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FESTIVAL D'AUTOMNE DE PARIS OEUVRES MAJEURES THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN THEATRE MODERNE

Claude Régy largue mes amarres.

Alors que nous sommes dans la file d’attente, l’intensité de la lumière du hall diminue, signe que nous allons bientôt entrer dans le théâtre de la Ménagerie de Verre. Au deuxième rang, un homme murmure…

«Chut».

Interloqué, je me retourne. Il recommence. Peine perdue. Les spectateurs poursuivent leur conversation comme s’il leur fallait écoper ce trop-plein de mots qui, dans cette salle, font bruit.

«Chut..».

Je reconnais le metteur en scène Claude Régy qui présente ce soir «Brume de Dieu» d’après le roman «Les oiseaux» de Tarjei Vesaas. Je prends ma tête entre mes mains puis murmure à mon tour…

«Chut»?

Un frisson me traverse. Je suis Spectateur.

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Puis il arrive…de loin. Des profondeurs, le plafond est si bas. Pas à pas, par sa présence, il impose le silence. Je le distingue peu à peu. La lumière est d’aurore. Il est brume. Il est là, de l’autre côté, à quelques centimètres de moi…la ligne est infranchissable. Je suis insubmersible. Il s’appelle Mattis et vit auprès de sa soeur Hege dans un petit bourg de Norvège. Sa langue est étrange, de celle qui n’est pas structurée pour la conversation. Dans la France d’aujourd’hui, il serait inaudible, probablement soigné pour inaptitude d’autant plus qu’il sait parler aux oiseaux à partir de leur langage. Je m’accroche à ses mots, que je comprends à peine. Suis-je à ce point formaté pour ne plus savoir entendre le  bruit des vagues d’une langue? Elle nous vient de loin, de là où nous l’avons enfoui sous un tas de normes.

Il émerge. Il nous revient. Sur sa barque, il se souvient et parle à sa soeur; il évoque un passé à jamais perdu; ses lèvres sont les rives d’un fleuve qui charrie les corps des mots, ses bras contiennent sa violence, ses pieds paraissent d’argile pour les soulever et faire entrer l’horizon dans le théâtre.

De mon siège, je m’avance et je recule, dans un va-et-vient incessant que je ne contrôle plus. Est-ce le bercement, ce mouvement par qui l’unité s’invite ? Le rythme s’accélère. Je tangue sur sa barque. Il faut me calmer et m’adapter au flux. Son trop-plein crée mon vide que je me dois d’apprivoiser.

Ses yeux s’emplissent d’eau et creusent un trou dans sa barque.

Il m’embarque.

Il écope l’eau. Il recule, se couche à terre, se relève, puis de dos, il retourne délicatement sa tête vers nous, tel un phare qui éclaire la frontière. Au-delà, un territoire. Celui du corps, celui du sujet.

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L’acteur Laurent Cazanave se métamorphose comme si l’eau fluidifiait ses membres pour musicaliser ses mots. Le corps a sa tête.

Il crie le nom de sa soeur avec la force d’une bombe à fragmentation qui me fait littéralement sauter de peur. Je cauchemarde. C’est le cri de la naissance.

Peu à peu, j’entre dans le corps de Mattis. Je vois par ses yeux. Les lumières éclairent le lac, et tout s’apaise. Me voilà amarré sur son île.

 «Chut».

Il a disparu.

Je suis Spectateur-sujet.

Pascal Bély- Le Tadorne

Claude Regy sur le Tadorne: “Ode maritime” de Claude Régy : d’Avignon, les bateaux à voiles soulèvent les âmes.

«Brume de Dieu » par Claude Régy, à la Ménagerie de Verre du 15 septembre au 22 octobre 2011 dans le cadre du Festival d’Automne de Paris.

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Avec Raimund Hoghe, notre descen…danse.

Nous voilà rassemblés. Quasiment pas un bruit dans la salle, même pas une toux qui étrangle, quand bien même “cela ne passerait pas”. Avec le chorégraphe allemand Raimund Hoghe, il règne toujours une atmosphère de recueillement, de concentration et d’introspection: sa mise en scène travaille nos lâcher-prises pour puiser dans nos souvenirs le mouvement fondateur à l’origine de notre lien à la danse. Il lui faut donc du temps, trois fois plus qu’à l’accoutumée. Ce soir, il nous gratifie de trois heures autour du chorégraphe  Dominique Bagouet. Mais pas que…

