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FESTIVAL ACTORAL FESTIVAL D'AVIGNON

Le Festival d’Avignon et ses écrits de spectateurs : Francis Braun.

L’intérêt des salles non numérotées, c’est qu’on y fait la queue, souvent à l’avance. Ce soir-là, Francis Braun me reconnaît grâce à mon T-shirt siglé « Tadorne ». Il aime mon travail et le fait savoir. Près de lui, Leïla Shahid, déléguée de la Palestine à Bruxelles, aime le festival. Le dialogue s’engage. Nous formons l’agora. C’est aussi cela Avignon !

Depuis, Francis Braun m’écrit. Il m’envoie ses textes d’après spectacles. Ils n’ont pas leur place dans la case «commentaire ». Il est aussi Tadorne, car c’est une parole engagée.

 

 « El final de este estado de cosas, redux » d’Israel Galván.

Merde à la planche qui tape trop fort.

L’accessoire  – c’est soit indispensable, soit ça fout tout en l’air.

L’accessoire est parfois essentiel pour une femme.  Une robe très simple, presque invisible, elle porte un bijou, un sac ou une écharpe  autour du cou….et on ne parle plus de beauté mais de classe et si l’accessoire est bien choisi, alors, on parle d’ALLURE. 

Dans un spectacle, c’est parfois le contraire….

L’allure, la classe, c’est le comédien nu, sans accessoire, sans truc, habillé mais nu d’artifice.

C’est lui dans un dé-NU-ment total, pantalon – cheveux gominés, musique, espace et bruit de ses pas.

C’est cet homme  ISRAEL GALVAN.

D’abord il est Kazuo No, butoh trapu, ténébreux arquebouté sur lui-même, crispé, bandé, tendu, masqué dans les rochers, dans son carré sablé-éclairé-encadré au sens propre du terme…..pourquoi un masque.

Son corps, ses efforts contenus, son dos voûté, son ventre rentré, ses chevilles en lévitation, sous une force tellurique incroyable….

Oulala, ça va être  certainement terrible.

Il danse contre…

Il lutte avec….
Il parle avec ses avant-bras…

Il dit des choses avec sa main qui comme une ombre chinoise qui suggère plus qu’elle ne dit. Il veut quand même nous expliquer, presque nous le crier…

Il insiste, en frappant, en trépignant, en scandant cette violence de son corps qui va comme exploser.

Il est seul maintenant sur ce sable – sur cette transversale sablonneuse……

et soudain ça y est l’accessoire prends le pas sur le danseur.

Merde et pourquoi cette rupture.

On déteste l’anecdote dans ce cas là.

Elle nous distrait, on a du mal à ne voir que lui.

L’accessoire prend à ce moment-là,  trop de place. Il ne l’accompagne pas, il se substitue à lui.

Il va danser avec sa planche dans un duo inégal alors qu’un solo égoïste suffirait totalement.

Cette planche subtilement articulée lui répond quand même, comme s’il en était le dompteur….la lutte de deux animaux féroces.

On ne regarde que lui, que cette révolte du Flamenco.

On ne voit que les trépidations d’un homme qui, lorsqu’il danse, veut parler, crier, hurler.

Merde à la planche qui tape trop fort.

À table, il est seul. Et là c’est magnifique.

Il envahit toute la carrière.

Ne parlons pas des musiques rock…

N’écoutons que cet orchestre espagnol, ces mains qui claquent, les pieds qui scandent, ces voix qui hurlent.

L’Union irréelle avec la sauvagerie.

Il ne faut pas qu’il se dissipe, Israel Galvan.

On ne parle pas du film, sûrement pas …. on ne verra que lui, même si le regard se perd parfois.
On cassera même cette bouteille d’
eau qui rend anecdotique sa performance.

On détestera même ce  simulacre mort-cercueil et sa lumière dedans.

On évitera le final music-hall qui transforme ce flamenco en produit pour touristes…..

Putain, avec un tel cadre, une telle aura, un tel orchestre, une telle force dans son corps, une telle envie de bousculer, de rentrer dedans…..

Merde la solitude a du bon parfois.

On l’attend ce mammifère trapu dans un prochain dénuement, isolé au son de voix et de lumières flamenco….

Pourquoi n’était-il pas l’épicentre de la Carrière,  SEUL avec sa danse sous cette voûte noire et brillante…

On a aimé, mais regretté.

 

« Un peu de tendresse, bordel de merde ! » de Dave St Pierre.

On se souvient du célèbre “Pina m’a demandé” au Palais des Papes lorsque ses comédiens racontaient des bribes de leur vie intime ….c’était il ya plus de vingt ans, c’était dans le raffinement, le pudique.

Ce soir , aux Célestins , ses « Enfants » se sont fait l’écho de son passé, comme pour mieux la faire renaître…..ils n’ont pas fait pareil, c’était plus “dit”,  ils ont montré ce qu’ils savaient faire, ils ont dansé comme des fous, ils ont montré leurs sexes, leurs perruques et leurs fesses, ils ont montré leurs poils, ont joui, ont aimé, ont détesté, dans le calme, la violence et  l’orgie, sans scrupules, libérés, outranciers, jamais grossiers…toujours dignes et maîtres d’eux-mêmes.

