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EN COURS DE REFORMATAGE

Guy Alloucherie mine La France avec son passé. Fatigue.

Le Théâtre des Salins de Martigues est quasiment complet. Le public des écoles et des collèges est en nombre, autant dire que notre avenir se joue aussi là. J'aurais aimé les entendre à l'issue de « Base 11/19 » par la Compagnie Hendrick Van Der Zee, mise en scène par Guy Alloucherie. Que peuvent-ils bien penser d'un futur qu'on ne leur promet pas ?
Christophe-Raynaud-de-Lage05.JPGDepuis quelques jours, une phrase revient en boucle dans mon environnement professionnel. À chaque idée d'ouverture visant à créer de l'intelligence collective (croyez-moi, ce n'est pas un concept flou, mais un enjeu vital pour nous tous), toujours la même réponse : « non, ce n'est pas possible », « si cela ne vient pas du politique, je ne l'initierais pas », « sans moyen, rien n'est envisageable ». C'est ainsi que les murs s'érigent, pour se protéger, en dehors de tout espace relationnel où la créativité pourrait émerger par la communication. Le repli prend forme, les cases s'agrandissent, l'émiettage peut perdurer. Et la France continue de s'isoler en Europe. Inutile de compter sur Guy Alloucherie pour délivrer un message d'espoir. Inutile. Cet homme ne fait pas le deuil d'une certaine France (celle des mines du Nord) où le patriarcat patronal et le syndicalisme de masse figeaient les relations sociales dans le marbre. Où la vie, c'était la mine. Où le rapport de force, l'unique manière d'entrer en interaction. Il n'a pas fait le deuil de sa séparation avec le metteur en scène Éric Lacascade, avec qui il co-anima dans les années 80 la compagnie Ballatum Théâtre.
Christophe-Raynaud-de-Lage04.JPG« Base 11/19 » s'appuie sur un groupe de jeunes danseurs, trapézistes débordants d'énergie, mais qui sont plombés par une scénographie et un propos déjà entendu. La terre recouvre tout le plateau et les empêche de s'élever, de donner toute la mesure de leur puissance malgré une chorégraphie aussi pauvre qu'un tract. Elle les enterre, métaphore q'une France qui s'emmure dans une nostalgie, à la recherche de sa gloire perdue pour cloîtrer sa jeunesse dans une vision du progrès d'une autre époque. Les interventions de Guy Alloucherie ne cessent, tout au long du spectacle, de nous plomber : ses anecdotes et son sourire en coin nous replie toujours au temps triomphant de la mine comme pour s'excuser d'occuper un terrain minier où est installée sa compagnie. Des extraits de textes sociologiques et politiques sont lus avec un débit de mitraillette, à l'image des discours de l'extrême gauche où le ton empêche l'émergence du moindre espace de dialogue. Dans « Base 11/19 », on me parle comme si je ne pensais pas, comme si le corps des danseurs ne suffisait pas. On me bombarde, pour que cela entre. Cela doit entrer. C'est ainsi que tout se noie dans une orgie de messages illisibles positionnant le spectateur dans une incapacité à relier par lui-même !

« Base 11/19 » n'assume rien et le dernier tableau me fige radicalement. Subitement, ils sont trois à occuper la scène pour quelques exercices de sauts. C'est un joli numéro, au demeurant. L'avenir pour Guy Alloucherie est-il là ? Il promet à cette jeunesse déboussolée, une société du spectacle où le sens se perd à partir de la performance physique, valeur du capitalisme triomphant. C'est ainsi que les spectateurs (piégés ?) applaudissent cette pièce sans propos et sans perspectives.
Je repense aux Ballets C. de la B. qui, une semaine auparavant, avec « Import Export » donnait au public d'Arles les clefs pour comprendre le monde qui nous attend. Nous étions loin d'une vision passéiste, égocentrée.
Les jeunes de Martigues auraient mérité de rencontrer ce collectif flamand pour avoir le courage plus tard d'abattre les murs pour se promener sur les passerelles créées par les liens humains.

