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FESTIVAL ACTORAL PAS CONTENT THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN

Au Festival Actoral à Marseille, hivernal « Das Plateau ».

«Notre printemps» du collectif «Das Plateau» s’achève et un vent glacial balaye le Théâtre des Bernardines à Marseille. Qu’ai-je donc vu pour être si loin alors que les sujets proposés (la maladie, la jeunesse, la mort) auraient pu me toucher?

Ce théâtre français là, qui se défini pluridisciplinaire, est une fois de plus incapable de positionner le corps au centre comme si la mise à distance des émotions pouvait tenir de propos (lire à ce sujet: Au Festival d’Avignon, l’inquiétante dérive d’un certain théâtre français ). Certes, mais pour quoi dire ?

Il y a dans ce théâtre contemporain là, une fascination pour l’image, une obsession de l’esthétique, qui frôle l’entre soi: d’un collectif qui se veut innovant, je n’ai vu qu’un groupe fermé qui se regarde jouer.

Tout commence par un vrombissement (encore lui?) et un noir imposé qui peu à peu laisse place à un lever de soleil. On reconnait très vite l’influence (revendiquée) de Roméo Castellucci. Sauf que chez l’artiste italien, le travail du son et de la lumière est en soi un propos. Ici, il n’est qu’une proposition?à peine travaillée. Un film suit, aux couleurs vintage des années 80. Pierre et son amie coulent des jours heureux dans leur maison de campagne. Pierre junior nait. Pierre papa est atteint d’une maladie rare quelques mois après. Il y aurait-il un lien entre les deux événements? Inutile de chercher dans cette voie?L’image est belle, très léchée. Puis, vient une fête entre amis. À poil (sauf une?). On se projette au coeur d’un banquet entre bobos parisiens: Bacchus et Dionysos de passage dans la rue seraient entrés parce qu’il y avait de la lumière. La caméra frôle les corps. On s’y croirait. L’orgie se prépare. Comment cette «mauvaise pensée» a-t-elle pu m’effleurer? Le collectif a du s’amuser en imaginant le public se rincer inutilement l’oeil. Puis Pierre disparait dans les eaux troubles de «Nature et découverte»?La pièce aurait pu s’arrêter là. Nous aurions vu un beau court métrage de sortie d’école de cinéma.
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Sauf que place est faite à un duo dansé aux gestes millimétrés. Je vois de la danse aquatique synchronisée (lien avec la dernière scène du film?) à moins que le chorégraphe Angelin Preljocaj ait prodigué ses conseils de jeunesse?J’observe la danse et rien ne vient. On m’avait pourtant promis «une confrontation sur scène du théâtre, du cinéma, de la danse et de la musique» qui provoquerait «un trouble, une confusion entre réel et fantasme, présent et passé, événements concrets en train de se produire et souvenirs, rêves, projections, invocations morbides». Cette danse ne produit qu’une forme. Elle est posée là.
S’invite le théâtre. Un salon descend du plafond. Cela doit venir de l’au-delà?Pierre, Jean-Philippe (le frère) et l’amie (j’ai oublié son prénom) discutent de tout  et surtout du rien (le jean’s acheté à Méribel, la question de savoir si Jean-Phi baise,?). C’est surréaliste. C’est long, sans intensité dramatique. Les mots n’ont plus de sens. Le silence aurait donc pu s’inviter. J’essaye de fantasmer?Rien ne vient…Je suis à court. Une seconde chance m’est offerte: nos protagonistes se déshabillent (il doit y avoir un lien avec la scène de l’orgie). Ils nous font face. Je repense au spectacle du chorégraphe Jérôme BelThe show must go on») où les danseurs nous fixaient pour interroger notre positionnement de spectateur. Ici, rien ne vient. Le sourire complice entre deux acteurs ne m’évoque rien.
«Das Plateau» nomme cela «un théâtre de l’âme». Mais peut-on le dissocier d’un théâtre du corps ? Ce collectif empile les esthétiques: or, tant que le spectateur repère qu’elles s’additionnent, cela signifie qu’aucun sens global ne vient les soustraire pour les relier! «Notre printemps» aurait pu être une oeuvre, celle de la mort de mon vivant, de l’âme de ma jeunesse, de la folie de mes groupes d’antan. Rien de tout cela. Juste une musique finale qui déverse son pathos à coup de décibels sur un duo dansé qui disparaît, noyant nos âmes de spectateurs vers les bas fonds d’un théâtre désincarné et prétentieux.
Pascal Bély, Le Tadorne.
« Notre printemps » du collectif Das Plateau dans le cadre du Festival Actoral du 25 septembre au 13 octobre 2012.