Ils ont escaladé les gradins, enjambé les spectateurs en deux fois. La première, habillés année 50 avec des vêtements de tous les jours, la seconde fois complètement nus, en prise directe avec nous, joues contre fesses, sexe contre nez, trou du cul contre tête….l’un d’eux a même mis mes lunettes sur sa bite (soyons crus, on emploie les mots qu’il faut…ils vont bien avec ce genre de “show”).

Un show en traduction simultanée, dans un français traduit au premier degré…très rigolo, grinçant et terriblement incisif.

Les Enfants de Pina Bausch, Dave Saint Pierre et sa troupe nous ont raconté…..ils s’en sont tirés à merveille, ils nous ont nous emmener là où l’ont voulait secrètement aller sous les ordres ironiquement sarcastiques d’une Maîtresse Femme, qui a force de menaces et de manipulations,  vient s’effondrer  à la fin, gracieusement, mais épuisée.

Ce que ceux de Pina ne disaient pas, ses enfants l’ont dit….l’on montré avec joie et violence, se sont bien amusé. Ils ont dansé, ils sont passé sans complaisance du tragique au dérisoire, du rire aux sanglots…..

Merci a eux que l’on aurait aimé serrer dans nos bras, même trempés qu’ils étaient…ils auraient dû saluer parmi nous, dans les gradins……au milieu de nous…..bonjour la suite!!!!!! 

 

« La Menzogna » de Pipo Delbono

 

Un Italien   incarné… ou un Allemand désincarné…. on hésite …..Senior Pipo,  Herr Delbono…

Un Opéra  Wagnerien…..bien sur, même du Shakespeare Italien….;

Un homme cheveux gominés, lunettes noires…

Roméo costumé, Juliette hurlait.

Moins de Cabaret ce soir  – on se souviendra néanmoins du “Travelo – Dalida” dans la cour de la Faculté des Sciences , il y a plus  de Tragédie ce soir.

On a tous vu Hamlet de Ostermeier, on n’a pas suivi Apollonia jusqu’au bout….Monsieur Delbono, contrairement à ses contemporains , fait appel à nos pleurs…on est suspendu…larmes peut-être.

Mais  Pipo, ce soir,  s’est pris pour Jean Vilar lorsqu’à Paris au TNP, il jouait Arturo Ui de Bertold Brecht. Souvenir, clin d’oeil, référence ?

En plein “show”…..un &nbs
p;type derrière nous a crié “c’est bien ficelé”, ….et j’ai répondu “connard”…..

Bien sur qu’il a raison ce type…c’est vrai que c’est super bien fait…la musique, l’opéra, les cris, la douleur, leurs  morts…on est pris bien sur par son essoufflement quand il parle, nous chuchote dans le micro ses obsessions lancinantes, on aime son souffle d’émotions, Pipo on t’adore , on te déteste, tu nous fais mal, tu nous fais du bien.

Tu es notre Hiroshima  de Alain Resnais, tu parles comme Ennanuella Riva qui se souvient de Nevers-Hiroshima..

Tes ficelles sont impeccables et c’est certain, elle tisse un piège…..on rentre ou on rentre pas.

On t’aime, on te hait….attention tu racontes toujours la même histoire en partant d’un prétexte…mais ce n’est pas grave……on t’aime on te hait quand tu te prends pour Taddéus Kantor, quand tu te fais voyeur, exhibitionniste, photographe ironique , tu vas avoir un sacré album de photos.

Mais bon…..c’est quand même vraiment bien…..souffle coupé comme toi, quelques yeux humides…je peux pleurer  ?…On va pas me dire attention sensiblerie et non-dramaturgie…

Et puis vous êtes nus encore, cette année, la guerre, à poil, le gras du bide, les petites couilles…..Tu nous montres tout par ta nudité. Tu as maigri et tu restes devant  “nu / nous”…tu jouis de nos regards, Jean Luc aussi est nu….pourquoi encore êtes-vous nus ?….Jean-luc n’est plus l’autiste, il est devenu le Comedien…..tu nous le montres aussi…

Jannot Lucas est devenu comédien grâce à toi, à cause de toi.

Tant mieux , c’est bien….mais merde….. tu l’exhibes un peu trop….Pipo,…..Monsieur Loyal.

Ce ne sont pas des bêtes de foire…maintenant ils existent par eux-mêmes…ils sont autistes , sauvages, SDF…ok maintenant ils actent, ils font l’acteur, ILS SONT COMEDIENS…..grace à toi ok, je te l’accorde.

En toute humilité…bande d’exhibitionnistes que l’on adore…..on est content de te voir amaigri, ayant quitté ta bonhomie pour une classe terrible…..t’as de l’allure en Blues Brother, mec  !

Alors, on a pu adorer, on a pu aimer…on a pu détester et critiquer…..

Le principal c’est d’avoir été pris à ta saloperie de piège, on est tombé dans tes filets, on a frémi, on a eu le coeur fêlé…..quand même on ira te revoir…..et puis ta santé est bonne maintenant…ça, c’est bien.

Francis Braun.

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LES EXPOSITIONS

Aux Rencontres Photographiques d’Arles, Naoya Hatakeyama: pas vu, pas pris.

Naoya Hatakeyama est exposé au cloître Saint-Trophime.  Au début, je n’ai pas vu. J’ai lu le panneau informant le voyeur d’exposition du contexte de travail de l’artiste. Naoya Hatakeyama opte pour la « réalité », au coeur d’un processus social très actuel qu’il positionne dans l’environnement citadin. Il en appelle à Levy-Straus (« La connaissance du tout précède celle des parties »), point de départ de sa problématique. D’accord. Je ne lis guère plus et décide d’entrer dans son univers, faisant confiance à mes acquis et risquant la confrontation visuelle pour happer l’apport.

