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“Erection” de Pierre Rigal: promesse tenue.

Elle : « Mais comment fais-tu pour voir tous ces spectacles ? » 
Moi: « Pendant que tu regardes la télé, je vais au théâtre! »
Elle: « Ah ! Vu sous cet angle… »
Dimanche, pendant que vous regardiez peut-être la télé ( !), je m’apprêtais à partir au Théâtre d’Arles pour voir la chorégraphie de Pierre Rigal, « Erection ».
Programmé dans le cadre de la manifestation « Duos et soli », ce spectacle était l’événement.
Flash back.
Il est 17h30. Je cherche mon billet. Où est-il ? Là ? Non. Ici ? Non plus. Dessous. Dessus. A l’endroit ? A l’envers ? Je vide mon sac. A cet instant, la pièce commence à ressembler à "un paysage après la bataille". Couché à terre, je scrute le plateau de verre de mon bureau. Même sous cet angle, je ne vois toujours pas le précieux sésame. L’excitation monte. J’ai la tête qui tourne. Toujours à terre, je cherche tel un chat. Je commence à me sentir ridicule dans cette position. La colère monte. Je me relève, essoufflé. Je cours dans l’appartement au risque de me prendre cet aspirateur qui gît là, attendant peut-être que je veuille bien me consacrer aux taches bassement matérielles…J’ouvre le frigidaire. Je vois pas le rapport. Que se passe-t-il ? Que m’arrive-t-il ? Je me sens triste. Pierre Rigal ne commencera pas sans moi, pas sans le Tadorne! Je perds mes ailes. Il est 18h15. Trop tard. Le billet a eu ma peau.
Je m’asseois dans le fauteuil. J’allume la télé. France 5. « Ripostes » de Serge Moati a commencé. Je préfère ne pas répondre. Comme pour lire la posologie d’un médicament, je prend désabusé la plaquette du spectacle :« L’homme est né dans une lumière bleue. L’homme étendu au sol raconte la longue histoire de son passage de la position couchée à la position debout. S’ériger, c’est par extension de langage, s’opposer, se révolter, combattre. Dans un dispositif épuré, accompagné d’effets sons et vidéos créés en direct, Pierre Rigal dans à la fois l’homme – animal, l’homme – individu et l’homme – social, trois versions d’une même tentative d’érection. Une performance. Celle de Pierre Rigal, mais aussi la nôtre ».
Après mon « Erection », la télé peut bien faire effraction chez moi.
Rien n’est jamais perdu.

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Meg Stuart au Kunsten avec « Replacement »: l’expérience mise en abyme.


Devrais-je seulement retenir de « Replacement » le jugement sans appel de ma voisine : « des installations vidéo, ce décor impressionnant, huit paires de Stilettos?tout ça pour si peu de danse ?! Meg Stuart est présomptueuse, elle nous prend pour des cons ».
Les applaudissements étaient peu nourris ce soir-là, et pourtant j'y ai contribué, incapable de tout jugement tant je me trouvais en terres inconnues. Au lendemain de « Walking Oscar », je découvrais la non-danse à travers un spectacle mieux maîtrisé et porteur d'interrogations. Le Kunsten nous plonge à nouveau dans l'univers de la folie.
Une scène dans la scène avec cette pièce, meublée de façon sommaire et emboîtée dans une gigantesque installation hexagonale qui en assure la rotation. C'est le centre névralgique du spectacle. Des installations vidéo pour filmer en gros plan l'aliénation, mise en scène dans la roue, et pour marquer la démarche expérimentale, thématique centrale de « Replacement ». Sept, huit danseurs se prêtent à une expérience dont ils se retrouvent dépassés. Ils sont épiés, leurs mouvements sont dictés, leurs visages transformés, tuméfiés pour revêtir les traits de la laideur. On aura beaucoup attendu, pourtant ils ont dansé. Notamment plusieurs scènes de transe, où les corps tremblent et se désarticulent. La scène pivote à 360 degrés, tous s'accrochent aux parois, aux meubles, aux encadrements de porte, leurs corps glissent ou tombent. Mais « Replacement » comporte également son lot de longueurs et de clichés. La vidéo finit par mettre à mal le résultat d'ensemble. Un ultime monologue brise dans le dernier quart d'heure toutes les nuances de l'?uvre pour la replacer  maladroitement dans son contexte. Meg Stuart aurait-elle eu peur ?