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Je n’ai pas connu Dominique Bagouet, disparu du sida en 1992. Je ne suis pas certain que Raimund Hoghe l’ait approché. Mais pour la création “Si je meurs laissez le balcon ouvert, il a travaillé dès 2009 à partir de vidéos mis à disposition par Montpellier Danse. Où est donc passé ce chorégraphe d’exception dans les programmations actuelles? Pourquoi la danse, à l’instar du théâtre, ne célèbre-t-elle pas ceux qui l’ont porté ? Cet art peut-il se régénérer s’il ne «nomme pas le vide, avant de le remplir» comme le souligne Raimund Hoghe ? La pièce de ce soir, n’est pas seulement une évocation de Dominique Bagouet: c’est aussi l’oeuvre de Hoghe dans les pas d’un autre. Une danse sur la danse. Pour mener à bien ce processus, il guide ses huit danseurs interprètes (tous exceptionnels) vers son cérémonial pour célébrer tout à la fois Dominique Bagouet, sa maladie et les artistes disparus du sida.

Cet enchevêtrement de niveaux de lecture provoque un émerveillement total quand le mouvement est découpé, avec précision seul ou à plusieurs pour magnifier la puissance de Bagouet.  Là où Hoghe pose la toile, ses danseurs sont des pinceaux voltigeurs qui font valser les couleurs jusqu’à parfois nous éclabousser de leurs présences scéniques. L’émotion vous prend à la gorge quand Marion Ballester et Takashi Ueno dansent le désir d’un amour fou et impossible. Emmanuel Eggermont est saisissant lorsqu’il incarne un danseur rock aux ailes fragiles ou quand il parcourt la scène avec son corps désarticulé d’homme en proie aux tourments de la quête du sens.

Mais il arrive parfois que je m’égare dans les rituels trop compassionnels (renforcée par une bande-son travaillée à cet effet) autour  du sida de Dominique Bagouet. Je repense à mes amis disparus alors qu’apparaît et s’efface le corps bossu de Raimund Hoghe ; la tristesse m’envahit quand il enfile une robe de nuit aperçue dans «Café Müller» de Pina Bausch (il a été son dramaturge). Tout se bouscule, je perds le fil et ressens une énorme fatigue:  Bagouet, Pina, Thierry et tous les autres…

Mais il y a Raimund Hoghe. Il y a quatre ans, j’ai croisé sa route au Festival Montpellier Danse. À chacune de nos rencontres, j’ai compris pourquoi la danse était tapie au fond de moi. Il est bossu, mon corps m’a longtemps fait souffrir lorsque j’étais enfant.  Il célèbre les morts du sida quand j’ai dû jeune adulte endurer le corps maculé de tâches de Kaposi de mes amis et entaché du regard des autres. Avec trois cailloux et deux oranges, Raimund Hoghe métamorphose une scène alors qu’enfant je me contentais de peu pour créer un monde plus accueillant. Ce soir, je sais que je remplis le vide, que je suis traversé par mes histoires de corps. Comment faire la part des choses entre Dominique Bagouet, eux, lui et moi ?

La danse tisse des liens, provoque des noeuds et m’emmêle. Raimund Hoghe tire mes ficelles pour m’emmener vers lui et me conduire vers vous.

Pascal Bély -Le Tadorne

« Si je meurs laissez le balcon ouvert » de Raimund Hoghe au Centre Georges Pompidou dans le cadre du Festival d'Automne de Paris du 8 au 11 décembre 2010.

Crédit Photo: Rosa Franck.

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Le théâtre qui rend aveugle.

«Pourquoi le Festival d’Automne à Paris?» me demande un ami.  «Parce que j’y vois des oeuvres rares que l’on ne verra pas de sitôt en région PACA». Je conçois ce voyage comme une immersion totale pour aller à la rencontre d’un théâtre charnel d’où l’on sort plus sensible, à l’image de «Shun-Kin» par Simon McBurney présenté au Théâtre de la Ville.

Cette mise en scène procure un bonheur jubilatoire total. Que s’est-il donc passé pour qu’il mobilise à ce point tout le corps et les sens jusqu’à me faire pencher vers le plateau ? «Shun-Kin» est un roman de Junichirô Tanizaki, très populaire au Japon, publié en 1933. C’est la relation passionnelle, sadomasochiste entre une joueuse de shamisen (luth à long manche) devenue aveugle à 9 ans et son domestique Sasuke, son aîné de cinq ans. Enfant, elle s’incarne dans une marionnette avant de se métamorphoser  et qu’une actrice parée d’un masque blanc, toujours guidée par des articulateurs, joue sa vie d’adulte. L’humain est donc fragile. Cette mise en scène trouve son apogée dans un moment d’anthologie, à jamais gravée: au coeur d’un acte d’amour, la marionnette se fragmente sous la pression de la passion de Sasuke. L’extase désarticule les corps manipulés. La salle du Théâtre de la Ville retient son souffle. Elle est immense alors que le plateau délimité par McBurney est si petit: dotés d’un microscope, nous admirons l’infiniment complexe. Tels des chercheurs curieux et créatifs, nous découvrons un univers théâtral teinté de poésie à chaque tableau (que d’oiseaux de papiers pour caresser l’ouïe!) comme si nous étions nous aussi atteints de cécité. Aveuglé par la beauté de la mise en scène, je n’en crois pas mes yeux!

