner un animal pour changer le regard. Rires dans la salle. En effet, le clivage a fini par s’imposer à tous (même aux auteurs de cette carte !) et nous empêche de voir la Belgique dans toute sa complexité. Dit autrement,  « si vous désespérez un singe, vous ferez exister un singe désespéré ».

Après avoir transformé la scène en espace bifrontal pour y installer un laboratoire, nos artistes-chercheurs vont pendant deux heures nous projeter des  interventions (la philosophe Vinciane Despret, un couple d’éleveurs de vaches, un informaticien, un juriste, un imitateur du cri du cochon) tout en prolongeant le propos sur leur minuscule scène artistique! Tous démontrent avec pédagogie et créativité, que la réalité n’existe pas : elle n’est qu’une construction. C’est le regard que nous portons sur les animaux qui les rendent bêtes. C’est notre vision de la dune comme mouvement submersible qui nous empêche d’imaginer qu’elle puisse faire de la musique. Elle finit même par nous conduire à construire des murs pour nous en protéger plutôt que de lui offrir des chemins de traverse ! C’est ainsi que l’expression « ce n’est pas possible » est elle aussi une construction, une paresse de la pensée qui nous interdit d’imaginer que le changement est une dynamique et pas uniquement une logique verticale descendante.

À mesure que « Smatch » avance, la jubilation augmente. Notre imaginaire est sans cesse stimulé (à l’image de ces ampoules qui pendent, transformées en aquarium, car l’électricité n’est pas là où l’on croit !) afin que le discours du chercheur trouve ses prolongements, ses résonances chez l’individu et le collectif. Le spectateur est inclut dans un changement de représentation parce qu’accompagné à se projeter dans l’articulation chercheur – artiste, métaphore d’un nouveau paradigme.  La scénographie donne à la pensée complexe le cadre qui lui manque tant dans nos sociétés : fini la spécialisation des savoirs, vive les savoirs qui relient, qui ouvrent les possibles, qui déploient la créativité !

Avec « Smatch », on s’autorise à inventer d’autres histoires que celles que l’on voudrait nous faire jouer ; on peut créer les nouveaux territoires qui nous permettent de voir ce que nos répétitions cartésiennes nous empêchent d’appréhender.

Avec « Smatch », on se prend à rêver qu’un ministère de la recherche et de la culture européen soit installé symboliquement sur la frontière. Pour la faire bouger.

Pascal Bély – www.festivalier .net

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Marseille Provence 2013 OEUVRES MAJEURES Vidéos

Avignon Off 2013 – Ludor Citrik, clown explosif.

« Qui sommes-je » de Ludor Citrik  a été joué au Théâtre Le Sémaphore à Port de Bouc le 5 février 2013 dans le cadre de «Cirque en capitales ». A voir à l’Espace Vincent de Paul à 15h30 du 10 au 28 juillet 2013 au Festival Off d’Avignon.

Sans désir, peut-on être spectateur? Ce soir, j’en ai pour rejoindre le Théâtre du Sémaphore à Port-de-Bouc qui programme «Qui sommes-je ?» de Ludor Citrik, dans le cadre de «Cirque en capitale», le festival phare de la capitale culturelle. L’éclatement géographique des propositions n’est pas pour me déplaire : l’art me déplace…

Je suis allé à sa rencontre. J’ai dû l’abandonner de longues années pour le retrouver dans un tel état. Le clown déboule sur scène, et s’extirpe d’une bâche de plastique. D’où vient-il pour être à ce point apeuré et surpris d’être là ? Qu’avons-nous fait de lui au cours de ces années de Sarkozysme triomphant ? Où l’avons-nous niché ? Sommes-nous encore en mesure de le (re) trouver en nous ? «Pour trouver son clown, il faut rechercher ses faiblesses essentielles, les reconnaître, les faire ressentir, les afficher, s’en moquer publiquement…et incidemment faire rire les autres» écrivait Jacques Lecoq, metteur en scène et pédagogue. Ludor Citrik ne joue pas seulement au clown. Il nous redonne cette puissance d’interroger le nôtre…

Il est assis, en couche-culotte. Sous la pression d’un animateur argenté (sic), il doit obéir. Rester là. Puis là. Des bandes adhésives blanches lui indiquent les limites à ne pas franchir. Il a tous les pouvoirs des «chroniqueurs comiques» de tout poil qui pullulent sur nos antennes. Sa culture du cynisme et du bon mot lui donne l’assurance de celui qui veut dompter les consciences avec sa petite morale de bazar.