Ouvrir la danse aux autres disciplines ? la chanson, la vidéo, le théâtre ? est une démarche exigeante. Le danseur, s'il y parvient, est artiste, au sens le plus générique du terme. On requiert de lui le jeu d'un comédien, les cordes du chanteur et d'autres attributs qui ne sont pas nécessairement les siens. Mais le public est-il capable d'indulgence ? Il attend du solide, un spectacle cohérent dont toutes les composantes seraient abouties. Meg Stuart ne m'a pas encore converti. A ce stade, inachevé, la non-danse est réservée à un public d'initié, à même de complaisance. « Replacement » est une expérience dans l'expérience.

Peggy – Bruxelles.

 

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Au Kunsten, De mal en peor de Ricardo Bartis se ruine à nous faire comprendre…

 
 

Le KustenFestivaldesArts de Bruxelles nous invite en ce dimanche printanier à la Maison Pelgrims (on dirait l'adresse d'un château hanté !) dans le joli quartier de Saint Gilles. Cette maison, transformée en théâtre, n'accueille que cinquante-cinq spectateurs installés dans le salon. Nous sommes invités à visiter préalablement le musée de cette grande famille argentine dans une petite pièce attenante au salon. Celle-ci va se donner en spectacle sous la houlette du metteur en scène et auteur Ricardo Bartis du Sportivo Théâtral. Il vaut mieux lire la plaquette du Kusten pour savoir où nous mettons les pieds:

« An 1910. Deux familles déchues : les Mendez Uriburus et les Rocatagionis vivent ensemble dans une vaste demeure à Buenos Aires. Elles partagent un projet économique : la Coopérative Cuenca del Salado et tentent depuis des années de s'acquitter d'une dette exorbitante. Manifestations ouvrières, répressions policières et remous des groupes nationalistes connectés au pouvoir politique forment la toile de fond de leurs péripéties à la veille du centième anniversaire de la Révolution de Mai, au cours de laquelle la suprématie des Espagnols fut abolie et l'Indépendance des « Provines unies du Rio de la Plata » proclamée (ndlr). La demeure patricienne abrite également le Musée Mery Helen Hutton. Miss Hutton était une institutrice américaine, arrivée en Argentine en 1858, avec le groupe de pédagogues progressistes que Sarmiento avait sollicité pour favoriser l'alphabétisation de son peuple. En 1860, elle est enlevée par des Indiens. Sa captivité dure 26 ans. Après sa libération en 1886, elle reçoit une indemnisation en bons d'Etat. En 1902, elle est placée sous la protection des Mendez Uriburus qui se sont engagés à fonder un musée pour raconter l'histoire de sa vie. Dans « De mal en peor » (De mal en pire), Mery Helen Hutton a presque 90 ans. En dépit de fouilles minutieuses, ses bons d'Etat n'ont jamais été retrouvés par sa famille d'accueil. Les deux problèmes s'imbriquent inextricablement pour donner forme à cette tragédie argentine ».