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Serions-nous aussi Sasuke, amoureux éperdu de ce théâtre-là? Existerait-il un lien sadomasochiste entre le spectateur et l’artiste? La musique, omniprésente, nous surprend à chaque instant et me revoilà adolescent, sensible comme le jeune Sasuke! Tout nous semble si proche comme si la phrase prononcée en ouverture pour nous accueillir par l’acteur fétiche de Peter Brook, Yoshi Oidaplus je vieillis, plus mon passé me rapproche»), nous concernait aussi. Ce théâtre-là est un mouvement permanent entre passé, présent et avenir à l’image de ce décor qui fait danser les tapis au sol et voler des cadres en bois pour imager des portes et fenêtres.
Notre enfance est nichée dans cette relation si particulière du maître à l’élève qui façonne tant nos relations hiérarchiques. Serions-nous Sasuke qui, courageux et n’ayant plus rien à perdre, se sacrifie par amour? Simon McBurney nous relie à cette histoire par le biais d’une lectrice, employée par la NHK qui, en coin de scène, lit la nouvelle. Son bureau avance et recule pour ponctuer les actes et nous guider vers son histoire d’amour, bien contemporaine, qui trouve probablement un écho chez ceux qui n’en peuvent plus de ne pouvoir aimer malgré nos outils de communication. C’est l’enchevêtrement de toutes ces histoires qui donne un sens à ce théâtre de vies.
Et je finis par prendre conscience comment la société du spectacle nous empêche de fermer les yeux: tout est donné à voir, à penser, à ressentir, à aimer. J’envie cette relation sadomasochiste où le corps amoureux prend le pouvoir sur la douleur du monde, sur la lente déflagration de nos sociétés individualistes.
Simon McBurney est un grand metteur en scène; c’est un bâtisseur de ponts. On y danse, on y pense,  pour finir par se jeter dans le vide.
Par amour du théâtre.
Pascal Bély – www.festivalier.net
“Shun -Kin” par Simon Mc Burney au Festival d’Automne de Paris du 18 au 23 novembre 2010.
Crédit photo: Tristram Kenton.
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Le goût du risque.

Dans la feuille de salle du spectacle de Toshiki Okada, un bandeau blanc où est écrit : «  il faut prendre le risque de la création. Alain Crombecque(1).Merci Alain. L’équipe du Théâtre de Gennevilliers ». Étrange coïncidence. Lundi dernier, lors de la rencontre bilan avec les directeurs du Festival d’Avignon, une jeune spectatrice lança « je vous remercie de mettre le spectateur en état de risque ». Probablement une enfant de Crombecque…

Je connais Toshiki Okada. Je l’avais découvert au KunstenFestivalDesArts de Bruxelles en 2007. Depuis, je ressens le risque à chacune de ses créations. Son langage théâtral ne correspond à aucun courant. A la sortie de «We are the Undamaged Others», les mots pour évoquer ce que j’ai vu ne viennent pas. Mon corps est en tension. Et pourtant, j’aurais tant de choses à dire, à écrire. Mais cela ne sort pas. Je pourrais faire un geste, reproduire un mouvement. Là, dans la rue. Juste pour l’inscrire dans ma mémoire, le prolonger au dehors, dans la ville. Mais je n’ose pas. On pourrait me faire enfermer.

Toshiki Okada opère le miracle: celui d’avoir déplacé le spectateur de la scène vers un espace quasiment hallucinogène, celui où se joue ce qui ne se voit pas. Pour cela, les acteurs décrivent à tour de rôle des faits sur  la vie sans entrave d’un couple. Leur espace de jeu ne dépasse pas quelques mètres carrés. À la minute prés (avec horloge au mur et minuterie dans les mains de la narratrice), tout est cadré: le voyage en bus du travail à l’appartement ; l’appartement ; le rêve d’un appartement dans une tour de vingt-cinq étages ; l’amie que l’on invite ; faire l’amour ; le coucher. N’imaginez même pas un décor IKEA. Ici, c’est un gros cube blanc, inamovible. L’éclairage creuse sa matière pour en faire un écran de projection où la réalité des faits se cogne à la psychologie des personnages et leur environnement social. À tour de rôle, les acteurs gravitent autour d’un centre de gravité (un couple, avec tous les attributs du bonheur, mais à la limite du drame conjugal) qui finit par nous faire plonger dans un ailleurs où la poésie des corps est l’unique langage, où la réalité n’existe qu’à partir de notre regard.