 
Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? « Base 11/19 » de Guy Alloucherie a été joué le 27 novembre 2007 au Théâtre des Salins de Martigues.

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Crédit photo: © Christophe Raynaud de Lage.

 

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Thierry Thieu Niang au Théâtre des Salins de Martigues: l’école est finie.

300dpi-0442.JPGDrôle d'impression tout de même ! À l'issue d'une heure trente, enfermé dans la petite salle du Théâtre des Salins de Martigues, je ressens un étrange malaise après « Exposition(s). Portrait » par Thierry Thieû Niang. Avec une telle invitation, comment pouvais-je passer à côté d'une  première rencontre avec un chorégraphe local, entouré d'artistes de son réseau qui pourrait devenir le notre ? En prime, « Import Export » des Ballets C. de la B. vu la veille au Théâtre d'Arles continu de faire son travail. Je me sens donc prêt à accepter cette proposition pour le moins originale.
Thierry Thieû Niang a donc décidé de se faire le portrait par d'autres, dans une ambiance de franche camaraderie, à l'image d'une fête de fin d'année d'une école de quartier. Les élèves présentent leurs jolis numéros, devant un public inivité à se mouvoir avec une chaise pliante. Tout cela paraît vain et pour tout dire ridicule quand le maître d'école arrive en dernier, habillé d'un maillot siglé OM (sponsor de la soirée?je me pince !) singeant un joueur de foot. Auparavant, je dois ingurgiter de nombreuses gesticulations tel ce groupe pailleté de jeunes danseurs mais qui brille par son absence de propos. Où encore la chorégraphe Geneviève Sorin, à l'accordéon, avec une lourdeur musicale et corporelle contagieuse. Au coeur de cet « aréopage », deux noms émergent : le guitariste Benjamin Dupé qui propose un son dissonant dans cette soirée molle et consensuelle et le philosophe Mathias Youchenko qui, avec humilité et fraîcheur, nous présente ses photos de famille, prétexte à une divagation philosophique sur le portrait.
Au final, cette « exposition » n'est qu'une addition, sans fil conducteur et dont on cherche le sens, la perspective. Je m'étonne qu'un artiste puisse puiser chez d'autres les ressources, non au service d'une ?uvre, mais pour soi, avec pour témoin un public passif et résigné à passer d'une scène à l'autre comme dans un zapping télévisuel.
En quittant Martigues, je repense au collectif des Ballets C. de la B. Quel contraste entre ces flamands et cette addition de tableaux égocentrés animée par Thierry Thieû Niang !
Depuis la rentrée, je m'inquiète de la propension des théâtres à provoquer de l'événementiel (“26000 couverts” au Théâtre de Cavaillon, “Numéro 10” joué au Stade Vélodromme de Marseille par le Théâtre du Merlan, …) alors qu'ils devraient créer les conditions d'une réflexion collective sur la marche du monde.

Pascal Bély 
www.festivalier.net

?????? « Exposition(s). Portrait » par Thierry Thieû Niang a été présenté le 21 novembre 2007 au Théâtre des Salins de Martigues.


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Au Théâtre d’Arles, les déportés d’Import ? Export.

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“Import Export” de Koen Augustijnen.
” VSPRS” d’Alain Platel.