En à peine une heure quinze, j'assiste aux pires stratégies qu'un système familial élargi puisse mettre en place en temps de crise. Je suis de long en large les déplacements des comédiens tout en suivant les sous-titres plaqués contre le mur (le torticolis ne tarde pas à arriver à moins que ce ne soit tout autre chose?). Je ne sais plus où donner de la tête tant la mise en scène de Ricardo Bartis ne laisse aucun temps mort. En positionnant les spectateurs au c?ur de la demeure (ces comédiens fabuleux ne sont qu'à un mètre de distance), je me sens projeté dans la folie, l'aliénation d'un système qui perd tous ses repères. Suis-je seulement un spectateur ? J'ai comme le sentiment d'être un voyeur comme si Bartis nous impliquait dans cette histoire de fous (que cherche-t-il ? Qu'expérimente-t-il au Kusten ?). Avec un tel dispositif, le « Théâtre réalité » n'est pas bien loin. Mais que deviendrait-il dans un lieu plus classique ?
Cette mise en scène « diabolique » s'exprime dans le visage des protagonistes. Pleurs, rictus vicieux, gestes sadiques, ponctuent toutes leurs apartés. Aucun ne montre d’élan de générosité et d'amour sauf pour manipuler et servir ses propres intérêts. J'ai le sentiment d'être noyé dans un océan de machinations. Je n'ai même pas le temps de m'attacher à un membre de cette famille. Tout va trop vite. Tout s'emporte. Tout m'emporte. Pour Ricardo Bartis, il semble n'y avoir aucun doute : la crise plonge ses familles dans le chaos. La seule échappatoire tombe comme un couperet quand ces Argentins désargentés trouvent enfin les bons d'Etat de la « vieille » !
En sortant de la Maison Pelgrims, je me sens assommé, pas très vaillant. Mais comment résisteraient nos familles si une crise du type de 1929 éclatait ? Comment finiraient-elles dans un système économique basé sur le profit alors qu'elles en sont des actrices essentielles? Je n'ose imaginer ce que notre société deviendrait.

Il n'y a qu'à voir la famille UMP pour s'en convaincre?

Photos : © Michèle Rossignol

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Avec « VSPRS », Alain Platel est le transe-frontalier du Kunsten.

