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EN COURS DE REFORMATAGE

A Aix en Provence, j’enterre «Peeping Tom».

 

Avec « Le sous-sol », le collectif Belge « Peeping Tom » s’incruste dans la terne programmation du Pavillon Noir, Centre Chorégraphique National d’Aix en Provence. Avec ce partenariat, « Les amis du Théâtre Populaire » auraient pu réussir l’exploit de bouleverser les lignes droites, de bouger les espaces bien définis de ce Centre qui protège son précarré, comme les Chinois surveillent leur flamme olympique. J’avais acheté mes billets à la FNAC où il était indiqué « 19h30 ». Mais « le spectacle commence à 20h30 » me dit avec dédain, l’ouvreur du Pavillon. Certes, mais le « 3bisF », lieu d’Art Contemporain situé à quelques centaines de mètres, programme à 21h, la Compagnie NÖ (une danse à partie d’un diptyque de cordes). Je comptais m’y rendre. Ce que j’avais cru comme une coordination entre les trois structures, n’en ai finalement pas une. Le modèle concurrentiel fait rage, même dans une toute petite ville de 140 000 habitants. Ces ?uvres auraient pu entrer en résonance à partir de passerelles qui suscitent l’imagination du spectateur et des artistes. Par paresse, on continue d’ériger des murs.
J’attends pendant près d’une heure. L’ouvreur pose sur les tables du bar, le journal culturel gratuit « Zibeline ». C’est tout de même étrange : une institution distribue un média dont le rôle serait précisément de dénoncer les aberrations citées plus haut ! Mais « Zibeline » est un « partenaire média » du Pavillon Noir. La boucle est bouclée. Dans ce contexte de filiation, où est la liberté de la presse ? Journalistes et structures culturelles sont quasiment consanguins. Toute proportion gardée, je repense aux leçons de démocratie que nous donnons à la Chine…
Je lis donc l’interview de « Zibeline » avec Sophie Joissains, 9ème adjointe à la Culture de la Mairie UMP d’Aix en Provence. Elle a appris la politique sous les jupes « panthérisées » de sa mère, magistrat de la ville depuis 2001. La République bananière n’est pas bien loin. Et qu’affirme-t-elle alors que débute son mandat ?
« La culture est sans doute un des domaines où les affaires sont le moins « politisées », c’est-à-dire partisanes. Les différences entre les politiques culturelles des villes ne correspondent pas aux couleurs politiques des mairies. Parfois, mais pas constamment, la gauche à tendance à saupoudrer les subventions, à confondre l’associatif social et le culturel, voire à faire du clientélisme – mais aucun parti n’est à l’abri de ces pratiques. Je reste attaché à une politique culturelle de projets, avec des normes de qualité visant à l’excellence, qui n’oublie pas de toucher un public large en gardant une politique tarifaire basse comme le Grand Théâtre de Provence ou le Pavillon Noir… ».
Traduisons : la culture n’est pas politique sauf avec la gauche. Quant à la droite, le langage du management des services fait office de pensée politique ! « Zibeline » retranscrit tels quels les propos sans chercher leur sens caché ! Qu’entend Mme Joissains par « normes », par « qualité » ? Que peut bien vouloir dire « politique culturelle de projets », si ce n’est d’encourager les acteurs à entrer en concurrence ? Qu’est-ce donc « l’excellence » appliquée à l’art ? C’est terrifiant. Voilà une jeune adjointe qui nous promet de gérer la culture comme elle le ferait avec un réseau de transport en commun ! Qu’elle ne s’inquiète pas trop : le Pavillon Noir semble déjà être un pôle d’excellence…

 

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C’est avec ces mots que j’entre dans le théâtre pour «Le sous-sol ». Me voilà six pieds sous terre. Ouf, je quitte le monde « normalisé » de l’UMP ! La scène, recouverte de terre, voit déambuler des morts-vivants où la notion d’âge n’a plus d’importance. Les ancêtres, aussi célèbres soient-ils, côtoient les anonymes sans passé, ni futur. Les vieux copulent longuement avec les jeunes. Les corps s’enlacent comme des vers de terre. Mais l’ensemble est lourd comme de la terre sous les pieds qui empêche d’avancer ! Il n’y a rien de nouveau et c’est ennuyeux. Si le contexte change, Peeping Tom n’invente rien. Les êtres s’articulent avec un modèle (la provocation, l’obscénité) qui fatigue à force de ne pas se renouveler. La danse se fait « boue » là où j’aurais aimé qu’elle soit langage ! Le sous-sol ne fait ni rêver, ni peur, car il ne se passe rien de transcendant. Je me surprends à regarder vers le haut du décor où un homme immobile s’appuie contre son arbre. J’étouffe d’ennui avec cette terre qui recycle du déjà vu (la folie chez Alain Platel dans « VSPRS », la vieillesse « rajeunie » chez Pina Bausch avec « Kontakthof »). Il n’y a rien de scandaleux dans cette proposition. Les « normes de qualité » sont respectées et « Le sous-sol » est un « projet » qui s’inscrit dans le désir « d’excellence » de l’UMP. Le public d’Aix en Provence ne s’y trompe pas en applaudissant chaleureusement la troupe.
Je quitte le Pavillon Noir ; je fais des liens comme pour mieux résister à la norme. En rentrant chez moi, je glisse un DVD de la série « Six Feet Under ». Chef d’?uvre télévisé où une famille de croque-morts nous accompagne vers l’au-delà avec humour noir, émotions et rebondissements.
Excellent.