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Ce cube blanc est la coquille vide du bonheur, « alibi de la société consumériste ». Mais elle se fissure par l’assaut des corps qui s’appuient sur elle pour chorégraphier ce qui ne se dit pas. Elle est là pour que les mots se cognent et reviennent vers le corps. Pour que le sens reprenne ses droits. Le spectateur est alors plongé dans plusieurs niveaux de lecture : les faits qui posent le contexte, les corps qui jouent la relation, la mise en scène qui parle le langage du social. C’est à perdre la tête pour fixer et lâcher. C’est à se perdre dans les replis des corps pour y chercher et trouver la fracture qui rendrait le bonheur de ce couple assez supportable pour qu’il ose enfin lui donner «chair».

C’est ainsi que peu à peu, le théâtre chorégraphié de Toshiki Okada nous tend le miroir de notre profonde vacuité à parler du bonheur pour ne rien en dire tandis que nos corps malheureux caressent l’espoir qu’une utopie vienne créer le mouvement des possibles. Pour en finir avec ces tours de vingt-cinq étages sans ascenseur social d’où l’on ne voit même pas l’horizon.

Pascal Bély – www.festivalier.net

« We are the Undamaged Others » de Toshiki Okada au Festival d’Automne de Paris et joué au Théâtre de Gennevilliers du 7 au 10 octobre 2010.

Crédit photo: © Nobutaka Sato

 (1) Alain Crombecque a été directeur du Festival d’Avignon de 1985  à 1992 puis du Festival d’Automne de 1993 jusqu’à son décès à l’automne dernier.

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De l’identité nationale par Raimund Hoghe et Faustin Linyekula.

La scène est immense, totalement dépouillée, à l’exception d’un petit tas de cailloux. Notre humanité est là : toute à la fois atrophiée et imposante. La danse a commencé.
Ils arrivent ensemble, mais séparés. Lui, c’est Faustin Linyekula, chorégraphe congolais. Lui, c’est Raimund Hoghe, ancien dramaturge de Pina Bausch, chorégraphe et bossu depuis l’enfance. Leurs corps incarnent un territoire mêlé mais un clivage du monde les éloignent.
Tout commence par des feuilles de papiers délicatement posés tout autour de la scène par Raimund Hoghe. Elles   évoquent l’espace européen qui préserve son modèle de développement. A ce moment précis, il ne faut pas se fier aux apparences : la douceur de Hoghe est une bombe à fragmentation. Ces stèles mortuaires glacent. Seraient-elles celles des sans-papiers ?
Pendant ce rituel funéraire, Faustin trace avec son petit tas de cailloux des chemins sinueux. La rencontre entre les deux hommes est-elle possible ? Raimund ne bouge plus : notre modèle industriel, social et culturel ne créée plus la relation ouverte. Faustin erre, sans titre, sans papier. Il est notre héros qui marchait sur la lune il y seulement trente ans. Sa danse compliquée et tortueuse les éloigne. La scène symbolise l’écart : 20% de la population mondiale consomme 80% des ressources de la planète.

Alors, place à l’art ! Il va nous offrir d’autres itinéraires, non moins sinueux. Alors que les cailloux s’incrustent dans les corps et crée l’espace de la confrontation, ils tombent pour Faustin, sont jetés par Raimund. La danse met en mouvement le minéral dans le biologique et provoque la régénérescence. La rencontre artistique par le partage permet à chacun de faire son chemin, à partir de nouvelles formes esthétiques (la bosse de Raimund et les plis du corps musclé de Faustin forment le paysage de l’imaginaire). Symboliquement, la danse est un modèle d’élargissement : elle ne puise pas la ressource pour appauvrir l’autre, mais  créée le bien commun et les esthétiques de la rencontre.

Avec un propos accessible,  « Sans titre » de Raimund Hoghe, libère le spectateur par la poésie. Il crée à l’aide d’une bougie, d’un tas de feuilles de papier et vingt cailloux. De la rareté éclot le sens. Point de langage descendant, tout nous revient et leur revient ; de la danse de Raimund Hoghe naît la rencontre, à l’image de la dernière scène où le blanc et noir se fondent pour créer un corps commun riche de nouvelles articulations. Sublime !