Le KustenFestivaldesArts nous invite à l'heure des Vêpres, un dimanche, au Théâtre National de Bruxelles, pour « VSPRS », la nouvelle chorégraphie d'Alain Platel. Celle-ci sera présentée au Festival D’Avignon en juillet 2006. Après Bach (« Lets op Bach »), Mozart (« Wolf »), Platel intègre Monteverdi revisitée par Fabrizio Cassol, compositeur et musicien « éclectique » de la scène musicale bruxelloise. Imaginez?Monteverdi joué par un orchestre de jazz, accompagné par une soprano, entourée de onze danseurs, dans un décor où des lambeaux de tissus forment une montagne que l'on peut escalader et traverser. Ajoutez à ce bouillon créatif, une chorégraphie s'inspirant des films du neurologue Arthur Van Gehuchten sur l'hystérie et ceux de Jean Rouche sur les transes africaines, et vous avez une ?uvre magistrale, transdisciplinaire, euphorisante. Elle atteint votre inconscient, comme un rêve éveillé. La danse flamande et belge bouleverse profondément les repères du spectacle vivant. Ainsi, pour évoquer « VSPRS » de Platel, je dois passer par mon histoire (le blog devient le cadre idéal). Rarement le théâtre m'amène vers ce cheminement.
Très jeune, le dimanche vers 17h, ma mère m'emmenait de force aux vêpres. Je vivais ce moment-là comme un supplice, mais j'étais fasciné par le cérémonial, l'odeur, la lumière. J'observais cela comme un spectacle même si j'étais obligé de chanter des paroles dont je ne comprenais pas le sens. À dix ans, je me questionnais déjà : pourquoi ? Vers quoi ? Quel sens a le religieux ? Je me sentais bien seul avec ces interrogations ; mon environnement familial ne se posait pas toutes ces questions, trop occupé à maintenir ses liens de dépendance avec l'Église.
La neuropsychiatrie est également apparue par la famille. Adolescent, je ne savais pas comment communiquer avec ce père « mutique ». J'ai du supporter l'approche « médicamenteuse » de la maladie mentale. Rien ne se libérait par la parole. Un pacte était scellé entre mes parents et la psychiatrie pour que rien ne change. J'ai su qu'un jour, ma parole se libérerait. J'ignorais que la psychanalyse existait et qu'elle changerait le cours de mon existence.
Il y a quinze ans, j'ai découvert le jazz, loin de ma famille, par hasard, par amour. Je l'ai progressivement apprivoisé pour en ressentir toute sa complexité. Aujourd'hui, le jazz guide mon écoute de toutes les musiques.  Il met en transe les musiciens (il suffit d'observer les visages et le corps des artistes pour s'en convaincre !) et provoque intérieurement un beau chaos. Il m'arrive de quitter un concert de jazz totalement contorsionné !
Avec “VSPRS“, Alain Platel recolle les morceaux de mon histoire ! Cet artiste travaille le conflit. Il remet du lien là où vous êtes fragmenté. En reliant le jazz, la folie, le religieux, Platel vous guide pour redonner du sens à votre histoire. Vous quittez « VSPRS » différent et vous attendez, comme après une séance d'analyse, qu'un « travail » se fasse !
Pour en arriver là, Platel s'appuie sur le collectif. C'est sa matière comme  un sculpteur avec  l'argile. Sous nos yeux, un groupe de femmes et d'hommes « en transe » se forme, se sculpte. Comme dans la cour d'un hôpital psychiatrique, ils se parlent, se relient avec leur corps qu'ils plient, contorsionnent. Quand un membre bouge, change de place, de rôle, l'ensemble se modifie. La solidarité fait le groupe, le cimente. À mesure que le processus de création du groupe se joue, les danseurs se transforment. Cette métamorphose est accompagnée par le jazz qui change de « forme » pour devenir requiem. La cantatrice quitte sa place, s'approche du groupe pour devenir « folle » à son tour. Les musiciens intègrent le groupe, le batteur échange sa caisse contre une chaise tendue par une danseuse. Le lien solidaire entre danseurs et musiciens provoque le sentiment religieux. Le groupe solidaire se substitue à Dieu. Il permet à chacun de se dépasser, d'escalader cette montagne (qu'il y a-t-il derrière elle ?), voire de la traverser. Avec « VSPRS », Platel désacralise les rites religieux pour les replacer au c?ur du groupe, de l'humain. J'en perds tous mes repères. A mesure que le spectacle avance, cette perte provoque l'émotion, me met en « transe ». Grâce à Platel, je vois ce que je ne peux plus approcher par mon passé. «VSPRS» devient alors une ?uvre sublime, à l'image d'une peinture de Michel-Ange à Florence.
Alain Platel m’aide à sculpter mon histoire autrement. En me replaçant au c?ur de ces hommes et femmes que tout pourrait éloigner, Platel me donne la force d’aimer au moment où j’en doutais…
Pascal Bély
www.festivalier.net

A lire le bel article du Blog “Images de danse” , de “Clochettes” sur  “VSPRS” et la consécration de Platel au Festival d’Avignon.

Vous avez vu ce spectacle? Nous vous invitons à participer au palmarès du blog Scènes 2.0 en votant ici!


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« sx.rx.Rx » de Patricia Allio : une oeuvre rare du KunstenFestivaldesArts.

