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EN COURS DE REFORMATAGE LA VIE DU BLOG

Octobre 2013: où pister les spectateurs Tadorne?

À plusieurs reprises, des amis et lecteurs nous ont questionnés: pourquoi ne pas publier à l’avance l’agenda des spectateurs Tadorne? J’ai hésité à répondre favorablement, car je ne souhaitais pas positionner le blog sur le terrain de la communication culturelle. Peu à peu, une évidence s’est imposée: cet agenda peut être un outil pour partager avec nous nos choix et nos engagements.

Voici donc l’agenda du mois d’octobre de Sylvie Lefrere, Bernard Gaurier, Laurent Bourbousson, Sylvain Saint Pierre et Pascal Bély.

De Marseille, à Paris, en passant par Rennes, Nantes, Toulouse, Avignon, Nîmes, Montpellier, Venise et Mantova!

Pascal Bély – Le Tadorne

 

1er octobre> “Car tu es poussière” adaptation Pinter par Stephane Laudier – Théâtre des 13 ventsMontpellier

1er octobre> “Letzte Tage. Ein vorabend” – Christoph Marthaler – Théâtre de la Ville Paris

2 octobre>  Concert de jazz de Julien Fortier – La Laiterie Montpellier.

3 octobre > Macbeth par l’école Ernst Busch de Berlin à La Vignette – Montpellier.

3 octobre > Lecture d’un travail en cours d’élaboration de la compagnie Théâtre de la craie “Je suis Arturo” – La Charteuse Villeneuve lez Avignon.

4 octobre > Exposition “Electricités sonores” – La Panacée– Montpellier.

4 octobre > “Après la répétition” – Tg Stan – Théâtre GaronneToulouse. Critique ici.

4 octobre > «Le grand Jeu»- Olivia Granville – Ouverture de résidence- Le GarageRennes

5 octobre > “Un autre nom pour ça” – Mladen Materic – Théâtre GaronneToulouse.

6 octobre > Parcours “Chemin Faisant” proposé par la Cité, Maison de Théâtre au Mucem – Marseille.

7 octobre > «Monologue sans titre» Daniel Keene/Hervé Guilloteau – TU – Nantes

8 octobre >«La légende de Bornéo»- Collectif l’Avantage du Doute – Le Lieu Unique Nantes. Critique ici.

8 octobre > Fana Tshabalala – Ex Nihilo – Dala et les Pas Perdus  – Questions de Danse – Klap, Maison pour la danseMarseille.

9 octobre > “Mystery Magnet “- Miet Warlop – Théâtre de la Criée – Festival Actoral Marseille

9 octobre >” Timeloss” – Amir Reza Koohestani- La Friche Belle de Mai – Festival ActoralMarseille

9 octobre > “Caliban Cannibal” – Motus – La Friche Belle de Mai – Festival ActoralMarseille

10 octobre > “Bodies in the Cellar” – Vincent Thomasset – La Friche Belle de Mai – Festival Actoral Marseille

10 octobre > Christine Fricker – Questions de Danse – Klap, Maison pour la danse – Marseille.

11 octobre > “Quand je pense que nous vieillirons ensemble” – Les chiens de Navarre – Théâtre du Gymnase – Festival Actoral Marseille.

12 octobre > Conférence dansée de Kaspert Zoeplitz – Centre Chorégraphique National Montpellier.

12 octobre >Expo «Danse-Guerre» – Musée de la danse Rennes

12 octobre > “Grand singe” – Nicolas Cantin – Théâtre des Bernadinnes – Festival ActoralMarseille.

12 octobre > Concert d’Arman Méliès – Paloma- Nîmes

15 octobre > Concert d’Asaf Avidan – Zénith- Montpellier.

17 octobre > Exposition Le Corbusier – J1- Marseille.

17 octobre > A ton image” dans le cadre du festival Drôle de Hip Hop – Compagnie Stylistik – Théâtre Golovine- Avignon

18-19 octobre > Colloque: “Les lieux d’accueil de la petite enfance deviendront-ils les nouvelles maisons de la culture ?” – Théâtre MassaliaMarseille.

18 octobre > “Le projet ennui” – Le cabinet de curiosités – Théâtre de LencheMarseille.