De grands formats estimés rapidement à des 60×80 dans leur majorité, noir et blanc,  pour le choix des nuances.  La lumière du cliché à son importance géométrique, mais elle éclaire aussi la réflexion. Puis je me balade sur la réalité cognitive de Naoya.  Nous sommes des homos sapiens urbains qui devons faire appel à notre connaissance scientifique en lien à notre environnement proche. Je laisse aller. J’avance, reviens sur mes pas. Plonge dans l’image. Recule. Avance. Digère, et ne voit rien venir. Scales, titre de la série. Oui et en fait, c’est l’histoire d’une boîte qui, ouverte, nous offre un monde bien connu : la réalité dite cognitive qui  fait l’écho à Pascal, l’infiniment grand et l’infiniment petit. On doit donc se positionner : où sommes-nous dans cette réalité? Pour ma part, nulle part. Je ne fonctionne pas à la théorie exposée. J’ai la sensation de voir d’autres photographes, des souvenirs picturaux me reviennent qui, de façon plus forte, ont signifié cette réalité cognitive, et m’ont révélée, homo sapiens, dans mon environnement urbain. Je me trouve décidément hors de l’image. Je note : la série Scales est une commande accordée par le Centre Canadien d’Architecture. Deux mots clef tuent définitivement le vu : commande et architecture. Où est passée la spontanéité de l’oeuvre ? L’histoire ne me raconte rien en additionnant tous les éléments. Même la donnée « architecture » ne s’ouvre pas et pourtant, le monde de la cité est vaste.

Naoya s’explique « En fait, la photographie comprend non pas une véritable connaissance du tout, mais l’aspiration à la connaissance de tout, identique à la progression pesante de notre vie quotidienne ».  Je reste quoi sur l’antonymie de la définition. Au départ, n’étions-nous pas supposés flirter du regard la réalité que nous connaissons  et la connaissance qui s’y rapporte, pour faire ressurgir nos facultés à survivre et communiquer dans cet espace synthétique et esthétique ? Or dans le quotidien, nous vivons la répétition et donc le rite même de l’absurde, où la réflexion s’affaiblit devant l’action automatisée. Je ne me place donc pas dans un univers observable, mais dans le vide, et cela n’est absolument pas un élan vers un idéal, quel qu’il puisse être. Et la réalité dans tout cela ?

Nous sortons alors en cherchant terriblement cette aspiration qui saurait défendre une beauté cognitive qui s’échappe donc tout naturellement.

Diane Fonsegrive – www.festivalier.net

“Scales” de Naoya Hatakeyama Japon – au Cloître Saint Trophime dans le cadre des Rencontres Photographiques d’Arles. Jusqu’au 13 septembre 2009.

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THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN

Le festival NAVA, sur le pont d’Avignon.

Comment se rétablir du calamiteux « Casimir et Caroline »  présenté à la Cour d’Honneur ? Comment échapper, le temps d’une soirée, à la nostalgie rampante qui envahit les rues d’Avignon à quelques jours de la clôture des festivités ? Direction Limoux, pour le festival « NAVA » (« nouveaux auteurs dans la vallée de l’Aude ») dont le projet vise à promouvoir  des textes, mis en espace puis lus et joués par des acteurs. Ils n’ont généralement que quelques jours pour répéter. Trente ans après, je retrouve à « NAVA », l’auteur et metteur en scène François-Henri Soulié. A douze ans, je découvrais le théâtre alors qu’il produisait près de chez moi, « la vie est un songe » de Pedro Calderon. Retour aux origines.

A « NAVA », Jacques Lassalle propose une « lecture spectacle » d’«Une Nuit de Grenade » de François-Henri Soulié. Le résultat, troublant, finit par produire une onde de choc dans le cloître envoutant de Saint-Hilaire.

Nous sommes au coeur de la guerre civile qui ravage l’Espagne. Le poète Federico Garcia-Lorca vient d’être arrêté. Son ami musicien Manuel de Falla (Didier Sandre) rend visite au Gouverneur civil de Grenade (Wladimir Yordanoff) pour réclamer sa liberté. Dans ce combat, s’immisce un jeune phalangiste (Arnaud Denis), chargé d’assister le gouverneur dans le comptage des morts tandis qu’une danseuse de flamenco (Chloé Astor) cherche son frère emprisonné.

Ces acteurs magnifiques s’accrochent au texte comme à la vie. Leur fragilité finit par nous contaminer. Didier Sandre paraît coincé dans ce décor de pierre et de papier, pris en tenaille entre sa foi catholique et son amitié pour le poète. Arnaud Denis est époustouflant dans cet espace réduit à une chaise et une machine à écrire comme si son devoir militaire se fracassait dans le bruit des morts couchés sur le papier.

À mesure que l’intensité dramatique augmente, le texte ne cesse de résonner dans notre époque. Quelle place peut bien jouer l’art dans les barbaries d’aujourd’hui? Comment faire entendre la voix du poète dans une société obsédée par le rationalisme? Que faisons-nous pour défendre les singularités artistiques tout en préservant l’unicité que nous donne l’art? Avec humour et gravité, les mots de François-Henri Soulié percutent parce qu’ils sont ciselés pour traverser les générations d’acteurs et de spectateurs. Sauver le poète, c’est nous préserver de nos désirs de persécutions et protéger l’humanité contre tous les totalitarismes.