« Ça va ? » dit-elle en reculant alors que la lumière s'éteint. Non. J'ai mal. La claque. Qu'ont-ils donc fait ces Flamands au « sang vif » pour nous tordre dans tous les sens avec violence et virtuosité ? « Import Export »  par Les Ballets C de la B emmenés par Koen Augustijnen, est une oeuvre dans la continuité de « VSPRS » d'Alain Platel. La filiation entre les deux chorégraphes est visible : la colline de chiffons avec Platel est remplacée ici par l'empilement de conteneurs de marchandises ; la folie individuelle sanctifiée dans « VSPRS » s'élargit à tout un système dans « Import Export » où les hommes s'écrasent contre les murs, se mutilent collectivement et s'entraident dans un espace qui n'est pas sans nous rappeler les camps de concentration. Et toujours cet orchestre perché où les musiciens n'hésitent pas à se mêler à la danse. Le jazz de Platel se fond ici dans les musiques de Charpentier, Clérambault, Couperin et Lambert.
En quittant le théâtre d'Arles, je n'ai plus beaucoup d'énergie tant cette danse de « performeurs » me perfore, tant cette vision apocalyptique et sans espoir de la mondialisation me déchire. En plaçant le corps au c?ur du processus de marchandisation globale, Koen Augustijnen réussit la prouesse de toucher le notre. Nous voilà donc inclut dans cette puissante mécanique qui, si elle nous rassure lors du premier tableau (magnifique danse groupale où chacun se balance au rythme d'une horloge), inquiète et bouleverse quand le chaos rompt le mouvement, tord, soulève, déséquilibre, propage pour ne laisser au final qu'une femme seule, à reculons, apeuré. Le corps est alors cette marchandise où le pied frappe la tête, où la danse réduit, écartèle, à mesure que le monde se fait plus global. Je ne cesse d'avoir peur pendant ces quatre-vingt-dix minutes de fureur malgré quelques baisers furtifs et escalades comiques qui masquent la profonde déliquescence des rapports humains mis sur le même plan qu'une machine. Ce que je ressens aujourd'hui de notre société (la vulgarité institutionnalisée, la fragmentation du lien social, la vision coloniale du clivage nord ? sud) trouve ici une résonance effroyable, parce qu'élargit à un monde globalisé qui n'enchante plus.
Malgré tout, il y a l'alto masculin (étonnant Steve Dugardin) qui, du haut de sa tribune, couvre le vacarme du camp pour y diffuser la beauté du lien humain. Mais il finit par se fondre dans la masse, où les mélodies de Charpentier se coulent dans une musique industrielle. Dans le monde vu par Koen Augustijnen, rien ne semble pouvoir arrêter ce processus qui positionne le lien marchand comme unique manière de lire les rapports sociaux. Le système capitaliste engendre ses propres barbaries qui, en s'auto-organisant, produiront de nouveaux besoins (à l'image de cette émeute où les danseurs se battent pour quelques gouttes d'eau).
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Mais que me reste-t-il ? Eux, Les Ballets C de la B. Ils m'envahissent. Ils sont Le Monde où tout se croise, s'enchevêtre parce que multiculturel. C'est dans cette force collective que Koen Augustijnen a puisé la créativité pour décrire la mondialisation illisible. On pourrait lui reprocher un discours radical qui laisse peu d'ouvertures et d'espoir, mais le propos est peut-être ailleurs : si le monde change, alors changeons le monde. Cette énergie qu'il propage par le corps vers le corps social est une magnifique perspective pour qu'ensemble nous puissions créer les nouveaux espaces qu'aucun marchand ne pourrait animer. C'est en puisant dans la force du lien que nous imaginerons les élargissements capables de nous rendre autonomes.
J'ai mal, mais j'avance.

 

Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? « Import Export » de Koen Augustijnen a été joué au Théâtre d’Arles le 20 novembre 2007.


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Pour en savoir plus sur Les Ballets C de La B:
Leur site.
La critique de “VSPRS” d’Alain Platel.
Zero Degrees” de Sidi Larbi Cherkaoui.


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PAS CONTENT

Je n’irais pas voir Rodrigo Garcia.

