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FESTIVAL D'AVIGNON THEATRE MODERNE

Avignon Off 2012 : Veuillez accepter, Madame, Monsieur, leur demande d’ajout à votre liste d’amis.

Renaud Cojo est un artiste singulier, différent. A côté mais «dans»… Il nous vient de la région de Bordeaux. De là-bas, mais surtout «d’ici et maintenant», dans un désir d’entrer autrement en relation avec le public. Depuis que nous avons rencontré son travail, nous apprenons à le connaître sur la scène et sur sa page Facebook, espace virtuel où il pose un regard décalé et bienveillant sur son environnement. En 2008, il nous avait agacés avec «Éléphant People», objet hybride mal positionné. En 2009, nous avons gardé une sincère admiration pour l’univers créatif qui se dégageait de «…Et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust“.  Pour le Festival Off d’Avignon, il nous revient avec un petit bijou d’inventions autour de la galaxie des réseaux sociaux sur internet («Plus tard, j’ai frémi au léger effet de reverbe sur I feel like a group of one (Suite Empire)». Nous ignorons de quoi était fait son biberon, mais il nous plait de penser qu’il garde de sa toute petite enfance, l’énergie pour créer un univers relationnel au profit du groupe.

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Face à nous,  une scène inclinée de verre recouvre des petites cases d’où regorgent des trésors. Métaphore du net? Romain Finart, artiste en fauteuil, peine à gravir cette pente. Est-il le seul? Qu’importe. Rien n’est insurmontable pour Renaud Cojo. Tel un cambrioleur avec sa ventouse, il ouvre petit à petit ces cases pour en extraire des objets prétextes à des histoires développées plus haut sur l’écran. La force de cette proposition est de nous inscrire en même temps, dans trois espaces. Le premier est vivant à travers trois comédiens sur le plateau (extraordinaires de vivacité). Le second est l’interview vidéo d’une «vieille» connaissance retrouvée grâce à Facebook qui sera recrutée par Renaud Cojo pour jouer sur scène (troublante Louise Rousseau). Le troisième est une série de reportages de recherches dans le cadre de sa création. À ces différentes mises en abyme, il convient d’ajouter une petite caméra qui circule dans les mains des comédiens, telle une webcam imaginaire pour capter ce que le cinéma ne peut pas (ne voudrait pas) filmer! Ainsi outillés, nos trois compères démontrent qu’il est possible d’humaniser les réseaux sociaux sur internet. Qu’il faut le goût de l’autre, un brin d’humour amoureux, la joie de jouer avec la puissance des mots et l’envie de prendre le risque de décaler toute situation! Pendant plus de soixante-quinze minutes, Suite Empire (avatar de Renaud Cojo) parcours un vrai marathon! Tel un bâtisseur, il reconstruit ce que nous abandonnons trop vite, par lassitude, par paresse. Il s’empare de l’internet pour se forger une image dans la relation avec les autres jusqu’à le conduire vers des projets somptueux pour une utopie joyeuse! Son spectacle est une «recette», une “méthode”  offerte aux spectateurs pour ne plus s’enfermer dans une pratique égocentrée de Facebook. Peu à peu, c’est un «empire» relationnel qu’il élève, faisant sacrément concurrence à tous les créatifs qui ne savent plus quel outil technologique inventer pour contourner la complexité de la relation humaine. Il ose même créer une autre toile «identitaire» impliquant un groupe de couturières («qui ne peuvent rien lui refuser») créant un réseau sous la forme d’un patchwork avec une série de T-shirts siglés et colorés achetés lors de ses voyages! Par la magie des fées couturières, le vêtement est une mémoire de l’évolution de nos identités?

Il n’y a aucun temps mort sur le plateau comme s’il y avait urgence à occuper le terrain: point d’agitation, mais une détermination à coudre, à en découdre avec les fils que l’on veut bien se tendre et tisser. Le mouvement nous emporte comme dans un opéra magique où le décor se construit à mesure que l’imaginaire prend le pouvoir pour nous rendre notre puissance évocatrice trop souvent confisquée. Et quand Louise chante «je ne t’aime pas», nous sommes quelques-uns à vouloir actionner «Like» sur l’écran tactile qui nous relie à cet incroyable réseau social!

Sachez que dans notre Festival imaginaire de Tadornes, notre doigt a le pouvoir de faire glisser le bouton «Off» vers le «In» ?

Sylvie Lefrere, Pascal Bély. Tadornes.

«Plus tard, j’ai frémi au léger effet de reverbe sur I feel like a group of one (Suite Empire)» de Renaud Cojo à la Manufacture d’Aviignon jusqu’au 27 juillet 2012, les jours pairs.