Une nuit de Grenade” nous revient, grâce à NAVA. Nul doute que ce brûlot poursuivra sa route pour enflammer nos théâtres. Alors que le Festival d’Avignon vient de révéler l’absence cruelle d’auteurs, cherchons à la marge ce que les projecteurs médiatiques nous empêchent d’entendre.

Pascal Bély – www.festivalier.net

“Une nuit de Grenade” de François-Henri Soulié, mise en espace de Jacques Lassalle a été joué le 24 et 26 juillet 2009 dans le cadre du Festival NAVA.

Crédit photo: Jacqueline Chambord.

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FESTIVAL MONTPELLIER DANSE HIVERNALES D'AVIGNON

De Montpellier Danse à Avignon, Rita Cioffi pas à pas.

A Montpellier Danse, le 22 mars 2007

J’ai envie de danse. En déplacement professionnel, il est temps de sortir de cette chambre d’hôtel déshumanisé où la télévision fait office de fenêtre vers l’extérieur. L’air est glacial et j’entre me réchauffer au « Chai du Terral », beau théâtre de l’agglomération de Montpellier. Rita Cioffi présente « Pas de deux », duo dansé sur le couple à partir duquel « les processus d’identification et de différenciation créent l’identité et construisent l’individu ». Ambitieux programme. Inutile d’aller chercher dans la confrontation des deux danseurs une quelconque métaphore du couple amoureux. Je n’y trouve rien. Trop loin de moi, peut-être…Est-ce la rencontre entre l’homme et une femme ? Difficile à cerner tant ils me paraissent asexués. Lui est fort, elle plus frêle. A quoi bon de les voir ainsi ? Cela n’a toujours pas de sens…Alors ? Je m’accroche moi aussi à leurs vêtements : ils ont une fonction essentielle quand ils se relient à partir de la poche de leur jean’s, glissent leurs mains dans les plis d’un tissu rebelle, s’engouffrent dans le t-shirt de l’autre. Le textile est alors cette seconde peau que nous cherchons en l’autre, en soi, avec peur, colère, désir et détermination. Leur danse, parfois mécanique, les transforme en statue, comme si le corps était matière dont nous serions le sculpteur par nos regards furtifs ou appuyés. C’est beau et profond. Nous aurions pu en rester là. Mais voilà qu’une vidéo de Roberto Sacova vient ponctuer ce « pas de deux ». Avec nostalgie et tristesse, le film normalise leurs rapports, joue sur les ralentis et annule le lien que je construisais pas à pas avec ce couple. La vidéo prend alors le pouvoir sur le vivant.
Je quitte le théâtre avec un goût d’inachevé. De retour à l’hôtel, j’avais laissé la télévision allumée. Un homme et une femme s’affrontent. J’éteins.
Pascal Bély- www.festivalier.net


Deux années plus tard, aux Hivernales, pendant le Festival Off d’Avignon. La vidéo a disparue.

Dans le petit studio des Hivernales, Rita Cioffi, chorégraphe, et Claude Bardouil, comédien, nous offrent un « Pas de deux » sublimant le corps.

Ils nous tournent le dos : elle et lui, le féminin et le masculin, deux corps.

C’est dans un calme absolu que leur danse débute. Chacun s’échauffe puis c’est l’approche. Le rapport de force commence puis la dualité du féminin et du masculin se complexifie. C’est physique, psychique, tactile, érotisant, tout en respect. Juste ce qu’il faut sans tomber dans l’excès.

S’attachant à leur vêtement, comme s’ils se prenaient à même la peau, Rita Cioffi et Claude Bardouil arrivent à n’être qu’un seul corps. Ils se fondent littéralement l’un dans l’autre. De l’interprète à la chorégraphe, les rôles s’inversent et s’abandonnent. Le public plonge alors dans cette danse charnelle qui lui offre une belle leçon chorégraphique.

La collaboration entre Rita Cioffi et Claude Bardouil se déploie parce que chacun semble avoir fait un travail sur lui-même. Pour Martha Graham, chorégraphe américaine, « l’art du danseur est bâti sur une attitude d’écoute, qui implique tout son être ».

Impliquant pas de deux.

Laurent Bourbousson – www.festivalier.net

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FESTIVAL D'AVIGNON PAS CONTENT

Au Festival d’Avignon, Christoph Marthaler prépare le pire et se protège.

C’est le spectacle que l’on attendait. Au coeur de la crise, à la veille d’une pandémie, à l’heure où le continent européen cherche son projet politique, nous caressions l’espoir que le théâtre puisse nous ouvrir les horizons, fatigué de n’entendre que des dénonciations. Avec «Riesenbutzbach. Eine Dauerkolonie », le metteur en scène suisse Christoph Marthaler pouvait combler cette attente. Au lieu de cela, il a clivé un peu plus un public déjà déboussolé par un festival qui lui offre si peu d’attaches.