Une spectatrice me regarde puis me dit : « Cette oeuvre est une émotion qui se niche dans toutes les parties de notre corps ».

Traçons nos chemins avec nos cailloux, mêlons nos mots et ouvrons ensemble l’espace de la rencontre autour de la danse.  Il y a urgence. Un certain Président utilisent ces cailloux pour construire des murs.

 

Pascal Bély . www.festivalier.net

 

“Sans titre” de Raimund Hoghe a été joué les 2 et 3 juillet 09 dans le cadre du festival Montpellier Danse. Actuellement au Théâtre de Genevilliers jusqu’au 13 décembre 2010 dans le cadre du Festival d’Automne de Paris.

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Eszter Salamon au Festival d’Automne à Paris: chef d’oeuvre.

Ce spectacle est à l’affiche du Festival d’Automne à Paris du 7 au 10 novembre 2007 au Centre Georges Pompidou.  A ne pas manquer  comme en témoigne mon regard sur cette oeuvre lors du dernier KunstenFestivalDesArts de Bruxelles.

Il y a des oeuvres que l’on ressent majeures parce qu’elles éclairent nos consciences, éveillent nos mémoires et construisent nos visions du futur. À la sortie du théâtre, je me sens investi pour communiquer sur ce que j’ai vu, un soir de mai 2007, au KunstenFestivalDesArts de Bruxelles. Eszter Salamon, auteur – metteuse en scène – chorégraphe nous présente «And then», performance sublime où danse, théâtre, chanson, musique, sons, vidéo forment un documentaire vivant dans lequel vos résonances font partie de l’histoire. Ce sont huit femmes de plusieurs générations qui s’appellent toutes Eszter Salamon, rescapées de la shoah, du communisme passé et du libéralisme actuel. Elles sont là, sur scène ou à travers l’écran vidéo, pour nous raconter des bouts de leurs histoires. Le maillage des mots et des vies produit alors une oeuvre magistrale.
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Dès le début, nous sommes plongés dans un noir profond. Leurs silhouettes apparaissent comme des images subliminales où les personnages seraient ceux du théâtre de Joël Pommerat, présent en Avignon l’été dernier. Ce noir, quasi hypnotique crée un climat propice à l’écoute. La scène, prolongée par un écran vidéo, donne de la profondeur psychologique, du champ historique, une approche sociale aux histoires singulières de ces femmes. Elles ont toutes fait l’expérience de l’aliénation à un homme, au pouvoir politique, à la hiérarchie professionnelle et c’est par leur ténacité, leur humour et leur capacité à se distancier qu’elles ont pu s’émanciper. La force de cette oeuvre réside dans cette mise en scène où d’histoires sans lien, Eszter Salamon les relie, les maillent pour faire apparaître, tel un mirage, l’intergénérationnel puis une fratrie solidaire, une « soeurorité » combattante. C’est avec délice et émotion que l’on se laisse guider, pénétrer par tous les bruits de leurs corps magistralement restitués comme autant de froissements de l’intérieur de l’âme, de tumultes de l’histoire, d’ailes de papillon qui battent pour la liberté. Les gestes magnifiques de la vie quotidienne (arroser ses plantes, tournicoter avec sa chaise, danser sur son canapé) projetés sur l’écran vidéo, sont autant de chorégraphies d’un quotidien confiné et potentiellement libérateur. Ce sont le chant et la danse sur la scène qui donnent à ses images un prolongement par le spectacle vivant, porté par une nouvelle génération. C’est ainsi que sur sa trajectoire, le libéralisme violent rencontre la force créative de ces femmes qui ne sont pas prêtes à se laisser enfermer.
« And Then » est un mémorial vivant dédié aux femmes, pour l’humanité. C’est une oeuvre qui remet du sens là où la sphère médiatique réduit, là où le politique voudrait faire oublier (à l’instar d’un Nicolas Sarkozy toujours prompt à dénoncer la repentance), là où l’économique (avec la publicité) marchandise tout, même les symboles .
«And Then» est un chef d’oeuvre parce qu’il fait de nous, simples spectateurs du KunstenFestivalDesArts, les frères et soeurs des 834 Eszter Salamon recensées sur la planète.
Restons groupés…
Pascal Bély
www.festivalier.net

 “And Then” a été joué le 19 mai 2007 au Beursschouwburg dans le cadre du KunstenFestivalDesArts de Bruxelles.