Il doit être content. Le metteur en scène argentin Rodrigo Garcia fait l’actualité. Après le Festival d’Avignon 2007 où il nous avait proposé deux oeuvres assez ternes (dont une carrément nulle), il récidive au Théâtre du Rond-Point à Paris avec « Et balancez mes cendres sur Mickey ».  Via l’ANPE spectacle, 15 comédiennes intermittentes viendront à tour de rôle se raser la tête sur scène pour 200 euros. Métaphore de la précarité, chacun peut voir justement dans ce geste le processus d’humiliation, de lente reconstruction, le parcours de l’artiste à l’ère de la Sarkozy triomphante. Comme toujours avec Garcia, son théâtre s’accompagne d’une dénonciation provocante, parfois créative. Il rencontre un public complaisant pour lui pardonner son travail souvent bâclé, à l’écriture aléatoire et au mépris affiché envers les spectateurs.
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N’a-t-il donc rien à proposer que de toujours dénoncer avec les mêmes recettes d’un système qu’il condamne ? Certes, elles lui assurent la médiatisation du landerneau culturel, mais après ? Que reste-t-il ?  C’est un théâtre du « toujours plus », où les acteurs sont assimilés à une marchandise. Rien n’est transcendé, bien au contraire. Son théâtre clive entre ceux qui ont tout compris (de gauche en général), et ceux qui ont tort de s’indigner (souvent de droite). Il fallait entendre l’autre matin sur France Culture, la suffisance et la toute-puissance de Jean-Michel Ribes (Directeur du Rond-Point) face au chroniqueur du Figaro, Alain-Gérard Slama.
Mais où est le débat ? Où est la proposition, celle qui nous aiderait à se projeter dans un monde de plus en plus illisible et incertain ? Où est la créativité, le dépassement des clivages ? Rien. Nous en restons au même point : la mauvaise pensée de la droite face à la bonne conscience de la gauche.
Je n’irais pas voir Rodrigo Garcia. J’ai besoin de perspectives. D’un regard ouvert vers le futur que nous avons à construire collectivement, et non pour se réfugier dans l’univers d’un artiste qui a tout intérêt à nous rendre claustrophobe. 

Pascal Bély – Le Tadorne

Crédit photo: © Christian Berthelot

A lire sur “Un soir ou un autre“, le compte-rendu chez Mickey.
Les articles sur ce blog des oeuvres de Rodrigo Garcia:

Au Festival d’Avignon, la défiance envers Rodrigo Garcia.

Au Festival d’Avignon, Garcia se carbonise.

Rodrigo Garcia au Théâtre des Salins: attention produit périssable…

“L’histoire de Ronald, le clown de Mc Donald’s” de Rodrigo Garcia : à voir, à éviter, à méditer…

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EN COURS DE REFORMATAGE

A Porto, le festival « Trama » laisse des traces.

C'est un pur hasard. Lors d'un week-end prolongé à Porto, un festival, « Trama »,  offrait pendant trois jours danse, musique et performances. J'aime cette coïncidence qui m'invite à délaisser le Guide du Routard pour découvrir la ville à partir de vagabondages culturels. C'est une façon de se laisser surprendre, d'entendre la cité pour démasquer des territoires en émergence, fragiles, à l'instar de ce festival crée seulement l'an dernier. Il a de l'avenir dans le paysage européen à côté du KunstenFestivalDesArts de Bruxelles car on ressent la modestie de ses promoteurs à vouloir croiser les disciplines pour ouvrir le regard.
519-laing-ghost.jpgIl est minuit et le public massé dans cet espace commercial vide a bien du mal à quitter le lieu. Ils sont deux (Gary Winters et Gregg Whelan), de la compagnie anglaise Lone Twin (que nous avions repéré à Bruxelles en 2006) habillés en cow-boy pour « Ghost Dance ». De midi à minuit, yeux bandés, ils effectuent un pas de danse où chaque mouvement renvoie au mythe du cow-boy. Seul le bruit de leur pas guide leur trajectoire et je me surprends à rester là pour observer cette chorégraphie minimaliste et  répétitive. La performance les fragilise à l'image des morceaux de scotch collés sur leurs fesses ! À tout moment, ils peuvent s'effondrer, mais ils entretiennent le mythe du héros pour que notre dépendance fonctionne. Tout à la fois proches et inaccessibles, ils interrogent notre place d'observateur à partir de nos représentations figées par le cinéma. Qu'attendons-nous ? Que nous renvoient-ils ? Comment expliquer la puissance de ce lien entre eux et nous ? Et si le mythe était à lui seul une performance pour qu'il s'inscrive si durablement dans notre imaginaire ?  Busch et Sarkozy seraient-ils à ce point fragiles?