À première vue, le décor surprend et impressionne. C’est une bâtisse à l’architecture est-allemande, où s’enchevêtrent plusieurs espaces : selon que vous soyez puissant ou misérable, votre regard sera attiré par le hall d’une banque, le bureau d’une entreprise, un salon bourgeois, des garages, un balcon d’appartement. Il y en a pour tous les goûts. La troupe de quinze comédiens impose par sa diversité : des maigres, des gros, des chics, des médiocres. Mais ils sont riches, blancs, homme et femme-objet jusqu’à s’incruster dans le mobilier, assez matérialistes pour éructer comme une mécanique qui déraille, et suffisamment vulgaires pour lever la jambe pour un oui ou pour un non. Ils ont l’assurance de ceux qui ont le tout, bien plus de la somme des parties ! Tout lien est objectivé, nivelé, si bien que l’on ne différencie plus la relation commerciale, amoureuse et familiale. Christoph Marthaler se régale à se moquer de ces petits puissants : tout est grossi, mais avec délicatesse. Il ridiculise cette époque, à bout de souffle, désarticulée par la crise bancaire. Alors que les fondations s’effritent peu à peu, il prend un malin plaisir à s’appuyer contre un mur déjà fragilisé. Evidement, tout s’effondre avec fracas. Le public se marre, car n’importe quel détail tourné en dérision devient un événement.

À mesure que ces notables tombent dans la déchéance et se rapprochent du triste sort du peuple réduit à vivre dans les garages après avoir squatté les salles de vente, la pièce s’englue dans un humour potache. Le rire du public se fait plus lourd, signe d’une angoisse qui monte. Nous ne sommes qu’à la moitié de la représentation et  Marthaler a déjà épuisé son propos.

Alors, il étire le temps, non pour se dégager de ces personnages et se mettre à distance pour nous aider à comprendre ce qui se joue, mais pour installer un processus de persécution qui n’a plus de limites. Cette classe moyenne possédante serait composée de juifs qu’il plongerait dans l’antisémitisme. La moquerie s’enracine, prend des allures de dénonciation : il n’énonce plus rien et tombe dans un consensus qui gangrène la pensée politique et les propositions artistiques de cette 63ème édition du festival (Jan Fabre, Federico Leon, Thierry Bedard et Jean-Luc Raharimanana). Le monde est binaire : il y a les faibles et les puissants, les méchants et les gentils. À quarante minutes de la fin, Marthaler tourne en rond et distille son propos condescendant. Ses comédiens jouent des airs d’opéra pour célébrer un rite funèbre et installer la parade des hommes et femmes déchus. Cette forme artistique, vue tant de fois ailleurs, atteint son apogée quand il les fait défiler sur un stand de mode improvisé. Voilà nos riches, habillées avec rien, mais qui continuent malgré tout  « à se la jouer ». Avec les « Deschiens », c’était quand même plus sexy.

Arrive le moment où il faut conclure. Et Marthaler ne s’embarrasse pas. On aurait pu s’attendre qu’avec la crise, il saborde sa mise en scène. Même pas: il fait enfermer deux groupes dans un garage chacun. Et rétablit les camps. La vengeance est toujours le fruit d’un propos clivant.

« Sommes-nous au tournant d’une époque ? », proclame un des acteurs. Oui, parce qu’il y a peut-être assez d’énergie créative pour repenser un nouveau monde. Non, parce qu’il a des artistes et des intellectuels qui, tout en profitant des largesses du système, répète inlassablement le même discours qui leur garantit une position haute et un statut privilégié.

« Riesenbutzbach. Eine Dauerkolonie » de Christoph Marthaler prépare le public au pire. Lui, s’en sortira. Ses coproducteurs (Festival de Naples, d’Avignon, d’Athènes, de Wroclaw, de Tokyo) le protègent même des banquiers rapaces.

Je m’étonne que la relation avec un artiste m’emmène vers une telle conclusion.

Rideau.

Pascal Bély – www.festivalier.net

« Riesenbutzbach. Eine Dauerkolonie » de Christoph Marthaler au Festival d’Avignon du 23 au 26 juillet 2009.

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THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN

Au Festival Off d’Avignon, « Une voix sous la cendre » résonne.

« J’ai décidé d’arrêter le récit ici. Pour ceux et celles qui souhaitent le poursuivre, je vous renvoie à… ». C’est ainsi que se termine l’effroyable récit.

Le souffle court, il faut fermer les yeux pour éviter la lumière éblouissante d’un carré blanc. Il avance lentement, à l’image des wagons de la déportation. Le récit laissé en héritage par Zalmen Gradowski, déporté, affecté au Soderkommando, durant la seconde guerre mondiale, s’est déroulé avec lenteur.

Nous fermons les yeux afin d’échapper à ce carré blanc qui écrase. 

Rêvons-nous d’ailleurs comme quand le peuple juif, cantonné dans des wagons comme du bétail, imaginait une destination, où l’humain emporterait le pas sur la bête ?

Avec ce récit, porté avec force par François Clavier (saisissant de réalisme), Alain Timar, dans une mise en scène dépouillée, donne aux mots toutes leurs forces. Au même titre qu’Irène Némirowsky (1) ou Wladyslaw Szpilman (2), Zalmen Gradowski permet à l’humanité de pouvoir introspecter son histoire, sans fard et sans artifice et de laisser émerger son rapport personnel à l’histoire, d’autant plus que nous sommes dans une société rythmée par l’évènement, par l’émotion médiatisée.  Zalmen Gradowski laisse une page d’écriture de l’histoire de la barbarie, celle de la bête humaine. Serions-nous aujourd’hui en train de noircir cette page alors que les déportations et les génocides se poursuivent?