Pascal Bély

www.festivalier.net

 

?????? « Le sous-sol » de Peeping Tom  a été joué le 25 avril  2008 au Pavillon Noir d’Aix en Provence dans le cadre de la programmation des “Amis du Théâtre populaire”.


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EN COURS DE REFORMATAGE

Robyn Orlin “naphtalise” notre Groland.

J’ai beaucoup ri. Je ne suis pas le seul. Le public du Théâtre de Cavaillon se lâche (un peu) lors de la dernière création de la chorégraphe sud-africaine Robyn Orlin, « Dressed to kill…killed to dress ». En parodiant les talk-shows (la télé est décidément partout sur scène en ce moment!), nous sommes spectateurs d’un défilé de mode d’un genre un peu particulier, mélangeant « Swankas » (ouvriers zoulous) et danseurs.

 

Tout commence par un concours un peu bête où le public tire au sort un numéro qui voit l’heureux élu (quand ce n’est pas un usurpateur !) se prêter à un cérémonial à la fois touchant et très décalé. Habillés de costumes où pas un seul pli ne part de travers, hommes et femmes consentent à une gestuelle très précise visant à nous montrer l’harmonie des couleurs entre une cravate et une chaussette, une chemise et un pantalon, une bague et une broche. Ils sont neuf à jouer au « bling – bling » dont deux blancs en animateur et gentil organisateur, ou pour le dire autrement, en juges et parties ! Quelques vidéos des coulisses et du contexte des participants se projettent sur le mur, pour nous inviter à aller au-delà des apparences. Ce que je fais, non sans difficulté. Progressivement, je me sens perdu dans cette mise en scène où mon attention cède lors du défilé pour se noyer dans les images d’un pays que je connais si peu. Robyn Orlin réussit, comme à son habitude, à brouiller les cartes, en interpellant le public dans sa posture. Incontestablement, nous sommes blancs et le contraste est saisissant entre la scène et nous. Le pouvoir semble toujours du même côté. Cette gestuelle, minutieuse, devient danse à mesure que la tension monte dans la salle : oui, nous rions, comme à la foire.
Mais Robyn Orlin n’en reste pas là. Elle opère ce qu’elle sait faire : dépasser les barrières, créer le mélange des genres, sortir du blanc, du noir, pour l’Arc en Ciel, transformer un défilé vertical en fête populaire ! Les voilà donc qui reviennent, ensemble, mélangés, comme une société démocratique, à retourner leurs vêtements, pour leur faire changer de fonction (un pantalon se mue en veste !), où les accessoires (serre-tête, ceintures) deviennent essentiels. Les corps évoluent comme des fresques vivantes, se métamorphosent en toile du peintre, défilent comme la pellicule du cinéaste. L’Afrique du Sud est palette tandis que le public du Théâtre de Cavaillon reste blanc. Étrange contraste! Je m’autorise alors quelques rapprochements entre Robyn Orlin et nous, qui finissent par produire un rire crispé. Notre société Française est décidément peu métissée dans les lieux culturels (et ailleurs), Sarkozy est toujours un « Swanka » bling – bling raté tandis que sa femme endosse son costume de Président.

Mon pays, coincé dans son corps social, se croit beau à porter des habits qui sentent bon la naphtaline.

C’est la ch’ti attitude, paraît-il.

 


Pascal Bély

www.festivalier.net


?????? « Dressed to kill…killed to dress » de Robyn Orlin a été joué le 31 mars 2008 au Théâtre de Cavaillon.


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Robyn Orlin sur le Tadorne:


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Emma Dante, à la vie, à la mort.

