Catégories
EN COURS DE REFORMATAGE

After,Before, à La Scène Nationale de Cavaillon.

Before…
J’ai rendez-vous ce soir au Théâtre de Cavaillon pour faire la connaissance de Russell Maliphant, chorégraphe anglais, pour deux pièces de son répertoire : « Transmission » et « Push ».
Mais avant d’assister à ce spectacle si attendu, j’ai droit à un rituel : le discours introductif du Directeur, Jean-Michel Gremillet. Son postulat doit sûrement être le suivant : le public du théâtre ne lit pas les journaux, ne regarde pas la télévision et Daniel Mermet de France Inter est le philosophe des temps modernes. C’est à partir de ces hypothèses que le discours se structure : nous avons droit à une lecture partielle et partiale des négociations en cours sur le protocole d’indemnisations des intermittents. Nous ne savons rien du « jeu » sauf que le MEDEF bloque tout. Le public écoute, passif, à l’image d’une réunion d’un chef de service qui parlerait à la place de son équipe. Dans ce type de configuration, le public est coincé : son positionnement est celui d’un spectateur; or il est sollicité comme citoyen sans que le cadre lui permette de l’être. Inutile de préciser qu’intérieurement, je bouillonne. Ma timidité m’empêche de l’interpeller sur ce paradoxe et de lui poser quelques questions utiles : où sont les intermittents ce soir ? Combien travaillent pour la Scène Nationale de Cavaillon ? Qu’on-t-ils à nous dire ? Qu’attendent-ils de nous ? Que pouvons-nous créer ensemble pour faire entendre leurs revendications légitimes ? Comment pourrions-nous communiquer autrement que par lecture de communiqués réducteurs et lus dans la verticalité? Pourquoi le SYNDEAC (syndicat de directeurs), à travers un de ses membres,  parle-t-il au nom des salariés? Pourquoi, alors que nous sommes qualifiés en longueur d’édito dans « Chut » (la revue du théâtre) de "spectateurs citoyens", nous n’avons jamais la parole ?


Le spectacle s’apprête à commencer ; le directeur nous invite à signer la pétition du syndicat. C’est alors qu’un jeune spectateur pose sèchement la question : « Qu’est ce que le Syndeac ? ». Quelque peu gêné aux entournures, le Directeur répond en donnant la définition de cette structure pyramidale (la France manque d’imagination sauf  dans la création des   corporatismes rendant le dialogue social quelque peu figé). A côté de moi, deux spectateurs belges rencontrés aux Hivernales semblent se perdre dans ces nuances et me chuchotent à l’oreille : « Qu’est-ce qu’un intermittent ? ». Les bras m’en tombent…

After…
Quelque peu apaisé par Russell Maliphant, je quitte la salle en compagnie de Marie-José et Anne-Laure. Mes voisins belges me remercient chaleureusement de les avoir conseillé sur ce spectacle lors de notre rencontre hivernale du mois dernier. C’est alors qu’un dame d’une cinquantaine d’années nous interpelle sur  Maliphant : « Vous ne trouvez pas qu’il y a quelque chose d’étrange dans ce spectacle ? ». Je sens le piège… « N’avez-vous pas remarqué que c’est toujours l’homme qui soutient la femme. En tant que féministe, cela me gêne ». Les bras m’en tombent…

Nous sommes sur le parking. Marie-José revient sur le sujet…de cette femme : « Alors que nous parlions sexe dans la queue avant le spectacle avec cette dame… ». Nous éclatons de rire !

C’etait donc une chronique "After / Before". Pas de quoi en faire un spectacle (que Pascal Rambert se rassure…nous lui laissons la paternité  de sa pièce…) mais ce moment de vie me semble assez révélateur d’une société française quelque peu déboussolée.
Russel Maliphant a-t-il seulement ressenti que nous étions vieux ?

A lire, "Russell Maliphant, chorégraphe lumineux".