DSC01151.jpgDaniel Menche est un musicien américain. Dans un espace culturel, au 4e étage d'un parking, il donne pendant cinquante minutes un concert « extrême » de musique électronique. À nos deux cow-boys, il répond en écho par une autre performance, tout aussi fragile, qui interpelle notre lien à la musique. Jusqu'où sommes-nous prêts à le suivre pour laisser le son envahir notre corps sans se protéger les tympans, par principe de précaution? Sa musique est un fluide sanguin, euphorisant et anesthésiant, transmis à partir d'une barre de métal équipée d'un micro qu'il frotte contre son corps. Daniel Menche pousse les frontières de la musique électronique vers une performance?partagée. Rare et exceptionnel.
octane-2.jpgLe musicien belge Mathieu Delvaux  ne manque pas non plus d'ambition. Installé dans un parking, proche de l'océan, il a convié les fans de voitures « tuning » et les amateurs de musique électronique pour « The destiny's cars play 8ways 32wheels ». Les passionnés contemplent, scrutent les bolides d'où sortent le son tandis que les auditeurs s'assoient au centre sur un sol moquetté. Dans un premier temps, chacun est à sa place et j'observe amusé ces fans qui circulent dans le sens des aiguilles d'une montre. La musique manque de relief, mais le dispositif ingénieux  transforme ces voitures en ?uvre d'art et permet de « mailler » ces deux publics. On peut juste regretter que Mathieu Delvaux ne se soit pas appuyé sur un tel cadre pour développer sa créativité et la nôtre.
Mantero-Monot-286.jpgLa chorégraphe portugaise Véra Mantero veut aller plus loin et pousser les mots au-delà du conditionnement linguistique. Avec
« Jusqu’à ce que Dieu soit détruit par l’extrême exercice de la Beauté », elle nous propulse dans un nouvel espace où le groupe serait le contenant pour rendre aux mots (en anglais) leur liberté. Les six protagonistes, assis en rang d'oignon, intriguent par leurs costumes qui prolongent leur peau, comme les mots qu'ils étirent jusqu'à l'absurde pour franchir les frontières du rationnel et les reconstruire autrement. Soit. Et alors ? C'est amusant, interpellant, et finalement ennuyeux. Si tout se dit, que reste-t-il au groupe ? A changer les places ! Très limité tout de même ! Si les mots occupent l'espace, que reste-t-il à la scène ? De vagues sons électroniques et une sculpture énigmatique. Vera Mantero s'isole dans un schéma qui, au lieu de prolonger, enferme le sens dans un groupe stéréotypé où le public a bien du mal à s'extraire du rôle que l'on veut lui faire jouer (à l'instar d'un jeu télévisé).
Ce sont
Amarante Abramovici
et Ana Deus installées à Porto qui ont peut-être réussi le pari un peu fou de donner aux mots (maux) leur prolongement le plus inattendu avec « muda ». Le public, convié dans un deux pièces, assiste médusé à un jeu entre une comédienne et une chanteuse où l'une finit scotchée à un canapé (décidément, le ruban adhésif inspire Trama !) pendant que l'autre, métamorphosée, chante une chanson de Petula Clark ! Loufoque, déjanté, ces quinze minutes théâtrales métaphorisent une société portugaise coincée entre tradition et modernité.
On a du mal à repérer la voix médiane. « Trama »  y contribuera lors des prochaines éditions et offrira aux Français un territoire d'exil!

Pascal Bély www.festivalier.net

Ces cinq oeuvres ont été jouées au Festival “Trama” de Porto les 2 et 3 novembre 2007.