J’ai voulu le laisser (ce texte), ainsi que de nombreuses autres notes, en souvenir pour le futur monde de paix afin qu’on sache ce qui s’est passé ici tels sont les mots de Zalmen Gradowski. À méditer. Inlassablement.

Laurent Bourbousson – www.festivalier.net

« Une voix sous la cendre » de Zalmen Gradowski. Mise en scène Alain Timar. Avec François Clavier. Jusqu’au 30 juillet. 17h00. Théâtre des Halles en Avignon.

(1) Irène Némirowsky, auteur de « Suite française ».

(2) Wladyslaw Szpilman, auteur de « Le Pianiste ».

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LE THEATRE BELGE!

Au festival Off d’Avignon, « Chatroom » tisse sa toile et nous relie.

La Belgique, toujours elle, est là quand il faut introspecter les terres chaotiques de l’humain.  Elle sait souvent nous parler au bon moment et avec la manière. Au festival Off d’Avignon, « Chatroom » d’Enda Walsh par Sylvie de Braekeleer, pièce sur l’adolescence avec en toile de fond les « chats » sur internet, affiche complet. Pas étonnant. Elle répond à un besoin. Notre pays n’écoute plus sa jeunesse, si ce n’est au travers d’un arsenal répressif, ou s’en remettant à l’industrie culturelle chargée de propager les bonnes moeurs commerciales. Dès le début de la pièce, elle en prend d’ailleurs pour son grade à partir d’une scène savoureuse, où deux jeunes filles habillent pour l’hiver Britney Spears : sur internet, on fait aussi oeuvre de sens critique !

Car ceux qui verraient dans « Chatroom» une accusation à charge contre la toile, en seront pour leur frais. Ce qui est en cause, c’est notre approche sur cette tranche de vie, souvent caricaturée, peu étudiée à l’université, gommée des politiques de santé publique. Et pourtant, alors que l’on nous invite à retrouver notre regard d’enfant, il est rare que l’adolescence véhicule un imaginaire positif. La force de cette pièce est de combler ce vide avec six jeunes comédiens (tous exceptionnels) qui, loin de réduire ce qui est complexe, jouent avec générosité et honnêteté un texte ciselé pour le théâtre. On y voit six adolescents pris dans la toile avec leurs bagages déjà lourds,  tenter de s’alléger en s’essayant à la manipulation, à sauver ce qui peut l’être, à jouer les grands frères avec distance, à rechercher la bonne cause, à s’engager avec fraternité, à s’affirmer par le pouvoir et s’y brûler.

Les mécanismes de la séduction et de la domination sont approchés avec délicatesse dans un décor qui n’utilise pas les nouvelles technologies pour faire branché, mais qui sert les acteurs. La vidéo prolonge avec succès le jeu théâtral parce qu’elle s’appuie sur une dramaturgie en forme de happening : à 15 ans, on sait faire la différence entre monde réel et virtuel et puiser dans l’enfance les ressorts de l’imaginaire qui construisent un adulte. Sylvie de Braekeleer sait matérialiser un espace virtuel en assumant le propos : un outil, si l’on veut bien s’en donner la peine, peut véhiculer du sens.

« Chatroom » permet de vieillir avec sérénité. Vous y prendrez un sacré coup de jeune.

Pascal Bély – Le Tadorne

« Chatroom » d’Enda Walsh, mise en scène de Sylvie de Braekeleer, jusqu’au 28 juillet au Théâtre des Doms en Avignon.

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FESTIVAL D'AVIGNON PAS CONTENT

Au Festival d’Avignon, l’Islam se noie dans le Protokoll.

 

À la sortie de « Radio Muezzin » du Suisse Stefan Kaegi, le malaise est perceptible parmi les spectateurs. Mais ne l’était-il pas sur scène alors que l’un des acteurs fut pris d’un fou rire contagieux, signe d’un cadre qui ne contient plus mais qui enferme? Comme à son habitude, Stefan Kaegi, issu du collectif Rimini Protokoll nous propose son théâtre documentaire dont il a seul le secret. Pour la troisième fois depuis 2006, il est l’invité du Festival d’Avignon. Cette année, c’est l’Egypte et ses « muezzins », hommes sélectionnés sur concours et dont la mission est d’appeler à la prière. Il y autant de muezzins que de mosquées sauf que l’État Égyptien prévoit une « radiodiffusion systématique ». « Que devient l’aura de cette cérémonie ? », s’interroge Stefan Kaegi.  Il a donc invité quatre muezzins et un technicien à monter sur scène pour y raconter leur art, ponctué de témoignages sur leur quotidien, d’appels à la prière et de chants religieux.

 

Aux corps souvent statiques et lourds des invités (le poids de la religion et l’enjeu d’être en Avignon n’y sont pas étrangers), répond une mise en espace classique et sans créativité de Stefan Kaegi. Suffit-il de projeter des images vidéo de circulation au Caire pour créer le mouvement ? Suffit-il de reproduire l’éclairage des mosquées pour nous immerger ? Suffit-il d’accompagner la présentation des muezzins par un diaporama de photos personnelles pour créer l’intimité ? À toutes ces insuffisances, vient s’ajouter un malaise sur le propos lui-même. Si la métaphore de la mondialisation qui uniformise et fait disparaître le singulier a toute sa place ici, il en est tout autrement du sens implicite qui parcours la pièce. À la frontière de la fiction et du réel, le spectateur joue l’équilibriste, sur un fil, faute d’une mise en scène qui transcende le propos.