 
J’appréhendais de voir cette pièce. La lecture du dossier de presse ne me rassurait pas : « Dramaturge et philosophe, Patricia Allio découvre les écrits de Samuel Daiber ? juif au canton de Neuchâtel- fugueur dès l'adolescence, interné à partir de 1948 jusqu'à sa mort pour cause de résistance aux conventions, déchu de tout. Elle porte son choix sur les extraits de lettres manuscrites, en particulier, celles de 1954. Elle se passionne pour l'art brut à la manière de Dubuffet : comme l'expression d'une insurrection. Elle porte son choix sur une lettre manuscrite que Daiber adresse à son médecin en 1954. « Sa langue re-rythmée nous parle de notre propre enfermement dans le langage. » Une écriture comme étrangère et pourtant familière, (dés)articulée de pulsions graphiques, de déformations phonétiques, de néologismes, « une écriture vocale qui attendait un corps. » Un acteur, un espace, la lumière? ». Patricia Allio n'a manifestement peur de rien. Sa création coproduite par le Théâtre National de Bretagne et jouée à Bruxelles va faire l'effet d'une bombe dans mon cerveau de spectateur. Dans ma vie.
Doucement, sur l'écran, se dessinent en continu les contours du décor puis, le trait fait place aux images. La vue se brouille car la vidéo projette ce que je suis en train de voir?Un homme arrive avec son costume aux couleurs décalées.
Il parle et son langage est incompréhensible. L'enchaînement « sx.rx.Rx » (entraînez-vous à le dire !) ponctue ses phrases déconstruites, comme un point final. Les mots s'entrechoquent, s'inversent, se relient, se cloisonnent. J'ai peur de ne pas comprendre. Comment m'échapper du sens des mots ? Comment éviter de passer à côté de cette pièce ?
Il marche devant la vidéo, puis derrière. Parfois, il est devant et derrière, entre conscience et inconscience. Le dispositif scénique est saisissant de beauté car il dessine un nouveau cadre pour appréhender la complexité. Je me sens sortir de mon conditionnement linguistique (vouloir à tout prix comprendre le sens des mots !).  C'est l'articulation entre lui, ses mots et la vidéo qui fait le langage ! Je lâche? 1 + 1 ne fait pas 2 mais 3 ! La réalité n'existe pas. Elle est une construction que nous opérons. Patricia Allio nous aide à élaborer cette réalité pour entrer en relation avec Samuel Daiber, joué par Didier Galas, acteur magnifique. Par sa puissance sur scène, il nous guide à entrer dans son univers, à nous réapproprier ses mots. Sa réalité pourrait devenir la mienne. Je me surprends à l'aimer. Le moment où il évoque la Suisse, métaphore de l'enfermement par ses frontières (qui se dessinent sur l'écran vidéo), provoque l'hilarité ! Jamais on m'avait parlé avec autant de justesse de la Suisse ! Je jubile?Quand il passe de la vidéo à la scène, quand il monte sur la rambarde du théâtre en m'obligeant à la suivre des yeux jusqu'à le perdre, je construis mon propre cheminement. De vertical, je me sens transversal. Et toujours ses mots qui me percutent, me bousculent. Leur sens n'a plus d'importance. Le sens vient de mon ressenti.
La force créatrice de cette ?uvre réside également dans le profond respect de Patricia Allio pour les écrits de Samuel Daiber. Elle nous les offre pour que nous baissions la garde. Elle fait de la scène un cadre capable de nous faire voyager aux limites de notre inconscient comme le ferait un patient sur le divan lorsqu'il évoque son dernier rêve.
« Le théâtre doit maintenir ou créer des espaces ? temps communs d'incertitude qui fissurent les représentations sédimentées de nous-mêmes et du monde ». Patricia Allio.

« sx.rx.RX » est un chef d'?uvre à voir d’urgence du 13 au 30 mai 2008 au Théâtre de la Bastille à Paris.

Pascal Bély
www.festivalier.net


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Photo: Miclèle Rossignol.

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“Walking Oscar” au Kunsten ou comment tuer le concept par trop de concepts !

Le chorégraphe suisse Thomas Hauert reprend ce soir l'?uvre littéraire d'Oscar Van Den Boogaard pour un spectacle qui s'intitule « Walking Oscar ». La tache est d'autant plus ambitieuse que le travail de l'écrivain est tout sauf linéaire. Oscar Van den Boogaard est du genre à écrire « Je me souviens des difficultés que j éprouvais en tant qu'enfant à rendre la couleur de l'être humain. J'employais du jaune, du rose et du brun, je mélangeais les couleurs, mais jamais je n'arrivais à la couleur de la chair humaine?. ». En gros, il était si frustré qu'il ne coloriait plus la peau et laissait la couleur du papier! Thomas Hauert s'est donc donné pour défi de redonner un peu de sens à cette ?uvre. Le résultat est mitigé.
En y réfléchissant, tout cela est bien dommage, car le spectacle est plein de bonnes idées.