??????  « Ghost Dance » de la Compagnie Lone Twin.
????? Le concert de Daniel Menche.
??????  « The destiny's cars play 8ways 32wheels » de Mathieu Delvaux.
??????  « Muda » d’Amarante Abramovici et Ana Deus
?????? « Jusqu’à ce que Dieu soit détruit par l’extrême exercice de la Beauté » de Véra Mantero.


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FESTIVAL D'AUTOMNE DE PARIS

Eszter Salamon au Festival d’Automne à Paris: chef d’oeuvre.

Ce spectacle est à l’affiche du Festival d’Automne à Paris du 7 au 10 novembre 2007 au Centre Georges Pompidou.  A ne pas manquer  comme en témoigne mon regard sur cette oeuvre lors du dernier KunstenFestivalDesArts de Bruxelles.

Il y a des oeuvres que l’on ressent majeures parce qu’elles éclairent nos consciences, éveillent nos mémoires et construisent nos visions du futur. À la sortie du théâtre, je me sens investi pour communiquer sur ce que j’ai vu, un soir de mai 2007, au KunstenFestivalDesArts de Bruxelles. Eszter Salamon, auteur – metteuse en scène – chorégraphe nous présente «And then», performance sublime où danse, théâtre, chanson, musique, sons, vidéo forment un documentaire vivant dans lequel vos résonances font partie de l’histoire. Ce sont huit femmes de plusieurs générations qui s’appellent toutes Eszter Salamon, rescapées de la shoah, du communisme passé et du libéralisme actuel. Elles sont là, sur scène ou à travers l’écran vidéo, pour nous raconter des bouts de leurs histoires. Le maillage des mots et des vies produit alors une oeuvre magistrale.
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Dès le début, nous sommes plongés dans un noir profond. Leurs silhouettes apparaissent comme des images subliminales où les personnages seraient ceux du théâtre de Joël Pommerat, présent en Avignon l’été dernier. Ce noir, quasi hypnotique crée un climat propice à l’écoute. La scène, prolongée par un écran vidéo, donne de la profondeur psychologique, du champ historique, une approche sociale aux histoires singulières de ces femmes. Elles ont toutes fait l’expérience de l’aliénation à un homme, au pouvoir politique, à la hiérarchie professionnelle et c’est par leur ténacité, leur humour et leur capacité à se distancier qu’elles ont pu s’émanciper. La force de cette oeuvre réside dans cette mise en scène où d’histoires sans lien, Eszter Salamon les relie, les maillent pour faire apparaître, tel un mirage, l’intergénérationnel puis une fratrie solidaire, une « soeurorité » combattante. C’est avec délice et émotion que l’on se laisse guider, pénétrer par tous les bruits de leurs corps magistralement restitués comme autant de froissements de l’intérieur de l’âme, de tumultes de l’histoire, d’ailes de papillon qui battent pour la liberté. Les gestes magnifiques de la vie quotidienne (arroser ses plantes, tournicoter avec sa chaise, danser sur son canapé) projetés sur l’écran vidéo, sont autant de chorégraphies d’un quotidien confiné et potentiellement libérateur. Ce sont le chant et la danse sur la scène qui donnent à ses images un prolongement par le spectacle vivant, porté par une nouvelle génération. C’est ainsi que sur sa trajectoire, le libéralisme violent rencontre la force créative de ces femmes qui ne sont pas prêtes à se laisser enfermer.
« And Then » est un mémorial vivant dédié aux femmes, pour l’humanité. C’est une oeuvre qui remet du sens là où la sphère médiatique réduit, là où le politique voudrait faire oublier (à l’instar d’un Nicolas Sarkozy toujours prompt à dénoncer la repentance), là où l’économique (avec la publicité) marchandise tout, même les symboles .
«And Then» est un chef d’oeuvre parce qu’il fait de nous, simples spectateurs du KunstenFestivalDesArts, les frères et soeurs des 834 Eszter Salamon recensées sur la planète.
Restons groupés…
Pascal Bély
www.festivalier.net

 “And Then” a été joué le 19 mai 2007 au Beursschouwburg dans le cadre du KunstenFestivalDesArts de Bruxelles.