Neuf femmes dansent, chantent, écrivent, coupent et découpent du papier, avec un bonnet sur la tête, habillées de robes à carreaux avec petit tablier sur le côté, devant ou derrière. C’est selon la nature de la tache. La scène est en aluminium, éclairée de projecteurs grossissants échappés d’un blog opératoire. À moins que l’on ne soit au sauna, lieu communautaire, interdit aux hommes, mais ouvert à tous les corps. Il est fort possible qu’elles émergent des entrailles, des tuyaux du Centre Georges Pompidou. Quatre-vingt-dix minutes où j’ai tout lâché d’une semaine de crise globale, où un modèle semble s’effondrer sous le poids de la spéculation et du mensonge. Ici, « Les assistantes » inventent la société postmoderne, vue du côté de la danse. C’est réjouissant, car jamais enfermant. Elles préviennent dès le départ : « vous pouvez partir mais ce n’est pas mieux ailleurs ». Bien joué !
A les voir déambuler ainsi sur la scène, on devine facilement leur improductivité. Lorsqu’elles s’inscrivent dans la société industrialisée, c’est sur le côté, pour découper du papier. On les croirait au musée du « travailler plus pour gagner plus ». Elles n’ont pas d’objectifs si ce n’est de créer le mouvement circulaire du lien et puiser dans leur unique ressource : leur créativité. Elles deviennent alors ces exploratrices dont nous aurions tant besoin aujourd’hui : elles expérimentent, se plantent, se rattrapent, s’isolent, jouent le collectif. Elles dansent et se mettent en mouvement dans un dedans dehors impressionnant. Là où nos sociétés rigidifient pour maîtriser, elles lâchent prise pour fluidifier. Avec elles, savoir n’est pas primordial. Elles s’essayent à des disciplines : nous sommes bien loin de la toute-puissance des experts. Leurs instruments de musique sont si petits qu’elles ne peuvent pas créer une symphonie, juste une mélodie cool pour calmer nos angoisses face à l’imprédictibilité de ce Nouveau Monde. La danse individuelle et collective permet la transition entre les séquences : elle est passerelle. Cela en est donc fini de l’appellation « danse contemporaine » !Avec « Les assistantes », construire du lien social est une performance, qui nous englobe dans un rapport donnant – donnant, où le pouvoir s’inscrit dans le jeu. C’est l’utopie d’une société différente. Je me sens prêt à m’y inclure, avec elles comme éclaireuses.
A la sortie, notre groupe se forme pour se réformer. Des liens se créent, d’autres se renforcent. Nous goûtons, le temps d’une soirée, à notre famille recomposée.
Le délicieux goût des autres.
Pascal Bély
www.festivalier.net
Ps : à lire le magnifique article, si apaisant de « l’assistant » Guy Degeorges.
Photo par Laurent Philippe, avec l’aimable autorisation du festival d’automne à Paris
Voir aussi Vincent Jeannot-Photodanse
?????? ” Les assistantes” de Jennifer Lacey et Nadia Lauro a été joué le 10 octobre 2008 dans le cadre du Festival d’Automne à Paris.
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On a frôlé l’explosion. La révolte. L’envahissement du plateau. Au Théâtre du Merlan, il se passe toujours quelque chose. On a hâte d’être en 2013 quand Marseille sera capitale européenne de la culture ! Pensez donc. Alors que « Le Grand Nain » de Philippe Eustachon et Jambenoix Mollet, programmé dans le cadre du Festival ACTORAL, est terminé depuis dix minutes, les enfants emmenés par leurs instituteurs et professeurs continuent de manifester bruyamment. Certains adultes se plaignent : «mais enfin, on ne peut pas les faire taire pendant le spectacle ?». Cette ?uvre, largement soutenue par la critique (






C’est confia
La peur encore au ventre, nous partons vers le Château d’Eau pour entrer dans le monde en 3D du duo de photographes italiens Botto e Bruno. Avec eux, l’espace urbain défiguré de nos villes est une toile de maître, où les photos froissent notre regard formaté pour oser voir ce que nous refusons d’admettre : la créativité est partout.
Et si la gloire de se croire visionnaire n’était pas ? Et si la photographie était « Nous », aveugle et déconcentrée, née d’une angoisse de ne pas avoir vu l’instant, de l’avoir vécue sans en laisser de trace dans nos souvenirs ? Une mort stupide, car nous ne sommes pas, puisque non conscient de l’acte. Et pourtant nous sommes, car nous nous voyons tels que nous ne sommes pas, même si notre réalité physique nous rappelle cela à chaque jour. “Those I have forgotten but will never remember” est écrit sur le mur.
Soudain, l’imprévisible surgit. Le chorégraphe Bernard Menaut et sa troupe viennent perturber ce non-sens pour introduire du sens, de l’humain, de la poésie. Deux danseurs et trois musiciens endimanchés se déplacent dans une course folle avec des chaises de bureau et provoquent une bien jolie pagaille sur le Cours bouchonné. Des insultes fusent de la part de conducteurs pris à leur propre piège. À cinq, ils ridiculisent nos comportements individualistes. Les corps sont cassants, rigides, mécaniques. C’est totalement absurde, mais le miroir est saisissant : les deux voies de la rue sont à l’image des deux hémisphères de notre cerveau de conducteur!