Le rideau s'ouvre sur un piano qui joue installé au fond de la scène, dans un mince faisceau de lumière. L'image est parfaite. Et puis le show commence pour se dérouler exclusivement derrière un écran sur lequel sont projetés les textes d'Oscar Van Den Boogaard. Les effets visuels produits par cette installation sont par moment étonnants, notamment grâce aux jeux de lumière et au rythme des danseurs (acteurs ? chanteurs ?) qui évoluent derrière. Premier reproche : quid des spectateurs installés aux premiers rangs ? Le nez collé à cet écran où sont projetés des textes sur plus de quatre mètres de hauteur, vous n'échapperez pas à un bon torticolis au lendemain de « Walking Oscar ».
Quoiqu'il en soit le spectateur qui ne parviendra pas à lire ce qu'il y a à l’écran pourra  toujours se concentrer sur ce qu'on lui joue sur scène. La forme est celle de la comédie musicale. Les tableaux se multiplient sans grande cohérence, mais cela semble être le but puisque l'une des dernières scènes est consacrée au vide et au rien qui se passe. Hélas la curiosité des premiers instants cède progressivement le pas a l'ennui, voire à l'agacement tant la dernière demi-heure est longue.

Peggy C. – Bruxelles.

Photo: © Filip Vanzieleghe

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Bruxelles à Paris…On nous écrit à propos de “La chambre d’Isabella”

En juillet 2005, lors du Festival de Marseille, je vous donnais quelques nouvelles d’Isabella, l’héroïne de la pièce de Jan Lauwers, succès du Festival d’Avignon en 2004. C’est une femme âgée et presque aveugle, incarnée par la sublime Viviane de Muynck, qui nous conte sa vie entourée d’objets posés à l’image des pièces d’un musée. Cette histoire, jouée par la troupe de Jan Lauwers (la Needcompany basée à Bruxelles) a marquée tout autant les critiques que les spectateurs. Je m’étonnais pourtant du comportement quelque peu cavalier du public de Marseille. Presque un an après, nous avons des nouvelles d’Isabella, vue au Théâtre de la Ville à Paris, grâce à Elsa, fidèle lectrice du Tadorne.

"Il y a un an, je me déplaçais sur les conseils du Tadorne au Théâtre de l’Agora d’Evry pour assister à "La Chambre d’Isabella", la « comédie musicale tragique » de Jan Lauwers. Les refrains de la NeedCompany encore en tête, j’ai décidé, il y a quelques jours, de renouveler l’expérience au Théâtre de la Ville de Paris. La salle était comble, au vu de la difficulté pour obtenir des places, je n’en doutais pas… Ce que j’imaginais moins, c’est qu’un spectacle d’une telle qualité puisse attirer un public aussi rustre. Raclements de gorges durant les 2 heures, mouchages musicaux, et surtout, départs en cours de spectacle. La salle était peuplée d’une bande de mufles, confondant zapping et spectacle vivant. Et pourtant! Isabella – Viviane de Muynck – est bien vivante. Et surtout, libre!  J’ai mieux compris que la collection ethnographique d’Isabella est le reflet de souffrances et d’oppressions. J’ai vraiment réalisé que malgré une histoire familiale chaotique, la traversée d’un siècle de barbarie, Isabella continue de considérer le côté plein du verre. Elle aime l’indépendance, le plaisir, s’amuser de la vie et refuse de se complaire dans la tragédie. Aussi, la Needcompany nous transporte dans une réalité presque sublimée. L’épilogue est à cet égard significatif : âgée et entourée de son amant devenu fou et des fantômes de ses parents, Isabella n’a plus les moyens de se chauffer et de se nourrir. Elle hésite à se séparer de quelques-uns des objets ethnographiques légués par son père et qui font tellement partie d’elle. Et puis, finalement, décide de tout vendre sur Internet pour s’en sortir. Isabella, si libre qu’elle refuse de se laisser définir par des objets et de verser dans les regrets et la nostalgie. Elle poursuit son chemin, car, comme dit la NeedCompany : « and we go on, and on, and on. Le Tadorne a raison, « La chambre d’Isabella », ça aide à vivre."