C’est la faiblesse de Kaegi qui jongle avec les limites pour ne pas s’engager et faire supporter aux amateurs le poids de leurs fragilités.  Comment écouter ces hommes qui réduisent la visibilité du féminin à une présence derrière un paravent, femme remplacée ce soir par un matériel d’haltérophilie? Comment entendre ces chants religieux sur la scène d’un théâtre dans un pays laïc ? Comment ne pas réagir quand ces hommes font du prosélytisme comme au bon vieux temps du théâtre catholique en France d’avant 1905 ? Mais le plus troublant, c’est l’utilisation des ficelles d’un théâtre propagandiste, utilisées en leur temps par les socialistes dans les années cinquante : créer la communion entre la salle et les acteurs ; orienter le propos vers des principes moraux ; susciter l’amitié entre acteurs et spectateurs ; mettre l’accent sur la pauvreté des moyens du peuple.  

Stefan Kaegi a probablement le souci d’ouvrir le théâtre vers un réel que nous ne voyons plus. Mais il doit éviter absolument de nous cacher la vue sous prétexte de vouloir inventer (ou de réinventer) un théâtre à lui tout seul.

Pascal Bély – www.festivalier.net

“Radio Muezzin” de Stefan Kaegi du 22 au 28 juillet 2009 au Festival d’Avignon.

Crédit photo: Christophe Raynaud de Lage.

En mars dernier, à Berlin, la critique de Stéphanie Pichon.

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FESTIVAL D'AVIGNON OEUVRES MAJEURES Vidéos

Avec Dave St Pierre, les tendres enfants de Pina Bausch.

La danse est revenue en force au cours de cette 63ème édition du Festival d’Avignon. Et de quelle manière! L’époustouflant combat de Maguy Marin, la cérémonie majestueuse de Rachid Ouramdane, et le cri intérieur de Nacera Belaza ont marqué les festivaliers. À quoi s’ajoute le bel hommage à Pina Bausch, au coeur de la nuit, dans le jardin du Palais des Papes. Un parterre d’oeillets, crée par son ancien dramaturge et aujourd’hui chorégraphe, Raimund Hoghe, a magnifiquement accompagné un film composé d’extraits de spectacles joués dans la Cour d’Honneur. Un journaliste interviewe Pina Bausch sur la vision de son avenir. Hésitations puis…”le futur est un présent qu’il faut sans cesse réinventer. Avec amour“. L’image immobilise son visage. Une fragilité. Une force.

Le lendemain. 21h30. Il est assis sur sa chaise. Nu. Avec une perruque de longs cheveux blonds et bouclés. Il salue un à un les spectateurs entrants avec un geste frénétique de la main, accompagné d’un cri animal. Nous sommes quelques-uns à lui répondre. Nous rions de son culot. On le prendrait presque dans nos bras. Dans trente minutes, « Un peu de tendresse, bordel de merde ! » du chorégraphe canadien Dave St Pierre va débuter, mais nous y sommes déjà. Dans ce titre, un paradoxe, une injonction, une définition arbitraire de la relation décortiquée pendant une heure cinquante.

Ils sont dix-huit : neuf hommes, neuf femmes. Parité parfaite. Une se distingue du lot : habillée de noir, elle est la maîtresse de cérémonie, un big brother de la communication amoureuse, n’omettant jamais de parler en anglais traduit en français googolisé. Hilarant. Mais le sujet est grave : hommes et femmes seraient dans l’impossibilité de communiquer. Dès les premiers tableaux, le message, dansé par différents couples, est sans appel : nous sommes allés trop loin dans la marchandisation de l’intime, trop vite à étaler nos secrets sur Facebook. La démonstration n’est pas suffisante ?

Neuf anges bouclés, nus, échappés de Bacchus, débarquent sans ménagement pour monter dans les gradins. Ils hurlent, chantent, provoquent. Le public, hilare, ne sait plus où donner de la tête. Pendant qu’une orgie s’organise, les femmes, habillées, se disputent sur scène, s’insultent tout en imitant des actes sexuels. Tout n’est que sauvagerie. Le chahut dure dix minutes. Un bordel. Le nôtre. Comment s’y retrouver ? Chacun se perd dans un cadre qui explose. Pendant ce temps, Big Brother enlève sa culotte et la lèche. Elle se régale. D’autres démonstrations suivront : tout aussi savoureuses et explicites. Nous voulons l’acte d’amour, mais pas la relation qui va avec à moins qu’elle soit un « objet consommable » que nous réclamons, à corps et à cris. Big Brother ne se prive pas de faire le lien avec la relation que nous entretenons avec les artistes: du spectacle, du sang et de la sueur, mais surtout que cela ne nous éclabousse pas.

Dave St Pierre assume son propos, sans fard, ni démagogie : les femmes ne veulent plus jouer à ce jeu-là et quitte à goûter au gâteau de l’amour, autant se vautrer dans un vrai ! Les hommes, englués dans un imaginaire où la femme serait à la fois autoritaire et absente, se perdent dans des jeux puérils où la sexualité est une performance, un langage.

