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FESTIVAL D'AVIGNON PAS CONTENT

Emio Greco fait le spectacle. A côté.

La danse au Festival d’Avignon serait-elle condamnée? Après le consensuel Jan Fabre, le spectaculaire «Sutra» de Sidi Larbi Cherkaoui, voici Emio Greco et son «(purgatorio) POPOPERA», oeuvre dont je cherche encore l’articulation avec le projet des Directeurs du Festival d’Avignon : « solliciter l’intelligence du spectateur…respecter sa liberté de regard face aux spectacles…résister aux tentations de simplification qui nous entourent ». La danse n’aura donc pas cet honneur de me rendre moins réducteur.
Et pourtant. Ils sont beaux ces six danseurs dans ce purgatoire à se tenir groupé ainsi. Une superbe énergie, une danse impeccable dans l’ampleur des mouvements. Le rythme est entraînant et l’on basculerait presque sur sa chaise pour les accompagner vers le paradis. La musique de Michael Gordon ne démérite pas avec un son de guitare à la fois strident et mélodieux. On est tout autant attiré par cette belle mise en espace qui voit circuler en fond de scène une étrange dame brune puis blonde. L’image pourrait paraître idyllique, mais le purgatoire est aussi pavé de mauvaises intentions…
Les danseurs sont aussi guitaristes. Pour quoi ? Pour faire corps avec l’instrument ? Sauf que la guitare l’encercle. Elle danserait presque à sa place et l’ensemble patine sur ce sol si bien lustré. On quitte le purgatoire pour s’approcher tout doucement vers une danse «spectaculaire» dont le propos m’échappe. « POPOPERA » ne stimule en aucun cas mon intelligence : au mieux, elle l’endort par une esthétique irréprochable ; au pire, elle l’empêche de se déployer par une chorégraphie qui ne connaît que la diagonale sur scène et répète inlassablement les mêmes mouvements collectifs.
Le Festival d’Avignon a toujours positionné la danse comme un art porteur de sens, qui préfigure bien souvent l’évolution scénographique à venir dans le théâtre.
Cette année, elle ne précède plus.
Faute de nous éclairer, elle court après la mode.Pascal Bély – www.festivalier.net

“(purgatorio) POPOPERA” d’Emio Greco et Pieter C.Scholten a été joué le 20 juillet 2008 dans le cadre du Festival d’Avignon

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FESTIVAL D'AVIGNON PAS CONTENT

L’imposture Superamas.

Le collectif Franco-Viennois Superamas salue de loin le public et balance une vidéo comme générique final d’«Empire (Art et Politics)“. Les spectateurs bougent à peine, passifs. Il ne manque plus que les popcorns ou la part de pizza, c’est selon les goûts, pour se croire devant la télévision. Vision terrible d’une absence totale de réactivité face à une proposition présentée comme subversive alors qu’elle n’est qu’un enfilage de fausses perles disponibles au rayon bobo du BHV. Il me revient d’expliquer cette métaphore, seul refuge pour le blogueur de donner un peu de sens à sa posture de spectateur engagé, afin de dénoncer cette vision misérabiliste du théâtre.
L’idée de départ est séduisante et répond à un besoin de politique dans le spectacle vivant : comment se fabrique et se propage un empire? En reconstituant une bataille Napoléonienne (celle d’Aspern qui fit 40 000 morts pour rien, Français et Autrichiens revendiquant chacun la victoire) comme un vulgaire son et lumière, Superamas joue déjà avec les limites : ce n’est qu’un tournage de film. Je suis soulagé face à tant de médiocrité théâtrale. Les professionnels du cinéma apprécieront !
Mais ce n’est pas tout…L’ensemble des comédiens (dont le producteur de Superamas) est invité à fêter la fin du tournage chez l’ambassadeur de France (genre publicité pour les chocolats Ferrero Roche d’or). Les dialogues volent bas : nous sommes au coeur de la Sarkozie ! Le milieu culturel n’est pas épargné, de même que les professionnels de l’humanitaire. On sourit, mais la piètre qualité artistique du projet laisse perplexe. Pour en rajouter dans la subversivité, on nous impose un (long) film sur une expédition de Superamas en Afghanistan afin de rencontrer une cinéaste iranienne immergée dans la guerre.
On finit donc par se perdre dans ce dédale même si l’on comprend l’intention : la société du divertissement, alliée aux humanitaires médiatiques et aux professionnels de la culture asservis au pouvoir politique,  créée un empire d’une violence inouïe, générateur de guerres et de génocides. Soit. On peut adhérer au propos. Mais cela suffit-il à faire une oeuvre de théâtre ? Les moyens dont semblent disposer Superamas, la faiblesse esthétique de leur proposition, les positionnent au c?ur de cet empire. Il se dégage de l’ensemble une suffisance d’une gauche bien pensante. Pris à leur propre piège, il ne leur reste plus qu’à s’éclipser  une fois les lumières allumées pour éviter d’affronter un public de théâtre. Cette position obscène devrait suffire pour que le Festival d’Avignon cesse cette gabegie. Présents déjà l’an dernier avec « Big 3rd épisode » Superamas avait refroidi le public.
Guy, auteur du blog «
Un soir ou un autre » écrivait alors pour commenter mon article :
« Imiter ne suffit pas pour dépasser la sottise du modèle, manque la distance et autre chose de plus indéfinissable »
Superamas ne connaît que ce qui est défini. C’est leur façon de prendre le pouvoir sur le public et d’écraser l’utopie.
L’empire Superamas vacillerait-il ?