Elsa – Paris.

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LES EXPOSITIONS

Yang Fudong au KustenFestivalDesArts, un doux rêve pas forcément amer.

Yang Fudong, c’est comme Camille : c’est doux, on s’y installe.
Débuter le KunstenFestivalDesArts à Bruxelles avec cette installation vidéo est une étrange entrée en matière. Le sac gonflé de tickets pour les trois semaines de représentations à venir, on pénètre seul au Markten. Loin de la foule « Platelienne », on cherche entre deux étages l’une des installations vidéo de Yang Fudong, puis on s’y allonge. Je vous le dis, Fudong, c’est comme Camille, c’est doux et on s’y installe.
Le Tadorne s’endort au milieu d’une dizaine d’écrans qui projettent « The revival of the snake ». Les couleurs sont ternes, les sonorités lointaines. Un jeune chinois passe et repasse dans le rêve du Tadorne…sur un cheval blanc, les yeux bandés, les lèvres desséchées par la faim et la soif. Sa fuite se transforme en quête, une quête pour la survie, la quête d’un au-delà au paysage anonyme que Yang Fudong lui fait traverser. L’artiste chinois nous plonge dans un rêve et fait de «the Revival of the snake » une métaphore de l’espoir. Le malaise qui se dégage des premiers écrans cède la place à d’autres séquences, projetées quelques mètres plus loin, dans lesquelles le protagoniste commence à apprivoiser son environnement. Il creuse la glace, on le voit en gros plan près d’un feu de camp, jusqu’à ce soleil tamisé qui s’insinue dans le paysage froid de Yang Fudong. Plus loin encore, celui que l’on découvrait captif quelques instants plus tôt se dresse sur un arbre pour y scruter l’horizon, prémisse du monde libre.
Pour Yang Fudong, « quand tu mets ton cœur dans ton film, tu trouves des éléments qui provoquent l’esprit et le cœur, appelés flashs ou inspirations. Si tu essayes de les faire sortir consciemment, ils trouvent leur propre chemin dans ton film ». Pris dans ce rêve de liberté au goût doux-amer, on serait tenté de dire que « The revival of the snake », c’est un peu notre « ça qui nous chatouille ». Notre ça ou celui de Yang Fudong ?

P.C

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CONCERTS

Camille, à un fil du KustenFestivalDesArts de Bruxelles.