18 octobre > Lecture “L’atelier d’Alberto Giacometti” de Jean Genet au Théâtre des Halles dans le cadre du Parcours de l’art – Avignon

19 octobre > “Current Location” – Toshiki Okada – Théâtre de Genevilliers – Festival d’Automne Paris

19 octobre > “Double suicide à Sonezaki”- Sugimoto Bunraku Sonezaki Shinjû – Théâtre de la Ville – Festival d’AutomneParis

20 octobre > Concert de  Lilly wood and the Pricks – Paloma – Nîmes.

22 octobre > Yendi Nammour – Laurence Maillot et Jérémy Demesmaeker- Questions de Danse – Klap, Maison pour la danse – Marseille.

23 octobre > “Qui découvre qui” – Compagnie Skappa! – Théâtre Massalia – Marseille

24 octobre – 5 novembre > Festival du cinéma Méditérranéen- Montpellier

24 octobre > “For Mg The Movie – Homemade – Newark” – Trisha Brown –Théâtre de la VilleParis

25 octobre > Ex Nihilo – Questions de Danse – Klap, Maison pour la danse – Marseille.

25 octobre > Le projet ennui” – Le cabinet de curiosités – Théâtre de Lenche – Marseille.

Du 27 au 30 octobre > Biennale d’Art Contemporain – Venise.

Du 30 octobre au 3 novembre > Festival Théâtre jeune publicMantova.

A noter également, les spectacles sélectionnés à Paris par Guy Degeorges.

 

 

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FESTIVAL ACTORAL OEUVRES MAJEURES Vidéos

Festival Actoral – Atabblé.

Il y a dix jours, je découvrais «Instantané» de Theo Kooijman lors du Festival “Cuisines en Friche” à Marseille. Je savoure encore aujourd’hui cette rencontre. Je ne suis pas pressé de «passer à autre chose». Je m’informe sur ce chorégraphe, je cherche à savoir quand et où je pourrais le revoir. Toujours soucieux de penser la complexité pour ne pas la réduire, je n’ai plus envie de m’égarer vers des chemins, certes séduisants, mais qui ne mènent nulle part, si ce n’est pour servir des égos démesurés, des propos cyniques teintés de romantisme et des visions apocalyptiques du changement de civilisation. Ce soir, je rejoins d’un pas tranquille le Théâtre des Bernardines de Marseille où le Festival Actoral programme le croate Matija Ferlin pour «Sad Sam Lucky». Je ne sais rien de lui, juste qu’il danse. À Marseille, danser c’est résister…


À peine arrivé dans la salle, il se tient debout, droit et maladroit. Il a le corps d’un arbre, enraciné par les arts. Plus tard, il sera oiseau de mauvais augure, hirondelle du printemps abattue en plein vol. Son corps incarne toutes les contradictions de l’homme moderne européen. Il balaye les gradins comme s’il cherchait dans le noir son public. Le noir, couleur de lumière…Quel décalage entre la profondeur éclatante de son regard et la scène, recouverte de cendres, de suie, de tout petits morceaux de charbon de bois tel un paysage après la bataille. On pense immédiatement à la chambre d’un écrivain maudit: il y a une table, des livres posés par terre (ceux du poète slovène Srecko Kosovel), un verre d’eau et un tas de feuilles dactylographiées. Elles ne font pas encore une oeuvre. Tout juste seront-elles agrafées sur la table pour former un livre ouvert à tous les vents du jeu théâtral, de la performance et de la danse. Le travail parait immense pour enchevêtrer plusieurs scènes : celle du théâtre des Bernardines, celle en bois créé par Matija et la table. Cette dernière n’a rien en envier aux chaises de Pina Bausch : sa force poétique et politique se décuple à mesure qu’elle se transforme en surface de jeu, en décor de théâtre de poche, en char de guerre, en barricade protectrice contre les balles perdues, en décombres de l’apocalypse, en armure dont il faut bien se délester.

Cette scène est notre Europe, occupée ce soir par ceux qui n’ont rien oublié de la guerre des Balkans, si proche et déjà si lointaine. Elle est notre perte de conscience de l’Europe…dont il ne reste plus rien…vendue aux marchands…noyée dans les réflexes mécaniques de la pensée rationaliste où l’art est une variable d’ajustement d’un modèle épuisé. Mais ce soir, le poète et le danseur résistent : minutieusement, il agrafe à plusieurs reprises les feuilles sur la table dont le bruit m’évoque les tirs des mots qui tuent…Tel un rituel immuable, quasi obsessionnel, il lit quelques vers projetés en fond de  scène (dont «A lot of work awaits me, isn’t that cheerful?»), joue son théâtre teinté de vers et de dialogues surréalistes sur nos lâchetés…puis il danse. Danse de bal et de balles.