Emma Dante nous vient de Sicile et le Théâtre Universitaire Antoine Vitez d’Aix en Provence est quasiment complet pour deux pièces d’une heure chacune, surtitrées en dialecte parlemitain, « Mishelle di Sant’Oliva » et « Vita Mia ». Cette soirée autorise tous les liens entre ces deux chefs d’?uvre, comme si Emma Dante réparait avec un fil et une aiguille les cicatrices (familiales) d’une région, la Sicile, mais peut-être aussi celles des spectateurs d’autant plus que différentes générations composent ce public chaleureux.
« Mishelle di Sant’Oliva » met en scène deux hommes (un père et un fils) qui, dès la première image, rembobinent une pelote, métaphore d’un film familial en accéléré, d’un fil qui se tend et se détent et finit par céder. Dans « Vita Mia », c’est un lit que l’on tire, étire et c’est toute une famille (une mère et ses trois enfants) qui tangue entre la vie et la mort. La tension est permanente dans ce théâtre-là, ou le lien entre le spectateur et les personnages est comme un élastique, prêt à vous gifler chaque minute. Ce soir, Emma Dante créée entre la scène et nous, un espace métaphorique où nous pouvons jeter notre pelote et nous cacher sous le lit. Comme au temps de notre enfance où plier maladroitement le linge avec notre mère, et se planquer était des actes de résistance, une manière de jouer à la mort, à la vie. C’est dans cet espace que nous tissons une histoire avec le père, Gaetano, pour nous lier ensuite avec cette mère : dans les deux pièces, Emma Dante force notre écoute pour entendre toute la complexité du lien de filiation, d’un amour à mort. Elle nous offre deux faces d’une même médaille (le père, la mère) que nous ne cessons « habituellement » de retourner pour rechercher celle qui nous éclaire le plus loin.
Deux histoires où la vie et la mort s’entrechoquent, avec les masques de l’une pour vivre avec  le déguisement de l’autre. Deux contes où le spectateur fait partie de la famille : d’un côté, français, nous reconnaissons Mishelle, ex-danseuse à l’Olympia de Paris, mariée à Gaetano, mais qui n’est jamais revenue un soir où elle partait « travailler ». Elle laisse en héritage les trottoirs de Palerme à Salvatore, fils unique dans son genre et travesti la nuit. De l’autre, nous sommes pris à témoin par une mère qui se plaint des comportements déviants de ces trois enfants. Elle finit, épuisée, par devoir choisir celui qui va mourir pour se coucher sur le lit de mort. Ce sera le plus jeune, Gaspare, fou de vélo et qui nous fait tourner la tête à force d’arpenter la scène.
Dans ces deux pièces, l’histoire défile en accélérée où l’on joue à la mort pour vivre sa vie.
Où le collier de la disparue et le vélo du jeune dernier se plient et se déplient pour entremêler la mort dans la vie.
Où l’amour triomphe de tout pour éviter qu’un collier ne soit une corde pour se pendre, qu’un vélo ne soit un fauteuil d’handicapé de la vie pour ceux qui restent.
Avec ces objets « flottants », Emma Dante joue avec les rites religieux pour les transcender. Elle donne aux spectateurs toutes les ficelles pour délier les n?uds formés par notre culture judéo-chrétienne. C’est sublime parce qu’elle passe par le corps. Son théâtre est chorégraphique comme si les mots ne suffisaient plus pour voir la vie par la mort, pour comprendre qu’un homme travesti n’a plus rien à cacher, qu’un fils mort peut faire revivre une mère en la délestant de sa robe noire pour une tenue de soirée rouge.

Ce théâtre élargit tout ce que la religion réduit. Il redonne la vie aux morts pour s’en émanciper. Le dernier tableau, quasi mystique, provoque un silence religieux dans la salle : la mère est couchée, aux côtés de Gaspare sous un tissu blanc, pendant que les deux frères dorment sous le lit.
Emu, je vois ce lit comme le divan. J’ai la pelote entre les mains.


Pascal Bély
www.festivalier.net

 

?????? Mishelle di Sant’Oliva et “Vita mia” d’Emma Dante ont été joués le 31 mars 2008 au Théâtre Antoine Vitez d’Aix en Provence.

 

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Et vive le théâtre italien! A lire l’
article sur la dernière création de Pippo Delbono.



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PAS CONTENT

Loin du “bling bling” théâtral, le lycée Bellevue d’Albi et ses brillantes options.

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=ojB-BJDLONY&w=425&h=355]

Nos dirigeants semblent penser que l’éducation des jeunes français n’est pas une chose primordiale.
Chaque année les moyens attribués par l’Etat à nos établissements sont plus faibles.
Actuellement, devant la nécessité d’enseigner les matières obligatoires, dans des conditions toujours plus difficiles pour les enseignants comme pour les élèves, les moyens sont insuffisants pour maintenir les options facultatives dans notre lycée.
Ainsi dans l’état actuel des choses la section facultative des arts plastiques, l’option théâtre, le russe et l’italien LV3 vont être supprimés à la rentrée prochaine.
Nous avons réalisé deux vidéos qui doivent être diffusées le plus largement possible.
Nous faisons appel à vous pour faire passer le message à tout votre carnet d’adresses.
Il devient urgent que les français sachent dans quelle société ils vivent !

Les élèves du lycée Bellevue d’ALBI.