J'ai découvert Camille en 2003 alors qu'elle était choriste sur le DVD de Jean-Louis Murat « Parfum d'acacia au jardin ». En 2005, son deuxième album « Le fil » bouleversa la donne : jamais je n'avais entendu une telle inventivité dans la voix, une telle force créative dans les textes. Soudain, avec Camille, la voix devenait langage.
Ce soir, à Bruxelles, le cirque est comble, surchauffé. Le public attend le retour de Camille : son dernier concert remonte à l'automne dernier. Je suis curieux de la voir sur scène comme une première rencontre. Je me sens disponible alors que j'entame mon périple festivalier au KustenFestivalDesArts !
Elle arrive sur scène, emmitouflée, corsetée de vêtements blancs, à l'image d'une icône médiatique. Je sens rapidement que le concert va devenir un espace où tout sera possible, où les arts vont se croiser dans un joli chaos. Je ne vais pas être déçu? Un fil est tendu le long de la scène. Il permet à un voile de faire écran entre la « star » et nous, entre nos attentes et les siennes. Car Camille ne se contente pas de ses deux musiciens et de ce fil. Elle projette sur la scène des images vidéo de toute beauté, métaphore des mots et de la voix. Je me revois dans la pièce de Serge Valletti, « Psychiatrie / Déconniatrie » où la vidéo avait la même fonction.
Mais Camille va rapidement s'affranchir de ces distances, de ces cloisonnements, de ce rôle de femme emmurée. Le voile devient alors traîne de mariée, puis un espace où deux « ex » (recrutés parmi le public !) se retrouvent pour danser une salsa érotique. Ce voile finit par terre?et se dévoile ainsi une Camille libérée.
Le spectacle se fait alors avec le public qui donne de la voix ! Nous participons au ch?ur (comme elle, à ses débuts avec Murat) non par démagogie, mais pour nous inviter à devenir créatif, à vivre un autre lien avec l'artiste en dehors de l'hystérie collective souvent présente dans les concerts. Progressivement, le fil tendu sur scène, loin d'être une séparation, devient la délimitation entre inconscience et conscience, entre désordre et ordre, entre musique et paroles. La scène de Camille est un espace où nous construisons, déconstruisons nos rêves, nos désirs. Il est cet espace que nous pouvons tous créer, pour nous affranchir des contraintes, de nos aliénations. Bref, un espace libératoire ! Camille ne se prive pas tout au long du spectacle de l'habiter avec son corps, sa voix, sa force et ses fragilités. Mais c'est aussi un espace politique où sa vision féminine peut s'exprimer. Ainsi, elle invite les hommes à chanter « Je suis une fille » (« avec les couilles » dit-elle pour les encourager tant la clameur masculine est faible?Hilarant !). Avec force, elle chante « Bidonville » de Nougaro alors que le Parlement légifère sur les lois Sarkozy et où la pauvreté ne cesse d'augmenter. Contre toute attente, elle invite une femme à traduire en langage des signes une de ses chansons : les mains se mettent ainsi à danser. C'est magnifique et très émouvant. J'en frissonne de bonheur?Les rappels sont nombreux et la salle finit par danser. Le lien est créé et Camille peut calmement couper le fil sur scène avec des ciseaux, à l'image d'un cordon ombilical, d'une libération de l'espace. Camille est une artiste. Nous sommes son fil.
Camille vient enfin d'inventer une nouvelle façon de se produire sur scène. Avec elle, le chanteur peut s'autoriser à créer un nouvel espace capable de s'affranchir du CD comme seul support. À sa façon, Camille positionne la chanson comme pluridisciplinaire. Elle s'aventure dans le chaos pour faire naître de nouvelles formes artistiques. Programmée par « Les Nuits Botaniques », Camille aurait eu toute sa place au KustenFestivalDesArts. Parce qu'avec elle, la Scène Musicale Française se libère des cloisons et crée un nouveau lien avec le public. C'est un véritable manifeste artistique à l'heure où certains artistes s'accrochent à vouloir rester un produit de grande surface.

Pascal Bély – www.festivalier.net

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Duel musical à fleuret moucheté.

Spectacle interprété par un violoncelliste  et un pianiste, "Duel" est un bon divertissement.
Jouant sur l’opposition entre le côté rustre du premier et celui nerveux du second, "Duel" laisse d’abord penser que l’enjeu est de montrer toutes les performances réalisables par deux musiciens. Ou comment jouer du piano sur une chaise longue, se servir d’un violoncelle comme d’un tournebroche, des cordes du piano simuler l’arrivée d’un extra-terrestre…
Et puis, on est bluffé par l’énergie des deux compères, l’envol au sens propre du violoncelle qui interprète le bourdon dans les airs.
Surtout, il faut aller à la Comédie des Champs-Elysées pour la séquence finale, intervalle poétique, où assis de part et d’autre du violoncelle devenu non seulement instrument à cordes mais percussion, les deux musiciens se lancent dans une interprétation rythmée de "Walk on the wild side" de Lou Reed.

Elsa – Paris.

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