À l’image de ces feuilles agrafées, il faut s’accrocher pour le suivre. Car Matija Ferlin détourne tous les codes de la représentation. À peine joue-t-il au théâtre qu’il stoppe brutalement la scène. Durant ce court temps d’arrêt, nous sourions de son toupet, je m’inquiète de l’impuissance des mots. Alors, il danse pour démultiplier la poésie, pour signifier ce qui nous paraît peut-être insignifiant. Matija convoque son corps, masse brute qu’il sculpte avec ses gestes lourds du sens de l’Histoire, avec des mouvements qui semblent tourner autour de lui tel un poète qui convoite la beauté du drame pour soulever la poussière de nos morts et prendre à bras le corps la reconstruction d’une pensée européenne. La musique symphonique de Luka Prinčič électrise la scène, accompagne la gestation, celle de l’individu sujet qui se débat avec les «restes» de l’Histoire. Je m’accroche et je vibre d’espoir face à ce créateur capable de danser ce qu’il reste de notre civilisation et de chercher pour reconstruire. En lui.

Matija Ferlin est un grand artiste parce qu’il n’est pas aisé de chanter une supplique. De brutaliser. De détourner. De se renverser. De faire battre des ailes avec ses dix doigts pour donner du souffle. De tirer à bout portant et de retourner l’arme des crimes contre l’Humanité, vers soi.

Matija Ferlin est sur mon chemin. Qu’il soit un jour sur le vôtre.

Pascal Bély – Tadorne

«Sad Sam Lucky» de Matija Ferlin au Théâtre des Bernardines de Marseille les 24 et 25 septembre 2013 dans le cadre du Festival ACTORAL.

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Marseille Provence 2013 Vidéos

La cuisine de Marseille Provence 2013.

J’ai un rapport passionnel avec la cuisine. Ma mère avait le talent d’un grand chef et je possède un patrimoine culinaire inestimable. Lorsque Marseille Provence 2013 et la Friche Belle de Mai ont proposé le festival «Cuisines en Friche», je n’ai pas hésité malgré le coût des places (de 7 à 35 euros) dont certaines comprenaient le prix d’un repas. Cette politique tarifaire a privilégié un public aisé (et blanc…) alors que le quartier environnant est l’un des plus pauvres de Marseille. Pourtant, la cuisine peut relier l’art au quotidien des habitants, mais les projets culturels reproduisent et amplifient les fractures sociales du pays. Au hasard des échanges, on n’a cessé de m’opposer l’art à la culture. Une spectatrice osant même m’avouer : «mais pourquoi voulez-vous mettre de l’art partout ?». Oui, pourquoi ? Tentatives de réponses…

Lorsque l’École d’Art et de Design de Reims organise sous chapiteau «Le Banquet Scientifique» («savoirs et saveurs, pillage et gaspillage»), mes attentes sont fortes : comment la cuisine peut-elle concilier art et sciences? Je déchante très rapidement. Une brochette de chercheurs m’inflige une série de discours aussi hermétiques qu’un plat sous vide. D’un côté, un chef cuisinier  (Eric Trochon) chargé d’accommoder (non sans talent) les (nos) restes, de l’autre une installation scénographique de fin d’études aussi pauvre que la communication rose bonbon de Marseille Provence 2013. Comme unique mise en scène circule un caddie qui véhicule cette élite suffisante pendant que nous dégustons des plats négligemment présentés (ici, la forme importe peu…). Parfois, nous sommes invités à nous lever de table pour suivre une pancarte «suivez-moi». Suffit-il de déplacer les corps pour mettre en mouvement un discours ? Ici, le design a évacué la question de la scène, de la dramaturgie, de la présence d’artistes pour nous infliger un propos lourd, culpabilisant et surtout vertical. Est-ce là, l’avenir des scènes pluridisciplinaires? Le même soir, je postais sur Facebook : « Je sens qu’il y a un mouvement de fond dans ce pays où les professionnels de la communication et du design publicitaire sont en train de squatter durablement les lieux d’art. Si j’étais un artiste, je m’en inquiéterais ».