L’ouverture serait-elle à chercher dans une absence de sexe ? Pouvons-nous recréer la relation dans le tendre ? Les dernières scènes éloignent nos anges blonds et chacun, à nouveau civilisé, joue le jeu d’une tendresse ici célébrée. Elle requiert de s’immerger dans un nouveau liquide, celui d’une relation circulaire, où le corps imprégné retrouverait la souplesse du f?tus.

Dave St Pierre, a compris que la danse est l’art de l’intranquille, un espace d’interpellation et qu’elle requiert de la part des danseurs un engagement dans un corps torturant et généreux. Il est un des enfants de Pina Bausch, à qui il semble rendre hommage par cette rangée de chaises, symbole si fort de « Café Müller ».

Et l’on imagine ces dix-huit danseurs fraterniser avec Dominique Mercy, magnifique complice de Pina Bausch, et poursuivre la révolution des oeillets.

Pascal Bély – Le Tadorne

Pour prolonger, le regard de Francis Braun, spectateur éclairé…

On se souvient du célèbre “Pina m’a demandé” au Palais des Papes lorsque ses comédiens racontaient des bribes de leur vie intime ….c’était il ya plus de vingt ans, c’était dans le raffinement, le pudique.

Ce soir , aux Célestins , ses « Enfants » se sont fait l’écho de son passé, comme pour mieux la faire renaître…..ils n’ont pas fait pareil, c’était plus “dit”,  ils ont montré ce qu’ils savaient faire, ils ont dansé comme des fous, ils ont montré leurs sexes, leurs perruques et leurs fesses, ils ont montré leurs poils, ont joui, ont aimé, ont détesté, dans le calme, la violence et  l’orgie, sans scrupules, libérés, outranciers, jamais grossiers…toujours dignes et maîtres d’eux-mêmes.

Ils ont escaladé les gradins, enjambé les spectateurs en deux fois. La première, habillés année 50 avec des vêtements de tous les jours, la seconde fois complètement nus, en prise directe avec nous, joues contre fesses, sexe contre nez, trou du cul contre tête….l’un d’eux a même mis mes lunettes sur sa bite (soyons crus, on emploie les mots qu’il faut…ils vont bien avec ce genre de “show”).

Un show en traduction simultanée, dans un français traduit au premier degré…très rigolo, grinçant et terriblement incisif.

Les Enfants de Pina Bausch, Dave Saint Pierre et sa troupe nous ont raconté…..ils s’en sont tirés à merveille, ils nous ont nous emmener là où l’ont voulait secrètement aller sous les ordres ironiquement sarcastiques d’une Maîtresse Femme, qui a force de menaces et de manipulations,  vient s’effondrer  à la fin, gracieusement, mais épuisée.

Ce que ceux de Pina ne disaient pas, ses enfants l’ont dit….l’on montré avec joie et violence, se sont bien amusé. Ils ont dansé, ils sont passé sans complaisance du tragique au dérisoire, du rire aux sanglots…..

Merci a eux que l’on aurait aimé serrer dans nos bras, même trempés qu’ils étaient…ils auraient dû saluer parmi nous, dans les gradins……au milieu de nous…..bonjour la suite!!!!!!
Francis Braun

 
"Un peu de tendresse bordel de merde!" de Dave St Pierre du 21 au 26 juillet 2009 au Festival d'Avignon.
Crédit photo: Christophe Raynaud de Lage.
 
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LES EXPOSITIONS

Aux Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles, on se bouscule pour Duane Michals.

« Lorsque vous regardez mes photographies, vous regardez mes pensées ».

On ne présente plus Duane Michals. Ses jeux espiègles d’images qui allument  l’intérêt de quiconque regarde. On trotte dans la rêverie. Je m’illusionne sur la technique du cliché, m’interroge, et ma réflexion me renvoie à Picasso. La ligne donne le ton du sentiment. Picasso travaillait le négatif pour susciter le sentiment. Duane Michals travaille le sentiment dans la matière du négatif. La fascination est bleuffante sur le savoir-faire. On reconnaît la trace de ses imaginaires de la photo qui raconte, à l’instar du cinéma muet , des scènes rêvées et soufflées à nos yeux. On en appelle aux mythes, aux histoires collectives. Il est si ludique de vagabonder sur les murs de l’Archevêché, sur le fil de la philosophie de vie Michals. C’est drôle, grave, tendre et sublimant. J’ai l’impression de regarder l’intimité de l’autre  au travers d’un kaléidoscope. Un temps d’antan. Je souris et m’échappe.

Cependant, la lecture n’est pourtant pas aisée. J’entrechoque d’autres lecteurs d’images. On court après l’histoire. Oui les clichés sont petits,  on fuit le reflet du verre du cadre. On scrute alors de prés. On se pousse, se sourit pour s’excuser et poursuit l’histoire avant d’être à son tour bousculé. Je me recule et tente de comprendre l’accrochage. Déception. L’espace mural n’est pas très bien pensé. Le confort a été oublié au profit d’une esthétique d’espace. Ou alors avait-on prévu moins de visiteurs ? Mauvais calcul. Je voudrais, car c’est un voeux formulé, avoir ces lectures toutes à moi, une seconde, une minute, en parfaite invitée de cet univers. Et me voici à bagarrer  devant une photo, puis une autre plus loin.

On finit par quitter l’exposition, enchanté mais pas conquis.

Diane Fonsegrive – www.festivalier.net

Exposition présentée au Palais de l’Archevêché du 7 juillet au 13 septembre.