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EN COURS DE REFORMATAGE

Les nouveaux espaces des ?Rencontres à l’échelle? de Marseille.

Pour sa deuxième édition, le lieu d'expérimentations culturelles ?Les bancs publics? à Marseille nous propose ?Les Rencontres à l'échelle?. L'article publié sur leur site internet est un bijou d'intelligence et démontre une fois de plus la place prépondérante des artistes à nous montrer le chemin d'un nouveau paradigme. C'est donc bien un changement d'échelle que nous devons tous opérer. Les cadres de la Fonction Publique Territoriale présents à la formation ?Conduire un projet social complexe? que j'anime à l'ENACT de Montpellier ont trouvé dans les intentions de ce festival de quoi les conforter dans leur désir d'élargir leur horizon et de créer les articulations porteuses de sens et de communication entre leur institution, les groupes projet et les réseaux. Alain Touraine ne disait rien d'autre l'autre soir chez l'excellente émission de Fréderic Taddei sur France 3 (?Ce soir ou jamais?): ?il nous faut changer notre façon de penser le monde et nous donner collectivement un projet au lieu de se replier dans la peur de l'étranger?.  Le changement d'échelle est partout: non pour se perdre, mais pour retrouver notre goût de l'autre, de l'inconnu et de l'incertitude comme leviers de l'innovation. Ce festival est une opportunité pour nous ouvrir même si la petitesse de l'endroit et un public qui dépasse rarement une cinquantaine de personnes nous éloignent des grandes institutions culturelles, si rassurantes pour nous conforter dans nos schémas!
 

C'est donc Sofia Fitas, chorégraphe portugaise, qui déploie la passerelle vers de nouveaux territoires avec ?Expérimento 1?. De la scène surgit un corps penché en arrière, drapé de noir jusqu'au buste, telle une statue vacillante. Nous ne percevons pas son visage et son identité sexuelle est floue. Son corps est une surface de divagation où mon regard se perd entre le désir de lui donner forme et rêveries de le voir se transformer. Dans sa puissante verticalité, il cherche sa métamorphose. Le processus est sublime: aux extrémités, les doigts se prolongent comme des rhizomes de bambou et ses omoplates créent des espaces de connexion où je vois émerger de nouvelles formes corporelles. La statue de pierre devient plus liquide à mesure que la musique de Rui Miguel Leitao se fait chaos.  Le corps se libère alors de son enveloppe noire pour se mouvoir dans un espace horizontal. Désarticulé du vertical, il perd de sa puissance et ses mouvements cherchent un contenant que Sofia Sitas n'a pas encore trouvé. C'est une expérience prometteuse, car son territoire est en émergence. Les rendez-vous sont donc pris.


Il en va tout autrement avec ?Party time? d'Astrid Lefèvre. Elle recherche également un nouveau territoire entre chorégraphie et performance nommé ?danse ? réalité? en ?phase avec les marasmes de la société contemporaine?. Outre que l'on peut contester l'angle choisi (vouloir nous ouvrir et nous déprimer en même temps!), Astrid Lefèvre se perd dans ses déambulations où elle se transforme tour à tour en ?femme à paillettes?, ?femme à caniche?, ?femme fatale et opprimée? et ?femme libérée?. Les lignes blanches fluorescentes collées au sol, tel un labyrinthe, enferment le processus malgré l'excellente musique de 9th Cloud. C'est au prix de nombreuses contorsions avec ses vêtements qu'elle se métamorphose, mais elle est prisonnière de son dispositif. Au final, le propos artistique est en phase avec les intentions de créer un ?territoire d'expérimentations pour le corps de la performeuse qui éprouve alors le plan, la ligne, l'intersection?. Certes, mais pour le public? En est-il encore à éprouver de tels espaces rationalisés ? Depuis le temps que la danse tente de complexifier notre regard, à quoi cela sert-il de se remettre dans des cases aussi enfermantes? Est-ce cela le projet?

orpheline.gif L'installation ?Sans aplats? de la compagnie ?l'Orpheline est une épine dans le pied? proposée dans une des salles des ?bancs publics? laisse également perplexe. À partir des sacs quadrillés transportés par les immigrés entre le port de Marseille et les pays du Magrheb (dont Alger,destination choisie par les auteurs Julie Kretzchmar et Guillaume Quiquerez), nous sommes projetés dans un entre-deux, comme si nous faisions partie du voyage. Les spectateurs déambulent entre espaces visuels (images vidéo des salles d'attente des ports, interviews de voyageurs, ..) et ambiance sonore (une comédienne lit un texte tandis qu'une autre chante). Les sacs tapissent les murs, servent de parois entre les propositions, mais je cherche le fil conducteur. Je me sens très à distance avec ces sacs qui quittent peu leur fonction d'objet d'où leur difficulté, dans cet espace, à créer du lien entre les deux rives de la méditerranée. Pourtant, trois oeuvres remplissent cette fonction: une sculpture touchante à partir de sacs, un iMac qui retranscrit des SMS plutôt drôles entre l'Algérie et la France et une vidéo du rivage qui se projette du haut vers le bas par un jeu de miroir.
En changeant d'échelle, les auteurs aurait pu abattre les cloisons, ouvrir les espaces pour accueillir les immigrés du quartier et leurs familles (le public est si blanc ce soir?).
Nous aurions pu communiquer par sac interposé et créer l'?uvre de notre désir de vivre ensemble.
Pascal Bély
www.festivalier.net

 

?????? Sofia Fitas, ?Expérimento 1?.
?????? ?Sans aplats? de la compagnie ?l'Orpheline est une épine dans le pied? .
?????? ?Party time? d'Astrid Lefèvre.

ont été joués les 18 et 19 octobre 2007 aux “bancs publics” dans le cadre des “Rencontres à l’échelle”.
Le site des  “bancs publics“.