 

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Toujours sous chapiteau, Fulgurances, organisateur d’événements culinaires, propose «Polenta, dîner pour 200 convives» avec le chef Massimo Botura, 3 étoiles au guide Michelin. Ici, le plateau est réduit à des tables blanches en U entourées du public, comme dans un banquet. La mise en scène consiste à dresser les plats avec un fond musical pioché probablement dans une playlist sur le net. Le chef, assisté d’un directeur artistique (sic), raconte quelques anecdotes sur la polenta (comme si cela équivalait à de la fiction) et décore les plats sous le crépitement des photographes amateurs confondant manifestement «Cuisines en Friche» avec l’émission «Top chef». Ici, la cuisine fait le show et l’art culinaire se goute dans l’assiette (succulentes bribes de Polenta en dessert). Soit. Mais il y a d’excellents restaurants pour cela ou des foires aux vins si vous aimez les histoires…Finalement, cette “performance” mérite-t-elle tant d’honneurs? Plutôt que de confier ce type de rendez-vous à une agence événementielle, la Friche serait bien inspirée d’inclure les artistes pour accompagner les grands chefs cuisiniers à accommoder leurs œuvres avec ceux des arts de la scène…

Avec le chef Yvan Cadiou, l’art culinaire est théâtralisé. Dans «Ma puce, à table !», la scène reproduit l’intérieur de sa cuisine personnelle et accueille un orchestre de jazz et des anecdotes sur la vie trépidante de ce chef qui a parcouru le monde et quelques plateaux télé. L’homme est généreux, à l’image de sa cuisine où rien ne s’oppose, mais tout se relie avec un art de l’assaisonnement dont il a le secret. Les élèves du lycée Régional Hôtelier de Marseille l’assistent élégamment pour servir près de 200 spectateurs. Mais j’aurais aimé un personnage de théâtre et non un show où l’égo surdimensionné d’Yvan Cadiou écrase l’imaginaire véhiculé par sa cuisine. Lorsqu’il évoque trop furtivement sa mère et sa fille, un dramaturge et un metteur en scène auraient pu «faire récit commun» avec le public et transcender les couleurs de ses plats vers l’œuvre qu’une scène est en droit d’attendre.

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« Umami », « spectacle à croquer par le jeune public », par la compagnie Laika et Piccoli Principi, est la plus belle scénographie du festival. Inspiré d’un théâtre à l’italienne, je me ressens dans une assemblée délibérative du bon goût. De haut, j’observe le jeu de ces acteurs belges et italiens réunis pour la circonstance par le Théâtre Massalia. C’est un laboratoire expérimental où le sol métaphorise la langue, mais où le théâtre se charge de faire émerger ce 5ème goût, à la saveur énigmatique, celui qui est en chacun de nous, lorsque nous communiquons autour d’un plat. Voici donc un chef qui doit se concentrer autour de sa recette tandis que ses compères incarnent ce que l’art de cuisiner procure : passion, folie, créativité, violence, déconstruction, désirs…On se prend au jeu, celui de l’amour et du hasard tout en regrettant finalement d’être abandonné lors du dernier instant : celui du 5ème goût, telle une petite mort surgissant trop vite…

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« Instantané » de Theo Kooijman proposé par Marseille Objectif Danse est la belle surprise du festival. Un théâtre où il n’y rien à manger (enfin), mais où tout se déguste à l’image d’un café gourmand de l’esprit. Cet homme longiligne me touche d’emblée: il y a dans son regard rieur et grave, dans ses déplacements, un doux mélange d’enfance et d’expériences artistiques engagées. La scène est sa planche à découper où il pose ce que la cuisine et son contexte évoquent de gestes, de liens, d’anecdotes, d’assemblages et de danses. Il est à la fois instrument(alisé) de la société de consommation et créateur pour s’en émanciper. Le corps nourri son imaginaire florissant quand ses ongles deviennent serres pour graines à germer ou quand il est multifonctions tel un couteau suisse pour attraper les mouches. À l’image d’un chef cuisinier, il fait mijoter son corps dans un bain de valeurs écologiques et célèbre la créativité, ressource inépuisable pour se nourrir sur les chemins de traverse, là où l’inattendu dévoile l’Umami. Peu à peu, Theo Kooijman dessine un corps végétal dans son restaurant des arts. Sûr qu’il serait capable d’accueillir les grands chefs du Festival,  à la recherche de ce petit grain artistique pour une dramaturgie trois étoiles.