Ce clown, est-il jeune ou vieux ? Je ne sais plus. C’est un vieux en couche-culotte qui joue à l’enfant, ou l’inverse…à moins qu’il n’incarne notre créativité cachée, brimée de toute part par l’avalanche de normes et de mesures. Son corps ne cesse de se transformer tel un geste généreux vers le public : le clown n’a pas d’âge. Il n’a que des états de corps. Il est magnifique parce qu’il fait tout voler en éclats de rire à partir d’un imaginaire florissant. Son monde à lui devient corps céleste et nous sommes des comètes prêtes à rentrer en collision. À tout moment, tout peut exploser. Mais le clown a une arme secrète, pour ne jamais faire mal : son empathie joyeuse ! Il nous tend notre miroir à partir du sien où il dialogue avec un double complice, figure médiatrice entre lui et nous. C’est ainsi que nous jouons à imaginer sa fuite entre deux maltraitances de l’animateur.  Pour s’évader, il s’éclate…il pulvérise les codes du bien pensant pour nous inviter à voir autrement à partir de pas de côtés presque magiques. Tandis que l’animateur lui tend une galette, il crée un dialogue surréaliste à l’image de Magritte : ceci n’est pas un biscuit ! Tandis qu’il joue avec le miroir, il parvient à faire l’amour avec lui en se projetant dans une orgie avec le public : avec mon clown, l’onanisme est une fête ! Tous les éléments du décor y passent jusqu’à la bâche plastique, métamorphosée en un nuage qui aurait fait une mauvaise chute !

Ce clown accumule des souffrances (seraient-elles celles du corps social?) provoquées par les brimades de la société du spectacle qui transforme nos espaces de liberté en camp retranché.  Notre clown les déjoue en détournant les mots pour interroger notre vivre ensemble, nos dualités entre le masculin et le féminin, nos cloisons entre pensée et plaisir…Il ne cède jamais à la plainte, mais redéfinit en permanence le cadre pour interagir. Il souffre pour réveiller notre clown d’aujourd’hui, humanoïde hybride entre raison et déraison qui dépasse nos systèmes de pensée usés et normés.

Notre  clown est si fort qu’il rend l’animateur totalement dépendant. Il a toujours une longueur d’avance jusqu’à guider sa pulsion de faire mal vers l’endroit où cela pourrait lui faire du bien ! Il cherche toutes les ouvertures là où rien n’est à priori fermé ! Tenu en laisse par son gardien de tôle, il n’hésite pas à franchir la ligne blanche, vient vers nous, nous provoque dans notre confort et nous prendre à témoin pour rendre justice.

Sans dévoiler la fin, notre clown s’est offert un final dont la trace explosive a terminé dans ma poche. Je la garde précieusement pour ne rien oublier de cette soirée-là où un nuage à terre a fini par s’élever, le nez en l’air…

Pascal Bély –Le Tadorne



		
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Avignon Off 2013 – Catherine Graziani, metteuse en eaux troubles.

« Bruits d’eaux » de Marco Martinelli, mise en scène de Catherine Graziani  a été joué au Théâtre Alibi de Bastia le  19 janvier 2013. A voir au Théâtre Girasole pendant le Festival Off d’Avignon du 8 au 31 juillet 2013 à 15h55.

À mon arrivée au Théâtre Alibi à Bastia, un sentiment de sérénité m’envahit. Le décor hésite entre cinéma des années 40, lieu d’exposition photographique de pièces déjà jouées, salon où l’on cause de l’avenir de l’humanité, espace dédié aux livres essentiels sur le théâtre. J’entre et je sors… «Viens voir les comédiens…»suggèrent les couleurs rouge et noir. Je suis un spectateur considéré, d’autant plus que les maîtres des lieux (les metteurs en scènes et acteurs, Catherine Graziani et François Bergoin) sont aimés des Tadornes, car leurs œuvres n’ont jamais cédé à la facilité du propos.