Pascal Bély
www.festivalier.net

“Empire (Art et politics)” de Superamas a été joué le 20 juillet 2008 dans le cadre du Festival d’Avignon.

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FESTIVAL D'AVIGNON PAS CONTENT THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN

François Tanguy me largue en rase campagne.

À peine arrivé au Lycée Mistral d’Avignon, une jeune femme nous tend un épais journal de publi-reportages vantant la programmation du Centre National d’AngersFrançois Tanguy et son Théâtre du Radeau sont en résidence.
Gaspillage.
Plus tard, la bible de « Ricercar » inclut un texte de 25 pages sur dont je ne comprends rien. Pas grave. C’est de la poésie.
L’écrit n’est pas mon fort aujourd’hui, mais le théâtre devrait faire son oeuvre.
Avant même que débute le spectacle, mon voisin (et lecteur du Tadorne !) me fait remarquer que la scène a autant de profondeur que la longueur des gradins. « J’aime quand spectateurs et acteurs sont sur le même pied d’égalité ». Pas si sûr que cela soit vrai ce soir…
A l’issue des dix premières minutes, cette profondeur finit par m’engloutir. Noyé dans cette mise en scène où l’on voit défiler des corps vêtus de vieux habits et de longues robes, des chaises sur des tables, où glissent de longs panneaux du décor pour créer du mouvement. Le langage des comédiens est poétique, déstructuré et le plus souvent murmuré en Français, en allemand, voire même en italien. Car la musique sature l’espace et mes oreilles, alors que l’on balance un extrait de Beethoven, de Rigoletto et d’autres airs inconnus. Plus les personnages s’animent, plus je plonge dans un rêve éveillé, pendant que mon voisin somnole gentiment. Mon corps s’alourdit et je comprends vite que ce théâtre n’est pas fait pour moi. François Tanguy le confirme quand il déclare dans la bible du spectacle vouloir “chercher les fréquences propices aux circulations des résonances, rappelant de la pointe extrême du présent aux gestes peints dans les grottes, les plis et les ressorts de l’en commun des sens“. :( :( :(  ? ? ? « Ricercar » est donc un théâtre “fondamental”, comme me le rappelle dans la file d’attente une spectatrice avisée. Pour filer la métaphore, nous serions plus proche d’une recherche sur la physique des particules que d’une découverte transférable dans le quotidien.
À la sortie, je m’approche d’une spectatrice pour échanger avec elle sur ses ressentis. Elle se prête gentiment au dialogue. Elle n’a rien compris, mais s’est laissé porter par la poésie de l’ensemble.
Puis d’un air compatissant, me lance : « mais je ne peux rien faire de plus pour vous ».
Je suis définitivement largué.

Pascal Bély
www.festivalier.net

“Ricercar” de François Tanguy et le Théâtre du Radeau  a été joué le 21 juillet 2008 dans le cadre du Festival d’Avignon.