« Klap ! Klap ! » est donc une ?uvre qui questionne notre lien avec les artistes, avec humour, créativité, délicatesse et profondeur. Pour cela, Christian Ubl pose un cadre contenant, jamais disqualifiant, qui autorise la parole, sans masque et avec respect. L’outil vidéo, subtilement utilisé, est ce miroir réfléchissant, cette glace sans tain, cet espace introspectif. Le son des applaudissements se fond dans une musique assourdissante, qui met en tension cette relation d’habitude si « molle », si convenue. Les corps dansés traduisent la nature de cette interaction où le bruit de nos mains nourrit le déséquilibre, la prise de pouvoir, la manipulation de l’artiste, devenu un jouet le temps d’un salut final. Et l’on rit de voir cette relation aussi fade, quand viennent les applaudissements, au moment où notre époque développe des formes de communication de plus en plus circulaires.
Christian Ubl interroge, expurge sa peur, met en scène le sens de l’hystérie de ces applaudissements; il inclut le public dans le « jeu », lui signifie la signification de ses postures (même les plus passives dans un gradin !). Il nous interpelle sur la fonction de ces battements de mains qui deviennent, comme le statut de l’artiste, « objet » de convoitise d’une société qui place le divertissement bien au dessus de l’art (il suffit pour s’en convaincre d’observer l’attitude des spectateurs dans « Le grand journal » de Canal Plus où le corps n’est qu’une machine à ovationner au service d’une vision marchande de la culture, d’une approche descendante de la démocratie).
À mesure que « Klap ! Klap ! » avance, nous voilà donc liés, eux et nous, pour redonner une dimension nouvelle à ce geste, pour le complexifier, l’inclure dans une posture politique (quitte à enfiler des gants en latex et se protéger des propositions artistiques salissantes !). Avec Christian Ubl, applaudir devient un beau geste chorégraphique.
C’est un générique de cinéma qui clôt ce spectacle percutant. À mesure que défilent les noms, un entre-deux se met en place, un espace où le spectateur prend le temps de réfléchir sur le sens qu’il va donner à ses applaudissements. Et je me surprends à battre mes mains autrement, à leur faire jouer une musique différente, tout en me questionnant sur ce geste paradoxal dans le contexte de « Klap ! Klap ! ».
Mes mains n’expulsent plus, elles incluent.
Avec Christian Ubl, le spectateur est un artiste en devenir.
Pascal Bély
?????? «Klap! Klap!» de Christian Ubl a été joué le 16 mai 2008 au 3bisF d’Aix en Provence.
Crédit photo: © Matthieu Barret
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