Ce soir, «Bruits d’eaux, Rumore di Acque» de Marco Martinelli, mise en scène par Catherine Graziani, est dans la continuité de leurs précédentes créations. À l’heure où l’hystérie médiatique empile les sujets d’actualité pour mieux les effacer de nos mémoires, le théâtre nous rappelle que si certains d’entre eux ont quitté la une de nos journaux, ils occupent notre (mauvaise) conscience d’Européen. À la crise que vivent bon nombre de nos concitoyens en Europe, s’ajoutent silencieusement les bateaux de fortune qui continuent de s’échouer sur nos côtés, notamment sur celles de l’île de Lampedusa. Si petite qu’elle n’est plus qu’une poussière glissée sous l’épais tapis de nos palais. «Bruits d’eaux» va délicatement raviver notre conscience d’Européen à l’heure où le politique démissionne sous le poids des injonctions des marchés.

Trois corps circulent sur le plateau, métaphore de notre embarcadère d’un soir. Un homme, petit, à la voix brisée (sidérant François Bergoin), porte un costume de capitaine bien trop grand où le bruit de ses médailles rappelle la cloche de nos vaches. Sorti du troupeau des petits fonctionnaires obéissants, il s’avance vers nous, sûr de notre bon droit : protéger l’Europe de l’immigration sauvage. À ses côtés, un étrange objet inanimé m’intrigue. Sa présence fait corps comme s’il avait été sculpté sous la torture. À la fois totem et tabou. À la fois bureau de ce chef comptable préposé à la politique du chiffre (compter les noyés) et symbole de l’échafaud pour accostage illégal de nos côtes. Construit par l’Atelier MOA, il est à la fois fragile et oppressant quand s’y assoit le comptable et puissant dans sa verticalité lorsqu’une  de ses « poutres » se fait scène pour accueillir la chanteuse et musicienne Sika Gblondoume. Ses mouvements fantomatiques, appuyés par les écrins de lumières et vidéos de Fabien Delisle, font entendre des berceuses du Bénin ou d’Algérie et donnent une présence incroyable à ces noyés ensevelis sous les planches de ce radeau de la méduse. Cette femme ouvre les portes, pose des ponts…elle est fille d’Istanbul, entre Afrique et Europe.

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La puissance de la mise en scène de Catherine Graziani nous embarque dans cette arche de Noé où le théâtre est un filet qui repêche les âmes dans un corps à corps spectateur -comptable. Car il faut lutter pour contrer la puissance du sens des chiffres donnée par ce fonctionnaire, que lui seul comprend en dehors de tout débat démocratique. Il faut s’accrocher pour ne pas lâcher les filets tant son discours permanent de culpabilisation des immigrés fait office de pensée chez bon nombre de politiciens et de citoyens. Il faut savoir se distancier quand il évoque les prénoms de ceux qui n’en sont pas revenus, en imaginant leurs vies et leurs rêves, pour mieux nous disculper de les avoir noyés. Le spectateur est embarqué dans la folie de cet homme qui fait écho à notre hystérie protectrice qui, en temps de crise, donne aux chiffres le pouvoir de se substituer à la résistance des corps.

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À peine avons-nous accosté sur cette terre marécageuse où l’Europe se meurt, qu’une dernière scène vient tout emporter. Une disparition. Une apparition. C’est une secousse, un instant de théâtre qui ne me quittera jamais. Un moment suspendu où le sens efface les chiffres pour sublimer l’enjeu : l’Afrique nous protège et nous sauvera.

Pascal Bély – Le Tadorne.

« Bruits d’eaux » de Marco Martinelli, mise en scène de Catherine Graziani au Théâtre Alibi de Bastia jusqu’au 19 janvier 2013. Au Théâtre Girasole pendant le Festival Off d’Avignon du 8 au 31 juillet 2013.

Crédit photo: Jean Barak.

Le Théâtre Alibi sur le Tadorne:

Les rêves”  / “Occident