«Je danse et je vous en donne à bouffer» est probablement le spectacle le plus en phase avec l’idée que je me faisais de «Cuisine en Friche ». Radhouane El Meddeb, chorégraphe tunisien, nous attend, patiemment, pour cuisiner son couscous. Tout est en place : ingrédients, instruments, plaques électriques, plats et couverts. La danse rencontre donc ce plat légendaire, populaire, complexe dans sa préparation, où le cuisinier, tel un alchimiste de l’amour, fait entrelacer le légume, la viande et le blé ! Le tout frémit, son corps s’élance. Le bouillon clapote, il danse du ventre. La semoule lui file entre les doigts, il ouvre ses bras. Ses rondeurs accueillent la danse qui, jusqu’à preuve du contraire, est une affaire de plis et de bosses, de gras et du double, de liquides et de chairs. Entre deux préparations, il vient vers nous pour jouer avec le temps de cuisson qui s’accélère subitement. Il court autour de la scène comme si sa seule montre était les battements du cœur. Alors que nous « bouillons », qu’il construit méticuleusement ses châteaux de semoule pour accueillir le liquide si précieux, il revient pour jeter à terre une nappe, des verres et des assiettes de pique-nique : le désordre avant l’ordre établi ! Il nous invite à table puis disparaît. Son couscous, c’est le goût de la danse.

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C’est mon dernier spectacle de «Cuisines en Friche». «Il Convivio», mise en scène par Catherine Marnas, aurait dû symboliser le projet artistique du Festival. Ici aussi, il n’y a rien à manger. Ici, les tables du banquet sont la scène pour cinq acteurs incarnant différents rôles de la grande histoire du théâtre (Dante, Victor Hugo, Carlo Collodi, Tchekhov, Sophocle, Jacques Offenbach, Georges Feydeau, Nancy Huston, Luigi Pirandello). Autant d’ingrédients pour une cuisine théâtrale dont cette compagnie a le secret à partir d’une vision de Romain Gary aujourd’hui menacée : “Rien n’est humain qui n’aspire à l’imaginaire“. Car ce banquet est un acte de résistance aux processus de réduction, de rationalisation qui contaminent aussi (et surtout) les programmations culturelles: sans imaginaire, sans artistes, sans scène, point d’humanité en devenir. Dans «Il Convivio», le message est d’autant plus puissant que, Pinocchio( magnifique Francesco Gargiulo), figure mythique du théâtre italien (pays où l’art est si malmené), est invité pour relier tous ces personnages. Drôle, provocateur, cabotin, il est à plusieurs reprises persécuté, pour éviter qu’il ne joue. Mais le théâtre résiste avec l’énergie du désespoir. À mesure que le banquet avance, ma sensibilité de spectateur se décuple. Je trinque à mon tour, ris aux tours foireux d’un magicien maladroit (exceptionnel Olivier Pauls) et pense à Isabelle Huppert qui déclarait dernièrement sur France Inter : «Pourquoi faudrait-il tout comprendre ? Pourquoi tout vouloir rationaliser ? Et si ne rien comprendre c’était comprendre autrement ?».

«Cuisines en Friche» a succombé au show pour séduire et servir l’égo des grands chefs. Mais ses promoteurs doivent savoir qu’un chef cuisinier, aussi talentueux soit-il, ne peut s’aventurer sur la scène sans la danse et le théâtre au risque de voir surgir Pinocchio des coulisses ramener en cuisine ces plats trop cadrés.

Pour les confier aux comédiens qui savent accomoder l’imaginaire à toutes les sauces.

Pascal Bély – Le Tadorne.

« Umami » par la Compagnie Laika et Piccoli Principi ; « Je danse et je vous ne donne à bouffer » par Radhouane El Meddeb ; « Instantané » par Théo Koojman ; « Il convivio » , mise en scène de Catherine Marnas ; « Ma puce, à table ! » par Yvan Cadiou ; « La banquet scientifique » ; « Polenta » : Festival « Cuisines en Friche » à la Friche Belle de Mai à Marseille du 11 au 15 septembre 2013.